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Une typologie des textes en science du langage

Introduction au chapitre

1.2. Pertinence du concept d’instance relationnelle dans une théorie de la production langagière

1.2.3. Centration sur l’acte de production langagière

1.2.3.1. Une typologie des textes en science du langage

Si nous accordons une importance fondamentale aux travaux menés par l’équipe dirigée par J.P. Bronckart, c’est bien parce que ces recherches

menées en science du langage visent à proposer une typologie des

discours capable :

- de formuler des hypothèses précises sur les paramètres extra- - d’analyser les unités textuelles distribuées à la surface des textes ; - de formuler des hypothèses sur les opérations constitutives de la textualité, c’est-à-dire sur le traitement des paramètres extra-langagiers et l’insertion du résultat de cette opération dans la trame textuelle .

Cette typologie constitue donc un outil d’analyse opératoire pour la production de ce que l’on appellera « texte », si l’on adopte une perspective interne (centrée sur les aspects représentationnels ou signes) ; ou « discours » lorsque l’on saisira le langage dans son actualisation en communication :

« forme d’articulation du linguistique à l’histoire, au social et au culturel (le discours) est la trace verbale de formulations discursives à l’œuvre dans la société. On peut dès lors, considérer que, pour l’étudier, le corpus doit être langagier et extralangagier » .

Cette typologie des discours s’inscrit de façon originale dans une

« volonté stratégique de résister aux forces d’attraction qui ré-alignent inlassablement les sciences humaines sur (...) une conception du langage

.

Cette volonté stratégique conduit à poser comme objet d’étude l’activité

humaine :

« Produite par des organismes concrets, se déroulant dans des situations collectives ou individuelles, l’activité oriente le sujet dans le monde des objets ; elle le place dans une réalité objective, enmême temps qu’elle transforme cette réalité en forme subjective (ou mentale) » .

Conformément à cette conceptualisation, l’objet du travail d’une typologisation des discours est l’activité langagière comme forme

« Il s’agit en réalité d’une superactivité motivée par les besoins de communication-représentation, et articulée aux autres formes d’activité (non verbales) où s’originent ces motifs ».

L’activité langagière sera appréhendée en tant qu’elle « se déroule

dans des zones de coopération sociale déterminées » (ou « lieu social » ).

Elle prend la forme d’actions langagières c’est-à-dire « d’ensembles de

conduites verbales orientées par des buts communicatifs déterminés » .

L’ensemble des conduites verbales à travers lesquelles cette activité prend forme est appelée action langagière qui se réalise « sous la forme

d’un ou plusieurs discours d’ancrage socio-énonciatifs »

Une même action peut se réaliser dans des formes discursives différentes.

Celles-ci sont à la fois « le produit de l’histoire socio-culturelle du

groupe » et des « objets verbaux concrets ou textes ».

a) La « mixité fondamentale » de l’activité langagière Trois champs théoriques sont constitués.

1) Une théorie de l’extralangage qui intègre les observables non langagiers et théorise l’« espace » dans lequel se déroule l’activité langagière et auquel elle s’articule.

On distingue deux ordres de pertinence pour l’élaboration des discours : le référent et le contexte .

La pertinence référentielle désigne l’ensemble des « contenus

représentés » de l’activité langagière.

La pertinence contextuelle désigne « la capacité de contrôler ou de

gérer le déroulement même de l’activité langagière » .

Sur le plan du contexte, deux espaces sont distingués : l’espace de l’acte

de production et l’espace de l’interaction sociale. Ceci constitue un point

fondamental à nos yeux. En effet, l’appellation « acte de production », propre à l’équipe genevoise, remplace la notion « d’acte d’énonciation » (sur laquelle nous reviendrons ultérieurement ).

Ce changement terminologique a ici pour objectif de

(...) cet espace (est conçu) comme celui que délimitent les caractéristiques matérielles (physiques) de l’activité verbale » .

L’« acte de production », en tant qu’outil conceptuel à valeur heuristique, signale donc bien qu’il ne s’agit pas dans cette typologie, de traiter la problématique du « sujet de l’énonciation » en tant que telle.

le producteur de l’activité langagière, les interlocuteurs (« organismes

humains physiquement présents lors de l’activité de production (ils) ont accès et contribuent à la production des discours »), l’espace-temps de

l’acte de production « les conditions même de l’accessibilité »

évoquée à l’instant.

Ces trois paramètres constituent le point d’ancrage de la « deixis » de la langue. Celle-ci est, en outre, toujours gérée par les paramètres de l’interaction sociale.

Avant d’évoquer les paramètres de l’interaction sociale, rappelons que l’activité langagière « constitue le cadre qui organise et contrôle

les interactions de l’organisme avec son milieu ; elle s’inscrit dans (et

. L’interaction n’est donc pas une catégorie déterministe car, redisons-le, l’activité langagière est « à la fois un des aspects de l’environnement

des productions textuelles » .

