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3.3 Mod`ele prosodique

3.3.1 Unit´es/Groupes prosodiques

La d´efinition d’un mod`ele prosodique d´epend fortement de l’unit´e choisie (phrase, groupe de souffle, mot, m´elisme, syllable...). La plus petite entit´e tempo-relle du mod`ele propos´e est la syllable. Mais d’autres unit´es plus larges poss`edent une influence sur les param`etres estim´es des syllabes.

3.3.1.1 Phrase

L’aspect pragmatique et la modalit´e permettent au locuteur de situer sa posi-tion par rapport `a ce qu’il dit. Le ton montant est traditionnellement attribu´e `a la question, tandis que le ton descendant refl`ete g´en´eralement une affirmation (bien qu’il existe de nombreuses discussions `a ce sujet). Ainsi, le ton indicatif de la moda-lit´e apparaˆıt souvent en fin d’une phrase, mais il peut aussi ˆetre pr´esent `a un autre endroit ou bien r´eparti sur toute la phrase. Afin de le prendre en compte, il est donc n´ecessaire d’observer la phrase enti`ere, qui devient de ce fait une unit´e d’observation.

Parmi les modalit´es usuellement reconnues, on compte l’affirmation, l’exclamation et l’interrogation. Nous avons soumis l’id´ee (voir partie2.4) d’y ajouter l’ironie et le doute. Ces 5 modalit´es forment le dictionnaire de la variable Smodalitephrase.

44 Chapitre 3. Analyses du corpus

Une phrase courte est g´en´eralement d´eclam´ee dans une seule expiration, du-rant un seul cycle respiratoire. Lors de l’expiration, la pression sous glottique di-minue progressivement. Il en r´esulte une d´eclinaison de la f0 [Gussenhoven 1988, Grobet 2001, Lacheret-Dujour 1999]. Cette d´eclinaison est r´einitialis´ee `a chaque prise de souffle. Lors d’une phrase plus longue, des prises de souffle peuvent in-tervenir et on observe des r´einitialisations de la d´eclinaison dans la phrase. C’est pourquoi il est n´ecessaire de segmenter les phrases en groupe de souffle.

3.3.1.2 Groupe de souffle

Un groupe de souffle est d´efini entre deux inspirations. Il est donc constitu´e g´en´eralement d’une inspiration silencieuse et rapide, suivie d’une seule expiration.

Apr`es l’inspiration, une r´einitialisation de la d´eclinaison de f0 peut apparaˆıtre (ph´enom`ene appel´e “resetting” en anglais). L’unit´e groupe de souffle est pertinente pour mod´eliser l’expression car cette derni`ere peut-ˆetre accompagn´ee de tions physiologiques ayant des cons´equences sur la respiration. Ainsi, les modifica-tions de la respiration induites par l’´etat interne responsable de l’expression, peuvent entraˆıner diff´erents groupements en groupes de souffles. Dans le cas neutre, ces re-groupements sont uniquement d´ependants du d´ebit de parole [Fougeron 1998]. Ces groupements ne d´ependent pas seulement du contenu s´emantique et il est important de les prendre en compte dans l’´etude de l’expressivit´e.

3.3.1.3 Syllabe

La syllable joue un rˆole primordial dans l’acquisition, la production et la per-ception de la parole. Lors de l’acquisition du langage, les premiers mots acquis sont g´en´eralement, mono ou bi syllabiques (“papa”). Il n’est pas possible de prononcer d’unit´e inf´erieure `a la syllable. Dans cette acception, une voyelle prononc´ee seule est consid´er´ee comme le noyau d’une syllable d´epourvue d’attaque et de rime. La syllabe joue aussi un rˆole important dans la perception de la parole. Une caract´eristique prosodique importante de la syllabe concerne le ph´enom`ene de pro´eminence.

