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Chapitre 2 Les Aires Marines Protégées des pays de la commission de

1. Vers un réseau régional d’AMPs dans le sud-ouest de l’océan Indien

2.1 Le modèle « Conservation-Exclusion » : les AMPs des Seychelles et de Maurice……… 57 2.2 Les AMPs malgaches et réunionnaises : de l’exclusion à la participation………... 62 2.3 Le modèle « Conservation – Participation » : Les AMPs des Comores et de Rodrigues 77

Introduction

Après avoir décrit l’avènement progressif du modèle participatif dans la gestion des espaces protégés à l’échelle internationale, nous centrerons ce deuxième chapitre de manière thématique et géographique. La dimension thématique s’attachera à traiter des aires marines protégées (AMP), comme cas particulier d’espace protégé et nous limiterons notre espace de travail aux pays membres de la Commission de l’Océan Indien (COI), à savoir Madagascar, l’ïle Maurice (l’île Rodrigues incluse), les Comores, les Seychelles et La Réunion.

La première partie de ce chapitre s’attache à retracer l’historique de la protection des récifs coralliens dans la région sud-ouest de l’océan Indien. Le projet d’un réseau régional d’AMPs sera présenté comme l’aboutissement d’une ambition commune de fédérer les connaissances et les expériences en matière de conservation à l’échelle régionale. La seconde partie tentera d’élaborer une typologie des différentes AMPs existantes ou en projet dans les Etats membres de la COI selon le mode de gestion en présence.

1. Vers un réseau régional d’AMPs dans le sud-ouest de

l’océan Indien

Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, la région sud-ouest de l’océan Indien est le théâtre de nombreuses initiatives dans le domaine de la protection de l’environnement littoral et marin. La Convention de Nairobi, signée en 1985, et ses différents protocoles fournissent les bases légales pour les actions en matière d'environnement marin dans le sud-ouest de l’océan Indien (COI, 1997). Elles concernent globalement la protection, la gestion et le développement de l'environnement marin et côtier de la région et, plus précisément, les aires marines protégées, la faune et la flore sauvage ainsi que la coopération en matière de lutte contre la pollution marine. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) est chargé, depuis 1985, de sa promotion et de sa mise en application. Pourtant, ce n’est que 10 ans après son adoption, qu’elle entre en vigueur, le 30 mai 1996. Entre temps, un certain nombre d’organismes œuvre dans la région pour structurer une démarche commune.

Ainsi, la WIOMSA est-elle créée en 1992, avec le soutien de la Commission Océanographique Intergouvernementale (IOC) de l’UNESCO et du Gouvernement suédois, représenté par la Swedish

International Development Agency (SIDA) et la Swedish Agency for Research Cooperation with developping countries (SAREC). Basée en Tanzanie, cette association a pour vocation de fédérer l’ensemble du

dispositif recherche en sciences marines dans la partie occidentale de l’océan Indien. La compétence géographique de la WIOMSA couvre l’ensemble de l’Afrique de l’est et les îles de la partie occidentale de l’océan Indien où en réalité elle intervient peu (David et al., 1999, p.4).

On peut également citer l’ICRI (International Coral Reef Initiative) qui, du fait de la présence d’écosystème corallien dans la région, se positionne en temps que partenariat environnemental entre différents pays pour la préservation et l’usage durable des récifs coralliens. La biodiversité corallienne constitue en effet une richesse indéniable pour la région sud-ouest de l’océan Indien qui figure parmi les 34 points chauds à l’échelle mondiale. Les récifs sont présents dans les cinq états membres de la COI même si leur importance varie selon les contextes économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Ce milieu naturel constitue aujourd’hui un patrimoine régional en péril, menacé par différents facteurs de dégradation (anthropiques ou naturels). Face à ce constat, le gouvernement des Etats-Unis, avec les gouvernements d’Australie, de France, de Jamaïque, du Japon, des Philippines, de la Suède, du Royaume Uni ainsi que des agences telles que la Banque Mondiale et le PNUE, lancent l’ICRI en 1994 lors de la conférence sur les petits Etats insulaires en développement à la Barbade. Depuis, l’ICRI s’est agrandit et regroupe 80 pays. Ceux-ci ont adopté un plan d’action qui s’articule autour de 4 axes principaux :

