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Le temps nécessaire aux aménagements de poste ainsi que, mais dans une moindre mesure, l’ignorance des entreprises sur les modalités de financement par l’Agefiph de ces aménagements, peut dans certains cas être un frein important à l’embauche d’un travailleur handicapé. Les entreprises reconnaissent que si l’intégration d’une personne nécessitant d’importantes adaptations de poste est possible, certaines conditions sont essentielles, notamment d’avoir suffisamment de temps pour organiser les aménagements nécessaires.

« Donc, c’est possible. Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça prend du temps, qu’il faut adapter le poste, qu’il faut une semaine, quinze jours, trois semaines, un mois, un mois et demi de plus, en termes de mise en œuvre et de mise en place d’un poste de travail qui permet à celui ou celle que l’on embauche de pouvoir travailler dessus. Et ça veut dire que quand vous avez par exemple un CDD de cinq mois, quand vous avez un mois consacré à la recherche d’un logiciel pour mettre en place celui-ci et permettant de faire travailler, vous comprenez à l’évidence qu’il y a des difficultés. C’est à dire que ce sont des postes que

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Nous pouvons également émettre l’hypothèse suivante. Les personnes souffrant de pathologies évolutives ne précisent pas aux entreprises leur état de santé lors de leur recrutement. Les entreprises découvrent finalement le handicap de leurs salariés au cours de l’activité professionnelle et les maintiennent en emploi pour les raisons évoquées au cours de la première question. Nous aborderons ultérieurement le cas des maintiens en emploi.

vous avez identifiés mais pour lesquels il n’y a pas un degré d’urgence important en matière de recrutement. Et ça veut dire que vous avez pu en fait identifier toutes les problématiques du poste et ses contraintes pour éviter de tomber sur un os le moment venu. […]Donc l’adaptation du poste pose question. Donc, si ça a pour conséquences d’allonger la durée du recrutement et donc l’indisponibilité d’une personne sur un poste qui remplit une tâche, ça pose effectivement, à l’égard de la hiérarchie donc, une question fondamentale. » Entreprise 27, Directeur des Ressources Humaines

Les entreprises de taille moyenne sont encore plus sensibles à cette contrainte de temps que les grandes entreprises car leur contexte économique leur impose d’être réactives face aux évolutions du marché et finalement de recruter très rapidement.

Face à ce constat, nous pourrions penser que si les personnes handicapées rencontraient un employeur avec tous les renseignements sur l’adaptation de poste nécessaire, les recrutements pourraient être facilités. Si cette idée est tentante, nous devons noter que certains collaborateurs se cachent derrière cette raison avouable pour ne pas employer de personnes handicapées. Nous aborderons plus loin les raisons plus subjectives au non emploi de travailleurs handicapés.

« Là je ne savais pas que le logiciel en question ne comportait pas de loupe qui permettait de, et permettait à la hiérarchie de se mettre dans un trou de souris pour éviter de recruter un handicapé. » Entreprise 27, Directeur des Ressources Humaines

Parmi les entreprises désireuses d’employer des personnes handicapées, toutes n’ont pas la même approche de l’aménagement du poste de travail. Les entretiens avec les entreprises nous ont permis de distinguer deux types d’approche de l’intégration du handicap dans le poste à pourvoir.

Certaines entreprises estiment que tous les postes sont accessibles aux personnes handicapées. Elles sélectionnent donc un candidat en fonction de ses compétences, qualifications, puis adaptent le poste en conséquence.

« On part du principe que tout poste est accessible, ça c’est la règle de base. Ce serait vraiment de la discrimination que de faire une analyse de postes, ça c’est accessible à untel, comme en plus on a une variété de handicap, on peut avoir un moteur léger et un moteur lourd. Déjà l’étude, il nous faudrait des années pour faire cette étude d’adéquation poste-type de handicap, et en plus, dès le départ, on serait en train de se dire “ Ah non, ce

poste là il n’est pas bon pour lui parce qu’il a tel handicap”, alors qu’on n’a pas essayé et

qu’on n’en sait rien.» Entreprise 19, Chef de Projet Emploi-Handicap

Cette solution est d’autant plus utilisée que les métiers de l’entreprise sont nombreux.

« Et vraiment, il y a tellement de métiers qu’on peut avoir deux métiers identiques avec des contraintes différentes parce que celui-là nécessite plus de faire des études informatiques et celui-ci c’est une étude sur véhicule mais le métier est le même. Du coup, on ne fait aucune restriction à ce niveau là. » Entreprise 19, Chef de Projet Emploi-Handicap

