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Introduction générale

UNIVERSALISATION ET RADICALISATON DES CONTESTATIONS DES PROJETS MINIERS

Figure 3 - Evolution de l’industrie minière face aux évolutions sociétales et aux attentes des populations locales de l’Antiquité à nos jours  

Une incursion dans le passé montre que le phénomène de contestation des projets miniers par les populations riveraines est connu depuis le XVIe siècle13. Il faut reconnaître cependant, que c’est à partir de la fin des années

1990, que les Mobilisations contre les projets miniers ont fait l’objet de fortes médiatisations, au point qu’elles sont devenues une des tendances lourdes de l’industrie minière moderne. Le sujet est même devenu si préoccupant qu’une revue de la littérature post-guerre froide qui lui est consacrée ne peut qu’être parcellaire et insuffisante. Il convient de noter cependant que de façon constante, les auteurs qu’ils soient individuels ou collectifs, privés ou publics, reconnaissent dans un premier temps, la bonne santé de l’industrie minière depuis le début des années 2000 avant de préciser de mettre l’accent sur la nécessité de considérer les populations locales comme acteurs de l’industrie minière pour la simple raison qu’elles n’hésitent plus à rejeter pacifiquement ou violemment tout modèle14 de production minière qui ne prend pas en compte leur capacité à influencer les

choix stratégiques et tactiques arrêtés en vue du développement des projets miniers.

La maîtrise des causes et des conséquences de la nouvelle posture des populations riveraines des projets miniers vis-à-vis des exploitations minières, en vue de proposer des remèdes, constitue la quintessence de notre travail de recherche dont le thème est « l’industrie minière face aux évolutions sociétales. Quels impacts des

attentes des populations et des collectivités locales sur le développement des projets miniers ? »

En effet, dans le processus de développement économique national et mondial, les projets de développement minier sont «des sources de capitaux par les recettes d’exportation et des moyens d’industrialisation locale, par

la fourniture de matières premières aux industries locales des pays producteurs15 ». Il faut noter aussi que

l’exploitation minière dont le dynamisme et la pérennisation sont souhaités, « est aussi synonyme d’impacts

environnementaux négatifs dans de nombreux cas16 ». En général, « parmi ces impacts, il faut mentionner le risque élevé de pollution des sols et des eaux, la colonisation consécutive à la pénétration des routes dans des zones de forêt primaire et dans les territoires ancestraux, ainsi que l’exacerbation des tensions sociales que provoque l’économie d’enclave générée par l’activité minière17 ».

A l’analyse, il apparaît que les premières Mobilisations contre les projets miniers datent de l’époque des Grandes découvertes du XVIème siècle et avaient pour objet de résister contre l’esclavage minier en Amérique latine. Celles-ci ont été violemment réprimées avant de catalyser la déportation des esclaves africains réputés aptes à se substituer aux Indiens d’Amérique latine qui se révoltaient et mouraient nombreux sur les chantiers miniers. Pendant plusieurs siècles, les exploitations minières se sont déroulées aussi bien dans les pays industrialisés d’Europe que dans les différentes anciennes colonies de peuplement d’origine européenne, sans que les coûts sociaux et environnementaux occasionnés ne soient pris en compte.

Pendant la période post-coloniale, soit au tournant des années 1970 et 1980, les Mobilisations contre les projets miniers ont eu pour cadre la plupart des pays industrialisés. Elles appelaient à une internalisation effective des coûts sociaux et environnementaux lors des projets miniers. Au lieu de la force, des législations ont permis d’intégrer les externalités aux coûts de production. Une telle démarche a eu pour conséquence de déplacer la géographie des activités minières vers des zones moins contraignantes dites à bas coûts de production, comme l’Afrique.

      

13 Kendall W. Brown, A History of Mining in Latin America. From The Colonial Era to The Present, New Mexico, University of New

Mexico Press, 2012, pp.2-5.