Gestion intégrée des zones côtières,  Information / sensibilisation,

 Développement des moyens d’actions,  Evaluation des mesures prises

Entre 1999 et 2000, la France est chargée de la présidence de l’ICRI. A cette occasion, elle crée l’IFRECOR (Initiative Française pour les REcifs COralliens) dont l’objectif est la protection et la gestion durable des récifs coralliens des collectivités d’Outre-Mer. Il existe donc, depuis juillet 2000, un comité local IFRECOR dans chacune des collectivités d’Outre-Mer, et notamment à la Réunion et à Mayotte pour ce qui concerne le sud-ouest de l’océan Indien. Ces comités locaux constituent une instance de concertation entre les différents acteurs concernés, en vue d’élaborer et de proposer un plan d’action en faveur de la protection et de la gestion durable des milieux coralliens, et d’en assurer le suivi, dans le respect des compétences de chacun. Il n’a pas vocation à financer des actions mais il pourra soutenir des projets opportuns auprès des instances nationales et locales.

L’acteur majeur de la protection de l’environnement marin dans la région, reste la COI. En 1995, les 5 états membres de la COI se dotent d’un programme régional sur l’environnement (PRE- COI) financé par l’Union Européenne (7ème FED). Prévu jusqu’en 2000, l’objectif global, initialement prévu, était « la promotion d’une politique régionale de protection et de gestion des ressources naturelles et marines », par la suite modifié en « contribution à la promotion d’une politique régionale de

gestion durable des ressources naturelles » (COI, 2000). Le PRE-COI a été conçu pour venir en appui à

des projets environnementaux de dimension régionale et pour renforcer les capacités des pays de la COI dans les domaines de la protection et la gestion des zones côtières et de la protection des espèces végétales endémiques. En plus d’un appui aux experts nationaux et régionaux de chaque pays membre, un Groupe de Renforcement des Efforts Environnementaux Nationaux (GREEN) fut nommé pour mener à bien l’expertise environnementale. Composé d’un consortium d’experts du CIRAD, de l’IRD, de l’IFREMER et du GOPA (bureau d’études allemand), le GREEN a d’abord dressé un état des lieux environnemental de chaque pays afin d’identifier un éventail de problématiques communes. Celles-ci ont ensuite été regroupées selon quatre thématiques dominantes : l’écotoxicologie, les récifs coralliens, l’érosion et la pollution.

La problématique AMP est issue de la thématique récif. Elle émerge en 1998 à l’issu de l’atelier récif de Tuléar (Charpy et al., 1993) et l’idée de créer un réseau régional d’AMPs est confirmé un an plus tard (Bigot et al., 1999 ; David, 1999). Pourtant en 2000, lors de la fin du PRE-COI, sa mise en place n’est pas effective et ce réseau n’en reste qu’au stade de projet. Il faut attendre novembre 2003 pour qu’à l’initiative du directeur régional du WWF, les gestionnaires des AMPs de la région décident de relancer le processus de création d’un réseau régional d’AMP. Une petite équipe technique pilotée par l’ARVAM et le WWF France se met alors en place pour construire un projet finançable par le FFEM. Cette initiative est entérinée et appuyée en Juillet 2005, lors du troisième sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de la COI à Antananarivo. La nécessité de la mise en place d’un réseau d’AMPs dans la région est réaffirmée. Les arguments sur lesquels s’appuie cette décision sont les suivants (COI, 2005) :

 l’implantation des AMPs s’est faite selon une perspective purement nationale, sans vision écologique régionale. La représentativité des milieux est insuffisante et des sites essentiels pour les espèces phares ne sont pas encore protégés ;

peu de sites sont reconnus au plan international ;

 les capacités des gestionnaires et l’expertise scientifique sont insuffisantes ;  les gestionnaires des AMPs sont isolés et ont besoin d’échanger leur expérience.

Le projet est donc relancé et sa finalité est « de contribuer au maintien de la biodiversité et des

ressources marines et côtières de l’éco-région de l’océan Indien occidental, au travers d’un réseau régional cohérent d’aires marines protégées gérées efficacement ». L’une des priorités est celle du développement

régional durable et notamment « la préservation des ressources halieutiques de l’océan par une

amélioration de la connaissance de ces ressources partagées, une rationalisation de leur gestion et un effort soutenu porté à la conservation de la biodiversité marine et côtière » (COI, 2005). Piloté par la COI, et

géré par le WWF, ce réseau doit créer une véritable dynamique régionale entre tous les acteurs de la zone autour des AMPs. Le projet est conjointement financé par le FFEM, le WWF, Conservation International et le Ministère Français des Affaires Etrangères pour un montant avoisinant 2 millions d'euros (FFEM, 2005).

Le projet, prévu jusqu’en Juin 2010, s’articule autour de 4 composantes.

