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Une réussite hissant Toulouse dans l’économie monde

Surnommé le « Siècle d’or »246, le XVIe est pour Toulouse une période d’une rare intensité économique, la plaçant au cœur d’un vaste réseau d’échanges. La culture du pastel transforme les campagnes toulousaines en « pays de cocagne »247. Son commerce permet à un certain nombre de marchands de faire fortune et de se bâtir de somptueux hôtels particuliers : « enrichissement, société avide de prestige, expansion urbaine, Toulouse doit à la conjonction de ces trois phénomènes de s’être dotée d’une parure artistique qui n’est pas étrangère à son charme actuel » (Wolff 1974 : 247). Alors que la ville, « dans le cours entier de son histoire, fut essentiellement un marché agricole ; au XVIe siècle elle a projeté cette fonction sur le plan international », et même si « à l’échelle européenne, elle restait une grande ville de deuxième classe », « le trafic pastellier avait changé Toulouse en une ville atlantique » affirme Gilles Caster, l’auteur d’une thèse remarquée sur ce commerce (1998 : 20)248. La ville parvient à s’insérer avec profit dans un contexte économique général à nouveau porteur, dont « la fenêtre atlantique » (Bairoch 1985 : 257) constitue dorénavant, à la faveur notamment des nouvelles voies maritimes, le centre de gravité. « Vers la fin du XVe, dans une Europe qui se remet de ses longues épreuves, – conflit franco-anglais, guerre des deux Roses en Angleterre, anarchie castillane, troubles de l’Empire –, où la richesse s’étale à nouveau, la draperie de luxe se développe. Il y a une demande de pastel, dont quelques Toulousains ont su deviner l’exceptionnelle ampleur : leur perspicacité se traduit ainsi dans l’ascension de quelques familles » expliquent Bartolomé Bennassar et Bruno Tollon (Wolff 1974 : 225). Leurs réseaux d’affaires vont épouser ceux de l’économie monde européenne249 alors en pleine expansion, et Toulouse connaît alors une croissance démographique importante,

246 C’est le titre du chapitre consacré à cette période, rédigé par Tollon et Bennassar dans l’Histoire

de Toulouse (Wolff 1974 : 223-270).

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L’expression provient de la richesse générée par la vente des coques de pastel appelées « coquagnes ».

248 La thèse est intitulée Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1561

(1962) ; j’utilise une version abrégée de cette thèse : Les routes de cocagne (1998).

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Wallerstein voit même dans cette période la naissance proprement dite de l’économie monde. Cependant, je suis plutôt de l’avis de Lees et Hohenberg qui affirment : « nous pensons que le modèle réticulaire de relations urbaines peut également être appliqué à l’Europe médiévale. Il fut modifié par l’émergence d’une économie mondiale capitaliste, et non créé par elle, comme Wallerstein le prétend » (Hohenberg 1992 : 219).

passant d’un peu plus de 20 000 personnes au début du XVe siècle à environ 50 000 au milieu du XVIe (Coppolani 1962 : 21). Cette croissance est à la mesure de la « nouvelle poussée de l’urbanisation », puisque « dès le début du XVIe siècle l’Europe a retrouvé le sommet antérieur du niveau d’urbanisation et de population atteint vers 1340 avant la catastrophe des pestes noires » (Bairoch 1985 : 228)250. A Toulouse, ce sommet est même dépassé, il faut voir là un signe de l’impact du florissant commerce du pastel sur l’ensemble de l’économie urbaine locale. Le développement des échanges marchands qui caractérise la fin du XVe siècle européen y a d’abord concerné « les secteurs traditionnels de l’artisanat et du commerce : draperie, tannerie, meunerie, trafic des denrées alimentaires et des étoffes » ; ainsi que les secteurs du bâtiment et de la production agricole de la banlieue proche (gardiage), du fait de l’augmentation de la population (Taillefer 2002 : 115). L’économie toulousaine se laisse donc porter par la vague, mais c’est le pastel qui va lui donner une dimension internationale. Cultivée depuis le XIVe siècle dans les campagnes environnantes, la plante tinctoriale trouve dans ces terroirs des conditions favorables, du fait de la richesse des sols, de pluies abondantes au printemps, et du nombre assez faible de jours de gelées (Wolff 1974 : 224). Cependant le Toulousain n’en est pas la seule région productrice, puisque celle-ci est également présente en Thuringe et en Picardie à la même époque, ce qui montre que ces conditions n’ont rien d’exceptionnelles. Aussi, Philippe Wolff s’interroge-t-il : « le pastel n’aurait-il pu s’acclimater ailleurs avec succès ? Sans doute faut-il faire place également aux conditions humaines de cette production : ici la comparaison s’impose avec les grands crus, résultat d’une longue patience, d’une soigneuse préparation des sols, de traditions peu à peu acquises par la main d’œuvre. C’est parce que les paysans du Lauragais ont su se plier à cette culture minutieuse comme un jardinage, que leur pastel a été au XVIe siècle considéré comme le meilleur de tous » (Wolff 1974 : 225)251. Toutefois, l’essor de cette production est surtout la conséquence de débouchés nouveaux, liés à un contexte de croissance économique qui suscite une demande élargie, en