Nous voyons donc émerger la « mixité fondamentale » de l’activité langagière (

verbales effectives ») et, avec elle, l’émergence d’une prise en compte

d’un mouvement d’instanciation du social par l’activité langagière. C’est pourquoi, sont reconnus comme paramètres pertinents du milieu social les quatre « caractéristiques générales de l’activité langagière

elle-même » :

laquelle s’insère) l’activité langagière ».

- le destinataire, ou « cible de l’activité langagière », est le « produit

d’une représentation sociale », contrairement à l’interlocuteur, il n’est

pas nécessairement physiquement présent.

- l’énonciateur ou « instance sociale d’où émanent les conduites

verbales », « produit d’une auto-représentation ».

- le but

censée produire sur le destinataire ; le but est en quelque sorte un projet

.

En ce qui concerne l’articulation entre les trois entités (de ce premier champ théorique) que sont l’extralangage, le référentiel et le contexte, disons simplement que

mondaines qui n’ont, en elles-mêmes, aucune pertinence ; c’est l’activité langagière qui crée et qui délimite le référentiel et le contexte ; ces derniers n’ont donc aucune existence stable indépendantes à (ou préalablement à) l’activité ; ils en sont au contraire un des produits » .

2) Le deuxième champ théorique se donne pour objet les observables verbaux et se donne pour tâche de

linguistiques en surface des textes » selon le principe suivant : décrites (classées) selon leur statut distributionnel ».

opérations langagières en tant que « sous-ensemble des opérations psychologiques construites

Ce sous-ensemble forme « un appareil hypothétique d’opérations

articulées aux paramètres de l’extra-langage (...) dont la trace ultime seraient les unités linguistiques observables » .

L’élément central d’une typologie des discours est bien cet appareil hypothétique d’opérations langagières qui permet d’élaborer une grammaire « formulée en termes d’opérations psychologiques, dans

une optique interactionniste exigeant la prise en compte des paramètres sociaux » .

C’est pourquoi nous nous arrêterons tout particulèrement sur ce troisième objet d’une théorie du langage.

Nous avons vu que les « opérations langagières » rendent compte du traitement des paramètres extra-langagiers ; ce traitement exige la mobilisation d’instruments cognitifs et dépend de facteurs historico- socio-culturels. Les rapports entre les aspects cognitifs et ces facteurs sont dialectiques.

En fait,

« les capacités cognitives ne peuvent qu’être inférées de conduites socialement motivées et ces dernières peuvent être perçues, en retour, comme des réalisations concrètes et limitées de capacités cognitives idéales » .

b) l’élaboration des représentations de la valeur accordée aux paramètres de l’interaction sociale

A) Première opération langagière : les opérations de contextualisation Les opérations langagières peuvent être schématisées sous la forme d’un réseau organisé sur trois plans :

Le premier plan concerne la contextualisation-référentialisation c’est-à-dire

« les processus de représentation et de choix des valeurs sur l’ensemble des paramètres pertinents (« pertinentisés ») de l’extralangage ».

Le second niveau concerne la structuration, c’est-à-dire la construction

de la « trame » du texte (...).

Le troisième a trait à la textualisation (ou « mise en texte ») » . Les opérations de contextualisation comprennent deux sous-groupes. notre attention, nous n’envisagerons que le premier.

Ce premier sous-groupe d’opérations concerne la

variables », il a trait au « choix » de la valeur des paramètres (de

l’extralangage) qui sera effectivement traitée.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que les « objets réels » (appartenant au contexte et au référent) n’étant que « des limites jamais atteintes »,

des représentations de la valeur accordée à chacun des paramètres »

(de l’extralangage)

Cette attribution de la valeur s’applique à variables.

1re

l’acte de production

Les variables de l’interaction sociale sont, premièrement, celles qui concernent le « lieu social ».

Nous avons déjà signalé en introduction (générale) à quel point ceci était important. Le concept de « lieu social » ou « zone de coopération langagière » est très général et couvre « différents types d’institutions

et d’appareils idéologiques de la société, mais aussi d’autres zones d’exercices des pratiques quotidiennes » .

personnelle avec A. Berendonner pour qui,

« il conviendrait sans doute de distinguer plus nettement les “lieux”

discursives qui y ont cours » .

Cet élément constitue à nos yeux l’un des indices forts d’une dynamique « centripète » de l’interaction langagière : la réussite du dialogisme en œuvre dans l’instance relationnelle aurait alors comme effet (à moins priori sociologiquement déterminants du lieu social.

mais dont l’enjeu est fortement sous-tendu par la nécessité d’actualiser des modes d’appartenance (ou encore d’alignement) à cette dimension.