14 Henry Veltmeyer and James Petras, The New Extractivism. A post-Neoliberal Development Model or Imperialism of the Twenty-First

Century?, London, Zed books Ltd, 2014, pp.1-20.

15 Institut de Relations Internationales de Dijon, Les Hydrocarbures gazeux et le développement des pays producteurs, Paris, Librairies

Techniques, 1974, p.7

16 Guillaume Fontaine, Gaz et Pétrole en Amazonie. Conflits en territoires autochtones, Paris, L’Harmattan, 2010, p.10. 17 Id.

La mondialisation aidant, il faut noter que depuis la fin de la guerre froide, les revendications pour une plus grande intégration des coûts sociaux et environnementaux aux coûts de production se sont étendues au Continent Africain, devenu entre temps, une destination importante des investissements miniers internationaux. Compte tenu de l’importance de l’afflux de capitaux étrangers dans le processus de développement du continent noir, de telles oppositions méritent d’être élucidées. Avec la crainte que ces manifestations grèvent à leur tour les coûts de production en Afrique et que les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’activité minière devienne peu compétitive et réduise les chances de croissance du Continent noir où sévit la pauvreté, la réflexion menée au cours de nos travaux est plus que justifiée.

Dès lors se posent trois questions fondamentales auxquelles nous apportons des réponses.

 Le modèle de croissance fondé sur l’investissement minier à bas coût de production a-t-il encore un avenir ?  Les grands projets miniers ont-ils encore un avenir ?

 Que doit proposer la communauté internationale face à une éventuelle flambée des cours des produits miniers qui serait consécutive à une mauvaise gestion des « mouvements anti-industrie minière » que nous appelons dans le cadre de notre travail les Mobilisations Communautaires ?

Afin de mener à bien nos réflexions, dont la finalité est de proposer des réponses claires à ces questionnements, nous avons d’abord mis en évidence le problème à résoudre. Une fois le problème identifié, nous avons choisi d’articuler notre raisonnement autour de trois grandes parties. Nous avons enfin fait notre conclusion qui est assortie de recommandations afin que l’expression des attentes des populations et collectivités locales ne soit pas la fin de l’industrie minière.

Comment avons-nous mis en évidence le problème à résoudre ?

A cette première phase de notre travail, nous avons compilé un certain nombre d’ouvrages et d’articles, suivi des émissions dans les medias audiovisuels, parcouru des sites internet, afin de mettre en évidence l’existence effective des Mobilisations Communautaires dans l’industrie minière. La tâche qui a suivi a été de les caractériser (Les mobilisations sont-elles violentes ou non violentes ? Les cibles sont-elles des projets majeurs ou non ? S’agit-il d’un phénomène concentré ou universel ?). L’objectif visé était de mesurer l’importance du risque qu’elles font peser sur les approvisionnements mondiaux de produits miniers. La troisième phase a consisté à comprendre les motivations profondes de ces mobilisations, afin de proposer des solutions.

C’est parce que nous nous sommes rendus compte que les Mobilisations contre les projets miniers avaient une dimension universelle et s’attaquaient aux plus grands projets de rang mondial comme aux projets périphériques mais dont l’importance économique n’est pas nulle que nous avons décidé d’approfondir notre travail de recherche. Le fil conducteur de notre démarche était de savoir pourquoi, alors que l’industrie minière s’impose comme un élément structurant du progrès humain depuis des siècles, des mobilisations peuvent encore lui être hostiles (Figure 3) ?

Comment avons-nous résolu la question?

Nous avons analysé la contribution de l’industrie minière à la création de la richesse aussi bien au plan national qu’au plan mondial. Au plan national, l’indicateur considéré a été la croissance économique. Dans une perspective historique, il est apparu que dans tous les cas de figure, l’ouverture d’un projet minier contribue toujours à la croissance économique et à la création de richesse. Au plan mondial, l’indicateur considéré a été la

contribution de l’industrie minière à l’économie mondiale. Il s’avère que c’est l’industrie minière qui a jeté les bases de l’économie internationale. En mettant en place un Système Monétaire International métallique et en favorisant la révolution industrielle qui a amplifié le commerce international, nous pouvons dire que l’industrie minière est le socle du système productif mondial. Dès lors, tout risque de perturbation des approvisionnements en produits miniers doit se résoudre de façon globale et anticipative.

