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Une interaction de processus et de facteurs

Nous distinguerons les mécanismes d'adhésion à la pensée extrême (§1), des mécanismes favorisant l'endoctrinement et le passage à l'acte (§2).

§1 - Les mécanismes d’adhésion à la pensée extrême A - Approche sociologique

Pour Gérald Bronner, « le fanatique est un croyant qui entretient avec sa croyance un rapport délirant ».194 Le terme « fous de Dieu » que revendiquent les salafo-djihadistes

illustre bien ce propos. Dans les groupes sectaires, des déséquilibrés, des individus atteints de troubles mentaux, des personnes fragiles psychologiquement cohabitent avec des personnes bien intégrées socialement, intellectuellement et moralement équilibrées. « L'idée qui lie croyances sectaires et faible niveau social et scolaire est tout simplement

193 B. Chouvier, Les fanatiques, Paris, Odile Jacob, 2009, p.9.

194 G. Bronner, « Fanatisme, croyances axiologiques extrêmes et rationalité », in l'Année Sociologique », Paris, Puf, vol.1,

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fausse ».195 C'est relativement le même constat pour la radicalisation salafo-djihadiste. Les

explications reposant sur la crise économique, le chômage, ou le faible niveau culturel sont grandement erronées. On ne devient pas fanatique parce qu'on est au chômage, ni en raison de la crise économique ou d'un faible niveau de connaissances. Les groupes de profils observés nous montrent que se côtoient des diplômés, des aventuriers qui parfois ont abandonné leur emploi, des jeunes gens originaires de famille non-précaires, voire aisées. Tout homme, quel que soit son niveau culturel ou social peut adhérer à n'importe quelle croyance et adopter progressivement, « mine de rien », une conception fanatique de cette croyance.

Gérald Bronner196 identifie quatre types de processus qui peuvent conduire à l’extrémisme,

ou tout du moins à la pensée extrême puis au fanatisme : le processus par palier, également nommé processus incrémentiel ; le processus par transmission ; le processus par frustration ; et le processus par révélation. Ces divers modes d'adhésion peuvent se combiner entre eux ou être la conséquence l'un de l'autre.

- L’adhésion par processus incrémentiel désigne une escalade à petits-pas, par palier. La croyance est segmentée. Elle est transmise progressivement, par bribes, jusqu'à ce que le futur initié l'accepte dans sa totalité.

Il s'agit en fait de désamorcer les suspicions qui pourraient apparaître. Morceau par morceau, les éléments de la doctrine sont instillés en évitant l'effet repoussoir. On ne peut ainsi franchir un palier supplémentaire si des notions ne sont pas acquises et admises. Cette stratégie insidieuse est observée par Jean-Marie Abgrall197 qui explique que le

développement au sein d’une secte coercitive de doctrines aberrantes devient ainsi largement possible. « La prétention du thétan à traverser les murs, un contrat de travail pour un milliard d’années, la faculté de regarder derrière soit sans se retourner, la communication avec les extraterrestres, le combat contre les Lémuriens », sont des doctrines qui peuvent prêter à sourire, mais elles sont solidement ancrées dans l’esprit des

195 G. Bronner, La pensée extrême. Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Paris, PUF, 2015, p.58. 196 G. Bronner, La pensée extrême. Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Paris, PUF, 2015,

p.182-285.

adeptes. Ce résultat a été rendu possible après une longue préparation cognitive, presque invisible, usant de techniques psychiques et physiques de conditionnement.

Gérald Bronner constate que cette adhésion par étape peut conduire le sujet jusqu'au fanatisme, sans que ce dernier s'en rende compte : « nous pouvons être, nous qui sommes tous croyants, happés par un processus d’adhésion incrémentiel qui nous fait entrer dans une vision extrémiste du monde, sans que nous ne nous rendions compte de rien ». Il cite pour cela, la métaphore suivante : « On dit que si vous plongez une grenouille dans une casserole remplie d’eau froide, elle y restera paisiblement. Augmentez la température d’un degré, elle ne le percevra pas, puis de deux, puis de trois, et ainsi de suite, très progressivement, jusqu’à atteindre l’ébullition. La grenouille ne se sera aperçue de rien, elle sera morte ébouillantée ».

