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UNIVERSITÉ M ICHEL DE M ONTAIGNE B ORDEAUX

En choisissant un titre en forme de manifeste, nous avons moins cherché à nous poser en pionnier qu’à souligner le caractère encore très balbutiant de l’informatique littéraire. En effet, bien que la plupart des enseignants-chercheurs aient appris à tirer profit des ressources littéraires en ligne ou hors ligne, pour certains à mobiliser les outils lexicographiques vulgarisés depuis une quinzaine d’années, on compte encore peu de tentatives visant à faire de l’ordinateur un véritable outil de recherche, non pas seulement au sens documentaire, mais au sens maïeutique224. Le projet d’hypertexte critique dont il sera question dans les lignes qui

suivent225 présente donc un caractère réellement expérimental puisqu’il s’agit de permettre au

visiteur de lire une nouvelle de Balzac – La Bourse – à la lumière des annotations et interprétations proposées par d’autres lecteurs en l’invitant à soumettre à son tour un commentaire du texte. Qu’un tel projet soit né dans la sphère balzacienne ne tient pas au hasard. Nonobstant la grande vitalité actuelle des recherches consacrées au père de La

Comédie humaine, il convient de souligner les affinités pour ainsi dire « naturelles »

qu’entretiennent la poétique balzacienne et l’hypertextualité. Tout se passe en effet comme si l’œuvre globale répondait à une forme de programmation interne qui, d’une part, repose sur l’organisation hiérarchisée en études, scènes…226, et, d’autre part, utilise le mécanisme du

retour des personnages pour relier entre elles les différentes pièces de ce vaste ensemble. Il

224 Il existe cependant quelques remarquables projets, notamment dans le domaine de la génétique textuelle et

nous pourrions citer ici l’édition hypertextuelle bilingue de L’Education sentimentale visitable à l’adresse http://www.ac.uk/hitm.

225

Baptisé HyperBourse, ce projet est piloté par un Groupe de jeunes chercheurs balzaciens et placé sous l’égide du GIRB et des Universités Paris 7 et Paris 8.

226 Le « catalogue » de 1846 prévoyait ainsi que la centaine de récit — dont un tiers devait rester à l’état de

projet ou d’ébauche — se répartirait en trois grandes parties : « etudes de mœurs », « études analytiques », « études philosophiques ». Les « Etudes de mœurs » s’organisaient selon six chapitres ou « scènes » (vie privée, vie de province, vie parisienne, , vie politique, vie militaire et vie de campagne), chacune de ces scènes

semble même que l’auteur ait cherché au fil des réécritures à renforcer la cohérence de son système en multipliant ex post les réapparitions de tel ou tel personnage, en « programmant » des circulations transversales et non seulement linéaires entre ses romans. Les incessants réaménagements de l’architecture interne de La Comédie humaine, cette manière de déplacer les récits comme on « divise ses fichiers et les transfère d’un dossier à l’autre »227, le souci de

multiplier les liens d’une pièce à une autre,… tout cela pourrait presque laisser penser que Balzac… inventa l’hypertexte. De ce point de vue, la récente publication du cédérom

Explorer La Comédie humaine a permis au grand public, aux enseignants et aux universitaires

d’expérimenter ces lectures transversales et aléatoires qui, sans avoir été prévues par l’auteur, permettent une redécouverte de l’œuvre dont l’intérêt ludique et cognitif est indéniable228.

Ce n’est pourtant pas dans cette direction qu’est orienté le dispositif hypertextuel que nous préparons. HB229 — tel est le titre provisoire du futur site — a pour objectif de susciter des