Nous nous sommes ensuite posé la question de savoir pourquoi une telle opposition des populations locales aux projets miniers dans ce XXIème siècle pourtant, fortement dépendant de la consommation minérale sous toutes ses formes. A l’analyse, il est apparu que ce qui est rejeté par les populations locales, c’est le modèle de croissance de l’industrie minière qui ne prend pas en compte les coûts sociaux et environnementaux. Pour gérer ce nouveau risque (risque de réputation) que constitue le rejet des projets miniers par les populations locales, nous affirmons la nécessité d’avoir recours à un consensus au niveau mondial. Ce consensus qui vient se substituer au recours à la force pour rétablir la paix dans les zones des projets miniers se décline en la gouvernance globale des ressources minières qui se fixe pour objectif d’intégrer d’associer désormais toutes les parties prenantes, y compris les populations locales aux processus de prise de décision de valorisation des ressources minières.

En adoptant ce nouveau modèle de croissance, l’industrie minière s’engage à se réconcilier avec les populations locales. Grâce à cette démarche inclusive qui préfigure la coopération pacifique entre parties prenantes des projets miniers, l’industrie minière favorisera le développement humain durable dans les zones affectées par les projets miniers.

Avec les critères de performance contenus dans les engagements collectifs ou individuels des acteurs, un cadre sont une source de confiance supplémentaire qui donnera à la Responsabilité Sociétale des Entreprises qui pourra s’étendre à toutes les parties prenantes de cette activité économique et sociale.

Les objectifs visés par notre travail

L’objectif principal que veut atteindre notre travail consiste donc à proposer un modèle de croissance de l’industrie minière capable d’apporter la paix dans les zones des projets. En adoptant la gouvernance globale des ressources minières, cette désormais interdépendance incontournable entre les acteurs de l’industrie minière, qu’ils soient étatiques ou non, dans la conception et l’élaboration des stratégies de mise en application des politiques minières, nous consacrons la fin du recours à la force comme solution aux contestations des projets miniers.

En d’autres termes, l’adoption de la gouvernance globale des ressources minières vient démontrer que depuis le début des années 1990, l’Etat n’a plus le monopole de la décision de mise en valeur des ressources du sous-sol, bien que son statut de dernier recours dans le développement des projets miniers ne soit jamais remis en cause. De manière spécifique, notre travail se propose de démontrer que:

 le progrès humain a toujours besoin de l’industrie minière;

 la radicalisation des mouvements anti-industrie minière est favorisée par le contexte mondial et la nature même des projets miniers ;

 les mouvements de contestation des projets miniers sont une menace systémique qui pèse sur les flux de produits miniers ;

 l’industrie minière a désormais une fonction sociale en plus de sa traditionnelle fonction financière;  les acteurs de l’industrie minière ont chacun une responsabilité sociétale ;

 l’industrie minière en Afrique doit prendre en compte les besoins des populations riveraines des projets miniers ;

 la gouvernance globale des ressources du sous-sol, (comme modèle de croissance de l’industrie minière), avec son premier volet dit stratégique fourni par un cadre institutionnel d’origine étatique et non étatique et un cadre juridique formé par des instruments contraignants et non contraignants, et son deuxième volet dit opérationnel représenté par la responsabilité sociétale de toutes les parties prenantes, assorti d’indicateurs de performance d’origine étatique et non étatique, est la solution à apporter aux contestations des projets de développement minier.

Quels sont les résultats obtenus ?

