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DE L'HYPERDOCUMENT À L'HYPERNARRATION : RÉCIT D’UNE EXPÉRIMENTATION PÉDAGOGIQUE À DISTANCE.

Franck Cormerais Université de Nantes

En ouverture, précisons le statut de ce texte. Disons qu'il est conçu comme un retour d'expérience raisonnée d'un enseignant pris dans le "montage" d'une formation à distance, la première, proposée dans le cadre de l'Université de Technologie de Compiègne. Nous n'avons pas choisi le parti pris d'une énonciation théorique surplombante191, mais plutôt le ton

ethnographique d'une enquête que nous nous sommes imposée à nous-mêmes à propos de la mutation de notre métier.

Le récit de notre parcours dans le dispositif en ligne d'enseignement va s'organiser en deux séquences qui tracent les variantes de notre pratique pédagogique. Ainsi, le processus mis en œuvre dans son milieu de concrétisation apparaît comme le déroulement du circuit suivant : entre 1996 et 2000, nous avons été sur le chemin qui mène du cours classique à l'hyperdocument ; depuis 2001, nous tentons de passer de l'hyperdocument au récit interactif par la conception et le développement d'une hypernarration. Ces séquences correspondent à une extériorisation des modes de transmission du savoir. En effet, en déplaçant la relation avec l'apprenant, ce n'est pas seulement à un changement de style cognitif que nous sommes conduits mais à une interrogation sur les possibles ouverts par les supports numériques d'inscription et d'enregistrement. Nous retrouvons dans un contexte technologique totalement différent la problématique des méthodes "actives" de l'Education Nouvelle.

1 - Innovation en ligne et écriture du changement .

Au commencement, il y a une sorte d'embrayeur général, une innovation organisationnelle : le DICIT192. Sous cet acronyme se délivre une formation à laquelle je participe en tant qu’acteur

depuis sa création. Abritée dans les locaux de la Formation Continue de l'Université, le DICIT

191

Pour une approche plus théorique : F. Ghitalla et F.Cormerais « Les nouvelles technologies de la formation et la question des formats », Revue de l'Association EPI, Enseignement Public et Informatique, n°93, mars 1999, pp.70-81.

192 Diplôme en Communication Industrielle et Technologique. Ce diplôme est un DESS et va devenir un Master :

doit être envisagé à la fois comme un lieu d'expérimentation et comme un nouvel emplacement dans un établissement de recherche et d'enseignement193.

Le DICIT repose sur un découpage entre "présentiel" et "distance" qui distribue le partage du synchrone et de l'asynchrone : temps et rythme deviennent ainsi des notions clés de l'organisation. Le rassemblement des apprenants permet à chacun de découvrir le matériel, les programmes et les enseignants. Ce "rassemblé/assemblé" qui a lieu en début, milieu et fin, des modules autorise la construction d'une identité de groupe qui pourra se développer ensuite en véritable communauté virtuelle dans les travaux coopératifs ou individuels.

Le contenu de la formation, centré sur la communication industrielle et technologique, fait également connaître les exigences de l'écriture en ligne aux apprenants. Considéré autrefois comme lié principalement à la rédaction des modes d'emploi des objets industriels, le rédacteur technique doit maîtriser aujourd'hui les procédures liés à tous les supports : principalement la page et l'écran.

Futur rédacteur et donc "scribe de l'âge électronique", notre apprenant doit être capable de situer sa pratique dans l'évolution générale de l'écrit. A cet effet, le programme comprend un module consacré à l'histoire de l'écriture, dont j'assume la responsabilité. C'est donc dans le cadre de l'évolution des métiers de la rédaction que notre travail d'enseignant, à son tour, prend son sens.

Pour comprendre le sens de cette boucle disons que, parallèlement à la transformation de la rédaction technique, nous avons le sentiment de participer à la mutation des formats pédagogiques. Formats qui dépendent d'une inscription matérielle produite pour un enseignement dans lequel se superposent une plate forme technique, une couche applicative d'un logiciel coopératif et, enfin, une couche pédagogique194. Dans cette stratification, le

dispositif doit être compris comme un « inducteur de représentations », il appelle et annonce à la fois une métamorphose de l'accès au savoir195.. C'est dans cette disposition en couches que

s'opère un décentrement d'identité que nous allons maintenant relater.

