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Chapitre 4 : Mise en œuvre des systèmes multi-capteurs lors de campagnes de mesures

III. Déploiement sur le terrain : campagne MERMAID

En complément de la caractérisation des capteurs en laboratoire dans des conditions contrôlées ainsi que lors d’injections de COV à échelle réelle dans la pièce expérimentale, une campagne terrain en conditions réelles a permis la caractérisation des systèmes multi-capteurs pour l’évaluation de la qualité de l’air intérieur.

III.1.

Description de l’étude

Le projet « Mesures Expérimentales Représentatives et Modélisation Air Intérieur Détaillée » (MERMAID) s’inscrit dans le cadre de l’appel à projet de recherche PRIMEQUAL (Programme de Recherche Interorganisme pour une Meilleure Qualité de l’Air à l’échelle locale) proposé par l’ADEME. Ce projet a pour objectif d’étudier la dynamique de la qualité de l’air intérieur et de mettre en évidence les phénomènes aussi bien physiques (émissions, dépôt, adsorption/désorption) que chimiques (oxydation en phase gazeuse, décomposition de surface, formation de particules) en caractérisant de manière détaillée l’air intérieur de bâtiments performants énergétiquement non résidentiels. Le projet s’appuie aussi bien sur des données expérimentales obtenus lors de campagnes de mesure que sur des d’outils de modélisation afin d’interpréter ces différents phénomènes. Plusieurs laboratoires sont impliqués dans cette étude: le laboratoire PC2A de l’Université de Lille 1 qui coordonne le projet, le département SAGE des Mines de Douai, l’équipe de physico-chimie de l’atmosphère de l’Institut de Chimie et Procédés pour l’Energie, l’Environnement et la Santé (ICPEES) de l’Université de Strasbourg, le Laboratoire Image Ville Environnement (LIVE) de l’Université de Strasbourg et le Laboratoire des Sciences de l’Ingénieur pour l’Environnement (LaSIE) de l’Université de la Rochelle.

Une précampagne de mesure a été menée en 2013 sur un ensemble de dix bâtiments scolaires basse consommation, situés dans le nord et l’est de la France, par le biais de mesures utilisant du matériel léger (Verriele et al., 2015). Des mesures de paramètres de confort (température, humidité, concentration en CO2), des niveaux de particules (PM10 et PM2,5), des concentrations moyennes en O3

et NO2 ainsi que des concentrations moyennes en COV ont été effectuées pendant 4,5 jours, en

période d’occupation et d’inoccupation à l’intérieur d’une salle de classe et à l’extérieur du bâtiment. Les mesures de composés organiques volatils ont été réalisées par prélèvements passifs sur Radiello munis de cartouches Carbograph 4 ainsi que sur cartouche DNPH pour la mesure des aldéhydes et cétones. Ces mesures préliminaires ont permis d’identifier les polluants principaux ainsi que leur concentration moyenne afin de déterminer le profil de chacun des bâtiments. Plus de 150 COV différents ont été identifiés lors de cette précampagne avec d’importantes concentrations en acétone, 2-butanone, formaldéhyde, toluène et hexaldéhyde émises par des sources intérieures. A l’issue de cette étude préliminaire, un collège à très haute performance énergétique (consommation inférieure à 70 kW/m²/an), livré en août 2011 et équipé d’un système de ventilation à double flux, a été sélectionné comme bâtiment « représentatif » du parc des bâtiments performants en énergie sur

la base des concentrations moyennes mesurées, du taux de ventilation et de la facilité de déploiement de l’instrumentation.