- Le deuxième processus est celui de l’adhésion par transmission ou par exposition cognitive à une idéologie ou une croyance que nous fréquentons volontairement ou involontairement. En d’autres termes, cette adhésion serait liée à la fréquentation d’un milieu culturel et psychologique, en circuit relativement fermé, c'est-à-dire dépourvu de concurrence cognitive. Pas de concurrence cognitive signifie pas d'opposition, ni de désapprobation. Ce milieu peut être un groupe politique, religieux, associatif. L'idéal pour ces groupes est de vivre reclus, en circuit fermé, afin d'échapper aux critiques, à la réflexion et aux sources d'informations extérieures au groupe. Cela permet aussi de mobiliser certaines stratégies : « discrédit de la famille, discrédit de l'esprit critique, discrédit du monde extérieur ».198

L'autre intérêt du repli sur soi et de la fermeture au monde extérieur, c'est qu'il permet « de ressasser les mêmes arguments, les mêmes indignations sans être trop durement confronté à la concurrence d'autres idées ».199

Ce processus ne concerne pas seulement les dérives sectaires ou radicales qui peuvent conduire à des comportements extrêmes. Il concerne toutes les formes de repli quelle que soit la croyance véhiculée.

198 G. Bronner, op.cit., p.222. 199 G. Bronner, op.cit., p. 226.

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- L’adhésion à une croyance extrême peut aussi être la conséquence de frustrations majeures. C'est le contrecoup d'un sentiment d'échec, de spoliations, de rancœurs lorsqu'on estime ne pas avoir ce à quoi on aspirait légitimement. Nous avons observé que, selon les théories de Merton, la frustration peut se décliner sous plusieurs formes que sont la rébellion, l'innovation et l'évasion, en particulier. « Mais parce qu'elle engendre aussi, chez certains, le ressentiment et la conviction qu'ils méritent mieux que ce qu'ils ont, ce peut être une force dévastatrice. Elle l'est encore lorsque ces frustrations s'agrègent et inspirent des mouvements de revendications qui peuvent être très violents et laissent rarement l'ordre social indemne ».200

Ce type de processus par frustration ne concerne pas seulement les candidats au djihad, mais, bien au-delà, toutes les formes de radicalisation. Prenons, selon les termes de Farhad Khosrokhavar, le cas des « Petits blancs ». Il s’agit d’individus « français de souche », qui se sentent voués à un double mépris : celui des « Blancs socialement bien intégrés » et celui des jeunes de banlieue d’origine immigrée qui nourrissent à leur encontre le même mépris. Car ils sont en bas de l’échelle de la dégradation sociale et économique. Ce « Blanc misérable qui va à l’encontre de l’image d’Epinal qu’ils se font du « Blanc ».201

Des « Petits blancs », marginaux, en situation de précarité se sentant rejetés par les « Blancs » socialement bien intégrés, qui leur renvoient une image négative. Frustrés et mécontents, ces « Petits blancs », peuvent être tentés par l’islamisme radical pour combattre le « Blanc », comme ils peuvent être tentés par l’extrémisme de droite pour combattre l’étranger ou le Musulman qui ne l’aura pas accepté dans ses rangs. Pour Farhad Khoroskhavar, dans les deux cas, la revanche devient possible. L’extrémisme de droite donne à cet individu la possibilité de reprendre « sa place dans une France débarrassée des étrangers indésirables » et l’islamisme radical lui offre la possibilité de « se venger de ces Blancs qui l’ont toujours méprisé ».202

- L’adhésion par révélation repose sur une forme d'autosuggestion, à la suite de coïncidences ou de conjectures, interprétées comme des messages divins par un sujet persuadé d'avoir une mission à remplir et convaincu que le hasard n'existe pas. Il est

200 G. Bronner, op.cit., p.244. 201 F. Khoroskhavar, op.cit. p.97. 202 F. Khoroskhavar, op.cit., p. 95-96.

probable que c'est ce qu'on pu ressentir certains djihadistes, qualifiés « d’illuminés ». Mais peu d’éléments ont été portés à notre connaissance par rapport à ce processus d’adhésion.