Par « zone de coopération » nous renverrons à des agencements dialogiques exo-lingues et/ou exo-groupe, c’est-à-dire où l’altérité de donner au néocodage la priorité sur l’encodage. Ce type d’agencement dialogique est fondamentalement instituant, c’est-à-dire que, quel que soit l’espace social dans lequel il se construit, un échange dialogique participants et pas seulement d’actualiser leurs appartenances sociales et culturelles. « Banal » dans un « lieu des pratiques de loisirs » , il pourra paraître « subversif » ou simplement « déplacé » dans une pourrait avoir de tels agencements : proposer de construire les dispositifs qui, dans l’institution elle-même, vont permettre aux personnes de se réapproprier et de faire évoluer leur socialité dialogique. Ceci rejaillit sur l’attribution d’une valeur aux trois autres paramètres de l’interaction sociale : le destinataire, l’énonciateur et le but.

Deuxième variable de l’interaction sociale : le but. Nous avons déjà indiqué que le but

produire sur le destinataire ; le but est en quelque sorte un projet de

.

Notons d’ores et déjà que dans la perspective évoquée à l’instant d’une socialité relationnelle et dialogique, ce projet ne peut être pensé ni en référence au seul énonciateur, ni au seul destinataire : le concept de

optique où ce qu’il s’agit de construire c’est bien la réciprocité dans le dialogisme.

Partant de là, il n’est plus possible d’attribuer une valeur a priori aux deux autres variables de l’interaction sociale (et de l’acte de production) que sont le destinataire et l’énonciateur. D’ailleurs, J.P. Bronckart indique très clairement que l’attribution de « variables sur les paramètres que

sont l’énonciateur et le destinataire en termes d’appartenance à des

serait illusoire : « Dans la mesure où énonciateur et destinataire sont des

extrêmes du réseau de communication (...) » , la conceptualisation des

variables sera de type interactif. Il propose alors trois types de rapports et trois domaines dans lesquels ces rapports sont susceptibles d’avoir de l’importance.

Nous laisserons, quant à nous, cette conceptualisation ouverte ou plutôt de l’interaction sociale ne peut, en ce qui concerne l’« énonciateur » (le « producteur » dans l’« acte de production ») et le « destinataire » (« interlocuteur » de l’« acte de production ») être pensée en dehors que, nous ne pouvons pas mettre de côté les paramètres et les effets de l’interlocution pour analyser l’interaction sociale.

perspective, comme espace de la co-énonciation dans l’interaction sociale. En tant que co-producteurs exerçant une activité langagière dans une zone de coopération

leurs représentations mutuelles (auto - et hétéro-représentations) et les valeurs du but de leur échange. On pourrait alors supposer que la réussite de cet échange proviendrait de leur capacité à en négocier le but : toute communication avec l’Autre pouvant être considérée comme exoculturelle, la réussite communicationnelle proviendrait de la faculté à négocier le sens avec l’Autre que soi.

qui composent le « référentiel ». Les variables du référentiel sont

« les représentations psychologiques a-langagières que tout être humain est susceptible de construire à propos de la totalité des entités appartenant à l’extra-langage » .

« action langagière se met en place » et s’inscrit dans l’ensemble complexe des opérations de contextualisation .

B) Deuxième ensemble d’opérations langagières : les opérations de structuration

Ces opérations constituent la charnière entre les premières opérations (de contextualisation-référentialisation) et les troisièmes (de mise en texte). En effet, elles articulent « les procédures de représentation langagière

du contexte (contextualisation) à celles d’organisation communicative de la chaîne textuelle (textualisation) »

I) Première opération de structuration : l’ancrage discursif

Un premier sous-groupe d’opérations nous intéresse au premier chef : il s’agit des opérations d’ancrage discursif qui renvoient, de manière

générale, aux modalités « d’articulation du discours à la situation

énonciative dans laquelle il est produit ». Pour Bronckart, ces opérations « déterminent le mode d’insertion des structures propositionnelles (à base référentielle) et des valeurs sociales dans l’espace de l’acte de production ».

Cet ancrage va donc résulter de procédures à caractère déictique intervenant à deux niveaux : niveau du choix d’un mode discursif et niveau du rapport au référent.

Le choix du mode discursif procède de l’établissement d’un rapport impliqué ou d’un rapport autonome entre le « bloc » des valeurs de l’interaction sociale et le « bloc » des valeurs de l’acte de production :

- « soit, dans leur ensemble, les valeurs de but, de lieu social, de

destinataire et d’énonciateur “impliquent” le co-producteur, le producteur et l’espace-temps de la production » .

- « soit, dans leur ensemble, les valeurs de l’interaction sociale sont

dans un rapport d’“autonomie” avec celles de l’acte de production ».

