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Chapitre 5 Discussion générale

5.4 Utilisation du CAT comme matériel verbal

À notre connaissance, notre étude est la première à utiliser le Test d’Aperception Thématique auprès d’enfants (CAT) avec le SCORS-G dans le but d’observer les facteurs développementaux de RO chez une population non clinique. Le Test d’Aperception Thématique (TAT) a été privilégié dans toutes les recherches précédentes faites avec le SCORS avec un objectif similaire (Auletta et al., 2018; Niec et Russ, 2002; Westen et al., 1991).

Ce choix a été motivé par les observations faites par différents chercheurs et cliniciens qui avaient remarqué que les enfants semblaient moins enclins à élaborer des histoires avec les planches du TAT. Même à partir de la recherche développementale avec le SCORS et le TAT faite par Niec et Russ (2002), es auteures proposent pour les futures recherches l’utilisation d’un test verbal spécialement créé pour les enfants, le CAT.

Les narrations obtenues aux planches du CAT dans notre recherche ont pu être analysées par l’entremise du SCORS-G sous les mêmes paramètres proposés pour d'autres matériels narratif (Stein, Hilsenroth, et al., 2011; Stein et Slavin-Mulford, 2018), ce qui confirmerait que leurs récits sont valides pour être examinés par cette méthode. Il faut se rappeler que le CAT a déjà été utilisé en lien avec le SCORS dans deux recherches publiées avec des populations cliniques (Bieliauskaitė et Kuraitė, 2011; Turcotte, 2015).

Une comparaison directe des résultats du SCORS obtenus à l’issue du TAT et du CAT n’est pas possible. Cependant, d’après nos observations, nous pouvons supposer que le CAT semble stimuler chez les enfants l’apparition plus fréquente des contenus ainsi que des notes moyennes plus hautes dans certaines dimensions de RO par rapport au TAT. Ainsi,

« l’investissement affectif dans les relations (IA) » a été évoqué dans plus de 90 % des 1560 récits du CAT créés par les enfants qui ont participé à notre étude. Niec et Russ (2002) ont identifié une très basse fréquence des relations interpersonnelles dans les huit récits donnés par des enfants de 8 à 10 ans dans leur étude. Elles ont attribué ce résultat à la pensée concrète des enfants et aux quatre planches du TAT utilisées qui ont un seul personnage. De plus, les moyennes obtenues par Auletta et al. (2018) à cette dimension (IA) et à la Complexité de la représentation (CR) tendent à être plus basses que les nôtres, malgré le fait d’avoir évalué des enfants plus âgés (7 à 13 ans). Ces observations pourraient s’expliquer effectivement du fait que dans 9 des 10 planches du CAT, deux personnages ou plus apparaissent (dans l’une d’elles le nombre de personnages est ambigu), ce qui soutiendrait l’hypothèse de Niec et Russ (2002) qui stipule que plus il y a de personnages dans la planche, plus est facilitée l’apparition d’Investissement affectif (IA)

Toutefois, on pourrait aussi estimer que les caractéristiques des planches du CAT, qui évoquent des scènes avec des thématiques propres aux enfants, induisent plus à un investissement affectif et à la projection des états internes. Dans nos résultats, même les enfants de 5-6 ans, qui ont une pensée plus concrète, ont souvent évoqué ces deux dimensions de RO, bien qu’au niveau très simple. Cette hypothèse va dans le même sens que Myler, Rosenkrantz et Holmes (1972), contiennent une plus haute productivité verbale ainsi qu’une créativité et une organisation plus développées qu’au TAT chez les filles de 2ème année.

Cette observation est encore plus significative si nous considérons que contrairement à la consigne classique du TAT, qui donne une structure et une directive pour la création narrative, nous avons choisi d’utiliser une consigne neutre, adaptée de l’école française. Cette consigne ne donne pas beaucoup de support à l’enfant (moins de Moi auxiliaire), avec le but d’observer sa façon individuelle de percevoir, d’organiser, de se défendre et d’exprimer ses fantasmes. Dans notre recherche, les participants sont parvenus à construire des histoires pour toutes les planches présentées, même si quelques récits sont très descriptifs, surtout chez les plus jeunes enfants. Il serait quand même intéressant d’observer si avec la consigne traditionnelle, les enfants sont en mesure d’inventer des histoires encore plus riches pour évaluer les dimensions du SCORS-G.

D’autre part, dans plusieurs échelles, notamment celles de « Investissement affectif des normes morales », « Impulsions agressives », « Estime de soi » et « Cohérence de soi », les notes qui représentent l’absence sont très élevées (de 41 % à 73 % des récits). Ceci suggère, en plus de l’interprétation clinique de l’utilisation possible de mécanismes de défense d’inhibition et d’isolement, que l’ensemble de toutes les planches du CAT n’arrive pas à saturer ces dimensions, telles que définies par le SCORS-G. Il serait intéressant de comparer les notes neutres de ces dimensions avec celles obtenues au TAT parce que des implications cliniques et interprétatives importantes pourraient en être tirées.

Le lien entre la nature des planches utilisées du TAT et l’évocation des réponses à différentes dimensions du SCORS a été bien documenté (Auletta et al., 2018; Bram, 2014; Siefert et al., 2018; Siefert et al., 2016; Stein et Slavin-Mulford, 2018; Stein et al., 2014). Des planches positives, négatives et neutres au TAT ont été identifiées. Même si ce n’est pas l’objectif principal de notre recherche, nous avons tout de même observé que les différentes planches du CAT évoqueraient plus ou moins des dimensions du SCORS-G. Par exemple, la planche 7 du CAT, dont le contenu manifeste est: « Dans la jungle, un tigre saute vers un singe. Le singe semble s’accrocher à des lianes » (Boekholt, 2006), est la planche qui présente le moins de notes par défaut dans toutes les dimensions et dans tous les groupes d’âge. Cela pourrait suggérer, entre autres, que les enfants auraient besoin d’être incités avec des images plus explicites pour observer les dimensions évaluées, de manière que les mécanismes inhibiteurs et de blocage diminuent. Cette planche a un contenu latent relié à l’angoisse de castration, qui semblerait faire réagir davantage les enfants étant donné leur âge.

En outre, les planches du CAT ont été élaborées en pensant spécifiquement à explorer des thématiques, conflits et préoccupations liés aux étapes du développement de l’enfant. D’après les auteurs (Bellak et Abrams, 1993; Bellak et Adelman, 1966; Bellak et al., 1965, 1966/2007; Bellak et Sorel-Bellak, 2007; Schwartz et Caride, 1998) les planches peuvent être rassemblées en des contenus subjacents (attachement, agression, rivalité, etc.). Dès lors, l’analyse des dimensions des ensembles thématiques serait intéressante à observer.

Finalement, il faut considérer qu’une même planche du CAT va éveiller des fantasmes, des conflits et des besoins différents en chaque enfant. Comme dans la plupart des tâches de performance, même si les enfants observent le même dessin, chaque enfant va combiner plusieurs facteurs personnels, conscients et inconscients, actuels et historiques pour créer son récit et faire de sa narration, une production unique. En conséquence, bien que pour notre recherche nous utilisons des données générales obtenues avec le SCORS-G, il y a toujours de l’information plus spécifique qui n’est pas possible à saisir sans une analyse qualitative.