• Aucun résultat trouvé

L ES AUTRES INFLUENCES CONTRÔLANT

3.2. La Crise de salinité et d’érosion messinienne

3.2.1.1. Une restriction par étape des connexions marines

La fermeture de ces espaces maritimes a été illustrée au niveau des reconstructions de [Jolivet et al., 2006 ; Meulenkamp & Sissingh, 2003], qui incluent aussi l’espace Paratéthysien. La migration vers le Nord de l’Afrique par rapport à l’Eurasie en fait la cause majeure de l’isolement progressif de la Méditerranée :

• Au niveau des interactions marines Méditerranée-océan indien, une restriction des connexions a lieu durant l’Oligocène-Miocène et est suivie d’une fermeture des échanges de masses d’eau au Langhien-Serravallien (Jolivet et al., 2006 ; Meulenkamp & Sissingh, 2003). Concernant l’espace Paratéthysien, une réduction des environnements marins s’opère dans le même laps de temps au sein des bassins Caspien, Euxinique, Dacique et Pannonien (situation fi gure 3-3).

• Les connexions maritimes via le sud des Alpes (actuel plaine du Pô) et les Carpathes sont défi nitivement fermées au Serravallien-Tortonien, tandis que les connexions via les Balkans sont stoppées épisodiquement jusque durant le Tortonien (Jolivet et al., 2006).

• Au niveau des interactions Méditerranée-océan Atlantique, une ré-inversion des systèmes extensifs est proposée à partir du Tortonien (~8 Ma) (Augier et al., 2005a,b). Cette phase compressive va conduire a l’isolement progressif de l’espace Méditerranéen avec le soulèvement des corridors Rifi en et Bétique (Warny et al., 2003 ; Jolivet et al., 2006). Côté bétique, la fermeture des passages est bien datée, elle s’observe à ~7.6 Ma au niveau de Murci, 6.8 Ma au niveau des bassins de Guadix-Almeriade Malaga et 6.3 Ma au niveau du bassin de Malaga (connexion entre les bassins du Guadalquivir et Alboran) (Martin et al., 2001). De même, les bassins de Lorca et Fortuna enregistrent les 1ers dépôts évaporitiques entre 7.8-7.6 Ma avant l’émergence des bassins. Côté Rifain, le passage est subdivisé en deux parties, occidentale et orientale : le couloir Sud-Rifain (occidental) marque la connexion avec l’Atlantique tandis que celui de Taza-Oujda (oriental) marque la connexion avec le bassin d’Alboran (Dayja et al., 2005). Le domaine oriental enregistre les derniers dépôts marins à 6.1 Ma (Dayja & Bignot, 2003 ; Dayja et al., 2005 ; Krijgsman et al., 1999a, 1999b). A l’inverse, le domaine Occidental enregistre une sédimentation sub-continue donc en connexion avec l’Atlantique jusqu’à 5.32 Ma (coupe de Bou-Regreg ; Warny et al., 2003), avec une restriction des échanges d’eaux marines à partir de 6.8 Ma. Cette restriction s’accentue entre 6.26 et 5.34 Ma et conduit hypothétiquement à une communication épisodique entre l’Océan et la Méditerranéen suivant les variations glacio-eustatiques. Selon [Hodell et al., 1989 ; Krijgsman et al., 1999a, 1999b ; Rouchy et al., 2003 ; Duggen et al., 2003], le corridor rifain ne permet plus d’échanges signifi catifs à partir de ~5.6 Ma.

En Conclusion, le mécanisme majeur contrôlant la fermeture des passages maritimes Altantique-Méditerranéen est un soulèvement progressif des corridors bétique et rifain durant le Tortonien supérieur-Actuel. Dans un ordre d’importance inférieur, les fl uctuations glacio-eustatiques à partir de 6.2 Ma, liées en particulier aux maxima d’excentricités, pourraient avoir eu un rôle dans l’initiation de la Crise messinienne.

