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Chapitre 3 Une démarche géographique au service de l’estimation de

3. Une méthode pour estimer l’acceptation sociale

3.1 Le choix des terrains d’étude à l’échelle régionale……… 109 3.2 La communauté locale : échelle générique pour l’analyse des dynamiques sociales ?... 112 3.3 Méthodologie d’enquêtes à l’échelle des usages de la Réserve Naturelle Marine de La Réunion………... 114

Introduction

Le chapitre 3 a pour vocation de présenter les cadres théoriques et méthodologiques de ce travail.

Dans la continuité des chapitres 1 et 2, le premier paragraphe propose une approche critique des méthodes utilisées dans les AMPs de la région pour suivre les dynamiques sociales. Cette dernière repose sur la confrontation des potentialités des protocoles de suivi utilisés, et notamment celles du protocole SocMon, avec les besoins exprimés par les gestionnaires.

La mise en évidence des atouts, opportunités, faiblesses et menaces (Analyse SWOT) de ce protocole permet de déterminer le positionnement scientifique de ce travail, en tant que démarche complémentaire visant un approfondissement de l’étude des dynamiques sociales au sein des AMPs. Le deuxième paragraphe est ainsi l’occasion de préciser notre problématique en déclinant les hypothèses de recherche, les postulats utilisés et en définissant certains concepts fondamentaux.

Pour finir, le troisième paragraphe s’attache à présenter la démarche méthodologique suivie. A travers un emboîtement d’échelles, les terrains étudiés sont, entre autres, présentés et les stratégies d’échantillonnage justifiées.

1. Approche critique des méthodes utilisées dans la région

pour suivre les dynamiques sociales au sein des AMPs

Les manuels développés pour assister et guider les gestionnaires d’aires protégées dans l’intégration des problématiques sociales sont peu nombreux. Dans le premier chapitre, nous évoquions, le site de Society for Conservation Biology recensant l’ensemble des « outils sociaux » existants. La plupart aborde effectivement la dimension sociale mais d’aucun ne lui est entièrement dédié. Un rapide tour d’horizon des guides consacrés aux AMPs39 permet d’identifier les thématiques concernées : la gestion de l’aire protégée en général (Salm et al., 2000), l’évaluation de l’efficacité des projets de conservation (Belfiore et al., 2003 ; Pomeroy et al., 2004 ; 2004 ; Wells et Mangubhai, 2005 ; Belfiore et al., 2006 ; World Bank, 2006), la conduite d’un suivi socio-économique (Bunce et al., 2000), la gestion collaborative des pêcheries (Christy, 1997 ; Pomeroy et Rivera-Guieb, 2006), la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) (Post et Lundin, 1996 ; Denis et Hénoque, 2001) ou encore la concertation (Walters et al., 1998). A partir de retours d’expériences, ces manuels abordent, de près ou de loin, la dimension sociale des AMPs sous la forme de recommandations, de méthode de terrain ou, moins souvent, en proposant des indicateurs.

Dans la région sud-ouest de l’océan Indien, le suivi des dynamiques sociales au sein des AMPs est assuré quasiment exclusivement par le biais du Socioeconomic Monitoring Guidelines for Coastal Managers of the Western Indian Ocean (Malleret-King et al., 2006). Ce protocole de suivi socio-économique est une adaptation régionale40 du Manual for Coral Reef Managers (Bunce et

al., 2000), coordonné par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et lié au Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN). Cette adaptation, surnommée SocMon WIO, se propose

de guider étape par étape toute personne souhaitant effectuer le suivi socio-économique d’une AMP, défini comme « la mesure et la détection du changement dans le temps permettant de prendre des décisions de gestion opportunes et informées » (Malleret-King et al., 2006). Ce manuel présente en détail la démarche à suivre en débutant de la mise en place de l’étude (activités préparatoires, calendrier, reconnaissance de terrain), jusqu’à l’analyse et à la communication des résultats, en passant par la présentation des différents modes de collecte de l’information sur le terrain (enquêtes, réunions de groupe, entretiens, etc.).

52 variables sont proposées, réparties en 9 grandes thématiques : Secteur (1 variable), Acteurs (2 variables), Démographie (15 variables), Santé (1 variable), Infrastructures et Commerces (2 variables), Activités côtières et marines (10 variables), Gouvernance (11 variables), Attitudes et perceptions (10 variables), Statut socio-économique (1 variable) (Annexe B).