lectures plurielles sur un texte précis et relativement bref afin d’organiser un corpus critique collectif et évolutif qui se nourrira des diverses contributions proposées par les visiteurs du site, qu’il s’agisse d’illustrations et de commentaires du texte balzacien ou de réactions, de compléments aux fragments critiques déjà déposés. Si l’intérêt et l’originalité d’HB résident dans ce dialogue continu et ininterrompu entre le texte et les fragments critiques primaires ou secondaires, reste qu’un tel dispositif lance de redoutables défis. Pratiquement d’abord, il convient de résoudre les difficultés techniques et ergonomiques afin que la mise en page et les protocoles de navigation incitent le visiteur à apporter sa pierre à l’édifice ; il convient également d’automatiser la gestion du site de sorte que les liens entre le texte de la nouvelle et les différentes contributions s’auto-engendrent pour optimiser les circulations. Toutefois, plutôt que d’évoquer ces questions de conception et de programmation, nous voudrions ici nous attacher aux enjeux théoriques d’un projet qui d’un côté, modifie sensiblement la traditionnelle posture critique au sein du champ universitaire et, de l’autre, met en cause l’acte critique lui-même, voire les fondements épistémologiques du genre.

227 I. Tournier, « Balzac-hypertexte », Le Magazine littéraire, n° spécial Balzac, février 1999, p. 64. L’auteur

multiplia même à la fin de sa carrière les renvois internes comme « (voyez Illusions perdues) », phénomène d’autocitation et de renforcement de la cohérence interne que Joëlle Gleize a fort bien évoqué dans son article, « La Comédie humaine, un livre aux sentiers qui bifurquent », Poétique, Paris, n°119, sept. 1998 (titre qui renvoie à ce penseur de l’intertexte avant la lettre qu’était Borges). Il est d’ailleurs symptomatique que Balzac ait accentué la logique hypertextuelle de son œuvre alors que, dans le même temps, il en effaçait le paratexte analytique. Le didactisme de la logique encyclopédique recule au profit d’une unité organique et résilaire « récompensant » le lecteur qui accepte de s’immerger dans l’œuvre globale.

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Pour plus de détail sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à notre article « Penser Balzac avec l’hypertexte et/ou penser l’hypertexte avec Balzac ? », Penser avec Balzac, Colloque de Cerisy – juin 2000, Paris, Sedes, à paraître courant 2003.

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HB comme Hyper-Bourse, Honoré de Balzac ou encore Horace Bianchon, le médecin de La Comédie humaine et surtout le plus grand sémiologue du personnel balzacien…

Idéalement, HB se donne comme œuvre, comme une œuvre qui n’a de sens que par la pluralité et la complémentarité de ses parties et, partant, se distingue assez nettement des autres utilisations de l’ordinateur qui ont cours au sein du champ universitaire littéraire.

- Il se différencie du colloque en ligne dans le cadre duquel les contributions rédigées et proposées sur une période relativement longue tiennent compte les unes des autres, mais sans entretenir de rapports dialectiques avec un texte unique 230. Il y a d’ailleurs tout lieu

de croire qu’un texte de référence unique constitue un objet beaucoup plus fédérateur qu’un sujet théorique ou qu’un thème.

- Il se distingue également des quelques exemples d’éditions — vraiment — hypertextuelles de textes classiques, c'est-à-dire de textes n’ayant pas été écrits en fonction de la technologie du lien hypertexte. Il est pourtant beaucoup de points communs puisque, dans ce cas de figure, le travail porte bien sur un texte unique de référence que le ou les éditeurs éclairent. Ils le font grâce à différentes postures critiques (génétique, socio-critique, thématique, …), autant de postures que l’on retrouvera dans HB et qui feront même l’objet d’une classification propre de sorte que le visiteur du site puisse consulter l’hypertexte critique en demandant à lire toutes les contributions relevant de tel ou tel type de posture. Cet éclairage repose également sur la proposition de variantes permettant de saisir l’évolution du texte avant qu’il se fige dans sa forme publiée. Toutes ces facultés, et bien d’autres encore, sont communes à toute édition électronique et à HB. Toutefois, les deux modes d’édition critique diffèrent radicalement par le fait que la dernière repose sur un nombre finis d’auteurs, tandis que la première reste ouverte à de nouveaux contributeurs. - Enfin, en tant qu’ouvrage critique, HB ne saurait pas plus être confondu avec les