B - Approche psychopathologique

L’état mental du terroriste ou du terroriste potentiel s’échelonne entre la quasi normalité et la pathologie (troubles de la personnalité ou psychoses). Le leader intégriste est cependant considéré bien souvent comme un idéaliste passionné, sûr de détenir la Vérité, inaccessible à la critique et aux remords et qui veut imposer ses convictions dogmatiques quels qu’en soient le prix et les conséquences pour autrui.

Patrice Belzeaux rappelle à juste titre que la psychiatrie « doit absolument se défendre devant deux écueils » 203 : d’une part, assimiler automatiquement un attentat terroriste

épouvantable à la « folie », d’autre part, refuser de voir cette même aliénation mentale sous le prétexte du foisonnement idéologique des groupes extrémistes. « On ne saurait en effet confondre la folie d’un crime avec la folie de son auteur, le crime « fou » ne renvoyant pas forcément à un malade mental grave, et le crime prémédité n’excluant pas obligatoirement une pathologie psychiatrique sévère chez celui qui l’a commis ».204

Coupés physiquement des groupes criminels, en relation privilégiée avec les médias via Internet, les djihadistes souffrant de psychopathologies (pathos-djihadistes) sont forcément moins repérables et, lorsqu’ils le sont, leur profil atypique comme leur radicalisation expresse ne permettent pas toujours de prendre à temps la mesure de leur dangerosité. La prévention et le renseignement reste donc les outils essentiels mais ils doivent s’adapter aux nouvelles situations et intégrer certaines informations sociales, familiales et médicales, généralement couvertes par le secret professionnel : « Or, en matière de terrorisme ou de crime organisé, on est passé d’une enquête réactive à une enquête proactive : il faut

203 P. Belzeaux, « Paranoïa terrorisme et folie. A propos de Anders Berhing Breivik », L'évolution psychiatrique, 79,

p.375-393.

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anticiper la commission de l’infraction ou détecter les infractions déjà commises, mais non encore connues205».

Si l’état mental des terroristes et des présumés terroristes oscille entre la normalité et le trouble mental, il en est de même pour les personnes radicalisées ou en voie de radicalisation.

« La prise en charge par la psychiatrie publique des fanatiques malades mentaux graves ne pose pas problème, les professionnels de santé mentale connaissent ces pathologies. L’on sait d’ailleurs depuis longtemps que les thèmes des délires s’inspirent volontiers du contexte social et de l’actualité. On se heurte ici au délicat problème éthique de la conversion religieuse, de la conviction intime, de la croyance en la Vérité absolue. Il n’en reste pas moins qu’il faut impérativement délégitimer le terroriste religieux ou laïque, qui ne saurait s’ériger en modèle de société et condamner sans faiblesse l’usage de la terreur en raison de son principe qui suppose l’inhumanité de l’humain pour l’humain ».206

Des milieux politiques les plus extrémistes aux mouvements religieux les plus intégristes, de tout temps des individus ont milité pour des idéaux ou des croyances. Pour Bernard Chouvier,207 l'emprise fanatique aboutit à deux types de conséquences : l'inversion des valeurs et l'inversion des pulsions. L'inversion des valeurs est représentée par la culture de la négation : « il faut détruire pour que le renouveau puisse voir le jour. Sur les ruines du passé vont pousser les « fleurs de l'idéal ». C'est le cri de ralliement des révolutionnaires du monde entier, quelle que soit la cause défendue. L’inversion des pulsions vise à détruire l’altérité : « du passé faisons table rase ». La pulsion de mort (thanatos) l’emporte sur la pulsion de vie (Eros).

1 - Caractéristiques communes aux fanatiques extrémistes et aux paranoïaques passionnels

Pour les psychiatres, les extrémistes, quel que soit leur niveau de radicalité, ne sont pas forcément tous « fous ». Il n'y a pas de profil psychiatrique du terroriste. Si l'acte commis

205 S. Vuelta, « La prise en compte du champ du renseignement par la justice dans la lutte contre le terrorisme et le crime

organisé », in Sécurité Intérieure, Les nouveaux défis, Paris, Vuibert, 2013, p.33-43.

206 M. Bénézech, T. Toutin, « Radicalisation, terrorisme et psychiatrie », Journal de médecine légale et de droit médical,

2015, n°58, p.13. (Série F, médecine légale du vivant)

peut paraître fou, cela ne signifie pas que son auteur le soit et inversement. Un malade mental peut commettre un crime parfaitement organisé et préparé.

