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Une position réaliste-critique dans l’enseignement

1 Parcours/positions : ego-urbanologie

1.1 Une position réaliste-critique dans l’enseignement

ne faire que cela, et le reste de ce qu’ils font permet de mieux comprendre leurs livres. L’œuvre écrite peut alors être considérée comme constituée des traces de pratiques savantes – qui ne se résument nullement dans l’écriture ou « la pensée » - mais aussi de pratiques sociales plus communes – au double sens de « partagées » et « ordinaires » » (Topalov, 2012 : 73). C’est plutôt avec un tel esprit que je livre ici un parcours et les positions qui le ponctuent autant qu’elles le construisent. Je reprendrais volontiers ce propos de Bourdieu : « Comprendre, c’est comprendre d’abord le champ avec lequel et contre lequel on s’est fait » (Bourdieu, 2004 : 15).

1.1 Une position réaliste-critique dans l’enseignement

Enseignant titulaire en école d’architecture depuis la rentrée universitaire 2002-2003, ma mission principale est de contribuer à former des architectes et urbanistes, tout en parlant depuis le continent des sciences humaines et sociales pour l’architecture (champ identifié comme tel dans l’enseignement supérieur de l’architecture). C’est une position minoritaire certes par rapport à l’enseignement de projet mais qui engage, depuis le départ de cette expérience, d’intéressants pourparlers avec cet enseignement. Pourquoi n’avoir pas opté pour l’Université et des postes en aménagement-urbanisme alors que ma thèse récemment soutenue en relevait et que ma trajectoire antérieure ne relevait pas d’un enseignement spécifiquement professionnel1 ? J’ai le souvenir de profils de poste ne m’intéressant guère cette année2 et puis surtout l’ouverture d’un poste SHS à l’ensa Nantes où j’étais déjà contractuel et où j’avais pu saisir plusieurs intérêts dans l’enseignement et la recherche (cf. infra) ne me faisait pas hésiter longtemps. Le profil était le suivant : « Sociologue de la ville et spécialiste des questions urbaines (dans les domaines socio-anthropologiques ou socio-économiques ou dans le domaine du projet urbain) travaillant sur les enjeux posés par les pratiques contemporaines de transformation de l’espace. Il devra posséder une excellente connaissance de l’histoire de la pensée urbaine. » Plus concrètement, il s’agissait d’assurer des enseignements théoriques dans les 1er et 2ème cycles ainsi que ceux liés à des modules séminaire et projet de 3ème cycle et de poursuivre la réflexion pédagogique visant à articuler le champ des sciences sociales à l’enseignement du projet. Il était en outre stipulé que l’enseignant devrait avoir une forte activité de recherche au sein d’un laboratoire habilité et être en capacité de rejoindre à terme un des laboratoires de l’école.

Dans le cadre de ma candidature au poste, j’expliquais ma conception de l’enseignement au fil de deux notes, l’une relative aux « réflexions et orientations de l’enseignement de la discipline », l’autre déclinant pratiquement la fiche de poste énonçant les charges de cours pour l’école d’architecture de Nantes (Juin

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Après un bac scientifique en 1990, j’ai eu le bonheur de faire deux années de classes préparatoires en lettres supérieures section sciences sociales à Lille avant de m’engager dans un magistère d’aménagement à Tours.

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assez fléchés sur l’aménagement du littoral ou le tourisme d’un côté et sur les SIG d’un autre côté avec des enjeux techniques que je ne maîtrisais pas spécialement.

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2002). C’est une véritable feuille de route dont je propose de reprendre ici de larges extraits.

L’acte de candidature comme feuille de route

Mes motivations s’originent d’abord dans l’explicitation de la situation du champ disciplinaire au sein des écoles d’architecture. Je questionne la notion de sciences sociales « pour l’architecture » en historicisant les rapports récents entre sociologie et architecture : « Les sciences sociales sont entrées dans les Unités Pédagogiques