Jusqu’à qu’ici, SocMon WIO a été utilisé dans 14 sites du sud-ouest de l’océan Indien, au Kenya (Tana Delat, Diani-Chale, Msambweni, Vanga), en Tanzanie (Vanga, Rumaki seascape, Mnazi Bay – Ruvuma estuary), au Mozambique (Quirimbas), à Rodrigues (Rivière Banane), à Madagascar (Velondriake), aux Seychelles (Sainte-Anne, Curieuse) et aux Comores (Grande Comores, Anjouan et Mohéli). La méthodologie SocMon présente des avantages comme des inconvénients. C’est pourquoi nous proposons de dresser une rapide analyse critique de cet outil sur la base des besoins exprimés par les gestionnaires d’AMPs. Ce travail s’organise en trois temps : l’exposé des attentes des gestionnaires de la région sera tout d’abord dressé et analysé. Ces attentes seront ensuite confrontées aux potentialités réelles du protocole SocMon. Enfin, nous complèterons cette analyse critique en nous inspirant des retours d’expérience de certains gestionnaires ayant utilisé le protocole.

39 Les manuels cités sont une compilation de ceux cités sur le site de la Society for Conservation Biology

(http://www.conbio.org/WorkingGroups/SSWG/catalog/sswgaction.cfm) complétés par d’autres, non référencés. Cette énumération n’a pas vocation a être exhaustive tant la multiplication de ces guides rend difficile sa mise à jour. Elle présente cependant les principaux.

40 Il existe également une adaptation pour la région Caraïbes (SocMon - Carribean guidelines), pour l’Asie

1.1 Attentes de gestionnaires envers les études socio-

économiques

Une série d’entretiens auprès de personnes en charge de la mise en place ou de la gestion d’AMPs41, parmi les pays de la COI, a été menée lors de la première réunion des gestionnaires d’AMPs de l’écorégion marine de l’océan Indien occidental, à Rodrigues en Mai 2007. Ce cadre nous a paru particulièrement propice pour mener ces entretiens et identifier les attentes des gestionnaires à l’égard des études socio-économiques. Au travers d’échanges d’expériences, cette réunion a en effet mis en exergue l’importance de la participation des communautés locales et le nécessaire recours à des études sociales et économiques complémentaires pour améliorer la gouvernance des AMPs. Les quinze gestionnaires présents étaient donc largement disposés à échanger sur leur propre expérience. Au total, nous avons pu conduire six entretiens, en tentant de couvrir les différents pays membres de la COI. Seule l’île Maurice ne figure pas dans la liste des gestionnaires rencontrés, mais l’entretien avec A. Nahadoo (alors basé à Rodrigues) nous a éclairé sur le contexte mauricien puisque ce dernier y avait longuement travaillé (Tableau 3-1).

Tableau 3-1 : Personnes ressources interviewées, en charge de la gestion ou de la mise en place d’AMPs dans les pays de la COI

Site ressource Personne Rôle (à l’heure de l’enquête)

Seychelles Allen Cedras

Gestionnaire du Seychelles Center for Marine Research in Technologies-MPA Seychelles depuis 2006.

En charge de tous les parcs marins nationaux : Ste- Anne, Baie Ternay, Port Launay, Curieuse, Ile Coco,

Silhouette Mourouk

(Rodrigues) Aurélien Nahadoo

Chargé par le PNUD de la mise en place de l’AMP de Mourouk

Rivière Banane

(Rodrigues) Emily Hardman

Coordinatrice scientifique de Shoals of Rodrigues, ONG en charge de la mise en place de réserves marines

au nord de Rodrigues

La Réunion Emmanuel Tessier Directeur du Groupement d’Intérêt Public Réserve Nationale Marine de la Réunion (GIP-RNMR) Nosy Hara

(Madagascar) Joamanana ANGAP, Directeur chargé de la mise en place du parc marin de Nosy Hara. Parc Marin de

Mohéli (Comores)

Mohamed Mindhiri

(Tsira) Président du Conseil de gestion du Parc Marin de Mohéli La question « quel est selon vous, l’intérêt des études socio-économiques pour la gestion des AMPs ? » a été posée à chacun de ces gestionnaires. Tous reconnaissent l’utilité d’un suivi socio-économique et expriment le besoin de conduire une étude de ce type dans leur AMP, quel que soit son stade d’avancement42. En outre, les réponses obtenues font ressortir plusieurs attentes quant aux résultats escomptés de ces études. Le Tableau 3-2 les présente.