Composante 1 : « Elaboration d’une stratégie régionale de gestion de la biodiversité et des ressources

marines. » L’objectif est d’identifier un réseau d’espaces prioritaires, d’intérêt majeur pour la

conservation de la biodiversité et des ressources marines et côtières, en mettant en œuvre une analyse éco-régionale, aboutissant à la validation d’une stratégie régionale de conservation et de gestion de la biodiversité et des ressources naturelles. Les résultats de l’analyse éco-régionale doivent orienter les activités envisagées pour les composantes 2, 3 et 4, ainsi que les autres projets régionaux de conservation ;

Composante 2 : « Appui au renforcement (ou a la création) d’aires marines protégées ». L’objectif est de soutenir directement le développement du réseau régional des AMP et d’inscrire les sites prioritaires aux conventions et programmes internationaux ;

Composante 3 : « Mise en place du forum régional des gestionnaires d’aires marines protégées ». Les objectifs sont nombreux. Ils s’organisent autour de la nécessité de créer ou de renforcer les échanges d’expériences entre les gestionnaires des AMP de la région afin de promouvoir les bonnes pratiques en matière de gestion ;

Composante 4 : « Sensibilisation et information sur l’utilité des aires marines protégées ». L’objectif est de mobiliser les institutions et la société civile en faveur des AMP, afin de faire émerger une dynamique régionale de conservation de la biodiversité et des ressources marines.

Au sujet de la composante 1, un premier atelier technique pour l’analyse écorégionale de WIOMER (Western Indian Ocean Marine EcoRegion19) s’est tenu en Avril 2009 à Maurice. L’objectif général était de faire progresser l’analyse écorégionale en rassemblant les experts marins de la région, leur permettant ainsi d’échanger et de réfléchir ensemble sur les facteurs et les problématiques qui doivent être pris en compte dans le processus de priorisation des zones à protéger. Les participants ont conclu que cette priorisation devait se baser sur des données environnementales, biologiques et socio-économiques qui devront être analysées à l’aide d’outils informatiques de modélisation et de planification de la conservation. Les résultats ont été présentés lors d’un second atelier, cette fois ci à Madagascar, en Novembre 2009. 35 paysages marins20 prioritaires pour la conservation de la biodiversité et des ressources marines de la région ont ainsi été identifiés. Ces résultats doivent encore être consolidés et soumis à la haute sphère de décision de la COI pour parvenir à la formulation d’une stratégie commune régionale.

Concernant la composante 2, un certain nombre d’actions prioritaires ont déjà été initiées voire réalisées dans le but de renforcer les capacités des AMPs existantes ou d’en créer de nouvelles. Parmi ces actions, on peut citer notamment l’aide d’urgence accordée au Parc Marin de Mohéli (Comores) qui, avec l’achèvement du projet GEF/PNUD21, s’est trouvé sans financements pérennes. Un renforcement à l’élaboration du plan de gestion a ainsi été engagé, accompagné de formations en écotourisme et d’une aide au classement en réserve de Biosphère dans le cadre du programme MAB de l’UNESCO. A Maurice, un inventaire écologique du parc marin de Balaclava, associé à la formation des gestionnaires et à la démarcation du parc a également été financé. A Rodrigues, la création de la réserve marine de Rivière Banane a été soutenue notamment par le biais de la création d’activités génératrices de revenus. Aux Seychelles, des activités de surveillance et de contrôle par le biais de technologies radar ont été lancées sur le parc marin de Curieuse, la réserve spéciale de Cousin et la réserve naturelle d’Aride. Le développement d’activités écotouristiques a également et engagé pour le parc marin de Sainte-Anne ainsi qu’un audit détaillé sur l’utilisation et l’identification d’énergies renouvelables permettant un meilleur système de gestion environnementale au niveau de la station de recherche d’Aldabra. A Madagascar, une aide a été accordée à la délimitation et à l’élaboration du plan de gestion des futures AMPs à Andavadoaka et au sud de Tuléar et des activités alternatives ont été développées à Nosy Tanikely. Enfin, l’analyse de la valeur socio-économique des AMPs de la région représente également un chantier prioritaire de la composante 2. Deux sites pilotes ont déjà été identifiés. Il s’agit de l’île Curieuse aux Seychelles et de Mananara nord à Madagascar.