Si l’isolement quasi-complet de l’ensemble Méditerranéen marque le paroxysme de la Crise Messinienne (5.97-5.32Ma ; Krijgsman et al., 1999a ; Manzi et al., 2013), la restriction des connexions marines conduit à des conditions environnementales confi nées bien avant l’initiation de l’événement Messinien (Kouwenhoven et al., 2003, 2006). Elle est associée à des changements d’écosystèmes marin (Kouwenhoven et al., 1999 ; Sierro et al., 2003 ; Dayja & Bignot, 2003), chimique (De Lange & Krijgsman, 2010) et sédimentaire (e.g. CIESM, 2008).

La fi gure 3-3 illustre la physiographie à l’actuel de l’ensemble Méditerranéen-Paratéthysien, caractérisée par la présence de hauts bathymétriques délimitant de nombreux sous-bassins. Si l’évolution verticale des seuils reste largement débattue, ils jouent cependant un rôle majeur au Messinien, d’abord en restreignant (totalement ou partiellement) les communications sur la zone bético-rifaine, mais également en individualisant des sous-bassins qui évoluent différemment et dont les connexions ne sont pas toujours clairement établies. La réponse à cet isolement progressif s’est donc faite par étapes discrètes, variables selon les bassins.

Les 1ères évidences d’une restriction des échanges maritimes sont enregistrées par une augmentation importante de dépôts en alternance de diatomite, d’argiles noires (formation de Tripoli, Apennin, Sicile) et d’opale (formation d’Abad, Bétique). Les lectures des coupes sédimentaire à terre et leur corrélation par calibration astronomique, [Krijgsman et al., 2004 ;

Roveri et al., 2014] mettent en évidence une réponse sédimentaire uniforme à l’échelle de la Méditerranée (fi gure 3-4). Ces dépôts témoignent d’une stratifi cation de la colonne d’eau (liée à une réduction de la circulation des masses d’eau), à partir de 7.15 Ma (Kouwenhoven et al., 1999, 2003 ; Seidenkrantz et al., 2000). Dans certains domaines profonds, les foraminifères benthiques disparaissent dans la même période de temps (Kouwenhoven et al., 2006 ; Assen et al., 2006). Les évidences d’une hausse de la salinité de surface s’observent à partir de 6.7 Ma, préférentiellement durant les minimum d’insolation (Sierro et al., 1999, 2003 ; Blanc-Valleron et al., 2002). Ces rapides changements paléo-environnementaux entraînent la mise en place d’assemblages Oligotrophes, associés à une chute de la diversité planctonique calcaire. Entre 6.3 et 5.97 Ma, juste avant le début de la Crise de salinité messinienne, la précipitation générale de calcite authigénique, de dolomite et/ou d’aragonite traduit une nouvelle étape dans la restriction des connexions marines (Roveri et al., 2014). Cette étape est aussi associée à la disparition d’organismes planctoniques durant les minimum d’insolation, indiquant que les eaux de surfaces ont atteints une salinité supérieure à leur seuil de tolérance (Sierro et al., 1999, 2003 ; Bellanca et al., 2001 ; Blanc-Valleron et al., 2002 ; Manzi et al., 2007). La Crise d’érosion et de salinité messinienne, conséquence ultime

niveaux salifères (halite) et détritique sur les domaines marginaux (périphériques) mais aussi et surtout profonds.

3.2.2. Les marqueurs de la Crise

La cartographie des dépôts sédimentaires et de l’érosion par les systèmes fl uviatiles liés à la Crise messinienne (fi gure 3-5) met en avant un contraste majeur entre les domaines marginaux (peu profond) et les bassins profonds : les marges sont largement érodées tandis que les bassins profonds ont accumulé d’épais dépôts détritiques et salifères.

D’un point de vue géophysique, les marqueurs clés de la Crise dans le domaine offshore sont les surfaces d’érosions et les unités de dépôts. Des corrélations terre-mer sont aujourd’hui établies dans certaines régions méditerranéennes (par exemple au niveau d’Alicante & Baléare) (Ochoa et al., 2015) concernant les premiers dépôts de la Crise. A une échelle plus globale (de la plateforme au bassin profond), une correspondance complète entre les dépôts profonds et périphériques n’est pas clairement établie à cause d’une déconnexion géométrique totale (CIESM, 2008) (voir plus en détail section 3.2.2.).