250 « Si l’on compare le rythme de cette nouvelle poussée urbaine avec celle du Moyen Age, on

constate une certaine similitude dans les taux de croissance de la population urbaine (…), mais une différence sensible dans la progression du taux d’urbanisation ; celui-ci, rappelons-le, n’avait que très peu progressé de 1000 à 1300 » (Bairoch 1985 : 229).

251 La culture de pastel confère aux paysages concernés l’« aspect d’un jardin asiatique », selon

particulier de textiles teints, la plante tinctoriale associée à d’autres permettant d’obtenir de nombreux coloris (verts, pourpres, violets). « Au XVIe siècle, dans certaines régions, l’agriculture s’est détournée des labours pour s’orienter vers des productions spécialisées – fromages et tulipes hollandaises, ovins anglais et espagnols, vers à soie italiens, etc. Pourquoi ces choix ? En partie, au moins, parce que les bons prix céréaliers provoquaient l’élévation du niveau des rentes, augmentant ainsi la demande, en grande partie urbaine, pour les biens de luxe, y compris agricoles » (Hohenberg 1992 : 160). Ce contexte économique autorise certains territoires ruraux à abandonner les cultures vivrières pour se lancer dans des productions dont la viabilité n’était pas permise jusqu’alors.

La localisation de la culture de pastel aux alentours de Toulouse (Rufuno 1990).

Si la réussite du commerce du pastel est le fruit de la demande urbaine, c’est également celle d’une offre constituée par la ville. C’est elle qui organise la production et lui découvre des débouchés. De la sorte, on peut constater que l’agriculture n’est pas intrinsèquement opposée au système réticulaire. Lees et Hohenberg montrent comment « une région, ayant pour vocation essentielle

l’agriculture », est en mesure de « développer son appareil urbain selon un processus presque opposé à celui décrit dans la théorie des lieux centraux. Un centre urbain sert alors soit de porte d’entrée, soit de lien avec un réseau plus large » (Hohenberg 1992 : 91). Ce type d’agriculture s’effectue ainsi pour et par la ville. Comme le résument Bennassar et Tollon, « de toute façon, c’est à Toulouse, bien plus qu’au Lauragais lui-même, que le pastel apporte la fortune » (Wolff 1974 : 228). Ces campagnes sont depuis longtemps des territoires animés par la ville qui les domine économiquement et politiquement252. Cependant, plus rares sont les moments où celles-ci deviennent à part entière des territoires urbains de l’échange. En effet, comme l’écrit Braudel qui cite à ce propos l’exemple du pastel toulousain, « l’argent urbain coule sans fin vers les campagnes. Pour s’y perdre à moitié quand il s’agit d’achat sous le signe de la promotion sociale ou du luxe. Mais parfois pour tout remuer et transformer, même si ce n’est pas pour aboutir, immédiatement, à une exploitation de type capitaliste parfait. Le coup de baguette magique est toujours le rattachement d’une production agricole à l’économie générale » (Braudel 1979, 2 : 229). Dans ce cas, « une terre aussi particulière peut jouer le rôle d’une banque ! », affirme Braudel (1979, 2 : 217). Néanmoins, de nombreux réquisits sont nécessaires à la mise en place de ce type d’usage urbain de l’agriculture. « Pour qu’un régime capitaliste de gestion et de calcul économique s’installe dans l’exploitation de la terre, il faut de multiples préalables » liste Braudel : « que le régime seigneurial ait été sinon aboli, au moins écarté ou modifié (parfois du dedans, et alors c’est le seigneur lui-même, ou le paysan enrichi, le coq de village, qui joue au capitaliste) ; que les libertés paysannes aient été sinon supprimées, au moins tournées, limitées (c’est la grosse question des biens communaux) ; que l’entreprise soit saisie dans une chaîne vigoureuse d’échanges à large rayon – le blé à exporter, la laine, le pastel, la garance, le vin , le sucre ; qu’une gestion « rationnelle » se mette en place, guidée par une politique réfléchie de rendement et d’amendement ; qu’une technique éprouvée dirige les investissements et les implantations de capitaux fixes ; qu’enfin existe à la base un prolétariat salarié » (Braudel 1979, 2 : 218). Ces

