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PARTIE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

B. Evidences de l’importance de Chk1 au cours de la différenciation hématopoïètique

3. Les étapes de la différenciation mégacaryocytaire

La mégacaryocytopoïèse est marquée par le développement progressif d’une cellule géante avec une accumulation de matériel nucléaire et cytoplasmique. Elle a lieu en plusieurs étapes : l’étape de maturation nucléaire, l’étape de maturation cytoplasmique, puis l’étape de formation des proplaquettes et l’étape ultime, le relarguage des plaquettes matures (figure 19).

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Figure 19: Schéma de la différenciation mégacaryocytaire et de la formation des plaquettes. (1) Les cellules souches hématopoïétiques de la moëlle osseuse se différencient en mégacaryocytes en réponse à la TPO. (2) Les mégacaryocytes subissent des endomitoses successives et voient leurs noyaux passer d’un contenu de 2N à un maximum de 128N. (3) Dans le même temps, les mégacaryocytes développent un système de réseau de membranes invaginées, qui vont servir de réservoir pour la formation des plaquettes. (4) Les mégacaryocytes matures migrent vers la niche vasculaire, où ils produisent des extensions cytoplasmiques dans la lumière vasculaire, d’où bourgeonnent les proplaquettes. (5) Les proplaquettes s’interconvertissent en préplaquettes dans la circulation sanguine. (6) Les plaquettes sont produites par fission des proplaquettes (Machlus and Italiano, 2013).

4.1. L’étape de maturation nucléaire

Les progéniteurs mégacaryocytaires, lorsqu’ils sont stimulés par la TPO, subissent un changement de programme qui est responsable de l’entrée en différenciation. Les progéniteurs perdent alors leur capacité de prolifération (Besancenot et al., 2014) et enchainent des cycles d’endomitoses, cycles cellulaires incomplets au cours desquels les cellules ont une phase G1 et une réplication normale, mais où la mitose aborte au niveau de l’anaphase tardive, avec un défaut de cytocinèse (Vitrat et al., 1998). La mitose ne conduit donc pas à la production de cellules-filles et la cellule mère se retrouve alors avec une accumulation de matériel nucléaire : d’un état diploïde (2N), elle devient tetraploïde (4N), puis passent à un contenu 8N, et ce jusqu’à 128N au maximum(Zimmet and Ravid, 2000).

Cette étape de polyploïdisation par endomitose est qualifiée de maturation nucléaire et dure quelques jours. Au cours de ce processus, la cycline B est dégradée, ce qui conduit à une diminution de l’activité du complexe CDK1 / cycline B par inactivation de CDC25C. En parallèle, les progéniteurs mégacaryocytaires présentent des forts niveaux d’expression des cyclines A et E. (Datta et al., 1996; García and Calés, 1996; Zhang et al., 1996, 1998).

De plus, l’analyse de la ségrégation des chromosomes au cours de cette mitose atypique a permis de constater que la distribution du matériel génétique est asymétrique entre les pôles du fuseau mitotique de la cellule, malgré un point de contrôle de l’assemblage du fuseau mitotique et un niveau d’expression de Cdc20 normaux. Ceci est lié au fait que les mégacaryocytes sont caractérisés par un fuseau multipolaire, ce qui entraine une répartition

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inégale des chromatides qui se regroupent au niveau de chaque centrosome. Il est à noter que les centrosomes sont reliés entre eux par des microtubules, et en l’absence d’élongation du fuseau mitotique, ces connections perdurent durant la reformation de l’enveloppe nucléaire, qui englobe un seul noyau polylobé (Roy et al., 2001).

Par ailleurs, les endomitoses présentent un défaut lors des étapes ultimes de la cytocinèse, en fin d’anaphase. En effet, du fait d’une diminution de l’expression de la chaine lourde de la myosine II B par le facteur de transcription RUNX1 l’anneau contractile d’actine n’a pas les forces nécessaires pour induire la segmentation de la cellule mère en cellules filles (Badirou et al., 2014; Geddis et al., 2007; Lordier et al., 2008, 2012).

La protéine GTPase RhoA, qui est requise pour générer les forces de contraction de l’anneau d’actine pour permettre la terminaison de la cytocinèse, est aussi régulée négativement lors de la différenciation mégacaryocytaire par GEF-01 (une protéine associée aux microtubules) et ECT2 (Epithelial Cell-Transforming sequence 2) (Gao et al., 2012; Melendez et al., 2011). Enfin, grâce à des modèles de souris déficientes pour les protéines tyrosines phosphatases Shp1 et Shp2, l’implication de ces 2 protéines dans la formation des endomitoses a pu être mise en évidence (Mazharian et al., 2013).

