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Impact écotoxicologique des composés organiques présents dans les boues d’épuration valorisées par épandage sur les sols

agricoles

A. Ghanem1, J. Einhorn2, F. Laurent3, F. de Alencastro4, Y. Levi5, C. Jolivalt6, D. Patureau7 et C.

Mougin1

1INRA, Unité PESSAC Physico-chimie et Écotoxicologie des SolS d’Agrosystèmes Contaminés, RD 10, Route de Saint-Cyr, 78026 Versailles Cedex

2INRA, Unité Phytopharmacie et Médiateurs Chimiques, RD 10, Route de Saint-Cyr, 78026 Versailles Cedex 3INRA, UMR Xénobiotiques, 180 chemin de Tournefeuille, BP 3, 31931 Toulouse Cedex 9

4Institut des Sciences et Technologies de l'Environnement, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, CH-1015, Lausanne, Suisse

5Santé Publique et Environnement, Université Paris-Sud, Faculté de Pharmacie, 5 rue J.-B. Clément, 92290 Châtenay- Malabry

6Laboratoire de Synthèse sélective organique et produits naturels, École Nationale Supérieur de Chimie de Paris, 11 rue Pierre et Marie Curie, 75231 Paris Cedex 05

7INRA, Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement, Avenue des Étangs, 11100 Narbonne

Contexte

La valorisation des boues d’épuration par épandage sur les sols agricoles constitue une pratique de plus en plus répandue qui contribue à améliorer la qualité des sols sur le plan physique et chimique, et fournit des éléments nutritifs aux micro-organismes et végétaux. Toutefois, les boues peuvent contenir de nombreux contaminants chimiques et biologiques potentiellement bioactifs, et présenter de ce fait des risques écotoxicologiques et sanitaires. Depuis plusieurs décennies, l’épandage des boues est soumis à réglementation. Un projet de directive européenne va proposer de nouvelles valeurs limites pour sept métaux lourds dans les boues, ainsi que pour six familles de polluants organiques et un phtalate. Si la situation semble relativement contrôlée concernant les contaminants métalliques (faible nombre d’éléments) et biologiques (procédés d’hygiénisation des boues), les risques liés aux contaminants organiques restent peu connus.

Objectifs

Dans ce contexte, nos objectifs sont de déterminer les impacts écotoxicologiques sur l’écosystème sol, de composés connus comme ou suspectés d’être des perturbateurs endocriniens et apportés via les boues d’épuration contaminées. Nous développons des systèmes sol-plante-eau (cosmes) permettant d’expliciter le devenir (transformation et transfert vers les eaux de lixiviation et les végétaux) et de réaliser des tests écotoxicologiques sur des organismes du sol appartenant à différents niveaux écologiques (micro-organismes, végétaux, invertébrés) [1-3].

Matériels et méthodes

Différentes conditions de traitement du sol sont comparées. Pour les études concernant le devenir des contaminants organiques, apportés sous la forme de radiotraceurs, le sol seul traité par pulvérisation de polluants est considéré comme référence ; le sol amendé par les boues contaminées à des doses équivalentes à 6 ou 30 T MS/ha représente soit une situation agronomique, soit une situation de pire cas. Pour l’évaluation des impacts écotoxicologiques, le sol n’ayant reçu aucun traitement est considéré comme référence. Les cosmes sont incubés au laboratoire pendant 90 jours sous conditions de température, de lumière et d’humidité contrôlées. Des graines de blé et de radis sont semées dans tous les

cosmes. Des échantillons de sol sont prélevés pour les tests collemboles. L’estrogénicité des lixiviats est mesurée après leur obtention lors de la simulation d’un épisode pluvieux.

Résultats

Contamination des boues par les composés organiques

Nos campagnes de suivi ont révélé la présence du glyphosate et de l’AMPA, son métabolite majeur, à des doses de l’ordre de la ppm dans tous les échantillons de boues provenant de stations urbaines, ainsi que celle du diuron au niveau de la ppb. Le nonylphénol est quant à lui présent à des doses supérieures à celles préconisées dans la future norme (50 ppm). Les données de la littérature font état d’une contamination en hormones stéroïdiennes (naturelles ou de synthèse), en phtalates et HAPs de l’ordre de la ppb, et de la ppm.