252 En premier lieu, parce que l’existence même de la ville dépend structurellement d’un surplus

agricole, mais aussi du fait de la croissance urbaine médiévale qui a assis la suprématie de la ville sur ses campagnes.

conditions n’ont évidemment pas été remplies d’emblée dans le cas du pastel de la région de Toulouse.

Géographie européenne du commerce de pastel toulousain (Brumont 1994 : 27).

Longtemps en effet, les marchands toulousains n’ont pas pris part au commerce de la plante tinctoriale, laquelle, bien que cultivée dans les proches campagnes du Lauragais et de l’Albigeois, était exportée par l’intermédiaire des marchands béarnais qui l’achetaient directement à « de petits capitalistes de villages » (Wolff 1954 : 249). Ce n’est que peu à peu que les marchands toulousains sont parvenus à s’immiscer dans les circuits du pastel, dont les besoins pour l’industrie drapière locale n’étaient pas négligeables, et dont le commerce était l’occasion d’améliorer les termes de l’échange avec la Catalogne et surtout l’Angleterre, à qui Toulouse importait des étoffes. Divers moyens leur permettent d’en contrôler la production

et la vente : en cultivant la plante sur leurs propres terres ou en achetant des terres où il est cultivé, en construisant ou en acquérant des moulins pastelliers, et plus encore, en participant financièrement à la production par le biais du crédit ou en constituant d’importants stocks susceptibles de peser sur elle (Wolff 1954 : 250- 252). C’est là le véritable atout des marchands de la grande ville sur les petits marchands de village dans la commercialisation du pastel. « Vers 1450-1460, devant le développement du marché, les Toulousains s’impliquent de plus en plus dans ce commerce. Une véritable lutte s’engage avec les Béarnais pour s’approprier les précieuses cocagnes, lutte qui tourne à l’avantage des Toulousains vers 1470 : les Pyrénéens sont de plus en plus contraints de s’approvisionner auprès des premiers. Il est probable que l’organisation financière des Toulousains a été à la base de leur succès » indique Francis Brumont (1994 : 28). En effet, « une évolution des techniques commerciales accompagnait nécessairement cet essor. Elle s’est produite de deux manières, par l’intensification de vieux procédés locaux, mais aussi par l’adoption ou même quelquefois l’invention de moyens nouveaux » (Caster 1998 : 17). Ainsi, Gilles Caster énumère un certain nombre de méthodes utilisées par les commerçants de pastel en raison du développement de leurs activités : les « paiements à Lyon, adoptés par les Toulousains en 1500- 1510 » ; la mise en place de compagnies de ramassage, « celles-ci constituent une création particulièrement habile » selon Caster, et « les calculs qu’elles pouvaient demander ne gênaient pas les Toulousains, qui maniaient les chiffres avec une grande sûreté » ; « enfin, à partir de 1526, on a fait à Toulouse même des assurances maritimes » (Caster 1998 : 19)253. Le commerce de pastel métamorphose donc autant les paysages ruraux que les habitudes commerciales des marchands toulousains, désormais à l’aise dans la manipulation des lettres de change avec Anvers ou Londres. A l’instar de ces grands centres internationaux, une bourse voit le jour à Toulouse en 1549, « la plus ancienne de province après celle de Lyon » (Taillefer 2002 : 116).

