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Usage des sources dans les Romana

Jordanès annonce dans son prologue la méthode qu’il va suivre pour composer les Ro-mana: « ex diuersis uoluminibus maiorum praelibans aliqua floscula […] in unum redigere » [Rom.6]. Et il a effectivement puisé dans de nombreuses sources (textes bibliques, histoires et chroniques), nommément citées ou non. L’usage que Jordanès fait de ses sources varie. Il alterne copie littérale et abréviation, recourt tantôt à une source unique, tantôt à plusieurs qu’il combine.

I. Une première identification des sources

apparentes des Romana

A. Un auteur laconique sur ses sources

Si Jordanès précise avoir composé lesRomanaà partir de plusieurs ouvrages, « ex diuer-sis uoluminibus maiorum praelibans »[Rom.6] , il ne les cite nommément que très rarement.

Les seules sources mentionnées sont ainsi :

— lesÉcritures: « auctoritate diuinarum scripturarum cui et inseruire conuenit » [Rom.3] ; — Jamblique : « Romani, ut ait Iamblicius, armis et legibus exercentes orbem terrae suum

fecerunt » [Rom.6] ;

— Eusèbe de Césarée et Jérôme : « sicut Eusebius uel Hieronimus, primum Assyriorum, deinde Medorum Persarumque et Grecorum currentes, ad Romanum quomodo dela-tum est uel qualitempore, latius, si dominus permiserit, exequamur » [Rom.9] ; — Flavius Josèphe : « secundum Ioseppi fidem undecies centena milia Iudaeorum fame

— les annales : « quia omnium consulum nomina actosque conscribere et mihi tedium et tibi, qui legis, fastidio fore praecaui, aliqua exinde praelibans multa supersedi, quod pene a nonnullis iam usurpatum esse breuiatumque opus cognoui » [Rom.114] ; « que si quis scire cupit, annales consulumque seriem reuoluat sine fastidio » [Rom.288]. De toutes ces sources, les seules que Jordanès semble avoir directement consultées sont lesÉcritureset la traduction de Jérôme de laChronique universelled’Eusèbe de Césarée. Il ne donne pas de moyen d’identifier les annales qu’il mentionne à deux reprises, presque plus comme un conseil de lecture complémentaire que comme une source. De Jamblique, il ne tire qu’une citation qui sert d’ornement liminaire à son œuvre, encore qu’il soit impossible d’attester qu’il s’agit d’une citation exacte, Jamblique n’étant pas identifié avec certitude et le texte d’origine étant pour le moment perdu1. Quant à Flavius Josèphe, Jordanès en emprunte directement la citation et l’attribution à une phrase de laChronique universelle: « Iosephus uero scribit undecies centena milia fame et gladio perisse et alia centum milia captiuorum publice uenundata »2.

Alors que Jordanès cite des auteurs auxquels il n’a manifestement fait appel qu’une seule fois, parfois même indirectement, il ne mentionne pas comme source certaines des œuvres auxquelles il emprunte des passages entiers. L’exemple le plus frappant en est l’Abrégé de l’histoire romaine de Florus qui est copié presque à l’identique aux paragraphes 87-110, 115-209, 236-237, 241-249 et 251-254 desRomana, à quelques détails et coupes près. Afin de déceler les sources de Jordanès, il a donc fallu chercher des correspondances entre le texte desRomanaet celui d’œuvres historiques qui l’ont précédé, et c’est Theodor Mommsen qui en a présenté une première liste dans son édition desRomanaet desGeticade 18823.

B. Liste des sources identifiées par Mommsen

Dans son édition des œuvres de Jordanès publiée en 1882, Mommsen nous propose non seulement une liste de leurs sources, mais il précise dans la marge de chaque paragraphe desRomanale passage de la source qui y correspond, un inestimable point de départ pour tout chercheur ou chercheuse qui se penche sur ce texte. Nous avons repris dans notre édition ce système de notes marginales, ainsi que la plupart des identifications faites par Mommsen, même si, comme nous allons le voir, nous ne les considérerons pas toutes comme des sources directes de notre auteur.