2 - Du polycopié au polymédia : la plate-forme et le scénario pédagogique

Le récit de notre action décrit la conception et la réalisation d'un document électronique, un hyperdocument, consultable à l'écran par l'apprenant. Nous nommons

193

Franck Cormerais, « Une formation à distance en action », Actes du Colloque Industries Educatives : Situation, Approches, Perspectives (Nov.98), Presse Universitaire de Lille, Collection UL3, 1999.

194 Dominique Boullier, "Les choix techniques sont des choix pédagogiques : les dimensions multiples d'une

formation à distance", Sciences et techniques éducatives, vol. 8 (3-4), 2001, Hermès.

195

"Polymédia" ce document qui succède au traditionnel polycopié. Pour caractériser le statut central de ce document, précisons les principe qui engagent sa finalisation. Nous pourrons voir ensuite comment l'environnement du polymédia impose la nécessité d'un "scénario pédagogique".

Le premier principe à évoquer est une méthode de structuration qui permet une organisation des données. Une initiation à la démarche Information Mapping196, suivie par

l'ensemble de l'équipe projet, s'avéra un élément de départ considérable pour cadrer les problèmes liés au traitement de l'information. Il faut en retenir le principe de "granularité" pour organiser la rédaction des cours. Si la typification générale de l'information proposée initialement par la méthode n'a pas été retenue, il apparaît que celle-ci a sensibilisé collectivement les enseignants aux questions d'harmonisation, de structuration et de présentation des contenus disciplinaires. Finalement, un ensemble de préconisations fut adopté pour porter les contenus à l'écran. Un grain de savoir, par exemple, ne devait pas excéder une taille permettant son affichage à l'écran sans recours à l'ascenseur. Chaque grain devrait également comporter un titre et une entrée canonique pour permettre une indexation détaillée et une meilleure appropriation du sommaire.

La mise au point d'une chaîne éditoriale197 pour élaborer les "Polymédias" est le

deuxième principe majeur de l'initialisation du projet. Cette chaîne, en reprenant les outils logiciels Polytec permit aux enseignants de maîtriser l'ensemble des opérations de fabrication des documents électroniques.

La distinction entre document logique et document physique contribua à la prise en considération des différents lectures possibles du document. S'orienter dans le document devenait une clé pour faciliter l'appropriation du contenu. S'il apparaît plus clairement aujourd'hui que l'orientation de l'apprenant dans le support d'inscription trouve son prolongement dans les questions liées à la navigation hypertextuelle198, nous pouvons dire que

le principe de notre démarche consistait à mettre au point un système qui "soulage" l'activité de lecture. Contrairement au livre, l'apprenant n'écoute pas le texte mais regarde la page-écran à la recherche de repères qui la balisent. Ainsi la hiérarchisation de l'information et sa présentation tendent-elles à produire un processus visuel délinéarisé. Au concept d'asservissement du lecteur succède la mise en œuvre, difficile, car aujourd'hui en cours d'élaboration, d'un appareillage autorisant une liberté de lecture199.

196

www.information-mapping.fr

197

Bruno Bachimont, "Polytex, un environnement pour l'édition structurée de polycopiés électroniques multisupports", Cahiers Gutenberg, n°28-29, Congrès Eurotex, mars 1998.

198 "La navigation", Les Cahiers du numérique, sous la direction de F. Ghitalla, vol.3, n°3, 2002.

199 Christian Vandendorpe, Du papyrus à l'hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture, La

Si le "Polymédia" amenait des éléments de réponse à la question délicate sur la définition d’un cours électronique, nous nous sommes trouvés ensuite confrontés à un autre problème - celui de l'assemblage des cours - posé cette fois par l'environnement distribué qui demeure l'indispensable complément à la chaîne éditoriale. L'assemblage des cours forme donc le troisième principe de la méthode. Avant de l'aborder, présentons le dispositif technique.

La plate-forme éducative retenue pour la formation, Learning Space, est une couche applicative de Lotus Notes, un progiciel de type groupware200. Ce dernier a été racheté par

IBM en 1995. Learning Space se compose d'une plate-forme de diffusion de cours et d'un ensemble d'outils pour contrôler l'accès aux cours et tutorat.

