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E. Les réseaux bayésiens

III.3. Utilisation des capteurs pour la mesure de la qualité de l’air

L’utilisation de micro-capteurs et de dispositifs multi-capteurs pour le suivi de la qualité de l’environnement et essentiellement l’analyse de l’air ambiant présente aujourd’hui un grand intérêt. En raison de la capacité des capteurs à reconnaître et à distinguer une variété de gaz et d’odeurs différentes avec une bonne sensibilité, ces derniers représentent une alternative simple, rapide, robuste, compacte et de faible coût aux techniques de mesures traditionnelles et notamment dans le cadre de l’évaluation de la qualité de l’air intérieur.

Il est possible de considérer plusieurs approches en termes de détection de composés gazeux dans ce domaine environnemental. Dans la première, les dispositifs multi-capteurs peuvent être élaborés et utilisés pour le suivi d’un seul composé, notamment étudié en laboratoire dans des conditions contrôlées, voire de quelques composés qui sont discriminés à l’aide d’algorithmes de reconnaissance d’empreintes. L’une des premières études évaluant la possibilité d’utilisation de nez électroniques pour identifier des composés chimiques spécifiques, dans un cadre environnemental, a été réalisée en 1995 par Hodgins. Un nez électronique composé de capteurs à base de polymères composites a été utilisé pour l’analyse de plusieurs échantillons contenant de l’éthanol, du sulfure de diméthyle ou encore du diacétyle à des concentrations proches de 50 ppb. De nombreuses études ont notamment été menées pour la détection de composés organiques volatils dans l’air à l’aide de systèmes multi-capteurs à base d’oxyde d’étain : on peut notamment citer les travaux de Getino et

al., 1997; Gutiérrez et al., 1998; Lee et al., 2001; Srivastava and Dravid, 2006. Wolfrum et al., 2006 ont tout particulièrement démontré les capacités d’un système basé sur l’association de 14 capteurs à oxydes métalliques commerciaux, de la société Figaro, à reconnaître et à quantifier efficacement certains COV (toluène, acétone, isopropanol), à de faibles concentrations (de 10 à 300 ppb) à l’aide d’un modèle linéaire construit par régression des moindres carrés.

Dans une autre approche, les capteurs utilisés dans le dispositif multi-capteurs sont sensibles à un éventail de composés large et permettent l’analyse de mélanges gazeux plus complexes. C’est ce qui est traditionnellement réalisé pour la caractérisation des odeurs et ce qui a par exemple été présenté dans le paragraphe précédent, dans le domaine de l’industrie alimentaire et qui peut être transposé à la surveillance continue de la qualité de l’air. Cette technique permet soit de discriminer plusieurs empreintes relatives à des mélanges gazeux différents soit d’identifier des classes bien connues qui doivent être caractérisées et définies au préalable. Dans ce cas une phase d’apprentissage et un traitement du signal par des algorithmes de reconnaissance d’empreintes doivent être mise en place, comme décrit dans les paragraphes précédents. Les nez électroniques représentent un outil utilisé dans le cadre de problèmes d’odeurs environnementales et notamment le contrôle des émanations de sites d’enfouissement (Perera et al., 2001; Capelli et al., 2008) ou de stations d’épurations des eaux usées (Gostelow et al., 2001; Nake et al., 2005). Dans un autre cadre, la capacité des dispositifs multi-capteurs pour la reconnaissance d’odeur peut être exploitée pour l’identification de sources de polluants tels que les émissions de matériaux de construction et d’ameublement (Bitter et al., 2010; Herberger et al., 2010) ou encore la détection rapide de composés organiques volatils comme indicateurs d’une contamination fongique dans les bâtiments (Kuske et al., 2005), responsables de la détérioration de la qualité de l’air intérieur. Des études sur le terrain ont de même été réalisées pour l’évaluation de la qualité de l’air dans les milieux urbains à l’aide de capteurs à oxydes métalliques (Carotta et al., 2001; De Vito et al., 2008, 2009), où une bonne corrélation entre la réponse des capteurs et des analyseurs traditionnels de CO et NOx ont notamment permis de démontrer le potentiel et les performances de ces dispositifs afin de suivre des polluants en conditions réelles. Enfin, dans le cadre de la détection des polluants de l’air intérieur, certaines études s’intéressent particulièrement au développement en laboratoire de nez électroniques (Zampolli et al., 2004). D’autres travaux portent sur l’identification et la quantification de polluants majoritaires de l’air intérieur dans des environnements réels par l’association de capteurs commerciaux Figaro de type TGS (Negri and Reich, 2001; Szczurek and Maciejewska, 2004). De récentes études ont également démontré l’intérêt d’associer des nez électroniques pour la détection de polluants avec d’autres capteurs sur des plates-formes intelligentes (Loutfi and Coradeschi, 2008). Pour finir, de nombreux dispositifs complets et autonomes sont développés afin de répondre aux problématiques de suivi de la qualité de l’air intérieur afin de gérer la collecte, la visualisation et l’interprétation des données (Khedo et al., 2010; Kim and Paulos, 2010; Kim et al., 2010; Jiang et al., 2011; Abraham and Li, 2014; Piedrahita et al., 2014; Sironi et al., 2014).

