• Aucun résultat trouvé

quand « on ne sait pas ce qu’on veut faire »

Cette situation est courante chez les plus jeunes de l’échantillon, ceux qui sont en 3eet en 2ndeet

elle est normale à cet âge. Toutefois nombre de jeunes rencontrés gardent longtemps dans leur parcours des motivations très floues et ne peuvent pas expliquer la raison de tel ou tel choix. Ces jeunes, même tard dans leur parcours, ont de grandes difficultés à orienter leurs recherches d’information. Même des jeunes arrivés en terminale et de milieu « favorisé », ayant été très soutenus par leurs parents pour s’informer, ne savent pas dans quelle direction chercher. Certains des plus âgés se sentent profondément coupables de ne pas s’être mieux informés et plus tôt.

« Au bout de la terminale, on vous dit : “Bon, qu’est-ce que vous voulez faire comme études ?” J’étais un peu… paumée, quoi. Je savais pas spécialement quoi faire. Il y avait pas

spécialement quelque chose qui m’intéressait, c’était un peu tout et n’importe quoi. Et c’est pas facile, ça aussi. Après, c’est sûr, on peut toujours revenir en arrière. (F/20 ans/fin licence STAPS.)

« Je trouve bête un peu que j’arrive à ma dernière année de bac et que je sais pas encore exactement ce que je veux faire après, donc je pense qu’on aurait dû, enfin, ou peut-être que moi, j’aurais dû essayer de m’informer un peu plus tôt, sur les métiers ou sur les études, parce que là, j’arrive à un point où je suis en train d’hésiter ; je pense que c’est facile de savoir ce qu’on peut faire avec un bac, mais ce que moi je veux faire, je crois que c’est plutôt moi. [Y a-t-il des choses qui vous manquent pour savoir ce que vous voulez faire ?] Non, c’est moi. » (F/19 ans/terminale bac pro secrétariat.)

Dans ce cas, la documentation seule ne suffit pas. Plusieurs jeunes de l’échantillon qui sont dans cette indécision disent : « Plus il y en a, moins on s’y retrouve » ; « On feuillette les bro- chures sans rien trouver », etc. Ils expriment aussi le sentiment que les institutions « ne [les] aident pas à trouver des idées ». Même s’ils apprécient l’offre du CDI, ils sont toujours déçus car ils ne trouvent pas la réponse cherchée, l’élément qui permettrait de prendre une décision. Internet non plus ne les satisfait pas, cela leur paraît « pas assez détaillé ». Cette déception peut concerner aussi les bons élèves lorsque, par exemple, le CIO ne leur donne pas de pistes et se contente de leur annoncer qu’ils peuvent choisir ce qui leur plaît puisque, pour eux, tous les choix sont ouverts.

« Le CDI, là-bas on peut trouver des magazines comme L’Étudiant et puis il y a des livres et tout […]. Mais quand j’y allais, c’était plus pour trouver quelque chose de précis pour ce que peut-être j’allais faire et tout, mais bon, c’est pas trop intéressant. Au début du mois, j’y étais partie et puis ils nous avaient donné des petits livrets où on nous disait ce qu’on pouvait faire après un bac professionnel et tout, et bon, il y avait encore les mêmes métiers et tout, mais il y a pas quelque chose qui m’a intéressée, qui m’a accrochée quoi. » (F/19 ans/terminale bac pro secrétariat.)

« Le CIO, c’était juste à côté du lycée, et faut savoir que là aussi, elle était pas d’une grande aide parce que quand ils voient votre dossier scolaire et que vous venez de Louis-le-Grand, ils vous disent : “Vous pouvez faire ce que vous voulez”, donc ça aide pas vraiment. Et j’étais pas la seule, toutes les personnes que je connais dans ma classe qui y avaient été, c’était vraiment pas utile. » (F/19 ans/khâgne d’anglais.)