Quatre rubriques forment la noyau de Learning Space (cf. fig.1). Le Programme est la première de ces rubriques. A côté de la Médiathèque où sont déposés les contenus, de la Salle

de cours où sont déposés les travaux et des Profils où sont mises des informations sur les

membres de la communauté, le Programme propose un agenda. Avec cette rubrique qui expose le déroulement de chaque cours est apparue la nécessité d'un assemblage pédagogique. Partant d'une réflexion sur l'idée de la mise en séquence des contenus, c'est à l'aide du concept de "scénario pédagogique" que nous avons pensé collectivement l'utilisation de la plate-forme.

A l'aide du "scénario pédagogique", nous devions anticiper les contraintes imposées par la formalisation des séquences éducatives et proposer des solutions pour articuler les

curricula (objectifs de la formation, référentiel des contenus) à la didactique.

Le concept de scénario, dans un premier temps, a mis en relief notre ignorance des actes pédagogiques relatifs à l'art d'enseigner. Nous entendions par "actes pédagogiques" l'inventaire des ressources pouvant être mobilisées dans une séquence éducative par le dispositif. Le scénario pédagogique traduisait donc concrètement une pratique théorique liée au développement du dispositif, alors même que nous cherchions à nous éloigner du modèle de l'enseignement programmé de Skinner.

Pour cela, nous nous sommes d'abord centrés sur la charge de travail de l'apprenant : organisation et durée des exercices, nature de l'évaluation, rendus individuels ou coopératifs. Une fois passée la transposition des formes classiques d'enseignement, une démarche heuristique a émergé pour apporter des améliorations par ajustements successifs. Ce n'est

200

Ce terme est traduit par collecticiel. Un collecticiel permet d'échanger des données à l'intérieur d'un groupe et de la traiter en commun. Il comporte souvent aussi une messagerie et un système de gestion des documents et un calendrier des tâches qui s'appliquent pour tous.

donc pas sur le mode d'une transformation immédiate et complète de la relation pédagogique que nous avons vécu le changement.

Rapporté à son environnement global, ce n'est pas seulement le cours électronique et ses problème d'orientation dans le support qui nous préoccupaient mais également, et de façon plus intense, les relations entre le sujet connaissant et le groupe, le fonctionnement d'une communauté virtuelle, la coordination pédagogique entre les cours.

Rétrospectivement, il apparaît que la création d'une relation pédagogique dans cette première phase a débouche sur la concrétisation d'une didactique qui devait être couplée aux actes pédagogiques mis en situation par l'environnement du dispositif. Ainsi l'imprécision du "scénario pédagogique", au départ, était dû à un tâtonnement dans l'usage des fonctionnalités de l'environnement201. Ce n'est pas à la seule jonction du sémiotique et du technologique, pour

la réalisation du "polymédia" que se situait notre questionnement sur l'enseignement à distance mais aussi, et surtout, dans la pratique collective d'une ingénierie pédagogique qui a débouché sur l'institutionnalisation de parcours de formation pour nous inédits.

3 - De l'hyperdocument à l'hypernarration

Un tournant va s'opérer dans notre récit avec l'opportunité qui nous a été offerte, en 2001, de poursuivre notre travail sur le "scénario pédagogique". Le Conseil Régional de Picardie, en décidant de subventionner la réalisation de produits interactifs pour la formation, nous a permis de poursuivre notre expérimentation pour la conduire dans une nouvelle direction.

Dans cette nouvelle phase, l'enseignant se transforme en auteur et chef de projet multimédia. Deux motifs expliquent cette métamorphose. Premièrement, nous tenions dans cette opportunité une possibilité de croiser, à propos du récit interactif, approche théorique et réalisation pratique dans la continuité d'un enseignement consacré à l'écriture multimédia 202..