Deux campagnes de mesures intensives ont ainsi été réalisées dans ce bâtiment, sélectionné comme site expérimental dans le cadre du projet Mermaid. La première campagne s’est déroulée au cours des vacances scolaires d’avril à mai 2014 alors que la seconde campagne s’est déroulée entre février et mars 2015. Pour les deux campagnes intensives, deux semaines de mesures ont permis la caractérisation des surfaces en terme d’émission et de sorption (Rizk et al., 2016) et deux semaines ont permis la réalisation des mesures de concentrations. Les mesures ont été réalisées au sein d’une salle de classe, vidée de son mobilier, afin de faciliter la réalisation des mesures et de centrer l’étude sur l’effet des matériaux de construction. De plus, il s’agit d’une salle de classe n’ayant pas subi d’activités spécifiques (peintures, laboratoire de chimie, …) pouvant altérer les mesures réalisées. Les dimensions de la pièce, d’une surface de 51 m² et d’un volume de 139 m3, sont présentées sur la

Figure IV - 10. Elle est munie de grandes fenêtres à exposition sud sans filtre au rayonnement UV qui permettent d’étudier les phénomènes de réactivité et de photochimie résultants du fort ensoleillement. L’air de la salle de classe est renouvelé à l’aide d’un système de ventilation à double flux. Pour cela deux prises d’air situées côté fenêtre permettent l’apport d’air épuré provenant de l’unité de traitement double flux, une troisième, située côté couloir, assure l’extraction d’air. Dans les conditions habituelles, la ventilation est en fonctionnement en présence des élèves, de 08h10 à 11h45, de 13h30 à 17h20 avec deux pauses (de 09h45 à 10h10 et de 15h00 à 15h20) du lundi au vendredi, à l’exception des mercredis après-midi. Le débit d’air extérieur entrant dans la pièce a été mesuré en période de ventilation (300 m3.h-1) et en période de non ventilation (25 m3.h-1). Des

injections de NO2 et de CO2 ont également été effectuées lors de ces campagnes.

Figure IV - 10 : Schéma de la salle de classe étudiée lors de la campagne MERMAID, position des 3 boitiers Alphasense et des 5 modules Waspmote déployés lors de la seconde campagne.

III.2.

Dispositifs déployés pour l’étude de la salle de classe

Lors de la première campagne de mesure, qui s’est déroulée en 2014, nous avions installés cinq modules multi-capteurs Waspmote à l’intérieur de la salle de classe, pendant une semaine. L’alimentation des capteurs était alors assurée par des batteries au Lithium et la transmission des données s’effectuait par ZigBee vers le programme d’acquisition LabView. Ce premier déploiement à échelle réelle nous a notamment permis de mettre en évidence les problèmes liés à l’alimentation en continu des systèmes multi-capteurs afin d’améliorer le dispositif. L’échantillon de données n’étant pas suffisamment représentatif nous nous focaliserons sur les mesures réalisées lors de la seconde campagne intensive qui s’est déroulée de février à mars 2015. Lors de celle-ci, nous avons mesuré en continu l’évolution de la réponse des capteurs pendant la totalité de la campagne, en parallèle des instruments déployés dans le cadre du projet MERMAID.

Au cours de la campagne de mesure de 2015, cinq modules multi-capteurs Waspmote « standards », composés d’un capteur de température, d’un capteur d’humidité relative et de 6 capteurs à oxydes métalliques semi-conducteurs ont été déployés (Figure IV - 10) dans la salle de classe. Afin de mettre en évidence de possibles problèmes d’inhomogénéité de la salle de classe, les modules ont été dispersés sur l’ensemble de la pièce. Le premier dispositif a été disposé au sol au centre la pièce, le second a été placé au centre de la pièce à 80 cm au-dessus du sol, au niveau des lignes de prélèvement et un troisième sur la paillasse présente dans la salle de classe. Un autre dispositif a été placé sous une des bouches de soufflage afin de mettre en évidence l’effet de la ventilation et de l’apport d’air extérieur sur la qualité de l’air intérieur en comparaison avec les mesures effectuées par les analyseurs au même endroit. Le dernier a été installé à 30 cm sous la bouche d’extraction.