après 1968, contribuant à destituer la conception artistique presque exclusive de la pratique architecturale. Elles contribuaient à l’effervescence intellectuelle des écoles d’architecture naissantes à un moment de fortes luttes théoriques et d’engagements politiques. L’architecture a fortement « consommé » de la sociologie : connaissance de la demande, des usages, comme préalable indispensable à des édifications accueillantes où la question de l’habiter n’est pas réduite à celle de l’habitat, identification de « modèles culturels » pour reprendre un exemple fameux. En trente ans, la production intellectuelle est progressivement passée au second rang dans les écoles d’architecture, en retrait d’une vaste boîte noire, en l’occurrence le projet. Les alliances entre sociologie et architecture ont souvent muté en méfiance voire défiance : les sociologues ne seraient-ils pas, finalement, des « empêcheurs de projeter en rond » ? Des espoirs de pratique théorique et de théorie pratique des années 1970, alimentés par des tentatives concrètes de trans-disciplinarité (au sujet de l’environnement notamment), nous serions revenus à une omniprésence du « projet » tolérant les disciplines connexes ou y puisant au mieux des ressources métaphoriques ». Je tiens ensuite à récuser la

coupure théorie / pratique : « De manière générale, les enseignants ont pour

mission de questionner les savoirs à l’œuvre dans les pratiques professionnelles ; ils ne sauraient se contenter de les reproduire. Toute profession est du reste en perpétuel mouvement et se redéfinit constamment dans le frottement au monde (par exemple la profession architecturale par rapport aux urbanistes et aux paysagistes) : il ne s’agit donc pas de dispenser un savoir fini, coupé des interrogations liées aux modalités de l’être ensemble. Il semble aujourd’hui décisif de réarmer le pouvoir de critique des étudiants. Cette affirmation ne doit pas se transformer en volonté de coupure avec la pratique, loin de là. Du reste, un monde universitaire qui s’imaginerait au-dessus du monde social ignorerait tout simplement son historicité, se leurrant dans une réflexivité flatteuse. Si une école d’architecture est un lieu d’hybridations, de confrontations entre cultures savantes et professionnelles (sans oublier les cultures populaires, bourgeoises portées par les habitants logeant dans les « habitats » et les cultures générationnelles portées par les étudiants), cette caractéristique est une chance bien plus qu’un obstacle. La prendre au sérieux consiste entre autres à impliquer le champ des SHS (s’ajoutant aux sciences instrumentales et au champ artistique), dans l’enseignement. Je précise d’emblée que l’appartenance à un champ disciplinaire ne signifie pour moi nulle prétention à un pré carré, cette attitude visant au confort et à la retraite des fronts actifs de la recherche. Toute discipline doit se poser la question de ses limites et des façons de les passer. A ce titre, j’essaie de maintenir aussi bien comme fil directeur cognitif que dans mes espaces d’enseignement une représentation sur un plan horizontal des instances de pratique (via les disciplines) « chacune concourant à construire une extériorité qui empêche l’autre d’être auto-référentielle »1. » Je

tiens ensuite à défendre un enjeu de clarification à partir d’apports qui se doivent d’être cohérents, pertinents et accessibles : « Il découle de cet objectif la tentative

1 Jacques Lévy, (2000), Le tournant géographique. Penser l’espace pour lire le monde, Paris, Belin, p.38.

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d’allier, dans mes postures de recherche et d’enseignement, réflexivité, créativité et productivité sans privilégier un seul de ces pôles portant chacun de possibles écueils (la spéculation pour le premier, l’ésotérisme pour le second, l’empirisme pour le troisième) ». L’enjeu m’apparaît alors de contribuer à dégriser, à désillusionner, à

faire prendre conscience des mécanismes sur lesquels reposent les pratiques architecturales et urbaines, ce qui ne signifie pas désenchantement. Les sciences sociales doivent avoir un pouvoir de stimulation lucide par rapport au projet et une mission d’approfondissement des connaissances relatives aux pratiques urbaines et à leur sédimentation spatiale (où l’on retrouve la conception de l’espace comme projection au sol de la société). Je fais alors mienne cette affirmation selon laquelle « elles seules (les sciences sociales) ont la capacité d’analyser un contexte d’action

dans la multiplicité de ses dimensions sociétales, de révéler ses ambiguïtés, de pointer son incomplétude principielle, de montrer son irréductibilité à un système fini de fonctions, d’affirmer qu’il implique toujours un choix d’orientation pratique qui, en dernière analyse, parce qu’il engage aussi bien les fins que le coût social des moyens, ne peut relever que du politique. »1

