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Conclusion générale de la Partie

3. Dynamique des échanges nappe/rivière

3.2. Dynamique spatiale des interactions nappe/rivière

3.2.2. Le sens des écoulements sous contrôle de la topographie

Comme le suggère la Figure ii-3, la topographie est donc l’un des facteurs majeurs contrôlant la variabilité spatiale des échanges nappe/rivière. Les gradients topographiques contrôlent les chemins d’écoulement depuis le lit de la rivière jusqu’à l’échelle régionale (Wörman et al., 2007).

3.2.2.1. Topographie à l’échelle du bassin versant ou à l’échelle régionale

Les arrivées d’eau souterraine sont avant tout contrôlées par les écoulements régionaux dans les aquifères. Il est en effet important de garder à l’esprit que les rivières, et les eaux surfaciques plus généralement, sont les exutoires des nappes. La topographie des bassins versants jouent un rôle majeur dans ces écoulements en contrôlant les écoulements souterrains depuis les hauts topographiques jusqu’aux bas topographiques. D’un point de vue conceptuel, le réseau hydrographique apparaît à cette échelle comme un réseau de drainage des eaux souterraines (Balleau, 1988; Flipo et al., 2014; Harvey & Gooseff, 2015; Pinder & Sauer,

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145 1971; Tóth, 1963) où les grandes structures hydrogéologiques sont orientées vers les plaines alluviales et leurs rivières.

Depuis les zones de recharge jusqu’à leur exutoire, les eaux s’écoulent donc dans le domaine souterrain. Sur ce principe, Tóth (1963) a défini trois niveaux d’écoulement dans les aquifères en fonction de la distance entre la zone de recharge et la zone de décharge comme le montre la Figure ii-4a : des écoulements locaux, qui ont lieu lorsque les zones de recharge sont proches des zones d’exfiltration et des écoulements intermédiaires et régionaux, qui ont lieu lorsque la distance entre la zone de recharge et la zone d’exfiltration augmente. Ces différents niveaux d’écoulement influencent directement le temps de résidence des eaux dans le compartiment souterrain comme le montre la Figure ii-4b, et donc indirectement la chimie de l’eau.

Figure ii-4. Effet de la topographie du bassin versant sur les écoulements souterrains. a. Selon la topographie, les eaux circulent dans le domaine souterrain à trois niveaux : local, intermédiaire et régional [modifié d’après Tóth (1963)] ; b. d’un autre point de vue, la position de la zone de recharge sur le bassin versant, en lien direct avec la topographie, conditionne également le temps des résidences des eaux dans le domaine souterrain [modifié d’après Winter et al. (1998)]

146 Ainsi, la forme générale du bassin versant et les variations de topographie entre sa crête et son exutoire vont avoir une répercussion directe sur les écoulements et donc sur les interactions nappe/rivière (Freeze, 1974; Freeze & Cherry, 1979; Harvey & Bencala, 1993; Sophocleous, 2002; Tóth, 1963; Winter, 2007). Il est donc possible de relier les niveaux d’écoulement dans le domaine souterrain et la topographie des bassins versants. Ainsi, les systèmes d’écoulements locaux prédominent les échanges dans les zones de fort relief et sont généralement connectés à des petites rivières, des zones humides ou encore de petits étangs. Au contraire, les écoulements dans les zones de faibles variations topographiques, comme les plaines ou les bassins sédimentaires, sont majoritairement dominés par des systèmes d’écoulement intermédiaires ou régionaux, connectés à des fleuves, des océans ou des lacs (Sophocleous, 2002).

À l’échelle du bassin versant, cela implique une véritable dynamique spatiale et des comportements différents bien marqués entre l’amont et l’aval (Winter, 2007). En amont, au niveau des têtes de bassin versant, les forts reliefs induisent des gradients hydrauliques importants et les écoulements sont majoritairement locaux. Les faibles surfaces drainées font que les apports d’eau souterraine contribuent largement au débit de la rivière, comparés aux apports par ruissellement ou aux écoulements de subsurface. Les rivières de tête de bassin versant sont donc très sensibles aux variations météorologiques et directement dépendantes des précipitations. Au contraire, dans les zones plus en aval, la rivière est connectée à des écoulements souterrains intermédiaires ou régionaux. Les volumes d’eau échangés dans ces interfaces sont beaucoup plus importants qu’en amont, mais la contribution des eaux souterraines au débit total de la rivière est à relativiser par rapport aux écoulements de subsurface notamment (les surfaces drainées étant beaucoup plus importantes). Les temps de résidence des eaux dans le domaine souterrain étant beaucoup plus importants, pouvant atteindre plusieurs milliers d’années comme le suggère la Figure ii-4b, l’eau exfiltrée aura des propriétés physico-chimiques très différentes que celle en amont. Elle portera ainsi la signature chimique des roches traversées.

3.2.2.2. Morphologie du lit de la rivière, l’échelle intermédiaire

3.2.2.2.1. Morphologie du lit de la rivière et écoulements souterrains

À une échelle plus intermédiaire, la variabilité spatiale des interactions nappe/rivière dépend de la morphologie de la rivière (Larkin & Sharp, 1992; Mojarrad et al., 2019; Woessner, 2000; Wondzell et al., 2019). En effet, cette dernière façonne directement la

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147 position des interfaces nappe/rivière. En fonction de cette morphologie, les écoulements souterrains peuvent être parallèles ou perpendiculaires aux écoulements surfaciques (Larkin & Sharp, 1992). Dans le second cas, la configuration sera propice aux échanges entre la nappe et la rivière et le sens d’écoulement sera dépendant du gradient local entre les deux compartiments.