Dans toutes ces situations d’hésitations et de motivations floues, il est clair que le poids de l’information fournie par des pairs, de la classe ou du quartier, est démultiplié. Ils disent : « J’ai pris cette option parce que ma copine l’a prise » ou « J’ai choisi ce BEP parce que les copains du quartier m’ont tous dit : “C’est le meilleur des BEP.” » (Nous reviendrons plus en détail ci-dessous sur le système relationnel.)

« J’ai montré ce que j’ai trouvé sur Internet à une fille avec qui j’ai fait mon BEP, qui savait pas choisir entre secrétariat ou services, parce qu’elle faisait secrétariat aussi, ben je lui ai montré à elle et elle est venue en services avec moi et elle est en dernière année de bac pro maintenant. » (F/19 ans/1rebac pro SAAC.)

Lorsque ces situations marquées par l’hésitation ou l’absence de motivation débouchent sur une orientation subie ou par défaut, beaucoup cessent toute recherche d’information, ne voient pas l’intérêt de s’informer, car, pour eux, c’est un non-choix. Ils ont souvent la

P

R

A

T

IQ

U

E

S

/A

N

A

L

Y

S

E

S

conviction, d’une part, qu’une meilleure information n’aurait rien changé et, d’autre part, qu’il ne sert plus à rien de s’informer désormais. Souvent, dans ce cas, ils choisissent en fonction des cursus présents dans leur établissement, ou dans celui qui est le plus proche, ou encore dans le seul où on les accepte.

[Comment avez-vous été amené à choisir électrotechnique ?] « Parce que j’avais pas le choix. C’était soit ça, soit rien. Soit c’était électrotechnique, ou alors plomberie, ou alors mécanique. J’ai pris un des trois qui me plaisaient parce que je pouvais rien faire d’autre, j’avais un dossier déplorable en sortant de 3e, on voulait de moi nulle part, et je les

comprends d’ailleurs, quand on voit mon dossier. […] Et de toute façon, dans l’état où j’étais, que je sache ou que je ne sache pas ce que c’était électrotechnique, ça n’aurait rien changé. Je l’aurais fait de toute façon, parce qu’il fallait que je fasse quelque chose. Fallait que je fasse quelque chose, parce qu’il y a eu un manque d’orientation, un manque de… » (G/17 ans/apprenti 2eannée BEP électrotechnique.)

« Moi au début, à partir de la 3e, on m’avait dit de choisir dans quel domaine je voulais aller

et, à ce moment-là, ben j’avais aucune idée du domaine que je voulais, eh ben, j’ai choisi le lycée qui était le plus près de chez moi et voilà, quoi. [Mais dans ce lycée, il n’y a pas que la comptabilité…] Ils font aussi secrétariat, je suis pas sûr s’ils font vente. [Et qu’est- ce qui a donné envie de choisir compta ?] Ben [Soupir.] après, par rapport aux entourages, on m’avait dit aussi que la compta c’était un métier qui, on va dire, on a toujours besoin de comptables mais… [Et est-ce que vous vous étiez renseigné sur les BEP compta, en avez- vous parlé ?] Non, à ce moment-là je savais rien du tout. Et en fait comme j’avais aucune idée sur ce que je voulais faire, j’ai pris ça. [Qui vous a dit qu’il y avait des débouchés ?] C’est mon père et après, c’est mes amis. Des amis de ma classe et de la classe de BEP avant nous. » (G/20 ans/fin 1rebac pro comptabilité.)

Certains au contraire sont très persistants dans leurs recherches, ne se découragent pas. Ici c’est leur motivation pour trouver qui reste forte. Toutefois, le parcours d’information ne semble pas toujours réellement aider à trouver une vocation, mais plutôt à faire des détours qui ne mènent pas au choix. Une des interviewées, déscolarisée depuis deux ans, a épuisé tous les dispositifs sans trouver de solution.

« Le premier stage que j’ai fait d’aide-soignante, ça me plaisait pas, j’étais perdue, mais j’ai toujours eu le courage de chercher encore, parce que je me disais que je finirais par trouver ma voie. » (F/19 ans/déscolarisée depuis deux ans.)

Le poids important dans la décision des informations