1. Voir note sur Jamblique p. 465.

2. Hier.Chron. Abr. Rom.VII,III : « mais Josèphe écrit que onze cent mille périrent par la faim et le glaive et que cent mille autres, captifs, furent vendus au profit du trésor public ».

3. Jordanès,Iordanis Romana et Getica, édition de Theodor Mommsen, Berlin : Weidmann, 1882, LXXIII-200 p.

Voici la liste des sources relevées par Mommsen1et les paragraphes dans lesquels il les trouve :

1. lesÉcritures : 5, 314-315, 317-318 ;

2. la traduction et continuation de Jérôme de laChronique universelled’Eusèbe : 12-38, 39-51, 52, 53-57, 57-61, 62-69, 69-81, 82-84, 84-85, 250-251, 256-309, 312 ;

3. l’Abrégé d’histoire romainede Florus : 87-110, 115-209, 224, 236-237, 241-249, 251-254 ; 4. l’Abrégé des hauts faits du peuple romainde Festus : 87, 111-114, 210-223, 225-235, 237,

239-240, 261, 270, 272, 277, 280, 290-291 ;

5. l’Abrégé de l’histoire romained’Eutrope : 255, 257, 271, 273, 259, 264, 272, 282, 290 294, 304 ;

6. lesHistoires contre les païens d’Orose : 255-256, 260, 262-263, 265, 281, 283, 288, 290, 300-301, 305, 309, 316-318 ;

7. l’Histoire ecclésiastique de Socrate le Scolastique : 310-311, 314-315 ; 8. l’Abrégé des Césars du Pseudo-Aurélius Victor : 314-318 ;

9. laChroniquede Marcellinus Comes et sa continuation par un anonyme : 315, 319-329, 331-332, 334-335, 340-344, 346, 348-366, 373, 375-380, 382-385 ;

10. lesGeticade Jordanès : 284, 326, 328, 330, 335-338, 344-345, 347-349, 366-375, 377 ; 11. sources inconnues (« Ign. ») parmi lesquelles Mommsen fait la distinction entre :

— une chronique alexandrine2: 8-10, 18-37, 54-55, 57, 69, 81, 82-84, — un « libellum de origine Romae »3: 38, 51-52,

— des « annales consulumque series »4: 386-387,

— d’autres sources sur lesquelles il ne fait pas d’hypothèse : 85-86, 240, 268, 270, 276, 277, 280, 329, 330-331, 335, 336, 338, 339, 346, 349, 351, 358-359, 363, 366, 370, 371, 376, 380, 384, 386-387.

Les seuls passages que Mommsen attribue uniquement à Jordanès se trouvent donc à

Rom.1-5, 11, 84, 238, 241, 251, 256, 261, 265, 271, 274, 276, 280, 299, 307, 315, 323, 388.

Si Mommsen a donc fourni un énorme travail d’identification des sources de Jordanès, la liste qu’il en propose est encore incomplète. Ainsi, le chercheur allemand, qui attribue de larges passages à une sorte d’abrégé de l’histoire romaine, ne fournit aucune explication sur les détails d’origine inconnue qui sont disséminés dans lesRomana.

Comme Jordanès ne fait pas toujours le même usage de ses sources selon qu’il aborde l’histoire universelle et les différentes périodes de l’histoire romaine, nous allons voir dans

1. Mommsen 1882, p. XXIII-XXX et 1-52. 2. ibid.p. XXVII-III.

3. ibid.p. XXVIII-XXIX : « un petit livre sur les origines de Rome ». 4. ibid.p. XXIX : « séries des Annales et des Consuls »

les sections à venir les sources qui transparaissent dans chaque « partie » des Romanaet l’usage qui en est fait.

II. Rom. 8-85 : une histoire universelle sous