Deuxièmement, après la phase de constitution du "polymédia", il nous était apparu que le cours déposé dans la plate-forme d'enseignement faisait l'objet d'un détournement. Les apprenants avaient rapidement, en effet, demandé que le "Polymédia", initialement prévu pour être lu à l'écran, soit imprimé, relié et diffusé pendant les présentiels. Ce retour, non prévu, de la forme livre faisait question. Que le papier offre de meilleures conditions de lisibilité que l'écran, soit, que le polycopié reste un objet maniable et portable demeure évident, mais ces raisons invoquées sont-elles suffisantes pour justifier la disparition de l'écran et avec lui de

201 La version 2 du cours possède les compléments suivants : illustrations, QCM.

l'hyperdocument ? Autrement dit, en optant pour un retour du polycopié, les apprenants ne faisait-ils pas un choix régressif ?

Afin de répondre à ces questions, nous avons choisi pour hypothèse de départ d'aller du "Polymédia" à une autre version qui comprendrait une hypernarration. De cette confrontation devait naître une innovation203 qui rapproche notre module "histoire de

l'écriture" d'une logique du jeu. Ce choix correspondait, en fait, à une stratégie qui devait faciliter la lecture à l'écran pour enrayer, en quelque sorte, le retour de la version papier.

Aborder ainsi le jeu, c'était considérer avec sérieux la pratique culturelle des jeux vidéos204. Il n'était pas dans notre propos de reconduire les discours sur les mérites du "ludo-

éducatif" ou de "l'édivertissement". A l'inverse de ces postulats, nous entendions introduire le jeu comme un supplément au Polymédia. Dans notre hypothèse, un autre problème se posait à nous : comment contourner l'aporie d'une "hypotextualité"205 qui dilue le sens dans un

mouvement de renvoi de textes à l'infini. C'est-là que la narration et le jeu proposent un schéma central : où, initialement perdu, le lecteur/joueur doit se frayer un chemin pour trouver ou se retrouver. Voici le paradoxe qui justifie notre hypothèse : un dédale peut conduire au savoir. La situation classique du labyrinthe méritait d'être reliée à celle du pédagogue qui, lui aussi, étymologiquement conduit et mène. Le rapport à la chose enseignée (didaskein) se transforme alors en une relation d'aide. Le fil que tend le guide, quand on fait appel à lui, permet de retrouver son chemin dans le labyrinthe du savoir.

Le labyrinthe raconte toujours quelque chose, l'aventure mouvementée prend la forme d'un récit. Dans notre projet, une fiction stimule la connaissance. Déchiffrant des messages, l’apprenant devient le héros d’une aventure en trouvant des réponses à des énigmes dans une base de connaissances. Cette situation contourne l'opposition de la vérité et du simulacre. Notre attitude de pédagogue et d'auteur consiste à articuler connaissance encyclopédique et univers diégétique206. Aussi le Polymédia fut-il rebaptisé : "Odyssée de l'écrit et de ses

supports"207.

Dans cette nouvelle phase, la convergence de la fable et de la raison ouvre quelques pistes qui débouchent sur une question plus générale : l'économie scripturale qui se met sous

203

6eme Sens Multimédia, Société de développement informatique, est partenaire du projet. Elle assure le développement informatique (Philippe Davenne) et le graphisme (Stéphane Haute Potier). Adresse électronique : www.6e.sens@6esens-sens.fr

204 Alain et Frédéric Le Biberder, Qui a peur des jeux vidéo ?, Paris, La Découverte, 1993

205 L'opposition hypotexte /hypertexte est présentée par Bruno Bachimont, in B. Bachimont, "Du texte à

l'hypertexte, parcours de la mémoire documentaire", Revue, Raison, Idéologie, pratiques.

206

Le travail de Ricoeur nous a inspiré un tel rapprochement. Cf. Paul Ricoeur, Temps et récit, T. 1.2.3., Paris, Seuil.

207 Raymond Queneau dans un texte célèbre classait tous les récits à partir d'une opposition première de l'Iliade

la dépendance de l'hyper208, ne se pose-t-elle pas comme une nouvelle machinerie de

représentation du savoir ? Les psychologues de l'éducation et les spécialistes des sciences cognitives pourront répondre. Pour notre part, la réflexion sur notre pratique nous a amenés à dresser en creux un portrait du lecteur en nouvel « apprenant ». C’est bien le statut du lecteur qui doit évoluer pour éviter le retour du polycopié.