41 Pour faciliter la lecture de ce chapitre, nous les appelleront abusivement « gestionnaires », certains

n’ayant pas officiellement ce statut puisque l’AMP était encore au stade de projet.

Tableau 3-2 : Attentes des gestionnaires à l’égard des études socio-économiques

Association d’occurrences

Attentes citées par les gestionnaires Occurrence de la citation

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 Connaître finement la population locale 1

2 Eduquer, sensibiliser et communiquer sur l’intérêt des AMPs 1

3 apportant des arguments sociaux et économiques pour les Améliorer la communication avec les décideurs en leur inciter à s’engager dans la protection de la biodiversité

1

4 Estimer les valeurs sociales et économiques de l’AMP ; 1

5 Impliquer les communautés locales dans la protection des ressources naturelles ; 1

6 Faciliter l’appropriation de l’AMP par les différents acteurs. 2

7 Mesurer les retombées économiques de l’AMP sur les communautés locales ; 2

8 Développer des activités alternatives et génératrices de revenus pour les pêcheurs et/ou le village ; 3

9 Adapter les mesures de gestion en fonction des attentes des communautés locales ; 4

Interprétation de la matrice présentant les associations d’occurrences :

En vert clair : les occurrences ont été associées par une seule personne En vert foncé : les occurrences ont été associées par deux personnes différentes En blanc : les occurrences n’ont jamais été associées

En gris : partie non exploitée de la matrice permettant d’éviter les répétitions entre associations

L’hétérogénéité des réponses données illustre, tout d’abord, une connaissance et une compréhension erronées des objectifs et des potentiels d’une étude socio-économique. La juxtaposition de besoins de connaissance et de diagnostic (réponses 1 et 4) avec des attentes en terme d’évaluation de l’efficacité des projets (réponses 3 et 7) et avec une demande d’outils facilitant la bonne gouvernance locale (réponses 2, 5, 6, 8 et 9) montre que les gestionnaires, et parfois certains scientifiques, perçoivent le suivi socio-économique comme une solution à tous les problèmes qui ne relèvent pas de l’écologie marine. A en croire les réponses recueillies, l’étude socio- économique devrait, par exemple, permettre d’assurer l’éducation et la sensibilisation de la population ainsi que l’implication des communautés locales dans la gestion des ressources naturelles

(réponses 2 et 9). Ce n’est pourtant ni un outil de concertation ni un outil d’éducation à l’environnement. Si le suivi de la biodiversité marine s’attache à étudier les écosystèmes, le suivi socio-économique devrait se charger de tout ce qui se rapporte à l’homme, à la société et aux logiques de marchés. C’est comme si l’association du social (par essence difficile à délimiter) et de l’économique rendait les frontières de l’objet d’étude floues et extensibles, par opposition au suivi écologique dont les objectifs visent clairement les écosystèmes marins.

En outre, l’occurrence de citation des différentes réponses ainsi que les associations entre elles montrent que les principaux besoins exprimés par les gestionnaires concernent l’identification d’actions favorisant l’adhésion des populations locales. Que ce soit l’adaptation des mesures de gestion aux attentes des communautés locales (réponse 9), le développement d’activités alternatives et génératrices de revenus (réponse 8) ou encore le besoin de faciliter l’appropriation de l’AMP par les différents acteurs (réponse 6), les réponses les plus fréquentes se réfèrent à la nécessaire acceptation sociale de l’AMP. Les expériences collectées auprès de ces gestionnaires montrent en effet que l’absence d’acceptation est une des principales causes d’échec des projets de conservation dans la région. Ce sont donc bien des besoins en termes de gouvernance locale qui ressortent en priorité de la bouche des gestionnaires.

1.2 Des besoins face aux potentialités du protocole SocMon

Par le biais d’un code-couleur, le Tableau 3-3 se propose de synthétiser le degré de satisfaction des besoins exprimés par les gestionnaires de la région, de la part du protocole SocMon. L’estimation du degré de satisfaction résulte de la confrontation des besoins exprimés aux potentialités réelles du protocole SocMon.