Les teneurs en herbicides, notamment glyphosate et AMPA, sont les plus élevées dans les boues issues de STEP raccordées à des réseaux séparatifs. D’autre part, il n’a pas été possible de relier les teneurs des boues en herbicides à d’éventuelles périodes de traitement herbicide.

Devenir des polluants organiques dans les systèmes sol/boues

D’une façon générale, la minéralisation des contaminants organiques étudiés est ralentie lorsque ces composés sont apportés au sol via les boues, avec parfois apparition d’une phase de latence de la dégradation selon le type de boue (chaulée). Ceci peut être du à d’éventuels effets toxiques des composés déjà présents dans les boues, ou à l’apport excessif d’éléments nutritifs qui détournent l’activité des micro-organismes. Dans ces conditions, les extraits organiques de sol contiennent de fortes teneurs en composés chimiques non transformés. A l’inverse, l’apport par la boue stimule la minéralisation du 17β- œstradiol, ce qui serait dû à la présence dans la boue d’une microflore déjà adaptée à la biotransformation des hormones.

Nos résultats démontrent également que les composés organiques contenus dans les boues sont mobiles, et sont partiellement transférés dans les eaux de lixiviation et les végétaux.

Effet des boues sur les organismes et l’activité biologique du sol

Les boues, en l’absence de tout traitement par les composes organiques, stimulent ou sont sans effet sur l’activité de transformation de matière organique du sol (secs de litière). Les boues à forte dose sont légèrement inhibitrices, en raison de l’apport important de matière organique qui est une source de substrat. En présence des herbicides et nonylphénol, l’activité biologique est légèrement inférieure ou égale à celle du sol témoin. Le type de boue (brute, digérée…) influe sur l’activité biologique du sol.

L’analyse des profils d’acides gras phospholipidiques du sol montre souvent un développement fongique supérieur à celui des populations bactériennes. Nous n’avons pas observé d’effet toxique direct des contaminants ajoutés aux boues.

Effet des boues sur les performances de croissance des végétaux

Les résultats les plus significatifs ont été obtenus avec le blé. Des effets inhibiteurs sont notés sur la germination, effets qui dépendent du type de boue et de la présence de contaminants organiques, qui semblent exercer en mélange une certaine phytotoxicité. Toutefois, la croissance des plantules reste globalement stimulée par l’apport de boue. La boue séchée à forte dose conduit dans certains cas à une prolifération de filaments fongiques à la surface du sol.

Effet des boues sur les collemboles

La reproduction et la survie de Folsomia candida ne sont pas affectées par l’ajout des boues non contaminées, à faible dose. A l’inverse, la mortalité des collemboles augmente et le nombre de juvéniles diminue fortement à la forte dose de boues, en raison de la prolifération fongique (boue séchée) ou de l’alcalinité du milieu (boue chaulée). La présence des herbicides et du nonylphénol a un effet négatif sur la reproduction et la survie uniquement dans le cas de la boue séchée, aux deux doses d’application.

Estrogénicité des percolats

L’estrogénicité des percolats récoltés après 15 jours d’incubation des mélanges sols/boues a été mesurée sur des lignées cellulaires MELN. Seuls les percolats issus des cosmes incubés en présence de la boue séchée à forte dose ont révélé des effets oestrogéniques, et ce avec et sans ajout de polluants.

Conclusion

Dans ces différents programmes, nous avons montré que les boues renferment des polluants organiques préoccupants à des concentrations non négligeables. Leur persistance est réelle dans le sol, comme leur mobilité vers les eaux et les végétaux. Toutefois, l’écotoxicité des boues contaminées n’a pas pu être mise en évidence.

Références bibliographiques

[1] Ghanem et al., 2006. Environ. Chem. Letters 4,63-67. [2] Kollmann et al., 2003. J. Environ. Qual. 32,1269-1276. [3] Mougin et al., 2006. Environ. Chem. Letters (on line).

Les résultats présentés ont été acquis dans le cadre de plusieurs programmes soutenus par l’ADEME, l’INSU et la CEE. Les auteurs remercient tous les personnels qui se sont impliqués dans ces travaux.

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