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L’aménagement du territoire au niveau des municipalités régionales de comté au Québec

3. LIGNES DIRECTRICES ET PROCESSUS D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE AU QUÉBEC

3.3 L’aménagement du territoire au niveau des municipalités régionales de comté au Québec

Bien que le gouvernement provincial soit le principal responsable de l’aménagement du territoire québécois, son rôle consiste principalement à émettre des orientations, à guider les paliers inférieurs et donner son avis sur la conformité des différents documents à ces orientations. Cependant, ce sont les intervenants régionaux et locaux qui sont responsables de la planification plus concrète de l’aménagement et l’organisation spatiale du territoire. Cette section présente donc les responsabilités de

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l’instance régionale impliquée dans l’aménagement du territoire, la MRC, et son principal instrument, le schéma d’aménagement et de développement.

3.3.1 Compétences et responsabilités des municipalités régionales de comté

Les MRC ont été créées au moment de l’adoption de la LAU. En effet, c’est en 1979 que les MRC ont vu le jour; elles marquaient alors le début d’un grand changement dans le processus d’aménagement du territoire au Québec. Les MRC regroupent toutes les municipalités urbaines et rurales d’un territoire, qu’elles soient régies par le Code municipal du Québec ou par la LCV. Comme l’aménagement du territoire peut facilement déborder des limites administratives et du champ de compétences des municipalités locales et ainsi engendrer des problématiques importantes, les MRC ont été créées afin de répondre au besoin grandissant de concertation et de collaboration régionale dans l’aménagement du territoire en guidant et en soutenant ces municipalités dans leur démarche. (Direction générale de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, 1987; MAMOT, 2009)

Les compétences de la MRC proviennent de trois sources principales : les pouvoirs qu’avaient anciennement les corporations de comté établies en 1855 au moment de la mise en place des premières institutions municipales, les pouvoirs obtenus par l’adoption de la LAU en 1979 et les pouvoirs conférés par d’autres lois. Lors de leur mise en place, les MRC ont effectivement repris les pouvoirs des corporations de comté, c’est-à-dire ceux qui concernent les chemins, les ponts et les cours d’eau de comté, les bureaux d’enregistrement, l’évaluation foncière, la promotion industrielle, commerciale ou touristique, les ventes pour taxes et d’autres ainsi que ceux obtenus par délégation de compétences relatives aux biens, services et travaux. À ces pouvoirs se sont cependant ajoutés ceux conférés par la LAU, c’est-à-dire l’élaboration et l’adoption d’un schéma d’aménagement et de développement, l’application des mesures de contrôle intérimaire pendant l’élaboration, la modification ou la révision d’un SAD, l’application de la règle de conformité au SAD ou à un Règlement de contrôle intérimaire (RCI) à l’égard des plans et règlements d’urbanisme et à l’égard des interventions gouvernementales ainsi que la délivrance d’un avis sur l’opportunité de tout règlement d’emprunt municipal portant sur l’exécution de travaux publics, compte tenu du SAD et des mesures de contrôle intérimaire. En ce qui concerne les pouvoirs obtenus par d’autres lois, ils sont très variés et vont de l’élaboration d’un plan de gestion des matières résiduelles aux schémas de couverture de risques et de sécurité civile (Direction générale de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, 1987; MAMOT, 2009).

Les MRC détiennent donc un rôle majeur dans le processus d’aménagement du territoire du Québec, particulièrement dans sa dimension régionale. Dès leur mise en place, les MRC ont reçu la responsabilité d’élaborer et adopter un schéma d’aménagement, ce qui a été fait dans la majorité des cas avant 1986 (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme). En effet, l’adoption et le maintien d’un schéma d’aménagement et de développement applicable à l’ensemble de son territoire représentent la première compétence obligatoire d’une MRC selon l’article 3 de la LAU (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme). À cette obligation d’adoption et de maintien s’ajoute aussi l’obligation de réviser ce schéma au maximum cinq ans

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après son entrée en vigueur et l’application de la règle de conformité qui sera présentée plus loin dans cette section (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme). Dans les faits, les MRC révisent cependant plutôt leur schéma à un intervalle de sept à douze ans en moyenne (MAMOT, 2010c). La LAU leur accorde aussi plusieurs compétences facultatives, comme la modification du SAD en tout temps, l’application de mesures de contrôle intérimaire pendant la modification ou la révision du SAD, l’adoption de plans relatifs au développement du territoire qui présentent entre autres les obligations des municipalités et la réglementation sur la plantation et l’abattage d’arbres (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme).

