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Conséquences de l’inhibition de Chk1 sur le devenir des cellules tumorales

PARTIE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

B. Evidences de l’importance de Chk1 au cours de la différenciation hématopoïètique

IV. Rôles de Chk1 dans la tumorigenèse et dans les cancers

3. Conséquences de l’inhibition de Chk1 sur le devenir des cellules tumorales

3. Conséquences de l’inhibition de Chk1 sur le devenir des cellules tumorales

3.1. Abolition des points de contrôle des dommages de l’ADN

a. Contexte p53 muté

La mutation de p53, qui est fréquemment observée dans les cellules tumorales, rend les cellules particulièrement dépendantes de Chk1. En effet, ces cellules ont un défaut majeur au niveau du point de contrôle G1/S, et doivent leur survie à un renforcement du point de contrôle intra S, de la transition G2/M, et de la mitose, activés par Chk1. Les stratégies thérapeutiques utilisées dans de nombreux cancers sont basées sur l’utililisation d’agents génotoxiques ou d’anti-métabolites qui induisent des dommages de l’ADN. Ces lésions entrainent l’activation d’ATR, et l’activation des points de contrôle. L’inhibition de Chk1 dans ce contexte abolit ces points de contrôle avant que les cellules cancéreuses n’aient pu réparer ces cassures de l’ADN. La cellule continue donc sa progression en phase G2 puis en mitose malgré une réplication incomplète et une forte instabilité génétique, ce qui provoque sa mort par catastrophe mitotique. De ce fait, les inhibiteurs de Chk1 sensibilisent les cellules tumorales à de nombreux agents génotoxiques ou anti-métabolites (figure 24) (Barnard et al., 2016; Ma et al., 2011; Maugeri-Saccà et al., 2013; Sakurikar and Eastman, 2015; Tao et al., 2009a; Zabludoff et al., 2008).

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Figure 25 : Conséquence de l’inhibition de Chk1 dans des cellules mutées pour p53. 50% des cancers sont mutés pour le gène codant pour p53, et de ce fait ont un défaut au niveau du point de contrôle G1/S, mais ont des points de contrôle intra S et G2/M fonctionnels. L’inhibition de Chk1 entraine la perte de tous les points de contrôles de la cellule et provoque sa mort par catastrophe mitotique (Ma et al., 2011).

b. Contexte p53 non muté

Cependant, le bénéfice à utiliser des inhibiteurs de Chk1 ne se limite pas aux tumeurs mutées pour p53. En effet, Zenvirt et al. ont étudié l’impact de l’inhibition de Chk1 sur des lignées isogéniques efficientes ou déficientes pour p53. Ils ont pu montrer que cette inhibition conduit à des défauts dans l’arrêt du cycle consécutif à un traitement chimiothérapeutique spécifiquement dans les cellules déficientes pour p53. Cependant, les cellules efficientes pour p53 ne sont pas moins sensibles à l’inhibition de Chk1 en présence de dommages de l’ADN. Ainsi, la combinaison d’un traitement génotoxique et d’un inhibiteur de Chk1 n’entraine pas la mort spécifiquement des cellules déficientes pour p53, et ce résultat ouvre de nouvelles perspectives pour potentialiser les traitements chimiothérapeutiques (Zenvirt et al., 2010). Par exemple, le traitement de cellules tumorales par un inhibiteur de Chk1 sensibilise ces cellules à un traitement par un inhibiteur des topoisomérases. En effet, ce traitement induit des cassures simples brins de l’ADN, qui sont prises en charges par le point de contrôle de la phase S, avec Chk1 en première ligne, d’où l’intérêt ici de l’inhiber pour potentialiser l’effet cytotoxique (Aris and Pommier, 2012; Tse et al., 2007).

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L’inhibition de Chk1 dans des cellules de cancer du pancréas mutées pour p53 et traitées par la gemcitabine, un anti-métabolite, entraine une bonne sensibilisation des cellules au traitement. Dans ce modèle, le mécanisme de mort cellulaire ne passe pas par un défaut majeur d’activation du point de contrôle G2/M mais par une désorganisation de la réplication. En effet, les cellules subissant le double traitement s’accumulent en phase S, avec un important recrutement de protéines RPA activées à la chromatine au niveau de zones d’ADN simple brin. Dans certaines de ces cellules apparaissent en plus des dommages de l’ADN persistants (Koh et al., 2015).