Une différence majeure existe entre les bassins profonds Occidentaux (Liguro-Provençal) et Orientaux (Levantin-Nil) illustrée sur la fi gure 3-6 : tandis qu’une délimitation claire est observée entre les unités au sein du bassin Liguro-Provençal, 5 à 6 séquences peuvent être imagées dans le bassin Oriental (Lofi et al., 2011 ; Gorini et al., 2015). De cette organisation globale à l’échelle de la Méditerranée, deux nomenclatures sont aujourd’hui proposées, elles sont synthétisées sur la fi gure 3-7. En Méditerranée Occidentale, 3 unités sismiques (la trilogie messinienne) ont été distinguées et nommées, historiquement : Evaporites inférieures, Halite et Evaporites supérieures (UU) (Montadert et al., 1970) (observation des dépôts fi gure 3-6 et classifi cation fi gure 3-7). La géométrie globale est interprétée comme un remplissage progressif du bassin ; l’espace disponible et la subsidence permettant les forts taux de sédimentation.

Pour éviter une confusion de ces termes avec les unités à terre (où des évaporites inférieures et supérieures sont aussi décrites mais correspondent à des périodes et des types de dépôts différentes), la nomenclature de [Lofi et al., 2011] redéfi nie la trilogie marine en utilisant les termes neutres de « Units », ces derniers reportés sur les fi gures 3-6 et 3-7. Ces observations marines, se portant à l’échelle de la méditerranée et de la mer Noire, se basent sur les caractéristiques principales (faciès sismique, géométrie, extension) des unités de dépôt messinienne et les surfaces les délimitant. De bas en haut est adoptées la nomenclature suivante : Lower Unit à la base (LU, constituée au moins en partie de turbitides), Mobile Unit (MU, halite avec des déformations plastiques) et Upper Unit (UU, sable et évaporites, interprétés comme une unité déposée avec les oscillations de bas niveau

La nomenclature de [Gorini et al., 2015] se base sur une compilation des similitudes géophysique (faciès sismique, relation géométrique entre cortège de dépôt) et sédimentaire (étude de forage) afi n de proposer un modèle de stratigraphie séquentielle sur l’évolution des dépôts depuis la plateforme jusqu’au domaine profond durant l’ensemble de la crise. La trilogie messinienne est ainsi regroupée en deux mégaséquences : Messinian Lower Megasequence (MLM, constitué de prismes de régression forcées et de dépôts clastiques profonds intercalés à des évaporites s.l. ; forme la LU+CU) ; Messinian Upper Megasequence [MUM, constitué de la MU (halite), UU (sable et évaporite déposé en aggradation) puis de dépôts fl uvio-lacustre/ravinement(sable et conglomérat, déposé préférentiellement en pied de pente)].

Les produits de l’érosion de la plateforme continentale (l’unité CU sensu Lofi et al., 2011 ; la mégaséquence MLM sensu Gorini et al., 2015) (fi gures III-5 et 3-7) n’ont été imagés fi nalement que tardivement en aval des principales vallées messiniennes (Lofi et al., 2005 ; Sage et al., 2005 ; Maillard et al., 2006). Une discussion existe toujours quant à l’ampleur et l’épaisseur de ces dépôts détritiques (Lofi et al., 2005 ; Lofi & Berné, 2008 versus Bache, 2008 ; Bache et al., 2012, 2015 ; Leroux, 2012 ; Gorini et al., 2015 ; Leroux et al., 2016). Le débat est centré autour de l’interprétation 1) des prismes de bas niveau au niveau de la pente continentale ; 2) de la base de l’événement messinien (base LU, voir fi gure 3-6) dans le domaine profond. Ce débat est important car il implique des différences notables sur l’ampleur des dépôts érodés en amont et sur les fl ux sédimentaires associés à la Crise d’érosion et de salinité messinienne et ceux antérieurs, Miocène (Leroux et al., 2016).