initiatives qui proposent des bases de données ou des concordances. Pourtant, certaines d’entre elles adoptent une démarche collective qui s’apparente à la nôtre. Ainsi de La première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694) pilotée par Isabelle Leroy-Turcan qui ne se contente pas de mettre à disposition une base dictionnairique doublée d’une base hypertextuelle reliée à la première, mais qui est « conçue dans une perspective évolutive et dynamique [pour être] régulièrement enrichie au gré des recherches menées dans le monde entier par les chercheurs soucieux de participer à la mise en œuvre de la base »231. Toutefois, quelles que soient leurs procédures d’élaboration

et d’évolution, de tels dispositifs restent des outils, et sont mis à disposition des

230 Nous ne saurions cependant négliger l’immense intérêt que présente des entreprises comme le colloque sur le

statut de l’écriture éléctronique et de l’hypertexte organisé en 2002 par la BPI ni les colloques en ligne organisés par Fabula.

231

Isabelle Leroy-Turcan, « La première édition du Dictionnaire de l'Académie française, 1694: informatisation du Dictionnaire et élaboration d'un hypertexte littéraire », Conférence donnée à l'University of Illinois at Urbana- Champaign, le 27/02/1997, voir sur http://www.chass.utoronto.ca/~wulfric/academie/acad1694/illinois0297.htm.

chercheurs pour améliorer ou bâtir de nouvelles études sur tel ou tel texte, alors qu’HB se donne comme commentaire d’un texte.

Ce jeu des différences, que l’on ne poussera pas plus loin, met en évidence la relative originalité du projet qui nous occupe et permet peut-être d’anticiper les difficultés de fonctionnement qu’il serait susceptible de rencontrer. Car la réussite de ce projet — et nous mettons ici de côté la question bien évidemment essentielle de la qualité de l’ergonomie — repose entièrement sur sa faculté à créer une communauté à la fois relativement nombreuse et durable, à prévenir les effets de lassitude et à entretenir l’intérêt intellectuel. Ce sont donc les comportements et les parcours de chacun qu’il faudra étudier au sein de cette communauté. Qui lit seulement le texte de Balzac ? Qui lit le texte matrice et ses commentaires ? Dans quel ordre ? Les scripteurs lisent-ils le texte des autres et y répondent-ils ou continuent-ils, conformément à certaines habitudes universitaires, de proposer leur interprétation du texte de manière relativement autonome ? Sans doute aurait-il été plus intéressant de travailler sur des données réelles de fréquentation et sur une première étude des sociabilités générées par le site, mais, faute de données objectives, nous sommes obligés d’en rester aux hypothèses. Ces questions sont néanmoins essentielles car c’est en imaginant les différents types de pratiques que suscitera le dispositif que l’on peut appréhender la manière dont HB met en cause le modèle traditionnel de la recherche et de la critique littéraires. En effet, parce qu’il est subordonné à une forme de compétition entre chercheurs, le geste critique universitaire reste assez largement individuel. Et bien que l’originalité ne soit pas le seul critère d’appréciation, on n’en juge pas moins les membres, notamment les impétrants, sur leur capacité à produire un discours qui les distingue. Dans ce cadre, on comprend que les contributions intellectuelles qui émergent sur le marché étroit de la recherche (colloque, revues spécialisées) se juxtaposent les unes aux autres selon une logique qui correspond beaucoup plus aux nécessités d’un parcours individuel qu’aux impératifs transversaux d’un travail collectif. Ces analyses sont rapides et à certains égards caricaturales puisqu’il existe dans le champ littéraire de nombreux séminaires ayant précisément pour objectif de mettre en commun les savoirs et de favoriser l’exercice de ce qui relève d’une forme d’intelligence collective. Reste que si la critique universitaire ne fabrique du sens que collectivement, grâce aux mécanismes globaux de sélection/exclusion qu’entretient l’institution, cette œuvre collective est avant tout cumulative : revues et colloques réunissent différents spécialistes pour favoriser l’émergence d’un savoir commun, mais ce savoir n’est constitué que d’une série de gestes individuels agrégés, mais indépendants les uns des autres, selon un modèle qui s’apparente à l’individualisme méthodologique de Raymond Boudon. La véritable mise en commun, la confrontation ou la discussion des thèses des uns et des autres, s’opèrent généralement sur le