L’institution d’une bourse vient couronner l’importance grandissante de l’économie toulousaine au sein du royaume de France, et témoigne de la

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A la fin de la période de gloire du commerce de pastel, « Toulouse entreprit avec succès en janvier 1560 de faire l’assurance maritime au départ de Bordeaux ; mais dès l’année précédente des Toulousains prétendaient s’en mêler jusqu’en Angleterre. C’est assez piquant pour une ville de site profondément terrien et qui dans les siècles suivants n’a pas brillé par l’imagination de ses capitalistes » écrit Gilles Caster (1998 : 159).

sophistication croissante des affaires254. Le commerce du pastel nécessite d’importants capitaux, que les marchands toulousains seuls ne sont pas en mesure d’investir. Il faut trois ans entre l’achat d’une récolte et sa vente sur les grandes places du Nord, sans compter les fluctuations liées à l’abondance et à la qualité du produit ou aux spéculations dont il fait l’objet. De la même manière que ces marchands ont réussi à capter le marché du pastel au détriment d’intermédiaires plus faibles financièrement, le commerce toulousain est lui-même dépendant de structures capitalistiques plus solides. Si « l’argent public est fréquemment employé comme fonds de roulement », ce qui ne va pas sans poser de problèmes255, « le rôle essentiel revient aux capitaux privés extérieurs : espagnols, – allemands : ainsi le plus important changeur de Toulouse, Jacques Baron, est-il l’homme de la maison Minckel, de Strasbourg » ; « capitaux lyonnais surtout », « Lyon est alors la grande place des banquiers italiens, qui en surveillent le commerce international » (Wolff 1974 : 231). L’intérêt de l’article de Francis Brumont par rapport à la thèse de Gilles Caster est de mettre en lumière le poids des Ibériques dans les circuits européens du pastel et dans l’émergence de Toulouse comme centre important de son trafic. La complexité du système toulousain du commerce du pastel est alors relativisée car, montre-t-il, « si nous nous plaçons du point de vue des marchands de Burgos, la réalité semble plus simple : leur envergure internationale, leurs capitaux, la structure du commerce castillan, le système des paiements basé sur les foires de Castille, leur permettent de dominer le marché d’un produit vital pour eux (car complémentaire des exportations de laine, leur principal trafic) »256 (Brumont 1994 : 30). Après avoir pris le dessus sur les transporteurs béarnais, les Toulousains ont observé une attitude plutôt passive pendant plusieurs décennies, attendant que d’autres marchands fassent le voyage pour récupérer le pastel acheté.

254 « Le commerce du pastel ne fit pas oublier les autres négoces, qui en reçurent au contraire une

impulsion plus grande. L’afflux des métaux précieux en Espagne au XVIe siècle accroit l’intensité du commerce franco-espagnol dont Toulouse est la place principale, ce qui compense pour elle l’évolution générale qui tend à faire de la France une unité économique dont la création d’un système de douanes nationales en 1519 est un témoignage », explique Coppolani (1954 : 69). Voir aussi, pour cerner le contexte, l’article d’Henri Sée, « Le commerce en France au XVIe siècle » (Annales d’histoire économique et sociale).

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« Le roi s’en doute et n’y peut rien, que faire un exemple de temps à autre… » commente Philippe Wolff (1974 : 231).

256 « Le pastel constituait pour eux un produit d’échange supplémentaire (avec le fer et surtout la

laine) avec les grands centres industriels du Nord, Flandres et Angleterre, avec lesquels il est bien probable que la balance commerciale de l’Espagne était déficitaire » (Brumont 1994 : 30).