Tableau 3-3 : Degré de satisfaction des besoins exprimés par les gestionnaires, par le protocole SocMon

Il ressort de cette analyse que certaines attentes sont tout à fait satisfaites (réponse 1) tandis que d’autres le sont beaucoup moins (réponses 4, 7 et 8). Les tableaux 3-4, 3-5 et 3-6 présentent plus précisément cette analyse critique en détaillant les différentes variables du protocole SocMon référencées par un code utilisé dans le manuel SocMon (Annexes B) et en énumérant leurs avantages et leurs inconvénients pour parvenir à satisfaire les besoins des gestionnaires. Le tableau 4-3 regroupe les variables SocMon ayant une réelle utilité aux yeux des gestionnaires. A l’opposé, le tableau 5-3 présente les besoins peu ou mal satisfaits par le protocole. Entre les deux, le tableau 6-3 liste les variables d’intérêt moyen pour les gestionnaires.

Notons que les variables K28, K29 et K30, n’apparaissent pas dans le tableau car elles ne correspondent à aucun des objectifs mentionnés par les gestionnaires. Ces dernières sont classées dans la rubrique Gouvernance et s’attachent respectivement à énumérer les différents organismes formels en charge de la gestion des ressources marines, à déterminer s’il existe ou non un plan de gestion, et à identifier les législations en place sur le milieu marin. Elles relèvent donc de l’information basique que tout gestionnaire détient à priori, enquête socio-économique ou pas.

Tableau 3-4 : Variables du protocole SocMon permettant de répondre de manière satisfaisante aux besoins des gestionnaires

Cette analyse met en exergue l’apport essentiel du protocole SocMon en termes de diagnostic de la population. L’ensemble des variables fournit en effet un portrait précis des conditions de vie des ménages, de leurs activités (sources de revenus ou non) ainsi que de l’organisation politique de la communauté. Elle montre en revanche, que l’utilisation de ce protocole ne permet ni de mesurer les retombées économiques de l’AMP pour les communautés locales ni de développer des activités génératrices de revenus, besoins dont l’occurrence était pourtant parmi les plus élevées lors des entretiens. Elle révèle enfin que le recueil des perceptions à l’échelle individuelle constitue un préalable nécessaire mais pas suffisant pour parvenir à cerner des processus dynamiques tels que l’implication de la communauté locale, l’identification de ses attentes et l’appropriation de l’AMP.

Ainsi, le protocole SocMon procure-t-il une description fine des éléments constitutifs du socio- système accolé à l’AMP, permettant de répondre aux questions de type Qui ? Quoi ? Quand ? ou Combien ?. Il ne fournit cependant qu’une vision limitée de l’organisation et de la structuration du socio-système, vision qui sous-entendrait l’étude des relations entre les éléments du système et qui permettrait d’apporter des réponses aux questions Comment ? et Pourquoi ?.

Les variables SocMon sont donc parfaitement adéquates pour décrire l’état du socio-système à un instant T, en vue d’un diagnostic. Pour autant, elles ne peuvent permettre de saisir les dynamiques telles que l’acceptation sociale, pourtant déterminante pour répondre aux besoins de gouvernance locale des gestionnaires. Les variables SocMon s’attachent en effet à caractériser chaque individu (usager ou ménage) au travers de ses usages, ses croyances et ses perceptions. L’identification des dynamiques sociales se fait, par la suite, au moyen d’une simple addition de ces caractéristiques individuelles. Ce postulat, à rapprocher de la théorie de l’individualisme méthodologique43 (Boudon, 1979), considère l’individu comme une entité fermée et isolée de son environnement social. Les phénomènes sociaux observés dans les communautés ne seraient donc liés à aucun élément extérieur mais seraient uniquement le résultat d’actions individuelles (David, 2008 ; Pouget et Gardes, 2008). La réalité est bien plus complexe et les décisions individuelles résultent souvent de la combinaison d’enjeux individuels et collectifs. Ainsi, la compréhension des dynamiques sociales au sein des AMPs ne peut faire l’économie de s’intéresser aux jeux de pouvoir au sein d’ensembles supra-individuels structurant l’environnement social (familles, associations, communautés religieuses, etc…).

Le protocole SocMon fournit donc un point de départ pertinent et utile pour les gestionnaires d’AMPs, notamment en vue d’élaborer un diagnostic. Il doit cependant être complété et enrichi par d’autres méthodes, moins génériques, pour parvenir à répondre de manière plus adéquate aux attentes des gestionnaires en matière de gouvernance locale.

