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PARTIE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

B. Rôles de Chk1 dans la pathogénicité des LAM

2.1. Utilisation d’inhibiteurs de Chk1 en monothérapie

Le traitement de lignées leucémiques a permis d’établir que ces cancers sont particulièrement sensibles à l’inhibition de Chk1, comparé à des lignées de cancer du côlon ou de cancer du poumon. Dans ces cancers liquides, l’inhibition de Chk1 par l’inhibiteur V158411 a pour effet de provoquer la mort cellulaire, avec une fragmentation du noyau dépendante et indépendante des caspases. L’analyse des paramètres pharmacocinétiques a permis de mettre en évidence une diminution des niveaux protéiques de Chk1, et de la cycline B1, ainsi qu’une augmentation de la phosphorylation de CDK1 sur la tyrosine 15 et de H2AX sur la serine 139 de façon dose-dépendante de l’inhibiteur de Chk1. Ainsi, l’utilisation des inhibiteurs de Chk1 dans ces cancers semble intéressant (Bryant et al., 2014). Les travaux de Iacobucii et al. confirment ces conclusions, car ils montrent que dans des modèles in vitro et in vivo de

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leucémie aiguë lymphoblastique, l’inhibition de Chk1 seule (par le PF-00477736) entraine une augmentation des dommages de l’ADN associée à de la mortalité cellulaire (Iacobucci et al., 2015).

2.2. Utilisation d’inhibiteurs de Chk1 en combinaison avec un agent génotoxique

La résistance de certaines cellules leucémiques aux traitements chimiothérapeutiques conventionnels demeure un obstacle majeur dans l’amélioration de la survie et de la guérison de ces cancers. Dans ce cadre, la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques prend tout son sens. L’inhibition des protéines anti-apoptotiques de la famille de Bcl-2 par l’inhibiteur ABT- 199 a montré des premiers résultats précliniques prometteurs, mais les résistances à ce traitement demeurent préoccupantes, et seraient dues à la surexpression d’une protéine de la famille de Bcl-2, la protéine Mcl-1. L’utilisation d’un inhibiteur de Chk1, le LY2603618 en combinaison avec l’ABT-199 semble diminuer l’apparition de résistances. Ce résultat s’explique pour 2 raisons : (I) l’inhibition de Chk1 entraine la formation de dommage de l’ADN et l’abolition du point de contrôle G2/M, et donc provoque la mort cellulaire par catastrophe mitotique, et (II) l’apparition des dommages de l’ADN s’accompagne d’une diminution de l’expression de Mcl-1, et donc une diminution des résistances à l’inhibition de Bcl-2 (Zhao et al., 2014)

D’autre part, il apparait que l’inhibition de Chk1 augmente l’effet antiprolifératif de la cytarabine, sur des lignées cellulaires de LAM mais aussi sur des échantillons primaires de patients, à des concentrations qui ont un impact négligeable sur les progéniteurs myéloïdes sains. Cet effet passe par une létalité synthétique entre les 2 composés : la cytarabine induit des dommages de l’ADN qui provoquent l’activation du point de contrôle de phase S ; l’inhibition de Chk1 provoque la levée du point de contrôle, conduisant à des catastrophes mitotiques (Schenk et al., 2012). De la même manière, il y a une synergie entre l’inhibition des topoisomerases et l’inhibition de Chk1 dans les leucémies ayant la mutation FLT3 – ITD (Yao et al., 2007).

Cette synergie semble d’autant plus intéressante que les cellules présentent une forte instabilité génétique endogène et une activation constitutive des acteurs des points de

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contrôles des dommages de l’ADN. Ainsi, la sous-catégorie des leucémies à caryotype complexe est une cible thérapeutique pertinente. En effet, l’invalidation de Chk1 dans des cellules primaires de LAM à caryotype complexe entraine une diminution drastique de leur potentiel clonogénique, ainsi qu’une bonne sensibilisation au traitement par la cytarabine. En revanche, l’invalidation de Chk1 n’a aucun impact sur les propriétés clonogéniques des progéniteurs hématopoïétiques sains (Cavelier et al., 2009; Didier et al., 2012).