Trois autres dispositifs, élaborés à partir de différents capteurs spécifiques Alphasense, ont également été installés dans la salle (Figure IV - 10). Le module « Alphasense 1 » composé de trois capteurs électrochimiques (CO-B4, NO-B4 et NO2-B4), d’un détecteur PID et d’un capteur de CO2

NDIR a été placé au centre de la pièce au sol. Le second module « Alphasense 2 », de composition identique au premier, a quant à lui été installé au niveau de la ligne de prélèvement au centre de la pièce à 80 cm du sol. Le dernier module, contenant pour sa part un capteur électrochimique supplémentaire (O3-B4) pour la mesure d’ozone a été disposé sous la bouche de soufflage. La totalité

des capteurs (spécifiques et non spécifiques) a été au préalable installé au même endroit afin de réaliser une inter comparaison in-situ de leur réponse avant le commencement de la campagne intensive.

En parallèle, un large panel d’instruments a été déployé lors de cette campagne intensive afin notamment de mesurer les paramètres physiques intérieurs et extérieurs par sondes Testo 480 (T, HR et CO2) ainsi que les concentrations en polluants avec une résolution temporelle variable selon les

techniques (de la minute à l’heure). Des techniques telles que le PTR-MS et les chromatographies en phase gaz pour l’analyse des COV, des analyseurs online de NOx, d’ozone, de monoxyde de carbone ou encore de SO2 et un SMPS pour les particules, ont été installées dans la pièce adjacente à la salle

de classe. L’air analysé a été prélevé, simultanément ou alternativement, à différentes positions : à la ventilation (soufflage), au centre de la pièce et à l’extérieur. Le Tableau IV - 2 récapitule les principaux analyseurs déployés lors de cette campagne de mesure, les paramètres mesurés, la

résolution temporelle ainsi que les différentes zones de prélèvements. Un spectromètre HONO ainsi qu’un dispositif FAGE pour la mesure des radicaux HOx ont été disposés à l’intérieur de la pièce. Les

paramètres d’émissions et de sorption des COV de la surface des matériaux ont également été mesurés in situ dans la première phase de la campagne par cellule FLEC couplée au PTR-MS (Rizk et al., 2016).

Tableau IV - 2 : Principaux types d’analyseurs online déployés pour l’évaluation de la qualité de l’air de la salle de classe lors de la campagne intensive Mermaid.

Instrument Paramètres

mesurés Résolution

Lieu de prélèvement Intérieur Soufflage Extérieur Sondes Testo T, HR, CO2 1 min

Online GC-MS C2-C9 90 min

Online GC-COv COV-o 90 min

PTR-MS COV 10 min

Analyseurs BTEX BTEX 1-15 min Analyseurs d’ozone O3 1 min

Analyseurs de NOx NO, NO2 1 min

Analyseurs de CO CO 1 min Analyseur de SO2 SO2 1 min

Les différents dispositifs de détection par capteurs de gaz, destinés à l’évaluation de la qualité de l’air intérieur, ont été qualifiés dans plusieurs configuration, notamment grâce à des études (projet ETAPE et campagne MERMAID) réalisées en parallèle par les laboratoires. L’étude des capteurs dans une chambre d’exposition permet de réaliser des expériences d’exposition dans des conditions contrôlées. L’instrumentation de la pièce expérimentale représente une bonne opportunité pour la caractérisation des capteurs à l’échelle des environnements intérieurs. Les mesures réalisées en continu fournissent donc des informations sur le comportement et sur la stabilité des capteurs sur le long terme ainsi qu’en présence de phénomènes de pollution, simulés par l’injection de composés organiques volatils. Enfin, le déploiement des capteurs sur le terrain au cours d’une campagne de mesure permet de mettre en évidence la capacité de ces capteurs à rendre compte de la dynamique de la qualité de l’air intérieur. L’interprétation de la réponse des différents capteurs et la comparaison des résultats avec les données fournies par des analyseurs de référence nous permettront dans la suite de ce manuscrit de caractériser les performances des capteurs commerciaux sélectionnés dans notre étude.