Bien que de nouveaux matériaux sensibles soient régulièrement développés, la principale limitation actuelle des multi-capteurs de gaz reste liée à leur stabilité sur le long terme ainsi qu’à l’influence de paramètres extérieurs (gaz interférents, humidité, température). En effet, le problème de dérive des capteurs avec le temps a été souligné dans divers travaux pour la détection et la quantification de composés organiques volatils puisque des écarts importants ont été obtenus entre la phase de calibration et la phase de test, aussi bien en laboratoire (Barisci et al., 2002) que pour la

surveillance de la pollution urbaine (De Vito et al., 2008). Romain et Nicolas, 2010 ont notamment testé trois différentes solutions afin de compenser le problème de dérive du signal de capteurs à oxydes métalliques semi-conducteurs sur le long terme. Ces corrections sont soient basées sur un prétraitement du signal par rapport à une calibration régulière sous atmosphère de référence, soient sur une correction du signal univariée à laquelle un facteur de correction est appliqué (Haugen et al., 2000) soient sur une correction du signal multivariée (Artursson et al., 2000) par analyse en composante principale qui permet de s’abstenir de la composante liée à la dérive. La première stratégie permettant de faire face à l’effet de l’humidité et de la température consiste à travailler dans des conditions expérimentales fixes, ce qui n’est bien évidemment pas possible dans des environnements réels. Dans ce cas, la stratégie réside dans la mesure des paramètres d’influence et la calibration des capteurs vis-à-vis de ceux-ci afin de compenser les variations du signal lors de l’analyse des données. Cette compensation a bien souvent directement été intégrée comme donnée d’entrée lors du traitement de la réponse des capteurs de nez électroniques (Hierlemann et al., 1995; Faglia et al., 1997; Mumyakmaz et al., 2010). Malgré de bonnes performances relevées pour la détection et la quantification des composés chimiques par systèmes multi-capteurs, la grande majorité des études ont été réalisées en laboratoire dans des conditions soigneusement contrôlées et ne reflètent pas la réalité de la plupart des applications environnementales où la composition de l’air et les paramètres environnementaux sont en constante évolution. Dans ce cas, un manque significatif de connaissances et de comparaisons des performances des capteurs de gaz avec des instruments de mesure conventionnels est à déplorer.

Nous avons montré dans ce chapitre que les avancées technologiques dans le domaine des micros capteurs de gaz suscitent l’intérêt des chercheurs et des industriels. Ces dispositifs représentent une alternative susceptible de répondre aux problématiques de suivi de la qualité de l’air intérieur. Différentes techniques de détection de composés chimiques existent et sont utilisées dans de nombreux domaines mais quatre types de capteurs de gaz, commercialement disponibles, (infrarouge, photoionisation, électrochimique ampérométrique, oxydes métalliques semi- conducteurs) montrent des performances significatives et seront utilisés dans ces travaux. On distingue tout particulièrement les capteurs à oxydes métalliques semi-conducteurs qui bénéficient d’une bonne sensibilité, d’un faible coût de production et d’une facilité de miniaturisation, mais leur manque de sélectivité nécessite l’association de plusieurs capteurs formant un nez électronique, ainsi qu’un traitement du signal adapté afin d’identifier des signatures de pollution. Parmi le nombre conséquent de techniques de reconnaissance de forme, qu’elles soient supervisées ou non, nous utiliserons deux techniques lors de cette thèse : l’algorithme k-means et la classification par réseaux bayésiens. Ces deux méthodes, pourtant très utilisées et performantes en informatique, ne sont que peu employées pour le traitement du signal multi-capteurs. Dans la prochaine partie de ce manuscrit, nous détaillerons le choix des capteurs ainsi que la conception et le fonctionnement du dispositif de détection et de traitement des données utilisé lors de ces travaux de thèse.

Chapitre 3 : Réalisation des modules multi-capteurs et du