D’autre part, le choix du rapport au référent concerne

« le calcul du rapport existant entre l’ensemble des valeurs de l’acte de production, et l’ensemble des micro-structures référentielles ».

- Soit des éléments du référent sont

« impliqués dans l’espace où se meuvent le producteur et le coproducteur » ; soit « le contenu des énoncés a trait à des

événements passés, dont aucune trace ne subsiste dans l’espace de l’acte de production, et dont il faudra faire le récit » .

quatre types discursifs que sont le discours en situation (DS), impliqué et conjoint, le récit en situation ou récit conversationnel (RC), impliqué narration (N), autonome et disjointe.

Conjonction Disjonction

Mode impliqué DS RC

Mode autonome DT N

Tableau A : « Les quatre types discursifs fondamentaux »

Pour bien comprendre que ces quatre types de textes engendrent un l’action langagière (caractérisée par des buts communicatifs) et le type discursif (caractérisé par des stratégies discursives qui conduisent à utiliser tel ou tel type de texte). Ainsi,

« pour une même action langagière visant un seul but dans le cadre d’une activité humaine quelconque, des stratégies discursives successives

de paramètres » .

Les opérations d’ancrage permettent donc de distinguer : * Le discours en situation, DS, conjoint et impliqué * Le discours théorique, DT, conjoint et autonome * Le récit conversationnel, RC, disjoint et impliqué * La narration, N, disjointe et autonome

« du fait que les textes sont organisés en “parties” distinctes et partiellement ordonnées qui intègrent (et se superposent aux) micro-structures propositionnelles ».

est-elle le fait du seul locuteur ou peut-elle « résulter d’interactions

subtiles entre les coproducteurs » ?

Dans les deux cas, cela est une tendance car

langagière, (...) il y a, dans tout discours, à la fois polygestion et monogestion » .

On dira simplement des plans monogérés qu’ils

« semblent surtout adaptés aux types de textes ancrés sur le mode autonome (discours théorique et narration) ; la distance qui y est posée par rapport à l’acte de production facilite en effet la formulation d’un projet général (ou “modèle du futur”) articulé au but de l’action langagière engagée » .

Il s’agit là de créer une tension, puis de la résoudre. Les plans polygérés quant à eux,

« apparaissent le plus fréquemment dans les discours en situation ancrés sur un mode impliqué et conjoint. L’articulation étroite à l’acte de production (...) ne favorise pas, en effet, la constitution d’un “modèle du futur” visant un but par une succession de phases créant une dans le cadre d’une interaction concrète (ou échange

échappe souvent à la conscience des coproducteurs » .

La prise en compte de ces deux tendances permettra notamment d’établir une nette distiction entre des pratiques dialogiques en face-à- face et en simultanée (telles que les DS) et des pratiques dialogiques différées (telles que la correspondance). Dans le premier cas, la forme de

anaphorique (adaptée au RC et à la N). Le mode d’ancrage, conjoint et impliqué (caractéristique du DS, cf. supra) n’excluerait pas, dans le cas réservées à des discours monogérés.

III) Troisième opération de structuration : la textualisation Ces opérations

« ont pour objet, d’une part de “réaliser” le plan en y intégrant les structures propositionnelles, d’autre part d’entretenir et de guider l’attention du destinataire, eu égard au but de l’action langagière engagée, et dans le cadre de l’ancrage discursif choisi ».

L’ensemble des procédures mises en œuvre révèlent

« l’étonnante complexité de l’activité langagière, en l’occurrence l’intrication subtile des aspects de chaîne et de trame dans la mise en relation permanente des unités avec le contexte énonciatif (...) aussi bien que communicatif » .

Ces opérations peuvent être distinguées sous trois rubriques : les opérations de connexité , de cohésion et de modalisation. Arrêtons- nous à ces dernières,

« qui ne concourent que faiblement à la textualisation proprement dite » (...) (mais) constituent une manière d’ancrage communicatif (...) au travers duquel s’exprime le contrôle proximal ultime du couple énonciateur-destinataire sur sa propre activité discursive » .

traduit en surface de texte par des auxilliaires de modalisation. le taux de crédibilité à accorder aux éléments référentiels évoqués.

La problématique de la modalisation a déjà retenu notre attention sous l’angle de l’apprentissage des règles de la métacommunication, envisagé par G. Bateson. Nous y reviendrons sous l’angle culliolien de la modalisation dans la co-énonciation. Cela avant de percevoir un angle pédagogique plus généralisant : il s’agit de sensibiliser des apprenants à la possibilité de communiquer sur les règles de la communication en leurs proposant de conduire leur appropriation du schéma communicatif de la

vidéo »(Annexes A, D1, D2). Une pratique de métacommunication globale constituera donc l’un des axes forts de nos propositions pédagogiques.

1.2.3.2. L’éducation du sujet relationnel :