L'expérimentation que nous proposons par le biais de l'hypernarration doit offrir, bien sûr, des alternatives au contrat fictionnel. Personne ne doit être obligé de jouer. Un mode "découverte" et un mode "révision", conçus à partir du contenu du cours, deviennent des fonctionnalités supplémentaires qui rendent la fiction autonome. On peut dire que l'hypernarration présente une couche supplémentaire dans le dispositif. Couche qui permet d'articuler les dimensions du voyage, de l'initiation, de l'épreuve dans un contexte d'apprentissage. Ceci sans revenir sur les exigences de l'acquisition d'un contenu encyclopédique garanti par un niveau académique.

4 - Du poste de travail à la posture narrative, ou la fiction en situation d'apprentissage

Pour décrire plus précisément l'introduction de l'hypernarration dans le "Polymédia", posons la question : la fiction pourquoi faire209? La réponse que nous allons apporter tient

dans le statut de l'écran qu'il s'agit de transformer en surface de lecture. En vue de cet objectif, notre démarche a consisté à mobiliser un désir de fiction dans le champ du savoir, désir qui, faut-il le rappeler a été soigneusement gommé du système éducatif. Etrangement, la fable est reléguée à l'âge de l'enfance210 alors qu'elle est une nécessité de l'espèce humaine, ce

que rappelle Eco211 après Bergson et Janet.

Notre motif, le "désir de fiction" demeure-t-il suffisant pour justifier une problématique qui, sans les confondre, cherchait à rendre perméable la frontière existante entre la connaissance démonstrative (déictique) et l'approche poïétique? Nous faisions le pari que la fiction peut être mise, dans certaines conditions, au service d'un dépassement de l'opposition stricte entre norme propositionnelle212 et vraisemblance aristotélicienne. Le statut

de la fiction, tel qu'il est mis en œuvre dans notre projet, tente de s'articuler à un modèle

208

Hypertexte, hyperspace, hypermédia, etc…

209

Nous répondons en écho à l'interrogation posée par le beau livre de Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999.

210 Michel Fabre, L'enfant et les fables, PUF, Paris, 1989. 211 Umberto Eco, Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985.

212 Cette norme est-elle même traversée par l'opposition entre l’apodictique (Apodeiktikos) ce qui est propre à

encyclopédique213. Dès lors, l'imagination ne serait plus la "folle du logis", l'éternelle

trompeuse qui s'oppose au vrai ! Avec elle, au contraire, pourrait bien se créer un espace mental où surgit l’énigme d'un "ce qu'il va falloir résoudre en s'éclairant d'une connaissance". Dans cette situation, l'énigme sert à convoquer l'éros du savoir214. Si le récit est souvent

compris comme un piège tendu au lecteur, il s'agit cette fois, non de tromper, mais de solliciter par le biais du fictionnel une connaissance. Comment ? Nous détaillerons notre réponse en trois points :

a) En distinguant, d'abord, la fable de la fiction pour préciser le concept de scénation b) En redoublant, ensuite, l’énigme dans l’intrigue par l'épreuve dans la connaissance c) En redistribuant, enfin, les enjeux de l'arrière-fable pour arriver à un "roman de formation".

a) Fable, fiction et scénation

Dans toute mise en intrigue, la fable est ce qui est raconté tandis que la fiction se compose des divers régimes selon lesquels le texte est "récité". Dans la fable, on trouve les épisodes, les personnages et les événements. Dans la fiction se concentrent posture du narrateur, la présence ou absence d'un regard neutre, l'engagement de tout le récit dans la perspective d'un personnage ou de plusieurs. Laissons à Michel Foucault le soin de synthétiser cette différence, avant d'en faire usage : "La Fable est faite d'éléments placés dans un certain ordre. La

fiction, c'est la trame des rapports établis, à travers le discours lui-même, entre ce qui parle et ce dont il parle. Fiction, aspect de la fable".215

Dans notre hypernarration, la fable règle des séquences de l'action dans une structure narrative close. Ce mouvement s'avère essentiel car il amène un dénouement compris comme éclaircissement, nous retrouvons là une matrice du "perdre/(se) trouver. Si la fable introduit le