Ceci a notamment été illustré par Woessner (2000) comme le montre la Figure ii-5. Il a mis en évidence que la morphologie d’une rivière influençait directement la nature des échanges en contrôlant la position des interfaces nappe/rivière. En fonction du gradient local, on observe ainsi, pour des conditions hydrologiques similaires, des tronçons de rivières alimentés par la nappe (gaining reach) ou au contraire, des tronçons où la rivière s’infiltre et alimente la nappe (losing reach). À cela s’ajoutent des cas de figure plus particuliers directement induits par les facteurs géomorphologiques. Les écoulements souterrains vont ainsi « traverser » la rivière ou son lit (Flow-through reach) lorsqu’ils sont perpendiculaires à celle-ci et qu’une des berges présente une charge inférieure au niveau de la nappe alors que la seconde présente une charge supérieure.

Figure ii-5. La morphologie de la rivière influence la position des interfaces nappe/rivière à l’échelle de la plaine alluviale et par conséquent la nature des relations nappe/rivière [modifié d’après une présentation orale de Woessner (2015) disponible en ligne ; figure elle-même extraite de Woessner (2000)]

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3.2.2.2.2. Styles Fluviaux et recirculations souterraines

En plus de contrôler la position des interfaces entre les écoulements souterrains et les écoulements surfaciques, la morphologie de la rivière peut entraîner et contrôler des recirculations d’eau locales, qui vont venir se superposer aux interactions avec le domaine souterrain. Ceci a été illustré par Magliozzi et al. (2018) (Figure ii-6) qui a représenté comment les différents styles fluviaux influençaient les recirculations d’eau de la rivière vers la nappe. Dans le cas de chenaux multiples (rivières en tresses ou anastomosées), les gradients hydrauliques sont très variables dans l’espace, ce qui induit des infiltrations et des exfiltrations d’eau de rivière à des échelles très locales. Il en est de même pour les cours d’eau à chenal unique présentant une structure en méandres et pour lesquels la morphologie conduit l’eau de la rivière à s’infiltrer en amont du méandre et à le traverser (Boano et al., 2006, 2010; Cardenas et al., 2004; Cardenas, 2009; Gerecht et al., 2011; Gomez-Velez et al., 2017; Revelli et al., 2008). Ces recirculations contribuent à étendre latéralement la zone hyporhéique dans le méandre et suggère que celui-ci pourrait être le siège de processus biogéochimiques similaires à ceux observés dans le lit de la rivière (Peterson & Sickbert, 2006).

Figure ii-6. Effet de la morphologie du cours d’eau et des différents styles fluviaux sur les recirculations d’eau dans la nappe [d’après (Magliozzi et al., 2018)].

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3.2.2.3. Topographie du lit de la rivière, l’échelle locale

Finalement, à l’échelle locale, des variations de topographie peuvent s’observer le long de la rivière et influencer les interactions nappe/rivière. La succession de radiers et de mouilles le long du cours d’eau va ainsi jouer localement sur le gradient hydraulique entre la nappe et la rivière (Unland et al., 2013). Les zones de mouilles, associées à des altitudes plus basses, vont plus facilement constituer des zones d’exfiltration de nappe car le niveau de la rivière est plus proche du niveau de la nappe que dans les zones de radiers. Ces zones, du fait d’une altitude plus importante, constituent généralement des zones d’infiltration d’eau de rivière.

Ces variations locales de topographie contribuent également à modifier le gradient hydraulique localement et entraînent donc des recirculations d’eau dans la zone hyporhéique, qui viennent se superposer aux échanges avec le domaine souterrain. Ces variations assignent ainsi de larges composantes latérales et verticales aux écoulements hyporhéiques (Angermann et al., 2012; Stonedahl et al., 2010; Tonina & Buffington, 2011; Wörman et al., 2002). De fait, les barres de méandres, constituant les zones de dépôts dans le coude intérieur des méandres, ainsi que les bancs de graviers et de galets favorisent notamment des écoulements latéraux vers les berges de la rivière (Baxter & Hauer, 2000; Cardenas & Wilson, 2007b; Hester & Doyle, 2008; Tonina & Buffington, 2011; Wondzell et al., 2019). De même, une structure radier/mouille présente un gradient d’amont en aval favorisant l’infiltration d’eau de rivière en amont des radiers et son exfiltration en aval (Frei et al., 2010; Gooseff et al., 2006; Harvey & Bencala, 1993; Marzadri et al., 2010; Stonedahl et al., 2010; Tonina & Buffington, 2011). Enfin, de petits obstacles sur le fond de la rivière, comme des débris de bois peuvent induire des écoulements latéraux et verticaux dans la zone hyporhéique (Blaen et al., 2018; Krause et al., 2014b). Finalement, la micro-topographie du lit de la rivière à l’interface eau/sédiments influence également les échanges mais très localement (Frei et al., 2010).