La description de l’objet de notre travail montre bien que les mobilisations contre les projets de développement minier exposent l’industrie minière mondiale à un risque d’un genre nouveau et de portée universelle : le risque de réputation, qui consiste à ruiner la réputation des acteurs traditionnels pour les contraindre à prendre en compte le sort des populations locales.

Au terme de notre travail, nous avons effectivement abouti au fait qu’en plus de sa fonction économique et financière traditionnelle, l’industrie minière a désormais une fonction sociale. Nous avons montré également que la gouvernance globale des ressources minières adoptée comme nouveau modèle de croissance de l’industrie minière est la solution pour contenir les mobilisations contre les projets miniers.

Dès lors, il faut espérer que notre travail vienne servir d’éclairage aux décideurs africains, aux investisseurs miniers et aux Institutions Financières Internationales, afin qu’ils intègrent cette mutation intervenue dans les comportements des populations locales riveraines des projets miniers dans les processus de prise de décision de valorisation des ressources minières, au lieu de la percevoir comme une des nombreuses difficultés qui seraient spécifiques au climat des investissements en Afrique et dans les autres pays en voie de développement. Voyons comment nous avons structuré notre raisonnement.

Notre travail comporte trois parties :

 La première partie intitulée : l’industrie minière comme socle de la richesse des nations, comprend deux chapitres. Le premier chapitre intitulé, l’industrie minière comme catalyseur de croissance, définit la richesse des nations dans une perspective historique et la présente comme le but ultime des politiques économiques nationales, avant de rappeler le rôle des produits miniers dans le passage de la richesse fondée sur l’économie de prédation à la richesse des nations fondée sur la production et la consommation de masse appelée croissance économique. Le deuxième chapitre intitulé, l’industrie minière dans l’économie

internationale, définit la contribution de l’industrie minière à la mise en place de l’économie mondiale. Elle

précise que ce sont les produits miniers qui ont été à l’origine du Système Monétaire International. Elle rappelle que tous les déterminants du commerce international sont tributaires de l’industrie minière. Elle conclut enfin que la sécurité des approvisionnements est un enjeu de politique internationale pour la raison évidente que le système productif mondial a pour support l’industrie minière.

 La deuxième partie est intitulée les Mobilisations Communautaires, nationalisme des ressources ou effets de

la Mondialisation ? Elle comprend deux chapitres. Le premier chapitre intitulé, les coûts sociaux et environnementaux comme sources des mobilisations communautaires dans l’industrie minière analyse les

sociaux et environnementaux est l’explication de la radicalisation des mobilisations anti-industrie minière. Le deuxième chapitre, quant à lui est, intitulé l’internationalisation des Mobilisations communautaires : le temps

de nouvelles règlementations minières pour un nouvel ordre minier, jette les bases de la nouvelle vision des

missions assignées à l’exploitation minière au plan local et place l’industrie minière au cœur de la gouvernance mondiale.

 La troisième partie, intitulée l’industrie minière et les objectifs du Millénaire en Afrique, comporte deux chapitres. Le premier chapitre, intitulé la signification économique des projets miniers en Afrique, révèle le caractère extraverti de l’industrie minière en Afrique. Il conclut qu’il appartient désormais aux Africains eux- mêmes de développer des capacités réelles d’appropriation des bienfaits de l’industrie minière pour en tirer le maximum de retombées positives.

Le deuxième chapitre, intitulé L’industrie minière en Afrique, de la fonction financière à la fonction sociale, rappelle que la mission première assignée à l’industrie minière en Afrique par les pourvoyeurs de facteurs de production doit se doubler d’une fonction sociale afin d’apporter le développement humain dans les zones de projets miniers.

 En conclusion, nous proposons des recommandations pour assurer la réussite des réformes afin que l’industrie minière poursuive sa croissance et que les populations riveraines des projets miniers bénéficient de leurs droits au développement humain durable.

 Dans une analyse prospective, nous établissons un parallèle entre les contestations des investissements miniers et les contestations des investissements fonciers.

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