3.3.2 Le schéma d’aménagement et de développement

La LAU oblige les MRC à élaborer et adopter un schéma d’aménagement et de développement et donc d’avoir un schéma d’aménagement et de développement en vigueur à tout moment. Les premiers schémas d’aménagement et de développement ont été adoptés dans les années suivant l’adoption de la LAU. Les MRC ont eu besoin de plusieurs années afin d’élaborer leur premier SAD. En effet, plusieurs études et plusieurs séances d’information, de concertation, de consultation des citoyens et des intervenants du milieu et de prise de décisions ont été nécessaires avant de permettre la rédaction d’un SAD complet. À la suite de l’adoption des premiers SAD, des ajustements importants ont dû être mis en place dans les pratiques du gouvernement et des intervenants municipaux qui étaient surtout basées sur un contrôle réglementaire jusque-là. Dès leur mise en place, les SAD ont favorisé une meilleure harmonisation des politiques d’aménagement entre le gouvernement et les municipalités tout en établissant un partage des responsabilités entre la MRC et les municipalités présentes sur son territoire. Dans les années 1980, un processus de révision des SAD a été instauré, faisant entre autres suite à la parution du document Aménager l’avenir : constats des modifications ayant affecté le contexte socioéconomique du Québec au cours des années 70 qui présentait de nombreux constats sur l’aménagement et l’urbanisation, dont le fait que l’urbanisation n’était pas maîtrisée, que l’intégration du développement durable était un défi important qui nécessite la concertation et la conjugaison des efforts et que le contexte de mondialisation nécessitait une réflexion sur le développement économique. De nos jours, la grande majorité des MRC du Québec ont donc un SADR en vigueur (MAMOT, 2010c). (MAMOT, 1994)

Le rôle du SAD est triple. Son rôle principal en est un de planification et de coordination de l’organisation physique du territoire de la MRC qui le produit puisqu’il présente la vision régionale et les intentions en aménagement du territoire (MAMOT, 2010d). Il permet en effet de coordonner les différentes interventions d’organisation du territoire, de gestion de l’environnement et de développement économique, social et culturel du territoire. Le contenu obligatoire du SAD, tel qu’énoncé par la LAU, concerne d’ailleurs principalement ce rôle de planification et de coordination des actions en aménagement du territoire. Parmi les éléments de ce contenu obligatoire, d’ailleurs présenté de manière exhaustive à l’annexe 5, se retrouvent la détermination des grandes orientations d’aménagement et des grandes affectations pour le territoire de la MRC, la détermination des zones soumises à des contraintes pour l’occupation du sol, la détermination des secteurs possédant un intérêt historique, culturel, esthétique ou écologique ainsi que la

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détermination de la localisation des infrastructures et des équipements intermunicipaux et gouvernementaux (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme; MAMOT, 2009). Quant au contenu facultatif selon la LAU, aussi présenté en entier à l’annexe 6, il inclut entre autres la priorisation de secteurs pour l’aménagement ou le réaménagement, la détermination de densités approximatives d’occupation pour les différents secteurs, la détermination d’affectations du sol ayant un intérêt pour la MRC et la détermination d’orientations favorisant l'aménagement durable de la forêt privée (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme).

En ce qui concerne la gestion durable des milieux naturels ou des écosystèmes, certains éléments de contenu du SAD favorisent directement une telle gestion, alors que d’autres offrent plutôt une possibilité. Par exemple, l’obligation de déterminer de grandes orientations pour le territoire offre la possibilité d’inclure la perspective de développement durable dans l’aménagement du territoire ou de mentionner l’importance de la préservation des milieux naturels ou plus globalement de l’environnement naturel, alors que l’obligation d’identifier les secteurs présentant des contraintes ou encore à vocation particulière représente un élément qui oblige les MRC à tenir compte des contraintes environnementales et des secteurs d’intérêt écologique, bien que la profondeur de cette prise en compte soit laissée au choix des MRC selon leur vision globale. Les deux autres rôles du SAD sont ceux de connaissance, c’est-à-dire l’information des élus et des citoyens sur les problèmes, les besoins et les principales caractéristiques du territoire régional, et de concertation par la dimension de concertation et de consultation. Un quatrième rôle pourrait aussi être ajouté à cette liste : celui d’outil de mise en œuvre. Le SAD doit en effet être accompagné d’un document complémentaire qui énonce les obligations et les règles que doivent suivre les municipalités locales dans la production de leur plan et leurs règlements d’urbanisme ainsi que d’un plan d’action qui indique les différentes étapes de mise en œuvre du schéma, les organismes impliqués dans ces étapes et les moyens prévus pour permettre et coordonner la mise en place des actions (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme).

