• Aucun résultat trouvé

Chapitre II: CONTEXTE GEOLOGIQUE

II.1 Généralités sur les montagnes et l’ophiolite d’Oman

I.1.1. b Les unités allochtones et généralités sur l’ophiolite d’Oman

Les unités allochtones sont constituées de deux complexes qui ont été charriés et mis en place sur la plateforme arabique durant la fermeture de l’océan Néo-Téthysien à la fin du Crétacé. Elles comprennent les nappes de Hawasina constituées principalement de roches

Figure II.2: Carte géologique simplifiée du sud de l’ophiolite d’Oman comprenant les unités

allochtones (nappes d’Hawasina et ophiolite d’Oman) et les unités autochtones (socle cristallin et Hajar Super Group). Les étoiles (de 1 à 5) indiquent la localisation des mesures en δ18O et δ13C de différentes sections de la nappe d’Hawasina dont l’ancien bassin intercontinental de Hamrat Duru (Wohlwend et al., 2016).

- 58 -

sédimentaires et la nappe ophiolitique d’Oman (de Samail), en contact direct avec les nappes de Hawasina ou les sédiments autochtones Hajar Super Group de la plate-forme arabique.

Nappes de Hawasina

Les nappes de Hawasina, exposées dans les monts Al Hajar (Figure II.1 et 2), sont composées de plusieurs unités tectoniques relativement minces, repliées et imbriquées. Ces nappes correspondent à des dépôts sédimentaires du Permien au Cénomanien formés dans un bassin qui occupait la frontière nord-est de la plate-forme arabique, le bassin Hawasina. Ce bassin peut être subdivisé en plusieurs domaines paléogéographiques distincts comprenant le bassin intercontinental de Hamrat Duru composé de sédiments principalement turbiditiques (Figure II.2).

Généralités sur l’ophiolite d’Oman

L’ophiolite d’Oman est composée de douze massifs, comprenant du NO au SE : Khawr Fakkan, Aswad, Fith, Hilti, Sarami, Wuqbah, Haylayn, Miskin, Nalkl-Rustaq, Bahla, Sumail et Wadi Tayin (objet de notre étude ; Figure II.2 et 3). Ces massifs ophiolitiques sont séparés par les dépôts sédimentaires des nappes Hawasina et de la couverture autochtone, Hajar Super Group. L’ophiolite représente une tranche d’environ 20 km d'épaisseur de lithosphère océanique (croûte océanique et du manteau supérieur) formée fin Crétacé au niveau de la dorsale océanique Néo-Téthys (formation de l’ophiolite d’Oman détaillée dans le chapitre suivant II.1.2).

La nappe ophiolitique repose sur une semelle métamorphique qui la sépare de la nappe d’Hawasina (Figure II.3). La semelle métamorphique est caractérisée par un fort gradient thermique inverse, comprenant des amphibolites à grenats déformés en contact avec la nappe ophiolitique, suivies de roches amphibolites et des schistes verts de bas gradient métamorphique en s’éloignant du contact avec la nappe. Le protolithe correspond à des basaltes marins, de cherts riches en Mn et des argilites. La semelle métamorphique est recoupée par des filons à affinité tholéiitique mis en place durant la formation de la lithosphère océanique, indiquant que le métamorphisme a lieu avant et/ou pendant le chevauchement océanique (Boudier et Coleman, 1981). Le fort gradient thermique engendrant ce métamorphisme est produit durant la mise en place de l’ophiolite. Les conditions maximales du métamorphisme amphibolitique sont de l’ordre de 840-870°C et 11-14 kbar (Gnos, 1998 ; Searle and Cox, 2002). La semelle métamorphique a été datée par U-Pb sur zircon indiquant un âge de 96.1 à 94.8 Ma (Rioux et al., 2016).

La nappe ophiolitique est constituée de deux unités principales de bas en haut : la section mantellique (objet de notre étude ; détaillée dans le chapitre II.1.3) et la section crustal, séparées par la zone de transition MTZ (« Mantle Transition Zone »). L’ophiolite a donc une composition et une structure basée sur le modèle de « Penrose » (Figure II.3 et 4).

- 59 -

Figure II.3: Carte géologique comprenant les formations majeures de l’ophiolite d’Oman incluant la semelle

métamorphique, le manteau, la MTZ (« Mantle Transition Zone »), les gabbros, le complexe filonien et les laves V1, V2 et V3 dans les douze massifs ophiolitiques, ainsi que la nappe d’Hawasina (d’après Nicolas et al., 2000). L’orientation principale de la foliation dans la section mantellique et crustale est également indiqué.

- 60 -

La section mantellique est l’unité la plus importante de l’ophiolite, représentant 52.8% de la surface de l’ophiolite avec une épaisseur variable de 5 à 12 km (Boudier et Coleman, 1981 ; Nicolas et al., 2000). Elle est essentiellement composée d’harzburgites et des intrusions mineures de dunites, de gabbros, de pyroxénites, de diabases et de chromites (Boudier et Coleman, 1981 ; Boudier et Nicolas, 1985 ; Figure II.3 et 4 ; détaillée dans le sous-chapitre II.1.3). La zone de transition, la MTZ (« Mantle Transition Zone », le « Moho ») marque la transition entre les roches ultramafiques composant le manteau et les roches mafiques et volcaniques composant la croûte.