Cette étape de maturation nucléaire est importante pour permettre à la cellule de produire les grandes quantités d’ARNm et de protéines qui vont permettre la maturation cytoplasmique du mégacaryocyte, ainsi que les ARNm et les protéines qui vont ensuite être incorporées dans les plaquettes (Zimmet and Ravid, 2000). Ainsi, la maturation nucléaire permet la maturation cytoplasmique, même si la corrélation entre la quantité de matériel nucléaire que contient un mégacaryocyte et son efficacité dans la formation des proplaquettes n’est pas démontrée à ce jour.

4.2. La maturation cytoplasmique

Cette seconde étape est beaucoup plus rapide, de l’ordre de quelques heures, et correspond au remodelage cytoplasmique du mégacaryocyte, ou maturation cytoplasmique. La maturation cytoplasmique est caractérisée par la formation d’un système de démarcation des

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membranes (DMS). Le DMS est aussi appelé Système de Membranes Invaginées (IMS), en référence à l’origine de sa formation (Machlus and Italiano, 2013). Le DMS dérive de la membrane plasmique, et est distribué dans l’ensemble du cytoplasme. Il sert de membranes de réserves pour la formation des proplaquettes et des plaquettes (Schulze et al., 2006; Yamada, 1957). Les forces nécessaires pour l’internalisation des DMS proviennent de l’assemblage d’un filament d’actine dépendant de la voie de signalisation WASP-WAVE, du côté cytoplasmique du DMS. Cette signalisation se met en place en réponse à l’activation de la kinase PI3K (Schulze et al., 2006).

De plus, lors de la maturation cytoplasmique, le mégacaryocyte produit des granules. Les granules les plus abondants sont les granules α qui contiennent des protéines nécessaires à l’adhésion plaquettaire. Les mégacaryocytes synthétisent aussi des granules denses, qui contiennent des petites molécules, comme l’ADP, la sérotonine ou l’épinéphrine. Ces 2 types de granules trouvent leur origine au niveau de l’appareil de Golgi et sont présents dès les stades précoces de la maturation cytoplasmique. Puis ils se remplissent petit à petit, grâce à une synthèse endogène (facteur de Willebrand, thromboglobuline β, …), et une récupération de composés plasmatiques par endocytose et pinocytose (fibrinogène…) (Handagama et al., 1987). Une fois la synthèse des granules achevée et le système de démarcation des membranes en place, le mégacaryocyte est mature.

4.3. La formation des proplaquettes puis des plaquettes

A la fin de la maturation cytoplasmique, le mégacaryocyte mature migre au niveau de l’endothélium des capillaires sanguins sinusoïdes de la moelle osseuse par un chimiotactisme impliquant le facteur SDF-1 (Stromal cell-Derived Factor-1) et le récepteur membranaire CXCR4 (C-X-C chemokine receptor type 4) (Avecilla et al., 2004; Hamada et al., 1998; Pitchford et al., 2012). Il se retouve alors dans une niche vasculaire composée de protéines de la matrice extra-cellulaire (fibronectine, fibrinogène, collagène IV…) et de protéines chimioattractives. Ce micro-environnement permet les étapes ultimes de la différenciation mégacaryocytaire (Avecilla et al., 2004). Ainsi, le mégacaryocyte dans la niche externalise le DMS pour former des longs prolongements cytoplasmiques qui vont s’infiltrer à travers la membrane basale de

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l’épithélium vasculaire et atteindre la lumière du capillaire (Tavassoli and Aoki, 1989). Puis les organelles et les granules sont transportés via les microtubules le long de ces prolongements cytoplasmiques jusqu’à leur extrêmité, où se forment les proplaquettes (Blair and Flaumenhaft, 2009). Les proplaquettes ne sont en continuité avec le corps cellulaire que par le biais de ponts cytoplasmiques. La rupture de ces ponts va conduire à la séparation de la proplaquette et du mégacaryocyte. La proplaquette se retrouve alors dans la circulation sanguine (Italiano et al., 1999), où se déroule l’étape terminale de la différenciation plaquettaire, c’est-à-dire la fragmentation de la proplaquette en plaquettes par abscission. Ce mécanisme est médié par le réseau de microtubules intra-plaquettaire (Thon et al., 2010).

4. Evolution des marqueurs de surface antigèniques mégacaryocytaires