En ce qui concerne plus particulièrement le processus de révision et de modification du SAD, certains points sont importants à mentionner. D’abord, les modifications sont possibles, mais elles doivent passer par l’adoption d’un projet de règlement sur lequel tout organisme peut donner son avis pendant 45 jours et pour lequel une assemblée publique doit être tenue, puis par l’adoption d’un règlement sur lequel le ministre doit donner son avis pour assurer la conformité aux orientations gouvernementales. Le ministre peut en effet déclarer que les modifications ne sont pas conformes aux orientations; dans ce cas, de nouvelles modifications doivent être effectuées. La conformité du SAD aux orientations gouvernementales est un élément majeur puisqu’aucun SAD ne devrait être adopté s’il est en contradiction avec une ou des orientations gouvernementales ou si certains éléments ne sont pas cohérents avec ces orientations. La révision des SAD, quant à elle, est obligatoire tous les cinq ans et elle nécessite elle aussi un avis du ministre sur la conformité aux orientations gouvernementales et une consultation publique. Globalement, l’élaboration des SAD inclut donc une possibilité pour les acteurs du milieu d’émettre leur opinion sur l’aménagement du territoire régional, ce qui va dans le sens d’une gestion durable. Cependant, la profondeur de cette consultation reste variable puisque bien que l’élaboration d’un document résumant les

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modalités et conclusions de la consultation soit obligatoire, la prise en compte de ces conclusions dans leur ensemble n’est pas obligatoire (UPA, s.d.). (Loi sur l'aménagement et l'urbanisme)

Bien sûr, le SAD a un impact important sur les interventions et les orientations locales en aménagement du territoire puisque les municipalités régionales de comté ont aussi l’obligation de vérifier la conformité des PU des municipalités présentes sur leur territoire ainsi que les règlements d’urbanisme de ces mêmes municipalités. Lors de l’élaboration, de la révision ou lorsque des modifications sont apportées au PU d’une municipalité ou des règlements d’urbanisme, la MRC doit effectuer une vérification à savoir si tout est conforme au schéma d’aménagement qu’ils ont rédigé auparavant. De plus, lorsqu’une MRC apporte des modifications à son SAD, elle doit élaborer un document qui présente la nature des modifications du schéma d’aménagement et de développement et indique les changements que les municipalités doivent effectuer à leurs plans d’urbanisme et aux divers règlements municipaux afin qu’ils soient conformes à celui-ci. Globalement, le PU d’une municipalité peut donc être plus strict ou plus sévère que le SAD dans un domaine, par exemple en ce qui concerne la gestion des milieux naturels, mais il ne peut pas l’être moins.

Ainsi, le schéma d’aménagement et d’urbanisme est donc l’instrument principal des MRC pour planifier l’aménagement du territoire à un niveau régional, faire part de la vision globale et stratégique de cet aménagement, coordonner les interventions et assurer leur cohérence, permettre la concertation des intervenants gouvernementaux, municipaux et autres de ce domaine et consulter les citoyens et organismes du territoire au sujet de cet aménagement. Plus précisément, cet instrument permet d’inclure des orientations claires en matière de gestion durable des écosystèmes, tant en termes de priorisation de certains types de gestion, comme la conservation par la protection et l'utilisation durable, la restauration et d’autres, que d’identification des composantes des écosystèmes et des BSE à valoriser. Le SAD permet aussi aux MRC de mettre de l’avant certains principes ou objectifs à privilégier, ce qui touche au respect de la capacité de support ou à d’autres principes de ce type. Ces possibilités sont très importantes en lien avec l’écologisation des plans d’urbanisme puisque les municipalités sont liées par ce schéma; elles sont dans l’obligation d’inclure les éléments du SAD dans leur PU. Les municipalités sont donc attachées obligatoirement au contenu du schéma d’aménagement de la MRC où elles se trouvent.