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Utilisation durable du territoire : aménagement et mise en valeur durables

2. L’OCCUPATION ÉCOLOGIQUE D’UN TERRITOIRE

2.3 Gestion durable des écosystèmes

2.3.4 Utilisation durable du territoire : aménagement et mise en valeur durables

Les efforts de conservation sont de nos jours très orientés vers la protection de l’habitat des espèces rares afin d’assurer leur préservation; cependant, les bénéfices associés à la conservation des milieux plus dégradés, comme les milieux naturels en secteurs urbanisés ou en secteurs agricoles, sont souvent sous-estimés et les actions de conservation sont souvent moins tournées vers ces moyens de conservation (Pennington et autres, 2013). L’utilisation durable du territoire répond à cette problématique en contribuant à la préservation de la biodiversité, du fonctionnement des écosystèmes et des BSE en encadrant l’utilisation des milieux et de leurs ressources de manière à restreindre les impacts des activités humaines sur ce fonctionnement.

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L’utilisation durable se définit selon Limoges et ses collaborateurs comme « l’usage d’une ressource biologique ou d’un service écologique ne causant peu ou pas de préjudices à l’environnement ni d’atteintes significatives à la biodiversité » (Limoges et autres, 2013, p. 24). Ce moyen de conservation est donc moins restreignant que la protection puisqu’il permet différents degrés d’activités humaines, principalement en lien avec le prélèvement des ressources et l’utilisation des services écologiques fournis par le milieu. Par exemple, l’établissement de quotas de chasse pour une espèce animale est un exemple d’utilisation durable puisqu’il s’agit d’un moyen de restreindre le prélèvement et donc de respecter le renouvellement de la ressource, dans ce cas-ci la ressource animale, tout en permettant une certaine utilisation.

L’utilisation durable peut prendre deux formes différentes : l’aménagement durable et la mise en valeur durable. Ces deux types d’utilisation durable diffèrent principalement par l’objectif qu’ils poursuivent et le type d’interventions qu’ils permettent. L’aménagement durable correspond selon Limoges et ses collaborateurs à :

« un ensemble d’interventions sur l’écosystème visant à maintenir ou à augmenter la productivité de ressources biologiques ou d’autres services écologiques et ne causant pas ou peu de préjudice à l’environnement ni d’atteinte significative à la biodiversité, conformément aux principes de développement durable. » (Limoges et autres, 2013, p. 25).

Ce moyen vise le maintien et même l’augmentation de la productivité des milieux naturels afin de bénéficier de l’exploitation de leurs ressources sans nuire à la biodiversité, au fonctionnement ou à la durabilité de l’écosystème. L’aménagement durable concerne par exemple les actions de gestion durable liées à l’aménagement des territoires agricoles ou forestiers dont les ressources biologiques sont en partie prélevées. Cependant, ce prélèvement doit respecter la capacité de renouvellement de la ressource pour que l’intervention soit considérée comme de l’aménagement durable, en plus d’éviter de causer un déclin significatif de la biodiversité ou des fonctions de l’écosystème par les effets indirects de cet aménagement. (Limoges et autres, 2013)

La mise en valeur durable correspond, toujours selon Limoges et ses collaborateurs, à :

« un ensemble d’interventions visant à favoriser l’utilisation durable d’un écosystème ou d’une ressource biologique ne causant pas ou peu de préjudice à l’environnement ni d’atteinte significative à la biodiversité, conformément aux principes de développement durable. » (Limoges et autres, 2013, p. 25).

Elle vise plutôt l’utilisation des milieux naturels de manière durable, sans nécessairement toucher directement à l’exploitation des ressources naturelles produites par ses milieux. Ainsi, la mise en valeur durable peut inclure des activités de prélèvement, comme le prélèvement des produits non ligneux dans une forêt, ou pas. La mise en valeur durable peut prendre diverses formes concrètement, comme la mise en valeur in situ d’un site naturel d’un point de vue récréotouristique par l’aménagement de sentiers qui évitent les zones sensibles du milieu associé à des actions de sensibilisation et d’éducation. Au-delà des actions à visée récréative et éducative, la mise en valeur durable peut aussi prendre la forme d’actions