De la même manière, l’inhibition d’ATR conduit à des blocages de fourches, à l’activation de nouvelles origines de réplication inappropriée, et de ce fait, à un recrutement massif de RPA au niveau de la chromatine, due à l’excessive proportion d’ADN sous forme simple brin. Les protéines RPA se retrouvent alors en nombre limitant, ce qui provoque des cassures de fourches dans tout le noyau. Ce phénomène est appelé « catastrophe de la réplication ». Il peut justifier du fait que les cellules tumorales ayant déjà une forte instabilité génétique sont particulièrement sensibles aux inhibiteurs d’ATR, (Toledo et al., 2013) mais aussi de Chk1 (King et al., 2015).

3.3. Défaut de réparation des dommages de l’ADN

L’inhibition de Chk1 durant la phase S du cycle cellulaire en présence de dommages de l’ADN entraine l’inhibition de la réparation par recombinaison homologue (Parsels et al., 2009), et la formation de cassures doubles brins par l’endonucléase Mus81, qui agit normalement pour la résolution des jonctions de Holliday, à la fin de la recombinaison (Montano et al., 2013; Osman and Whitby, 2007). C’est la raison pour laquelle, dans les carcinomes, l’inhibition de Chk1, qui inhibe la réparation par recombinaison homologue, combinée à l’inhibition de PARP-1, protéine impliquée dans la réparation des dommages de l’ADN par excision de base (BER) aboutit à l’induction de l’apoptose dans les cellules tumorales (Mitchell et al., 2010). Pour des raisons similaires, l’utilisation d’inhibiteurs de Chk1 est particulièrement intéressant dans le cas de tumeurs déficientes pour les voies de réparation par les protéines de la famille Fanconi Anemia (FA) (Chen et al., 2009)

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Ainsi, l’inhibition de Chk1 seule suffit à induire de la mortalité dans des cellules pour lesquelles l’état de stress réplicatif intrinsèque est très important (Brooks et al., 2013; Ferrao et al., 2012; Hoglund et al., 2011; Murga et al., 2011; Zhang et al., 2016).

3.4. Inhibition de Chk1 et abolition des points de contrôle mitotiques

L’inhibition de Chk1 sensibilise les cellules du cancer du côlon au traitement par l’inhibiteur d’Aurora B. En effet, le traitement des cellules avec cet inhibiteur seul aboutit à la formation de cellules tumorales polyploïdes, avec des micronuclei et des multinucléations. Associé à l’inhibiteur de Chk1, il conduit à la mort cellulaire par catastrophe mitotique (Tao et al., 2009b).

Par ailleurs, il a également été montré que l’inhibition de Chk1 sensibilise les cellules tumorales au taxol, un agent anti-mitotique qui stabilise les microtubules et provoque la mort cellulaire par arrêt prolongé en mitose. Cela est dû au fait que l’inhibition de Chk1 favorise l’entrée des cellules en mitose, par l’activation de CDK1 et l’accumulation de cycline B. De plus, elle limite la sortie de la mitose, via le maintien de la sécurine, empêchant la progression en anaphase. Ainsi, l’inhibiteur de Chk1 favorise l’accumulation des cellules en mitose, phase que cible le taxol (Xiao et al., 2005).

3.6. Inhibition de Chk1 et modification du transcriptome

L’inhibition de l’activité de Chk1 dans les cellules tumorales induit l’activation de la phosphatase PP2A. En effet, lorsque Chk1 est inhibée, la transcription de CIP2A diminue. Or CIP2A est un inhibiteur de l’activité de PP2A. PP2A est une protéine suppresseur de tumeur, qui agit notamment sur Myc en le déphosphorylant sur la sérine 62, ce qui inhibe son activité. Ces résultats permettent d’expliquer l’efficacité des inhibiteurs de Chk1 en monothérapie sur des tumeurs présentant l’oncogène Myc (Khanna et al., 2013).

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Toutes ces études justifient l’intérêt d’utiliser des inhibiteurs de Chk1 dans les traitements de chimiothérapie anti-cancéreuse.