Au début du XVIe siècle, l’installation d’un marchand de Burgos va participer à changer la donne. « Issu d’une riche famille castillane où l’on avait déjà l’expérience du commerce pastellier, Jean Bernuy était favorisé par la naissance. Il n’eut donc rien d’un pionnier lorsqu’il vint habiter notre ville pour se mêler au commerce de teinture ; il faut plutôt se le représenter comme un jeune et riche bourgeois venant faire son apprentissage dans la maison d’un parent » explique Gilles Caster (1998 : 123). Son frère Diego était resté à Burgos, ce qui facilitait beaucoup les transferts d’argent et de marchandises, à une époque où la famille était un indéniable gage de sécurité dans les relations commerciales lointaines257. En effet, « le XVIe siècle, dans sa fureur du gain et sa rage de réussir, a montré un penchant très net pour l’escroquerie », selon Caster (1998 : 18). Le parcours professionnel de Bernuy reflète les transformations et les progrès du commerce pastellier toulousain : d’abord vendant principalement à des marchands de sa ville d’origine, il initie l’expédition du pastel jusqu’à Bordeaux, pratique inconnue de ses confrères à cette période, puis, en achetant des quantités de plus en plus importantes, il entreprend de l’exporter vers Londres, Anvers et Rouen, mais aussi vers Naples via Narbonne. « La fortune de Jean Bernuy est encore aujourd’hui à Toulouse, comme celle de Pierre Assézat, une sorte de mythe » (Caster 1998 : 131). Ce dernier, « vraiment un grand homme d’affaires » d’après Caster (1998 : 153), est postérieur d’une génération à Bernuy. Tout comme celui-ci et sans doute plus encore car le pastel toulousain est alors au sommet de sa réussite, ses activités s’inscrivent dans la géographie européenne du commerce. Lui aussi exportait surtout en Espagne (Saint Sébastien, Pamplune, Bilbao). Là-bas, « Assézat n’était pas seulement allié à un marchand de Pamplune. Il était aussi lié à de célèbres financiers d’Anvers, les Schetz, représentés en Espagne par un de leurs collègues anversois, Jean surnommé le Flamand » (Caster 1998 : 157). Il était également bien implanté sur les places commerciales du Nord, puisqu’il y avait, en plus des procureurs qui le représentaient, des serviteurs salariés à plein temps pour régler ses transactions (Caster 1998 : 158). Ses affaires sont ainsi largement extraverties, et lorsqu’elles s’effectuent localement, elles sont tournées vers le marché global : « le registre d’Assézat ne parle guère que de clients étrangers à la région ; même

257 Il fait parti, comme les Lopes dont Antoinette est la mère de Montaigne est issue, de ces

grandes familles toulousaines d’origine marrane, et l’origine juive de certains de ses proches parents est, à Anvers, dénoncée au duc d’Albe (Cohen 2003 : 42) (Taillefer 2000 : 344).

quand il vend à Toulouse, les acheteurs sont des Espagnols, des Rouennais, voire un Breton. S’il cède son pastel dès Bordeaux, c’est à un Anversois » (Caster 1998 : 161). Le pastel intègre donc Toulouse et ses marchands aux réseaux du commerce international et à ses pôles principaux.

Une ville opulente, foyer de culture humaniste

La prospérité de la ville se traduit par une transformation de son paysage urbain. Les succès commerciaux des marchands ne tardent pas à se matérialiser par la construction d’hôtels particuliers258. Ceux-ci viennent symboliser leur gloire. Un certain nombre de signes manifestent la distinction sociale opérée par cet habitat : le portail monumental, la muraille, le jardin d’agrément, et surtout la tour259, comme le montre Rémi Papillault, dans son analyse typo-morphologique des

Hôtels particuliers de Toulouse au XVIe siècle (1996). Si depuis le Moyen Age,

l’accession au capitoulat des notables toulousains leur donnait le droit d’ériger une tour, la compétition sociale qu’elle exprime s’exacerbe au XVIe siècle, d’où leur multiplication. L’architecture de ces édifices diffère selon la personnalité de leur propriétaire, mais témoigne souvent d’un goût de nouveaux riches. « Pour exceptionnel qu’il soit à Toulouse, par son importance et le luxe de son décor, l’hôtel de Bernuy dénote le maintien d’un style déjà passé de mode dans les châteaux de la Loire où cette première Renaissance a donné ses plus beaux fleurons : la date de 1530 sculptée sur l’un des piliers de la cour donne la mesure d’un décalage évident entre Toulouse et les lieux où séjourne la cour royale » écrivent Bennassar et Tollon (1974 : 258). Il en va de même pour d’Assézat, dont la « demeure princière trahit un goût excessif de paraître et quelque mégalomanie » (Caster 1998 : 153) et qui n’a fin de compte pu construire qu’une

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Il faut noter que cette dénomination n’était pas employée à cette époque pour désigner ces grandes demeures, celles-ci étaient dénommées « maison », quelle que soit leur superficie précise Papillault (1996 : 188), qui insiste pour ne pas considérer la multiplication de ces constructions comme une apparition, ces hôtels se situant dans une tradition de longue durée (Papillault 1996 :