La section crustale est composée de gabbros, d’un complexe filonien et des roches volcaniques, recoupés par de nombreuses intrusions de plagiogranite (Figure II.3 et 4). Les gabbros, représentant 31.1 % de la surface de l’ophiolite, ont une épaisseur qui varie entre 3 et 5 km. Ces gabbros ont différentes structures (stratifiés ou lités, foliés ou laminés) liées à la géométrie de la ou des chambre(s) magmatique(s). Ils sont subdivisés en deux unités :

(a) Les gabbros lités représentent l’unité principale de la section crustale. Ils sont composés principalement de gabbros à olivine (Lippard et al., 1986). Ils sont caractérisés par un litage magmatique particulièrement marqué, associé à une foliation et une linéation magmatique formées lors de l’écoulement magmatique. Le litage est caractérisé par une alternance et une variation d’abondance de certains minéraux (olivine, pyroxène, plagioclase) et parfois de la taille des grains. A la base de la section crustale, le litage est parallèle à la MTZ (Nicolas, 1989). Les gabbros lités sont probablement formés lors de plusieurs cycles successifs de remplissage et de cristallisation fractionnée dans la ou les chambres magmatiques (e.g., Pallister et Hopson, 1981).

(b) Les gabbros foliés sont caractérisés par une intense foliation magmatique. Ils séparent les gabbros lités des gabbros isotropes. Ils sont recoupés par de nombreuses intrusions de plagiogranite.

Le complexe filonien représentant 7.6 % de la surface de l’ophiolite, est constitué principalement de dykes sub-verticaux sous forme de diabase, ayant une composition tholéiitique (Lippard et al., 1986). Ils ont une épaisseur comprise entre 1 et 2 km. Le complexe filonien correspond aux conduits d’alimentation des produits magmatiques.

Les roches volcaniques, représentant 5.5 % de la surface de l’ophiolite, sont situées au sommet de la section ophiolitique. Elles sont composées principalement de laves en coussins ainsi que de coulées massives, de dykes, de sills et de brèches de coulées, recoupés par endroit par des sédiments pélagiques de type cherts radiolaires.

- 61 -

Les unités volcaniques ont été intensivement étudiées pétrographiquement et géochimiquement permettant de définir initialement 5 unités (Alabaster, 1982, Lippard, 1986) qui ont été ensuite regroupées en trois unités (Ernewein, 1988 ; Figure 3) :

(a) l’unité Geotimes (nomenclature de Alabaster, 1982, Lippard, 1986) ou V1 (nomenclature de Ernewein et al., 1988) est directement en contact avec le complexe filonien. Cette unité affleurant dans toute l’ophiolite est composée principalement de laves en coussins ainsi que de rares coulées de lave, qui ont une affinité tholéiitique et dont la composition est très proche de celle des basaltes médio-océaniques (MORB ; Godard et al., 2003 et 2006). Cependant leurs compositions tendent vers des teneurs plus faibles en TiO2 et plus fortes en SiO2 que les compositions typiques des MORB et requièrent la présence d’eau en grande concentration (« Moist MORB » ; MacLeod et al., 2013)

(b) l’unité de Lasail, d’Alley et de « clinopyroxene–phyric » (nomenclature de Alabaster, 1982, Lippard, 1986) ou V2 (nomenclature de Ernewein et al., 1988) repose globalement en discordance sur l’unité V1 et affleure essentiellement dans les massifs du nord

Figure II.4: Log des formations majeures

de l’ophiolite d’Oman comprenant la semelle métamorphique, le manteau, la MTZ (« Mantle Transition Zone »), les gabbros, et les roches volcaniques (complexe filonien et laves en coussins « pillow lavas ») ; d’après Nicolas, 1989.

- 62 -

(e.g., massif de Fizh). Cette unité est composée principalement de laves en coussins et de coulées de lave massives ainsi que de rares brèches et intrusions. Ces basaltes ont une affinité calco-alcaline à andésitique, ce qui engendre une diversité de roches volcaniques (basalte, andésite, dacite, rhyolite). Ces laves sont appauvries en terres rares (« Rare Earth Elements », REE) et en éléments à fort champ électrostatique (« High Field Strength Elements », HFSE) en particulier en titane, par rapport aux laves V1 et au MORB (Godard et al., 2003, 2006). La composition de ces laves est plus proche d’un volcanisme d’arc engendré par une zone de subduction (Pearce, 1981) ou une fusion d’un manteau appauvri (Ernewein et al., 1988 ; Godard et al., 2003). Des laves boninitiques ont aussi été observées dans l’unité Alley (Ishikawa et al., 2002).

(c) l’unité de Sahali ou V3, affleurant uniquement dans le massif de Hilti, est séparée des unités V1 et V2 par une couche sédimentaire pélagique de plusieurs mètres d’épaisseur (~15 m). Cette unité postdate la formation de l’ophiolite (Ernewein, 1988). Elle est composée principalement de coulées de lave massives ainsi que quelques laves en coussin. Ces laves ont une affinité alcaline à transitionnelle, caractérisée par un enrichissement en REE par rapport aux laves V1 et aux MORB.

Les datations des roches magmatiques (gabbros, tonalites, trondhjémite), des roches sédimentaires associées et l’étude pétrographique et géochimique de ces laves permettent de mettre en évidence une chronologie des évènements lors de la formation de la dorsale médio-océanique à l’emplacement de l’ophiolite (Hacker et al., 1996 ; Lippard, 1986 ; Tilton et al., 1981 ; Rioux et al., 2012, 2013 et 2016). Le volcanisme V1 est daté entre 96,5 et 95,5 Ma. Ces âges sont typiquement interprétés comme l’âge de mise en place, de formation de la croûte océanique au niveau de la dorsale médio-océanique. Le volcanisme V2 est interprété comme marquant le début de la fermeture de l’océan Néo-Téthys, daté entre 95,4 et 95,2 Ma (Rioux et al., 2012, 2013). Le volcanisme V3 plus jeune est interprété comme un volcanisme intraplaque produit durant l’obduction.