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Une priorité donnée aux adultes croisés quotidiennement

Une conséquence : beaucoup se reposent sur les relais non spécialisés

On constate que la plupart des jeunes de l’échantillon s’adressent préférentiellement (par déception ou indisponibilité des spécialistes) à des adultes professionnels croisés quotidien- nement, en qui ils ont confiance. C’est par les interlocuteurs adultes du quotidien que passent les informations les plus déterminantes (professeurs principaux, professeurs « préférés »,

CPE, surveillants, entraîneurs sportifs, éducateurs, animateurs du SMJ, etc.). Les clubs de sports, par exemple, sont des lieux-ressources courants, ce qu’avaient déjà montré d’autres études. Ce sont toutes ces personnes qui transmettent au quotidien l’information, fournissent des sources, des références, des adresses de lieux, de sites Internet, etc.

L’importance des enseignants, à la fois comme sources et comme relais

On l’a vu à travers les développements qui précèdent, les jeunes ont beaucoup d’attentes vis- à-vis des enseignants dans le domaine de l’orientation et ils les sollicitent quotidiennement. On trouve dans les récits de jeunes de nombreuses expériences réussies où l’information cruciale a été donnée par un enseignant. L’inconvénient du recours exclusif aux enseignants est que cela induit une limitation de l’information à certains métiers, en fonction de la spécia- lité de l’enseignant ou de son expérience propre. Ainsi l’exemple d’un collège où une documentation a été compilée par les enseignants sur Internet et fournie aux élèves sous forme de dossiers papier, mais seulement dans les métiers considérés par eux comme majoritairement recherchés, donc deux dossiers seulement : coiffure et plomberie.

Une fois choisie la filière, les jeunes expriment des attentes fortes d’une information par les enseignants spécialisés sur les métiers possibles dans leur discipline. Ces attentes concernent des informations sur la connaissance du milieu professionnel, mais aussi sur les sources d’information et sur les filières dans le détail : bac pro en alternance, BTS en alter- nance, diplôme d’ingénieur en alternance.

Les interactions avec les conseillers d’orientation psychologues

Cela est un sujet d’étude en soi, et nous ne donnons ici que quelques éléments issus de l’enquête. Plusieurs jeunes disent apprécier le fait de rencontrer une personne « neutre » par rapport à leur entourage. Nombre de jeunes perçoivent le conseiller d’orientation comme une aide à trouver sa voie, et cela même dans des cas où le conseiller a poussé le jeune à prendre une voie tout à fait différente de son désir initial. Ainsi un jeune homme à qui la conseillère suggère de faire un BEP en un an, pour ne pas redoubler, et qu’elle encourage à changer de filière, en passant de la mécanique à la comptabilité. Les jeunes apprécient le fait que le COP les mette en garde par rapport à leurs choix. Une jeune fille dira : « Elle m’avait dit que j’aurais peut-être des surprises, donc j’ai pas été choquée, je savais à quoi m’attendre. »

« Il vaut mieux se renseigner avec une conseillère d’orientation, une personne neutre par rapport à d’autres personnes qui ne le sont pas et vont vouloir influencer le jeune en fonc- tion de ce qu’ils savent de lui, comme profs, amis, famille. Vaut mieux parler avec une per- sonne comme une conseillère d’orientation plutôt que de lire des documents qui donnent des informations trop générales, et ne tiennent pas compte de la situation du jeune. Ça s’est bien passé. Elle répondait à mes questions, elle m’a donné des adresses de lycée. » (G/18 ans/1reannée bac pro compta.)

« Et en fait, ça nous aide beaucoup, parce qu’elle [la conseillère] prend le temps de nous parler. Elle nous conseille beaucoup. La première fois que je suis partie la voir, c’était en 3e, ça m’a aidé à choisir la filière que je voulais dans les lycées. Après j’ai choisi directe-

ment la filière générale. Et ici, au lycée, elle nous parle un peu, elle voit notre mentalité, qu’est-ce qu’on aime, qu’est-ce qu’on aime pas. Et puis elle discute avec nous, elle nous propose des métiers ou on lui dit des idées de métier et elle voit avec nous. Si ça nous plaît ou pas. » (F/16 ans/2nderedoublante.)

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Plusieurs jeunes, de différents profils, refusent d’aller au CIO, soit parce qu’ils considèrent que cela fait double emploi avec le service rendu par le conseiller d’orientation dans leur établissement scolaire et qu’ils n’y trouveraient rien de plus, soit parce qu’ils s’attendent à une nouvelle déception si ce que leur conseiller leur a dit les a choqués. Pour certains, des décep- tions dans l’interaction avec le conseiller leur font abandonner toute recherche d’information dans des lieux institutionnels.

« Le CIO, c’est la conseillère d’orientation qui m’en a parlé. Elle m’a dit : “Oui, il y a le CIO” et puis, ouais, quand elle m’a dit qu’elle y travaillait, j’ai dit : “Ça va me servir à quoi, d’aller vous voir là-bas, vu que vous êtes déjà sur place ! Sérieusement !” » (G/17 ans/apprenti 2eannée BEP électrotechnique.)

« À partir de la 3e, on m’a mal conseillée et j’ai décidé toute seule. La conseillère d’orienta-

tion en 3e, à partir du moment où elle m’avait mal conseillée, j’ai décidé de décider toute

seule. Elle m’avait conseillé de faire esthétique, je sais pas du tout pourquoi, elle a dit : “Je te verrais bien en esthétique”, alors qu’elle n’avait même pas vu mes notes, mes résultats, elle envoyait toutes les filles en esthétique ! Alors après, comme je savais pas, j’ai choisi 2ndegénérale mais, comme j’avais pas le niveau, j’ai décidé de faire une réorientation et j’ai

choisi toute seule comptabilité. » (F/18 ans/fin BEP compta.)