J’explique ensuite l’enjeu de l’entre-deux pour un praticien des sciences sociales : « Il m’importe de contribuer à toujours construire des positions d’observation et

d’intervention à la fois pertinentes eu égard aux questionnements des politiques et des professionnels et solides théoriquement, c’est-à-dire fondées en raison (cohérentes). Le test de ce couplage est celui de son « accessibilité » (cf. supra), qui permet de se prémunir face à l’enfermement dans une tour d’ivoire et à la construction de thématiques scolastiques. Renvoyant dos à dos à la fois le fétichisme conceptuel (apparat des « suprêmes théoriciens » selon C.W.Mills) et l’inhibition méthodologique (propre des « empiristes abstraits » toujours selon Mills), je cherche à travailler à définir des théories de la pratique rendant compte des actions observables et des configurations qui en résultent et qui en sont le cadre d’effectuation. C’est depuis cette attitude que peut se comprendre la motivation à enseigner en école d’architecture (au-moins y a-t-il du « grain à moudre ») ».

Je vois l’inter-disciplinarité dans les écoles d’architecture à la fois comme prometteuse et risquée. « Je suis pour ma part plus proche d’une conception de

l’interdisciplinarité, telle que celle défendue par B.Lepetit, conception qui doit assumer la tension irréductible entre d’une part la spécialisation issue de l’approfondissement théorique et méthodologique et d’autre part l’appel à l’ouverture du champ scientifique, récurrent, appelant davantage de braconneurs. Cette tension doit permettre de désigner des objets nouveaux d’investigation (et je pense par exemple à l’intérêt de travailler sur des objets urbains comme le rond-point) et d’établir les conditions de production de savoirs neufs. L’optique de la transdiscipline pourrait être la recherche « d’un type d’alliance où l’on utilise l’autre pour en apprendre à son sujet, pour mieux comprendre le sens de ce que l’on fait en reconnaissant le choix dont on procède »2. »

A partir de ces positions, je décline quelques « manières de faire » en insistant sur une présence en cycle Licence des sciences sociales partant de la culture architecturale et urbaine implicite des étudiants et des enjeux contemporains de l’urbanisation. Je défends également l’enjeu d’une posture d’enseignant qui amène chacun à la conviction de prendre le monde au sérieux, en contribuant à désamorcer les approches cyniques ou enchantées, à donner l’envie de questionner également tous les supports d’information : les livres, les films, les émissions de radio, les journaux, les moments de la vie quotidienne sont également

1 J-M Berthelot, Les vertus de l’incertitude, p.249.

2 I.Stengers, entretien accordé à F.Dosse in L’empire du sens, l’humanisation des sciences humaines, Paris, la Découverte, 1995, p.388

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questionnables. « La présentation et la discussion de théories urbaines

(sociologiques, géographiques, philosophiques) doivent donner l’envie de lire les textes « à la source » et l’exigence de savoir de quoi on parle lorsqu’on mobilise tel ou tel concept, telle ou telle figure. Les exemples abondent du pillage de certains auteurs par ailleurs non maîtrisés. Le duo « Heidegger – Deleuze » produit ainsi des ravages dans les écoles d’architecture, en court-circuitant tout un ensemble de productions de sciences sociales. Combien d’étudiants passent de l’arpentage du terrain à la spéculation théorique sans méthodes permettant de lier l’un et l’autre ? Il m’importe de montrer que si l’on explore un domaine en profondeur, « ce n’est pas prioritairement pour en devenir le spécialiste, mais pour apprendre une démarche d’investigation »1. »

« Une implication progressive, au cours des cycles, des sciences sociales dans les

espaces de projet, peut donner à voir et expérimenter des interpellations et des collaborations possibles. Elles servent notamment à repérer comment des projets combinent les trois niveaux « classiques » de la fonctionnalité, de la socialité et de la sensibilité, comment sont utilisés différents types d’écriture dans les projets mais aussi comment peut s’envisager un urbanisme négocié, cordial. »

Je termine la note en insistant sur deux ornières à éviter : « celle d’enseigner ce que

d’autres recherchent sans faire soi-même l’épreuve des doutes inhérents à toute recherche (avec le risque d’une conception de la pédagogie comme seule tâche de transmission – via un entonnoir) ; celle de rechercher sans se préoccuper de la mise en forme et de la transmission des démarches intellectuelles suivies et des concepts mobilisés, en imaginant laisser ce domaine à d’autres (question de l’accessibilité) ».