temps long, au rythme de la lecture solitaire. Ce détour sociologique, et non idéologique, est important pour mesurer le caractère relativement perturbateur d’HB. De fait, les contributeurs devront, d’une certaine manière, rompre avec les pratiques habituelles de recherche universitaire et notamment avec cette idée que la critique est un acte isolé et individuel, seulement soumis à la discussion ex post. Sur le site en effet, la publication n’est plus finale, mais, quel que soit son degré d’élaboration, toujours intermédiaire puisque susceptible d’un prolongement, d’un amendement par soi-même et par autrui… Elle est prise dans un processus herméneutique toujours en marche que le sujet critique ne maîtrise que partiellement, mais qui appartient à la communauté créée autour du site.

Se pose dès lors la question de la valeur des contributions mises en dialogue par HB. Question à entendre au pluriel, puisque la valeur c’est à la fois la validation et la validité. Pour commencer, il est évident que ce type d’écrit critique est en l’état actuel des choses difficilement valorisable dans un cursus de chercheur. C’est, il est vrai, le cas de toutes les publications sur internet qui ne bénéficient pas encore de la même légitimité que la publication papier, mais, ici, la difficulté est plus grande encore puisque l’apport individuel, pris dans un tout dont il n’est guère séparable, est très difficile à évaluer. Cette question n’est pas négligeable puisqu’à partir du moment où les chercheurs savent ne pas pouvoir valoriser leurs travaux sous cette forme et via ce dispositif, ils ne le choisiront pas prioritairement. Le site de critique hypertextuelle deviendrait un lieu secondaire qui ne serait fréquenté que par des « critiques » n’ayant pas accès aux bastions légitimes de la recherche littéraire. Les difficultés de la validation universitaire nous renvoient donc logiquement à la question de la validité et de la qualité scientifique des propositions soumises sur le site. Bien sûr, il conviendra de mettre en place une sélection en amont (comité…). Qui plus est, Michel Bernard le notait dans son Introduction aux études littéraires assistées par ordinateur, quel que soit l’idéal de liberté et de spontanéité qui régit internet, on ne rendra crédible ces supports qu’en « trouv[ant] un équivalent du malthusianisme éditorial qui prévaut aujourd’hui et qu impose un haut niveau d’exigence »232. On peut a priori se réjouir que l’hypertexte

critique se développe dans la pratique, mais l’on doit en même temps se méfier de sa multiplication incontrôlée et anarchique qui ruinerait peut-être le concept. Mais aux mêmes causes, les mêmes effets, le comité de sélection sera tout aussi sinon plus embarrassé que les instances judicatives de l’université puisque l’évaluation en amont – c'est-à-dire avant publication en ligne — n’a pas seulement à juger la valeur d’une proposition selon les critères

232 Michel Bernard, Introduction aux études littéraires assistées par ordinateur, Paris, PUF, « Ecritures

classiques de cohérence et de nouveauté de la pensée, mais doit être à même d’apprécier la valeur relative des propositions par rapport à l’ensemble.

On voit bien que derrière ces questions s’en cache une autre, bien plus vaste et délicate, celle de la valeur intrinsèque d’un dispositif critique collectif dont les capacités transcendantales elles-mêmes sont sujettes à caution. En effet, au fondement du genre critique réside le dialogue entre deux subjectivités, celle du texte et celle du critique, Gracq estimant même que l’activité de commentaire littéraire est un acte créateur unique. On peut certes considérer que la théorie de Gracq est excessivement immanente, mais il n’en reste pas moins vrai, comme l’explique Starobinski, que la faiblesse épistémologique de la critique qui « ne peut pas demeurer dans les limites du savoir vérifiables » est en quelque sorte compensée par l’apport de la subjectivité d’une « personne […] qui aura passé par l’ascèse impersonnelle du savoir objectif et des techniques scientifiques. [l’acte critique] sera un savoir sur la parole repris dans une autre parole »233. Dès lors que cette parole unique disparaît, au profit d’une réunion de