Ainsi, malgré une idéologie djihadiste de type paranoïaque basée sur le « nous contre eux », il s'avère, que le large spectre des individus radicalisés ne représente qu'une partie minoritaire des personnes signalées souffrant de troubles psychiatriques.

Cependant, s'il n'existe pas un profil psychiatrique du terroriste, des pathologies et des troubles du comportement apparaissent de façon récurrente, dans des proportions inconnues.

Pour Fernando Alonso-Fernández, les principales caractéristiques de la personnalité du combattant intégriste sont les suivantes : « absolutisme d’un système d’idées dans les domaines religieux, sociopolitique et/ou nationaliste, surcharge d’affectivité prenant la forme d’une passion absolue installée au centre de la vie psychique du sujet et qui gouverne sa pensée et ses actes (prosélytisme, bellicisme, criminalité), possession de la Vérité totale, refus de toute contradiction, sentiments négatifs de colère, haine, hostilité, vengeance et autres contre ceux qui s’opposent au développement de ses idées, comportement extra punitif flagrant, absence de culpabilité ou de remords, distorsion de la réalité, faiblesse du moi manipulé par le self en complicité avec le surmoi et le ça, narcissisme idéologique non pathologique soit primaire (enfance avec privation affective ou violence familiale) soit secondaire (cohabitation avec un groupe de fanatiques ».208

Traitant de la psychologie des terroristes-kamikazes, qu’il qualifie « volontaires de la mort » (VM), François Géré note : « la fierté du sacrifice, l’absence de délire, la dichotomie de la personnalité avec d’un côté un comportement normal et sensible à la vie et de l’autre un monde intérieur différent au service du devoir sacrificiel, un calme tragique de surface en synergie avec une exaltation et une colère contenues, avant l’attentat suicidaire ». Tous ces volontaires de la mort sont animés par une conviction inhumaine, un processus d’exaltation intellectuelle qui fait changer d’échelle de valeurs, une chosification, nommée « réification » d’eux-mêmes et de l’adversaire, une véritable transgression du respect de sa propre vie et de la vie d’autrui : « Le volontaire de la mort 208 F. Alonso-Fernandez, « Aspects psycho-sociologiques et psychopathologiques du terrorisme », Ed. Albernhe,

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forme ainsi une entité psychologique compacte à l’intérieur de laquelle tout est soudé, la vie à la mort, hier à demain, l’ami à l’ennemi, le tout au rien, au sein d’un microcosme déflagrant. C’est dans cet état psychologique unique et exceptionnel que s’ouvre à lui la voie de l’action ».209

Se penchant à son tour sur la question, Amos Squverer210 étudie en particulier les relations cliniques entre fanatisme et passion amoureuse (exclusivité de l’objet, idéalisation, surestimation, fausseté du jugement, absence de critique et de remords), l’ivresse idéologique et la sensation de triomphe qui en fait « une manie de l’idéal », la jouissance qui le rapproche du pervers, le remodelage « délirant » de la réalité qui peut se socialiser en un « délire de masse » des groupes terroristes, l’importance et l’intensité des liens maternels (fascination par la figure de la mère castratrice que le terroriste veut rendre intègre), le défaut de transmission symbolique et la haine du père qui pousse le sujet à la conversion, la perte des limites dans la foule, l’insensibilité du corps qui ne ressent pas la douleur.

Pour Dounia Bouzar,211 les activistes violents utilisent le thème de la persécution et du

complot : « Il est intéressant de remarquer que les activistes juifs et chrétiens, même s’ils apparaissent actuellement beaucoup moins nombreux que les musulmans, ont les mêmes modes opératoires : c’est le sentiment de persécution qui justifie à leurs yeux leur passage à l’acte, qu’ils ne qualifient jamais d’acte terroriste, mais d'actes de « résistance », « d’opération justice », de « manœuvre défensive », (… ) ils sont dans une lecture paranoïaque de la réalité ».

Les liens entre la personnalité fanatique et la personnalité paranoïaque sont plus particulièrement étudiés par Marina Litinetskaïa212 et Julien-Daniel Guelfi. Ces auteurs soulignent qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer les deux profils. Ils constatent que la sémiologie fanatique coïncide sur plusieurs points avec celle d’une passion amoureuse exclusive et idolâtrée et que « l’idée fixe » est commune aux personnalités fanatique et paranoïaque.