Pro´eminence La pro´eminence est le r´esultat perceptif d’un contraste (culmi-nance, distinction, d´emarcation) acoustique contrˆol´e, remplissant plusieurs fonc-tions. Tout d’abord, elle manifeste l’accentuation de certaines syllabes qui peut

3.3. Mod`ele prosodique 45 ˆetre d´efinie par des r`egles linguistiques [Caelen-Haumont 2004]. Cette accentuation d´epend donc de la langue et on distingue classiquement deux grandes familles de langues : Les langues `a accent d´etermin´e comme l’anglais et les langues `a accent libre comme le fran¸cais. La pro´eminence joue parfois un rˆole dans la d´esambigu¨ısa-tion du sens (accent pragmatique). Enfin, la pro´eminence sert aussi `a mettre en valeur certains ´el´ements (accent de focus, d’emphase, d’insistance). Par ce rˆole multi-fonctionnel, et parce que la pro´eminence r´esulte des interactions entre les diff´erents niveaux d’information de la parole (niveau du sens s´emantique, du style, de l’aspect pragmatique, de l’expressivit´e et de l’identit´e, voir chapitre 2.4.5), il semble n´ecessaire de prendre celle-ci en compte dans le mod`ele prosodique.

En effet, la pro´eminence joue un rˆole particulier dans la communication verbale, car sa r´ealisation requiert une part plus importante de contrˆole, lors de sa produc-tion. Cette mˆeme pro´eminence sera interpr´et´ee par l’interlocuteur comme un mar-queur local de l’importance du message. D’une certaine mani`ere, la th´eorie ”push-pull” peut ˆetre, ici, d´eclin´ee dans une version locale et dynamique. Les syllabes non pro´eminentes manifestent plutˆot l’effet ”push”, tandis que les syllabes pro´eminentes, plus maˆıtris´ees, voient leurs r´ealisations marqu´ees par l’effet ”pull”. Le caract`ere incontrˆolable d’un suppos´e ´etat interne se manifeste par une expressivit´e plus ou moins contrˆol´ee (voir chapitre 5). La notion de pro´eminence d’une syllabe prend donc une part importante pour l’´etude de l’expressivit´e, c’est pourquoi elle est in-troduite dans le mod`ele. La variableSproeminencesyllable permet de cat´egoriser les syllabes selon diff´erentes cat´egories de pro´eminence per¸cue. Avec Anne Lacheret, Nicolas Obin et Jean-Philippe Goldman, nous avons d´etermin´e les cinq cat´egories suivantes, parce qu’elle sont perceptiblement distinguables [Obin 2008] :

Sproeminencesyllabe

“UN” : Pro´eminence non d´efinie (silence par exemple)

“NA” : Non pro´eminence

“AS” : Pro´eminence secondaire

“AI” : Pro´eminence intentionnelle

“AF” : Pro´eminence finale Cardinalit´e : 5

Enfin, les pauses intra-phrases, silencieuses ou non, de part leurs dur´ees simi-laires `a celles des syllabes, sont consid´er´ees comme des syllabes.

3.3.1.4 Phone

Le phone est une unit´e inf´erieure `a la syllabe et li´ee au phon`eme. Si l’on peut la voir comme la “lettre” de la parole, son existence reste `a d´efinir. Ainsi, la tˆache de segmentation phon´etique est parfois rude car un phone n’existe pas localement alors qu’il est perceptible dans une s´equence. Si le phone constitue une unit´e pra-tique car il est de petite taille et parce qu’il est cens´e appartenir `a un dictionnaire

46 Chapitre 3. Analyses du corpus r´eduit de symboles (une trentaine de phon`emes), il s’av`ere que son utilisation pose des probl`emes pratiques. C’est pourquoi l’utilisation du phone dans l’´etude proso-dique est r´eduite au traitement du degr´e d’articulation, bien que la mani`ere dont ils sont prononc´es soit aussi influenc´ee par l’expressivit´e (voir chapitre 5. L’alphabet phon´etique utilis´e est le Xsampa, d´eriv´e de l’API.

Sphonemephone

“E”, “A”, “O”, “2”, “9” : voyelles orales ouvertes

“@” : schwa

“j”, “w”, “H” : glides

“p”, “t”, “k” : occlusives non vois´ees

“b”, “d”, “g” : occlusives vois´ees

“f”, “s”, “S” : fricatives non vois´ees

“v”, “z”, “Z” : fricatives vois´ees

“l”, “R” : liquides

“m”, “n”, “N” : consonnes nasales

“###” : silences de d´ebut/fin

“##” : pauses

“*” : fillers, paralinguistiques...

Cardinalit´e : 38