Si l’actualité de cette note est pour moi frappante (raison d’une telle citation), il reste à mettre en lumière, de manière incarnée, l’acte éducatif plutôt qu’un discours ou une « glose sur… » Où l’on va être plus proche du maître ignorant2 que de l’exposition de savoirs ex cathedra !

Trois niveaux peuvent être considérés. Celui des choix personnels, celui du champ SHSA et celui de la structuration de l’enseignement à l’école d’architecture de Nantes, notamment dans un domaine d’études que j’ai co-élaboré avec des collègues proches. Traversant ces niveaux, une grande latitude est laissée à l’enseignant : le fort degré de liberté s’accompagne d’une responsabilité qui lui est proportionnelle. Si je pouvais imaginer, avant d’entrer dans une institution d’enseignement, que des programmes sont à respecter, qu’une feuille de route ministérielle est à suivre, j’ai vite compris que cette dimension programmatique se joue essentiellement à l’échelle de l’établissement et qu’elle est contrôlée a posteriori avec quelques commentaires à l’occasion de l’habilitation des maquettes pédagogiques. Il faut donc inventer des cours, tester des méthodes, discuter des atouts et inconvénients de formules d’association entre cours et TD… Il n’y a jamais rien à « appliquer » au pied de la lettre.

1 J.Rémy, entretien avec Etienne Leclerq in Sociologie urbaine et rurale. L’espace et l’agir, Paris, L’Harmattan, 1998, p.39.

2

Dans le maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle (Fayard, 1987), J. Rancière revient sur les propositions de Jacotot au XIXème siècle remettant en cause l’instruction traditionnelle et plus particulièrement les rapports enseignants-enseignés.

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1.1.1 Elaborer des contenus et des méthodes

Constructions pédagogiques du cycle Licence

L’arrivée sur un poste de titulaire n’a pas relevé d’une rupture brutale. Contractuel l’année précédente, j’avais pu déjà travailler plusieurs supports de cours. Des vacations auparavant m’avaient également familiarisé avec le monde pédagogique d’une école d’architecture.

Dans le cycle Licence, j’ai assuré un cours de sociologie urbaine avec un TD associé pendant plusieurs années. Le cours de sociologie urbaine avait pour objectif d’explorer de façon thématique les principales approches du phénomène urbain formulées en sociologie. Aussi bien la spécificité des sociabilités que les types de configurations urbaines étaient approchés, afin de familiariser les étudiants avec le regard sociologique et avec la « culture urbaine ». Le cours balisait alors les forces sociales qui contribuent à la transformation urbaine et les formes prises par cette transformation. Il développait également les questions que pose la mobilisation du savoir sociologique dans les pratiques urbanistiques et architecturales. J’avais d’emblée opté pour un support de cours, estimant que les bibliographies « balancées » en début de cours n’avaient à peu près aucun impact. Ce reader était ainsi commenté en amphi et pouvait aider aux révisions.

Handbook d’études urbaines avant l’heure, un support bibliographique ponctuant un cours de sociologie urbaine

Handbook évoluant à la marge d’année en année (il y a les textes qui sortent, ceux qui parviennent à rentrer), sa base initiale était la suivante, précisant les intitulés des séances et les auteurs dont j’avais retenu et photocopié des extraits de textes. 1- De quoi parlent les sociologues urbains ? Des sociétés urbaines et de leurs objets ; des formes (des publicités, des villes nouvelles, des rond-points...) et des pratiques ; de la différenciation sociale... Complémentarité des sciences de l’espace social. (Lecture : Lahire)

2- Les méthodes et les enjeux de l’analyse sémiologique. Images de la ville et représentations sociales. (Lecture : Marié, Damisch, Barthes, Lanot)

3- La ville selon quelques architectes contemporains. Décryptage de doctrines contemporaines. (Lecture : Koolhaas)

4- Saisir des configurations. L’urbain comme produit, milieu et enjeu. (Lecture : Lefebvre et Pinçon, Pinçon-Charlot).