209 F. Géré, Les volontaires de la mort. L'arme du suicide, Paris, Bayard, 2003. 210 A. Squverer, « Figure clinique du fanatique », Synapse, 2007, 230, p.20-26.

211 D. Bouzar, Désamorcer l'islam radical. Ces dérives sectaires qui défigurent l'islam, Paris, l'Atelier, 2014.

212 M. Litinetskaia, J.D. Guelfi, « Fanatisme et délire : les frontières psychiques », Annales médico-psychologiques, 2015,

« L’idée qui guide un fanatique vient de l’extérieur, du leader, sans interprétation, adoptée « à l’emporte-pièce », en revanche, le délire paranoïaque, qui reste habituellement individuel contrairement aux idées fanatiques, naît à l’intérieur de la sphère psychique du sujet avec pour mécanisme l’interprétation. Ces auteurs remarquent, après d’autres, que les paranoïaques sont également nombreux aux sommets des organisations de type sectaire où les membres s’identifient au leader dont la puissance et le prestige compensent les carences du narcissisme individuel ».213

Michel Bénézech observe « qu'une personne qui adopte une idéologie intégriste utilise un mécanisme psychologique de protection, de défense, de nature passionnelle et de mécanisme paranoïaque pour trouver ou retrouver de l'amour-propre, surcompenser la faiblesse de son moi, se rassurer, se valoriser, se donner de l'importance, du pouvoir, du plaisir. Il s'agit ici d'un essai de « renarcissisation » par un processus psycho-dynamique antisocial. Notons que pour certains individus, l'incarcération constitue une expérience particulièrement humiliante et réductrice de leur sentiment de valeur existentielle. Elle rend ces personnes hautement vulnérables aux arguments de la radicalisation ».214

Ainsi, de nombreux points rapprochent le fanatique du paranoïaque passionnel : orgueil et certitude d’avoir raison, exaltation idéologique, sentiment de supériorité, fausseté du jugement, psychorigidité, intransigeance, fidélité aveugle à la cause, obstination, méfiance et sentiment de conspiration, intolérance envers l’opinion d’autrui, prosélytisme, quérulence jusqu’au-boutiste, actes antisociaux, absence d’autocritique et de remords.

2 - Repères nosologiques

Si des points communs sont constatés entre certaines formes de paranoïas et des personnalités fanatiques, d'autres troubles psychiatriques sont rapportés par les professionnels en contact avec les personnes radicalisées. Nous évoquerons les pathologies les plus récurrentes ainsi que d'autres troubles de la personnalité qui ne sont pas spécifiques à ces individus.

213 M. Litinetskaia, J.D. Guelfi, « Fanatisme et délire : les frontières psychiques », op. cit.

214 M. Bénézech, N. Estano, « A la recherche d'une âme : psychopathologie de la radicalisation et du terrorisme »,

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a - Personnalité paranoïaque et délire paranoïaque

Le trouble de la personnalité paranoïaque se caractérise par une méfiance envahissante à l’égard des autres. Les individus affectés peuvent être hypersensibles. Ils pensent être menacés et tentent de chercher tout signe de cette menace. La tendance actuelle est de considérer qu'il existe un continuum allant de la normalité aux formes graves de paranoïa en passant par la personnalité paranoïaque.

L'être humain « normal » peut, à certain moment, présenter de tels traits, qu'on pourra alors comprendre comme des défenses réactionnelles contre l'angoisse. Chez certaines personnes, cependant, les traits de la paranoïa se rigidifient, s'installent de manière chronique et finissent par constituer une souffrance ou une gêne pour l'entourage. Il est alors question de trouble de la personnalité paranoïaque. Si un état délirant s'installe crescendo, on parle alors de délire d'interprétation paranoïaque.

Le délire d'interprétation paranoïaque apparaît chez le sujet adulte qui, le plus souvent, présentait antérieurement une personnalité paranoïaque. Le sujet perçoit « normalement » la réalité qui l'entoure, mais il attribue aux événements qu'il perçoit, un sens erroné. Ces interprétations concernent des idées de persécution, de préjudice, de complot.

Le délire d'interprétation est un délire chronique non dissociatif (n'appartenant pas au