subjectivités différentes, il est possible que le lecteur soit profondément déstabilisé par un énoncé ou une série d’énoncés où il ne retrouvera plus une mais plusieurs paroles, concurrentielles ou complémentaires, mais qui ne s’avèrent plus à même de délivrer une parole sur le texte. Et ce n’est pas la pluralité des approches critiques qui est ici en cause, car on sait que le lecteur peut tout à fait s’accommoder de la cohabitation de différentes méthodes critiques, qui, fussent-elles contradictoires, concourent toujours à faire émerger le ou les sens du texte234. Ecrit par plusieurs auteurs qui ne sauraient tous partager la même vision du texte,

l’hypertexte critique, faute de logique herméneutique unitaire, cohérente et sensible, perdrait son unité. Dans cette hypothèse extrême, la raison d’être de l’ouvrage critique est dissoute puisque l’on ne donne plus « le résultat de sa lecture afin que d’autres, plus pressés ou moins disponibles pendant leur parcours du texte, trouvent occasion de lire autrement, sous- entendu : un peu mieux, vers plus de richesse »235. Perdre son lecteur faute de cohérence

interne, tel est le danger que court l’hypertexte critique, danger qui, en un sens, pèse sur toutes les formes de cyberlittérature et d’écriture collective. Mais, dans le cas qui nous intéresse, il est un autre risque, tout aussi grave. Réduit à une sorte de base de données difficilement

lisible, l’hypertexte critique pourrait disséminer le texte littéraire de référence, qui, environné 233 Jean Starobinski, La Relation critique, L’œil vivant II, Paris, Gallimard, 1970, p. 33.

234

On sait que Todorov condamne dans Critique de la critique cette tendance, inhérente à la critique contemporaine selon lui, à vouloir croiser différentes approches critiques sur un même texte. Il s’oppose ainsi aux thèses défendues par R.E. Jones qui estime qu’advient l’ère du critique total qui doit « combiner le meilleur de la critique historique, ,de la critique esthétique, de la critique scientifique réunissant tous ces éléments en une synthèse qui réduise l’écart entre critique et lecteur, d’une part, et l’œuvre, de l’autre — tout en accroissant notre connaissance et de l’œuvre et des processus créateurs qui conduisent à l’œuvre », in Panorama de la critique cité par Fabrice Thumerel, La Critique littéraire, Paris, Armand Colin, 1998, p. 98.

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Jean Bellemin-Noël, « Entre lanterne sourde et lumière noire. Du style en critique. », Littérature, n°100, déc 95, p.19.

d’une masse de renseignements, deviendrait en quelque sorte anecdotique. En l’absence d’une lecture unique et subjectivement déterminée, il abolirait non seulement sa propre lisibilité, mais également et surtout toute possibilité de lecture de l’œuvre.

Alors que notre interrogation portait initialement sur la difficulté à faire entrer au sein du champ universitaire une nouvelle pratique de commentaire, nous sommes maintenant conduits à envisager la manière dont la technologie hypertextuelle met en cause les fondements de ce que Starobinski appelle la relation critique puisque c’est la lisibilité du texte critique qui est menacée. Il faut entendre lisibilité dans sa double acception, transitive et intransitive : sont en cause d’un côté l’aptitude d’un énoncé à communiquer efficacement, sans perte d’information et sans ambiguïté, le contenu d’un message ; de l’autre, la faculté herméneutique du texte critique censé révéler le sens d’une œuvre littéraire. Toutefois, une vision aussi pessimiste, totalement justifiée à l’aune des postures traditionnellement définies par la pratique universitaire ou journalistique, peut être reconsidérée si l’on prend en compte la spécificité,