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Conclusion générale de la Partie

5. Utilisation de la chaleur en rivière comme traceur des écoulements

5.1.3. Utilisation de mesures distribuées de température en rivière

Le développement et l’application de la technologie DTS en rivière ont permis de complètement repenser l’utilisation de la chaleur comme outil de caractérisation des échanges nappe/rivière. La mesure distribuée de la température sur de longues distances de câble a conduit à envisager une caractérisation des processus à une toute nouvelle échelle spatiale. Les mesures DTS offrent la possibilité de caractériser de manière distribuée et à haute résolution ces flux à l’échelle d’un tronçon de rivière, voire d’un petit bassin versant, ouvrant sur de nouvelles perspectives et un fort potentiel en matière de caractérisation des processus (Selker, Thevenaz, et al., 2006; Selker, van de Giesen, et al., 2006; Shanafield et al., 2018).

L’efficacité du déploiement de câbles de fibre optique au fond des rivières, en les posant à l’interface eau-sédiments, pour localiser les arrivées d’eau souterraine a ainsi largement été démontrée par de nombreuses applications (Briggs, Lautz, & McKenzie, 2012; Hoes et al., 2009; Krause et al., 2012; Kurth et al., 2015; Mwakanyamale et al., 2013; Rosenberry et al., 2016; Selker, Thevenaz, et al., 2006; Selker, van de Giesen, et al., 2006; Westhoff et al., 2007). La mesure distribuée de la température à grande échelle permet d’identifier et de localiser précisément des anomalies de température pouvant être associées à des exfiltrations d’eau souterraine conduisant à la caractérisation spatiale et à la cartographie de ces arrivées d’eau. Appliquée à différentes périodes de l’année, cette approche a également permis de caractériser les variations saisonnières des apports d’eau souterraine (Matheswaran et al., 2014; Sebok et al., 2013; Slater et al., 2010).

168 Il est intéressant de noter ici que la détection d’anomalies thermiques peut également être réalisée de manière distribuée grâce à des techniques d’Imagerie Infrarouge Thermique (IRT) qui permettent de mesurer la température de la surface de la rivière. Elles permettent notamment d’investiguer de grandes surfaces (jusqu’à plusieurs kilomètres) et sont particulièrement efficaces pour suivre les contrastes de température en rivière (Torgersen et al., 2001).

Dans tous les cas, que les approches utilisent les technologies DTS ou IRT ou même des mesures ponctuelles de température, la méthode requiert des arrivées d’eau assez importantes pour pouvoir induire une différence de température significative dans la rivière, ce qui limite globalement son application pour de petits cours d’eau et/ou de fortes arrivées d’eau très localisées. Plus précisément, la principale difficulté ici repose sur le fait que le signal de température de la nappe se retrouve « perdu » ou diffus dans le débit de la rivière sans possibilité de le détecter. Pour palier cela, certaines études ont montré qu’il était possible d’enfouir le câble de fibre optique dans les sédiments du cours d’eau (Henderson et al., 2009; Krause et al., 2012; Le Lay et al., 2019; Lowry et al., 2007), ce qui permet de considérablement augmenter la possibilité de localiser des arrivées d’eau.

Même si cette approche permet d’identifier efficacement les arrivées d’eau souterraine, la quantification des flux reste très limitée et sujette à de fortes incertitudes.

 L’utilisation d’un modèle thermique basé sur les équations de conservation de masse et d’énergie (Briggs, Lautz, & McKenzie, 2012; Selker, van de Giesen, et al., 2006; Westhoff et al., 2011) est tout à fait envisageable pour quantifier les arrivées d’eau, mais cela nécessite de larges différences de température, limitant fortement l’applicabilité de cette approche.

 Ensuite, les mesures de température peuvent être couplées avec d’autres méthodes comme celles par exemple des seepage meters (Rosenberry et al., 2016; Sebok et al., 2013), des profils verticaux de température (Le Lay et al., 2019b; Rosenberry et al., 2016; Sebok et al., 2013), des mesures géophysiques (Slater et al., 2010) ou encore des mesures de gradient hydraulique vertical (Krause et al., 2012). Cette multi-approche, aussi efficace soit-elle, pose la question de la variabilité spatiale des écoulements. En effet, coupler les mesures DTS avec d’autres méthodes ne permet pas d’obtenir une quantification distribuée des flux tout au long du câble puisque les méthodes conventionnelles utilisées en complément n’ont pas un échantillonnage spatial aussi précis que celui du système DTS. De surcroît, même si une extrapolation des résultats est possible pour avoir une quantification distribuée, cela augmente nécessairement les incertitudes sur l’estimation.

Volet 2 - Introduction

169  Enfin, il est possible d’envisager une interprétation des mesures DTS avec les mêmes outils analytiques et numériques que ceux utilisés pour interpréter les profils verticaux de température (Goto et al., 2005; Hatch et al., 2006; Munz & Schmidt, 2017) basés sur l’étude de la propagation des variations naturelles de température de la rivière en profondeur. Mamer & Lowry (2013) ont montré le potentiel de cette approche par des mesures en banc expérimental. Comme le montre la Figure ii-15, en déployant deux câbles de fibre optique à différentes profondeurs, ils ont été capables d’estimer les flux verticaux à partir des ratios de l’amplitude (Hatch et al., 2006) calculés tout au long des deux câbles de fibre optique. Cette approche prometteuse pourrait permettre d’estimer aussi bien les flux ascendants que les flux descendants. Cependant, l’enfouissement de deux câbles de fibre optique à différentes profondeurs dans les sédiments de la rivière pose des difficultés techniques évidentes. Étant donné qu’au moins deux mesures à différentes profondeurs doivent être connues, Le Lay et al. (2019b) ont proposé de coupler les mesures DTS à des capteurs ponctuels installés à l’interface eau/sédiments, faisant ainsi les hypothèses que la température à l’interface eau- sédiments était homogène à l’échelle du tronçon de rivière étudié et que la profondeur d’enfouissement du câble était constante. Ils ont ainsi démontré que l’approche était efficace malgré de fortes incertitudes liées à ces hypothèses sous-jacentes à l’application du modèle analytique.

Figure ii-15. En mesurant la température distribuée à deux profondeurs, il peut possible de suivre les différences distribuées de température enregistrées entre les deux câbles de fibre optique et d’en déduire des vitesses d’écoulement [d’après Mamer & Lowry (2013)].

170  De plus, une quantification distribuée des flux à partir de l’analyse de la propagation du signal de température en profondeur pose également la question de l’estimation de la conductivité thermique des sédiments et de sa variabilité. Avec les flux, la conductivité thermique est le paramètre qui influence le plus la propagation de chaleur dans les sédiments. Bien que la gamme des conductivités thermiques rencontrées dans des sédiments des rivières soit relativement restreinte (Stauffer et al., 2013), des variations de conductivité thermique peuvent avoir un impact significatif sur la propagation de chaleur, comme l’ont montré Briggs et al. (2014). Or, l’hypothèse de fortes variations spatiales de conductivité thermique est plus que plausible au vu de la variabilité des sédiments généralement rencontrés dans les cours d’eau. Cet aspect n’a pas été abordé par Le Lay et al. (2019b) mais il serait intéressant de discuter de l’impact des variations spatiales de conductivité thermique sur l’estimation distribuée des flux.