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économiques, spirituelles ou culturelles. Ainsi, l’utilisation durable se met concrètement en place par une planification écologique qui permet d’aménager et de mettre en valeur un territoire et ses milieux de manière durable sur la base de ses caractéristiques intrinsèques, c’est-à-dire ses composantes et leurs relations, ses processus et ses fonctions émergentes. (Limoges et autres, 2013)

Comme dans le cas de la protection des milieux naturels et de la biodiversité, l’utilisation durable doit respecter certains principes pour être efficace et permettre de contribuer à l’atteinte de la finalité. Globalement, ces principes rejoignent ceux décrits pour la conservation de manière générale et même pour la protection; ils ne seront donc pas décrits en détail ici, mais plutôt mentionnés à nouveau et précisés lorsque c'est nécessaire. De plus, les principes de conservation décrits précédemment s’appliquent tous à l’utilisation durable, même si seuls les plus importants sont mentionnés à nouveau.

D’abord, l’utilisation doit absolument respecter la capacité de charge des écosystèmes visés puisque c’est la base du maintien du fonctionnement de l’écosystème et de sa durabilité, c’est-à-dire les buts visés par l’utilisation durable malgré les activités qu’elle permet. Ce respect de la capacité de charge passe entre autres par le respect des seuils écologiques; par exemple, les quotas de chasse mentionnés en exemple précédemment pourraient être définis de manière à assurer le respect des seuils écologiques pour l’espèce animale visée, alors que les sentiers d’observation pourraient être aménagés de manière à maintenir une superficie de territoire non fragmenté suffisante au maintien de certaines composantes et fonctions du milieu sur la base des seuils écologiques.

Le respect des principes de développement durable est aussi très important, entre autres en ce qui concerne l’intégration des préoccupations socioéconomiques puisque ces intérêts peuvent grandement influencer les actions d’aménagement posées. Leur prise en compte favorise donc la mise en place de situations qui conviennent aux parties prenantes désirant utiliser les milieux, tout en respectant aussi le besoin de préservation de ces milieux et de leur fonctionnement global. L’approche par services d’écosystèmes est par exemple une approche concrète permettant de rallier les visées écologiques de préservation du milieu en soi aux visées socioéconomiques liées à l’utilisation des milieux pour les BSE qu’ils fournissent (WRI, 2008). Ce cadre décisionnel comprend différents principes et diverses étapes, mais, de manière générale, il se fonde sur l’utilisation des BSE comme base dans les décisions publiques et privées qui touchent à la mise en place de projets ou d’actions qui pourraient affecter les milieux naturels et les BSE qu’ils fournissent (WRI, 2008). Ainsi, cette méthode rallie les préoccupations purement écologiques aux intérêts socioéconomiques de la population et des autres parties prenantes en évaluant la valeur des BSE associés aux écosystèmes visés dans leur état actuel, en évaluant l’effet des actions ou projets à l’étude sur l’intégrité structurelle et fonctionnelle de ces milieux, en élaborant différents scénarios qui incluent la mise en place de politiques, de stratégies et d’autres interventions et en menant à une décision sur la base de ces évaluations (WRI, 2008). Bien que les outils associés à cette méthode soient encore aux premiers stades de leur développement, les principes de base sont intéressants. De plus, ce type d’analyse peut aussi tenir compte, en plus des analyses objectives et

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quantitatives, des valeurs sociétales dans le choix des compromis acceptables entre l’appropriation des services écologiques pour maintenir le bien-être humain et ses effets sur le fonctionnement global de l’écosystème et sa durabilité (DeFries et autres, 2004).

Enfin, l’utilisation durable, comme la conservation en général et la protection spécifique, doit faire l’objet d’un suivi de l’état de l’écosystème afin de permettre la mise en place de correctifs et l’acquisition de nouvelles connaissances qui permettent d’améliorer les actions de gestion durable dans le futur.

Pour conclure, l’utilisation est un moyen de conservation à prioriser dans les cas où des activités humaines doivent être pratiquées dans les milieux naturels, qu’elles incluent du prélèvement de ressources biologiques ou pas. Ce moyen doit cependant respecter certains principes pour favoriser la préservation de la biodiversité et le maintien des BSE, y compris le respect de la capacité de charge et des seuils écologiques.