Le rôle des parents dans l’information

Nous nous limitons ici au rôle des parents dans l’information, nous n’abordons pas le rôle des parents dans l’orientation, qui est un autre sujet et demanderait lui aussi une étude en soi. Notons tout d’abord, en introduction de cette partie, que le rôle des parents est assez peu mentionné en spontané par les jeunes à propos des démarches d’information.

Le rôle actif de certains parents

La mise en relation avec les ressources « institutionnelles » est assurée par certains parents, qui envoient leurs enfants vers les lieux-ressources. Certains parents y emmènent leurs enfants, mais ce n’est pas la majorité, si l’on se base sur cet échantillon. Certains même se déplacent avant leur enfant pour prendre rendez-vous. Quelques-uns (rares) expliquent le fonctionnement des lieux à leur enfant.

[La mission locale, vous l’avez connue comment ?] « Ben, c’est grâce à ma mère, parce qu’elle m’a dit il y a deux jours : “Je suis allée pour toi, ils ont dit qu’ils pouvaient t’aider”, et elle m’a passé une feuille qu’il fallait que je remplisse et je suis allé ce matin à 9 heures et je me suis inscrit et ils m’ont dit d’aller au point information jeunesse [antenne de la mission locale]. » (G/20 ans/1reannée bac pro compta.)

[Comment avez-vous connu le CIO ?] « Ben, disons que ma mère, elle connaissait avant, donc c’est pour ça, sinon… [Vous y êtes allée avec elle ?] La première fois, oui on est allées toutes les deux et puis voilà, par la suite j’y suis retournée une fois toute seule, puis c’est tout. » (F/17 ans/apprentie 2eannée CAP coiffure.)

« Moi, j’ai déjà été à l’ANPE avec ma maman, pour qu’elle m’explique à quoi ça servait et tout. Parce que ma maman, elle devait y aller, alors elle m’a fait montrer comment ça se passait, pourquoi elle y allait et tout. Elle a perdu son travail, eh ben, il fallait qu’elle aille pointer tous les mois telle date pour son versement, le temps qu’elle retrouve du travail et tout. Elle était cartonnière. » (F/17 ans/apprentie 2eannée CAP coiffure.)

Des parents font des démarches d’information pour leurs enfants. Ce sont surtout les parents des plus jeunes qui vont s’informer pour eux.

« J’en parle avec mes parents et ils se renseignent, ils m’aident en fait. Ils cherchent une caserne pour faire JSP, c’est jeunes sapeurs pompiers. [Ils cherchent comment ?] Ben, ils se renseignent, ils vont dans des casernes, voir s’ils prennent ou pas. » (G/16 ans/3e.)

Le milieu social ne paraît pas automatiquement favorisant sur la recherche et sur l’accès à l’information. Bien entendu, sur un échantillon de cette taille, il faut se garder de généraliser. Parmi les jeunes de familles « favorisées », certains ont eu les mêmes difficultés à s’informer à temps, ont pris des fausses pistes, etc. L’une a été emmenée par sa mère au CIDJ alors qu’elle n’avait pas encore de projet mais elle ne s’y est pas du tout intéressée, pas plus qu’à la revue L’Étudiant, à laquelle sa mère l’a abonnée. Toutefois, les jeunes de familles « favori- sées » insistent sur le rôle crucial des parents pour aller « à contre-courant de l’école », quand l’orientation ne convient pas.

« Les profs, ils connaissent pas tout, c’est normal, ils connaissent un seul truc. […] Faut aussi que les parents s’investissent. Les avis qui m’ont le plus aidée, du passage collège- lycée et ensuite au lycée, vraiment, c’est mes parents, parce qu’ils s’intéressent à ce qu’on fait et ils veulent nous aider au mieux et forcément, comme ils s’investissent, ça permet de trouver. » (F/19 ans/khâgne d’anglais.)

Des parents sont sources d’information

Les jeunes s’informent dans leur famille lorsqu’un membre de la famille possède une expé- rience des métiers qui les intéressent. Pour beaucoup, et quel que soit le milieu social, les parents leur fournissent des contacts pour la recherche de stages, ou d’employeurs pour l’alternance.

« Dans mon entourage, je connais déjà des comptables. J’ai un oncle. [Qu’est-ce que vous avez su avec eux ?] En fait, je savais c’était quoi le principe du métier de comptable… Je me rappelle plus trop de la discussion mais c’est eux qui m’en ont parlé et j’ai demandé… La fiche ONISEP, ça apporte pas mais ça dit le niveau d’études qu’il faut avoir. » (G/18 ans/ 1reannée bac pro compta).

« J’ai trouvé un stage en BEP compta par mon père [agent de nettoyage], il a demandé à son patron s’il pouvait me prendre. » (G/20 ans/fin 1reannée bac pro compta.)

« Il y a l’ami de mon père qui est expert en voitures et c’est lui qui a réussi à me trouver un garage parce que tous les garages qu’ils m’ont donnés au lycée, personne ne prenait d’apprentis parce qu’ils faisaient n’importe quoi dans le garage, ils voulaient pas travailler, ils allaient pas en cours, donc c’était pas sérieux et les gens ne voulaient plus d’apprentis. Et moi, l’ami de mon père m’a trouvé un garage, il lui a parlé de moi, lui a dit que j’étais pas un élève dissipé, donc voilà. » (G/18 ans/apprenti 2eannée BEP carrosserie.)