Enfin, des travaux précédents de l’équipe d’accueil ont pu mettre en évidence une nouvelle voie de phosphorylation de Chk1 sur le résidu serine 280 dans les cellules leucémiques présentant la mutation FLT3-ITD. En effet, dans ces cellules, le niveau de Chk1 phosphorylé sur le résidu sérine 280 est élevé, et cette phosphorylation est catalysée par les kinases Pim, exprimées en aval du récepteur FLT3-ITD. La phosphorylation sur la serine 280 n’a pas d’impacts sur la localisation sub-cellulaire de Chk1, mais renforce ses fonctions d’activation du point de contrôle du cycle cellulaire en réponse à des traitements génotoxiques. Ainsi, l’inhibition du récepteur FLT3, des kinases Pim ou de Chk1 potentialise le traitement par un inhibiteur des topoisomérases car les cellules outrepassent le point de contrôle des dommages de l’ADN et meurent par catastrophe mitotique. Ces résultats ont conduit à l’identification d’une nouvelle voie de signalisation impliquée dans la prolifération cellulaire et dans la résistance des cellules de LAM porteuses de la mutation FLT3-ITD aux agents génotoxiques, et à la description d’une nouvelle voie de régulation de la phosphorylation de Chk1 sur le résidu sérine 280 dans les LAM (Yuan et al., 2014a, 2014b).

En conclusion de cette partie, l’impact de Chk1 dans la tumorigenèse et la résistance aux traitements chimimothérapeutiques n’est pas neutre, car une sous-expression ou une sous- activation de cette kinase favorise l’instauration d’un état d’instabilité génétique propice à l’évolution tumorale, alors qu’une surexpression ou une suractivation de Chk1 permet le maintien d’un contrôle de l’état de stress réplicatif lié à la prolifération des cellules néoplasique.

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OBJECTIFS DU TRAVAIL

Composante clé du cycle cellulaire, la sérine-thréonine kinase Chk1 est associée aux différents points de contrôle (G1/S, intra-S, G2/M et mitotique). Essentielle en réponse aux dommages de l’ADN, elle participe également à la régulation du cycle cellulaire normal en contrôlant, notamment, le bon déroulement de la réplication et de la mitose. De plus, outre ces fonctions canoniques, des études récentes suggèrent que Chk1 pourrait avoir d’autres fonctions, indépendamment de celles de réponses aux dommages de l’ADN, dans des contextes cellulaires particuliers.

Le premier axe de ma thèse s’inscrit dans ce cadre, et s’intéresse à des nouvelles fonctions de Chk1 au cours de la différenciation myéloïde normale. En particulier, l’objectif de cette étude est de déterminer le statut et le rôle de Chk1 au cours de la différenciation mégacaryocytaire. Le deuxième axe de ma thèse s’intéresse à l’impact du niveau d’expression de Chk1 sur la résistance des cellules de LAM aux traitements chimiothérapeutiques conventionnels. Les LAM se caractérisent par l’accumulation de cellules leucémiques immatures et un blocage du programme de différenciation, qui interfèrent avec la production de cellules hématopoïétiques normales. Les patients atteints de LAM sont traités avec des molécules qui induisent des dommages au niveau de l’ADN. Mais dans ces cellules tumorales, des mécanismes de détection existent qui peuvent activer les points de contrôle du cycle cellulaire et permettre la réparation de ces lésions, possiblement à l’origine de résistances aux chimiothérapies conventionnelles. La protéine Chk1, acteur majeur du cycle cellulaire, pourrait favoriser l’apparition de ces résistances. Ainsi, l’objectif de ce projet est de définir s’il existe un lien entre la résistance des cellules leucémiques aux thérapies conventionnelles et le statut d’expression et l’activité de la kinase Chk1.

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