« Moi, pour vous donner un exemple, j’avais rencontré une personne qui était très bon, qui avait un très bon profil, et il y avait un besoin, donc c’était un profil électronique, il y avait un besoin dans une direction, il y avait un poste à pourvoir et je l’ai proposé. L’ennui c’est que ce poste, c’était bien un poste électronique mais qui nécessitait une station debout quasi, je vais dire quotidienne. C’est des analyses sur le véhicule, des analyses informatiques mais il faut se lever, se bouger, se mettre debout, donc bon, des positions que lui ne peut pas tenir. Donc une fois qu’on a fait ça on est un peu déçu, on se dit mince. Lui il est déçu bien sur. On aurait pu et on a proposé d’aller beaucoup plus loin, de faire une étude ergonomique, mais là, le chef de secteur m’a dit “ je connais très bien le métier, je

suis tout à fait favorable à l’embauche d’une personne handicapée mais là, c’est pas possible ”. En revanche, j’ai eu un autre candidat pour le même poste qui était sourd. Donc

là, il est en train de passer des testes parce qu’il y a des tests de recrutement pour éventuellement le positionner sur ce poste là. Et l’autre, puisque quand c’est des bons candidats comme ça, on les garde, donc on essaye de faire des recherches de poste, et l’autre aussi, il va passer des tests pour un autre poste. Donc là, il se trouve que j’ai des postes, mais il y aurait une autre direction où je n’aurai pas de postes, il y a parfois, des incompatibilités. » Entreprise 19, Chef de Projet Emploi-Handicap

D’autres entreprises travaillent au contraire par restriction : elles ont déterminé quels handicaps étaient inconciliables avec certains postes. Cette méthode est relativement problématique car elle suppose d’être parfaitement au fait des évolutions technologiques et des contre-indications des postes. Or, les handicaps sont si nombreux et leurs conséquences physiologiques tellement diverses qu’il est difficile de lister avec exactitude les handicaps non conciliables avec les postes, au risque d’exclure abusivement un candidat potentiel.

Les entreprises qui adoptent cette solution sont essentiellement celles qui commencent à recruter des personnes handicapées. Mais les difficultés qu’elles rencontrent lorsqu’elles cherchent à recruter une personne handicapée les amènent au fur et à mesure de leurs observations à minimiser les contraintes pesant sur les candidats handicapés qui ont toutes les qualités requises. Ainsi, une entreprise de transports routiers n’a mis aucune barrière à l’emploi de personnes handicapées. Sa seule exigence est l’habilitation préfectorale qui permet à la personne de conduire un car. Ce critère est finalement nécessaire et suffisant pour pouvoir accéder au poste.

« On n’exige rien si ce n’est le permis D transports en commun et la FIMO, c’est la Formation Initiale Minimum Obligatoire, c’est un stage de quatre semaines. Et puis, l’envie et la volonté font la différence. » Entreprise 10, Directrice des Ressources Humaines

Mais derrière cette prétendue incompatibilité, certaines entreprises confondent aménagement du poste et aménagement des locaux.

Nous avons par exemple pu rencontrer une entreprise qui exclut d’avance les candidatures de personnes en fauteuil roulant pour des postes administratifs et le justifie : les services administratifs de cette entreprise étant situés au premier étage, l’absence d’ascenseur empêche ces personnes d’y accéder. Elle ne semble pas mobiliser tous les moyens mis à sa disposition pour développer l’emploi des personnes handicapées car aucun audit d’accessibilité n’avait été fait au jour de l’enquête. S’agit-il d’une mauvaise volonté de la part de cette entreprise ou une ignorance des aides financières auxquelles elle peut recourir ? Il semble que son comportement soit davantage imputable à un manque de temps. Cette situation n’est évidemment pas généralisable et il existe une réelle différence entre une entreprise dont les

locaux peuvent être aménagés moyennant finance et une autre dont la structure de l’immeuble est telle que tout aménagement est impossible.

Hormis ce cas particulier, la plupart des entreprises rencontrées estiment avoir fait toutes les démarches pour améliorer l’accessibilité des locaux.

En obligeant les entreprises à se mettre aux normes d’accessibilité, nous comprenons que la loi cherche à éviter que les entreprises ne se cachent derrière l’inadaptation des locaux pour ne pas intégrer de personnes handicapées. La mise aux normes des locaux permet finalement d’éviter une discrimination à l’égard de personnes handicapées compétentes mais dont l’intégration demande une implication particulière de la part des entreprises. Mais cette mise aux normes peut parfois s’avérer problématique pour certaines entreprises, notamment celles situées en plein cœur de Paris dans des immeubles assez anciens qui ne permettent pas la mise aux normes d’accessibilité. Respecter la loi et la mise aux normes des locaux impliquerait pour ces entreprises un déménagement.

La question de l’accessibilité ne concerne pas uniquement celle du cadre bâti mais également celle de l’environnement de la société pour que toute personne handicapée puisse s’y rendre.

« Le plus dur, c’est d’arriver jusqu’à la XXX » Entreprise 15, Correspondant santé

Certaines entreprises considèrent alors qu’il est injuste qu’elles soient soumises à l’obligation d’accessibilité quand l’accessibilité citoyenne n’est pas généralisée.

Pour faciliter les déplacements de salariés handicapés, certaines entreprises ont mis en place un système de taxis. Ce type d’action nécessitant d’avoir d’importants moyens, notamment financiers, il concerne essentiellement les entreprises de grande taille parmi celles rencontrées.

UNE IDENTIFICATION PARFOIS DIFFICILE DE CANDIDATS HANDICAPES QUI