1.3 Retours d’expériences

A première vue, le protocole SocMon est présenté comme « un ensemble de directives visant à

établir un programme de suivi socio-économique au niveau local. [Il] est destiné à être utilisé au niveau du site. » (Malleret-King et al., 2006). Pourtant, l’expérience rodriguaise a montré que les données

collectées par le biais de SocMon n’étaient que peu adaptées à l’échelle locale :

« SocMon n’a pas vraiment répondu aux questions que nous avions concernant la mise en place de

réserves marines, par exemple sur ce que les gens pensaient de ces réserves ou sur les activités alternatives que les gens seraient contents et capables de faire. Nous prévoyons donc d’étendre ces enquêtes l’année prochaine à ce type de questions en particulier.» (E. Hardman)

43 L’expression "individualisme méthodologique" désigne les méthodes qui analysent les phénomènes

sociaux comme le produit d’actions individuelles agrégées. Cette tradition sociologique s’oppose au holisme méthodologique pour lequel "le tout explique la partie".

Il existe en effet une confusion concernant la finalité et l’échelle d’utilisation des données collectées via SocMon. Si l’échelle locale est mentionnée, il est également précisé que « SocMon

fournit la base d’un système régional de gestion des données (au niveau régional, national et international) et de comparaison des données. (…) [Il] est conçu pour les [les autres programmes de suivi et de recherche socio-économique dans la région] compléter et fournir un ensemble simple et normalisé de directives pour la région. » (Malleret-King et al., 2006). Ainsi l’objectif de « rapportage »44 aux échelles supra-locales, le besoin de comparaison inter-sites et la recherche de généricité dans les variables proposées qui en découle, rendent-t-ils délicat l’aide à la bonne gouvernance locale. Même s’il est précisé qu’il n’est pas forcément nécessaire de collecter toutes ces variables et qu’il convient de les sélectionner en fonction des objectifs de l’étude et du site considéré, il semble que les dynamiques sociales soient trop spécifiques au contexte économique, culturel et/ou politique du site, pour que ces variables génériques puissent répondre à des problématiques locales.

Paradoxalement, la vocation de système régional se heurte à l’adaptation du protocole hors du contexte des pays en voie de développement (PVD). En témoigne le discours du gestionnaire seychellois :

« Il s’avère que dans le manuel SocMon il manque un certain nombre d’informations qui seraient

pertinentes à collecter étant donné le contexte particulier des Seychelles. L’économie locale est principalement basée sur l’activité touristique. Ici, à la différence de la majorité des pays de la région, les pêcheurs sont riches et, pour la plupart, complètent leurs revenus par des prestations touristiques pendant les 6 mois de mauvais temps. De plus, les problèmes de surpopulation, présents dans la plupart des pays de la zone et présentés comme une des principales menaces pour la biodiversité marine, ne s’appliquent pas aux Seychelles. C’est pourquoi certaines idées de SocMon peuvent être appliquées aux Seychelles et d’autres non. » (A. Cedras)

Les différentes variables proposées reposent en effet sur le postulat d’une forte dépendance économique des communautés locales à l’exploitation des ressources marines, postulat qui, certes, caractérise une majorité de contextes économiques de la région sud-ouest de l’océan Indien. Les Seychelles, pays émergent dont l’économie est basée sur une activité touristique dynamique, et la Réunion, département français rattaché à la liste des pays développés, ne correspondent pas à cette situation. Au-delà de certaines questions peu adéquates hors du contexte de PVD, c’est l’identification même des personnes à enquêter, regroupées en « communauté »45, qui pose problème. La structure villageoise est classique dans les PVD et autorise à penser que la proximité de la mer et l’exploitation des ressources marines sont des facteurs structurant de la communauté. Le cas de la Réunion est à l’opposé puisque le règne de l’automobile et le développement des infrastructures routières ont rendu la mer, et notamment la zone récifale, accessible à tous, quel que soit le lieu d’habitation. Ainsi, les anciens quartiers de pêcheurs ont-ils, pour la plupart, disparu sous l’effet combiné de l’accroissement démographique et de la densification urbaine et le concept de « communauté » est-il dépassé ou du moins, à adapter à un contexte de pays développé.

Les quelques retours d’expérience des gestionnaires de la zone océan indien (ZOI) ne sont évidemment pas que négatifs. Il faut reconnaître que le protocole SocMon offre un support,