5- La place des politiques publiques dans le jeu des forces sociales. Le cas des politiques patrimoniales. (Lecture : Soucy)

6- Saisir des interactions. L’urbain comme scène. (Lecture : Lévy, Simmel, Goffman et Joseph)

7- Espace public / Espace privé. (Lecture : Hannerz, Quéré, Sennett, Vernez-Moudon et Wakeman)

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8- La centralité urbaine : entre modèle et figure éclatée. (Lecture : Le Corbusier, Chalas, Bordreuil).

9- Les territoires et les réseaux. Le télescopage des échelles. (Lecture : Offner) 10- « De quoi se mêlent les urbanistes ? » : les démarches de consultation, concertation et communication. (Lecture : Lefebvre, Katan et Jérôme).

11- Sociologie des professions de l’urbain – panorama et enjeux. (Lecture : Champy)

Ce cours a été certaines années associé à un TD permettant de mieux éprouver les méthodes sociologiques en organisant des groupes avec le recrutement de vacataires et moniteurs. Telle année, « La mobilisation des sciences sociales revient ici à une analyse de la tension parcours lexical / parcours physique au cours de récits d’espaces et à un retour critique sur le travail projectif de groupe, en écho à deux moments du studio de projet. Ecoute attentive, attention flottante, traduction inventive par la cartographie, explicitation des postures, veille critique sont les démarches issues de l’anthropologie ici testées afin de comprendre en quelle mesure elles peuvent dynamiser un projet d’architecture. Elles sont expérimentées par chaque étudiant mais discutées en groupe (correspondance avec les groupes du studio d’architecture) dans l’optique d’éprouver à la fois la difficile cumulation des analyses et les vertus du croisement des regards (pour le dépassement de la stérile opposition subjectif / objectif). Les apports théoriques se situent dans le cours aussi bien en ce qui concerne le situationnisme méthodologique1 que la mise en question des schèmes usuels de la ville (centre / périphérie ; espace public / privé...) » (argument de la fiche pédagogique).

Ce TD s’est ensuite transformé en abordant deux exercices successifs. Le premier « monographie d’une galerie d’exposition » était réalisé par des binômes qui devaient mener à la fois un entretien avec un responsable du lieu, une analyse directe de la fréquentation du lieu et une analyse de la « tonalité » des lieux. Le deuxième exercice « problématisation du mémorial dans l’espace public » amenait les étudiants à procéder à un inventaire des lieux de mémoire sur la région nantaise, passant par la qualification de leurs effets contemporains. Le travail consistait à décrire « ce qui se passe » autour de l’objet en question et à réfléchir sur l’inscription spatiale des valeurs symboliques2. L’une des caractéristiques des TD de sciences sociales est leur inscription dans le territoire local dont une majorité d’étudiants sont largement ignorants, provenant d’un très large grand ouest, de ses campagnes et aspérités périurbaines. Il prend au sérieux la ville concrète, déplaçant bien des manières de faire propres aux exercices de projet renvoyant largement plus à des espaces fictifs. De fait, avec mes collègues des SHS, des discussions régulières concernaient nos modalités d’association au projet pour ce TD. Le mouvement a plutôt consisté à gagner une autonomie puis à ouvrir un nouvel espace d’enseignement… qui a désormais disparu de la maquette.

1

L’expression est imputable à K. Knorr-Cetina dans The manufacture of knowledge, 1981.

2

J’avais alors associé Emmanuelle Chérel, historienne de l’art, à cet enseignement. Elle a plusieurs années plus tard, dans la poursuite de son travail de thèse également, publié un ouvrage centré sur les enjeux et controverses du mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes (PUR, 2012).

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Cet « atelier critique des médias » (tel était son nom) avait été pensé avec les champs HCA et TPCAU (respectivement Histoire et Culture Architecturales et Théories et Pratiques de la Conception Architecturale et Urbaine). Il visait, en partant des pratiques des médias par les étudiants, à armer leur « savoir décrypter »: d’une part via l’apport de connaissances sur la structuration de l’univers médiatique (forces à l’œuvre, dynamiques de concentration dans la presse, poids économique du secteur de l’information), d’autre part à l’aide d’un atelier portant sur deux registres (l’audiovisuel et la presse écrite) et amenant les étudiants à décortiquer la construction des informations à partir de plusieurs média. A l’aide d’éléments d’analyse de discours et de l’image, le travail visait incidemment une utilisation plus réflexive d’outils à disposition. Il était placé sous les auspices de cette phrase : « It’s raining images outside, but we are locked

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