Plusieurs surfaces d’érosion (et leur « surfaces conformes » associées (conformities) ont été décrites entre la plateforme et le domaine profond (e.g. Montadert et al., 1970 ; Mauffret, 1976 ;

Ryan, 1973, 1978; Escutia & Maldonado, 1992 ; Guennoc et al., 2000 ; Maillard et al., 2006 ;

Bache, 2008 ; Bache et al., 2012, 2015 ; Gorini et al., 2015). Afi n d’éliminer toute ambiguïté entre les différentes nomenclatures, les principales surfaces ont été illustrées et synthétisées sur les fi gure 3-6 et fi gure 3-7. Ces dernières se basent sur leur position dans le bassin et leur relation stratigraphique avec les unités de dépôts. Il s’agit de la MES (Marginal Erosional Surface), BES (Basal Erosional Surface) (ou MES-CC*), la MES-CC** et la TES (Top Erosional Surface) que l’on décrit brièvement ci-après.

• La MES (Marginal Erosional Surface), seulement visible sur le plateau et la pente, montre une forte rugosité et un réseau dentritique en Badland (Stampfl i & Hoecker, 1989 ; Savoye & Piper, 1991 ; Gorini et al., 1994 ; Guennoc et al., 2000 ; Lofi et al., 2003, 2005, 2011 ;

Frey-Martinez et al., 2004 ; Bache, 2008). Elle est donc considérée comme sub-aérienne, marquée au toit par une oxydation et la présence de paléosol (Urgeles et al., 2011 ; Cameselle et al., 2013).

• La MES est corrélée à la BES (Basal Erosional Surface) ou BS (Basal Surface) (BES lorsque cette surface tronque les dépôts antérieurs) ou la MES-CC* dans le sens de [Gorini et al., 2015]. Dans cette seconde nomenclature, la MES-CC* est composée de la RSME (Regressive

Surface of Marine Erosion), marquant la base des 1er prismes de régressions forcées issus de la crise. Enfi n, l’auteur distingue une seconde surface corrélative (MES-CC**) délimitant les mégaséquences inférieure (MLM-chute normale puis forcée du niveau de base) et supérieure (MUM-maximum de bas niveau et remontée du niveau de base) depuis la MES jusqu’au domaine profond. L’ensemble MLM-MUM formant donc une (méga)-séquence avec chute-remontée du niveau de base (voir plus loin le détail de ce modèle séquentiel Figure 3-13) • La TS (ou TES lorsque cette surface tronque les dépôts antérieurs) constitue le toit des dépôts Messinien, au toit des UU. Plus récemment, [Bache, 2008 ; Bache et al., 2012, 2015 ;

Gorini et al., 2015] ont observé et défi nit la RS (Ravinment Surface), limitée dans l’espace entre la TES (Late Transgressive Erosional Surface d’après Gorini et al., 2015) dans le bassin et la MES (sur les marges). La RS montre une faible rugosité. Elle est donc seulement visible au niveau de la pente continentale. Des dépôts marins sableux/conglomérats ont pu être observés en aval de cette surface et seraient issus de cette érosion (Leroux, 2012 ; Gorini et al., 2015 ;

Leroux et al., 2016). Cette surface RS sera discuté par la suite, car les interprétation divergent encore (surtout dans le bassin de Valence !), ainsi elle marquerait soit le plus bas niveau marin lors de la crise (e.g. Cameselle et al., 2013), ou serait une surface formée par l’action des vagues lors de la remontée (e.g. Bache et al., 2012).

3.2.3. Modèles de dépôts des évaporites

Les études sur différents bassins messinien (à terre et/ou en mer) amènent à de nombreuses observations. L’enjeu de la plupart des modèles proposés (et détaillé par la suite) est d’établir un modèle consensuel à l’échelle de la méditerranée, intégrant l’ensemble de ces données quels que soit le contexte géodynamique, physiographique des zones d’études.

3.2.3.1. Quelle fut la physiographie pré-crise des domaines profonds ?

Documents relatifs