Dans le cadre de la composante 3, le réseau régional des gestionnaires d’AMP de la COI est en passe de voir officiellement le jour. En attendant son officialisation, ce réseau se réunit annuellement pour échanger et partager les expériences mais aussi pour participer à des formations. A chaque fois, ces réunions se déroulent à proximité d’une AMP différente, la dernière ayant eu lieu en Juin 2009 à la Réunion. Cette dernière a été l’occasion de discuter du statut, de la gouvernance,

19 Ecorégion marine de l’océan indien occidental

20 A été considéré comme paysage marin, une zone marine ou côtière relativement étendue qui rassemble

des caractéristiques biologiques et écologiques distinctes (par exemple un paysage de récif barrière) auxquelles sont associées des assemblages d’espèces particulières.

de l’organisation et du fonctionnement du réseau. Dans le cadre de la composante 3, des documents techniques sont également diffusés pour aider les gestionnaires dans leurs missions. Le Toolkit de l’IUCN destinés aux gestionnaires d’AMP a ainsi été traduit et distribué dans la région. Il est disponible sur le lien suivant : http://whc.unesco.org/fr/series/23/.

Enfin, la composante 4 concerne la communication vers l’international mais aussi vers le grand public notamment au travers d’un site internet : http://www.amp-coi.org/ et par le biais d’une exposition itinérante visant à sensibiliser le grand public et à former la jeune génération au comportement écologique à adopter et à la bonne gestion des ressources naturelles marines. Cette exposition a débuté en Novembre 2007 à Madagascar. Elle s’est déplacé à la Réunion en Juin 2008 à l’occasion de la semaine de l’Océan puis en Septembre 2008 à Maurice lors de l’inauguration du deuxième site RAMSAR22 (parc marin de Blue Bay). Un bulletin d’information sur le projet est également transmis régulièrement par voie électronique sous le nom de '' La gazette des îles''.

Une cinquième composante concerne la gestion globale du projet. Ainsi un comité de pilotage23 (COPIL) a été constitué et se réunit chaque année pour vérifier la bonne exécution du projet, aider à la maîtrise d’œuvre, définir les orientations, et approuver les budgets.

La mise en place de ce réseau d’AMP dans la région sud-ouest de l’océan Indien est un projet ambitieux tant les contextes politiques, économiques, sociaux et culturels sont variés. En témoigne le Tableau 2-1 qui dresse un basique portrait environnemental et socio-économique des différents membres de la COI.

Tableau 2-1 : Portrait environnemental et socio-économique des pays de la COI

Contexte environnemental* Contexte socio-économique**

Superficie (km²) Linéaire côtier (km) Récifs coralliens (km²) Densité de pop au km² PIB/hab (US$) 2007-08 IDH / Rang 2007 Comores 1862 350 430 376 633 0,576 / 139 Madagascar 592000 5603 2230 32 263 0,543 / 145 Maurice 1860 200 870 645 5200 0,804 / 81 Réunion 2512 208 12 325 24333 0,881 / 34*** Seychelles 453 600 1690 190 6700 0,845 / 57 Sources: http://www.amp-coi.org/contexte-regional/1-contexte-environnemental.html http://www.diplomatie.gouv.fr/

** Sources: http://www.diplomatie.gouv.fr/ PNUD, Tableau économique de la Réunion 2007-2008 *** (Goujon, 2008)

Les logiques de conservation et les modes de gestion locale n’en sont que plus diversifiés. La création d’un réseau cohérent d’AMP, notamment en termes de connectivité, couplée à l’harmonisation d’une approche régionale de gestion et d’évaluation de l’efficacité de la conservation posent la question de la comparaison inter-sites et du développement d’outils génériques d’aide à la gestion. Or l’hétérogénéité des contextes des différents pays de la COI est un premier obstacle, auquel vient s’ajouter le poids de l’histoire de la mise en place des AMP dans chacun d’eux.

22 La Convention sur les zones humides d’importance internationale, appelée Convention de Ramsar, est

un traité intergouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Négocié tout au long des années 1960 le traité a été adopté dans la ville iranienne de Ramsar, en 1971, et est entré en vigueur en 1975. C’est le seul traité mondial du domaine de l’environnement qui porte sur un écosystème particulier et les pays membres de la Convention couvrent toutes les régions géographiques de la planète.

23 Le comité de pilotage est constitué du secrétaire générale de la COI (Président), d’un représentant de

chaque Etat membre de la COI (point focal du projet), d’un représentant de chaque bailleur de fond (FFEM, WWF, CI, MAE), un délégué du comité d’appui scientifique et technique, le chef de projet (WWF) et l’assistant technique régional environnement marin.

2. Histoire des logiques de conservation dans les pays de la