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De nombreuses entreprises sont freinées dans leur démarche d’embauche de travailleurs handicapés par les représentations qui en sont données : salariés absents, moins compétents, peu qualifiés. Certaines entreprises cherchent donc à limiter le recrutement de travailleurs handicapés en instaurant des politiques de sensibilisation à la RQTH. Celles-ci visent à inciter les salariés souffrant de limitations à demander la reconnaissance de leur handicap, ou dans le cas où ils la possèdent déjà, à le faire savoir.

Ces entreprises limitent ainsi leurs politiques d’emploi des personnes handicapées au maintien dans l’emploi de salariés devenus handicapés et à la sensibilisation du personnel. Cette solution permet à ces entreprises d’avoir un taux non nul de personnes handicapées et de communiquer sur cette implication, quand aucun recrutement n’est fait. Nous avons ainsi rencontré une entreprise qui ne mène pas de politique particulièrement active d’emploi des travailleurs handicapés car elle ne figure pas au nombre de ses « chantiers » prioritaires. Son action en faveur de l’emploi des

personnes handicapées consiste finalement pour l’essentiel en une politique de reconnaissance des personnes handicapées déjà en activité qui lui semble suffisante. 29

« C’est vrai qu’il y a eu une politique d’embauche qui datait d’une dizaine d’années, les entreprises du secteur de la Défense étaient regroupées en association qui s’appelle l’association Tremplin30 qui nous a un petit peu stimulé, pour mettre en place une vraie politique d’embauche mais là, qui a été abandonnée car les recruteurs, les responsables RH avaient changé et le nouveau président n’a pas souhaité maintenir cette position. Vous savez comment on peut répondre à la loi. Ici, recrutement, non, reconnaissance Cotorep, oui » Entreprise 15, Correspondant santé

Cette politique de sensibilisation peut poser certains problèmes aux entreprises rencontrées. Comment inciter des salariés en emploi à se faire reconnaître handicapés ou à affirmer leur handicap alors que certains considèrent une telle démarche comme une stigmatisation supplémentaire, à laquelle seul l’employeur trouve un intérêt ?

Bien que la plupart des personnes rencontrées comprennent l’attitude de l’entreprise,

« C’est un peu intéressé, c’est vrai, c’est un peu intéressé quand même, parce que ça permet de limiter la redevance que paye XXX en n’ayant pas le quota, donc on doit être à 4,8 quelque chose comme ça. Mais, le salarié retrouve aussi en cas de baisse de charges d’un service, eh bien, il est repéré un petit peu en amont, et on va lui proposer de rentrer dans un autre service sur le site de Colombes. » PH 7

toutes ne la soutiennent pas. Certaines se sentent exploitées et quelques unes vont même jusqu’à la considérer comme un moyen de pression de la part de la direction.

« Je l’ai eue [la RQTH] lorsque j’ai fait le stage en informatique au XXX, ils avaient besoin pour que je fasse ce stage que je sois reconnue travailleur handicapé. Ça a été juste à ce moment là. » PH 6

Les personnes ayant demandé leur RQTH l’ont fait pour plus de la moitié d’entre elles en pensant qu’elles trouveraient ainsi plus facilement un emploi, bien que ça n’ait pas toujours été le cas.

« Quand avez-vous obtenu votre reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ? En 1980... Moi je suis reconnu par la Cotorep depuis 1984-85, et puis travailleur handicapé, je viens de recevoir mon renouvellement. Je suis sorti de l’école en 1996 donc après je l’ai demandée quoi.

Que représentait pour vous le fait de l’avoir obtenu ? Franchement ? Un quota.

Pour quelles raisons l’avez-vous demandée ?

Justement parce que je ne trouvais pas de travail » PH 4.

Quelques personnes handicapées ont demandé la reconnaissance de leur statut sans que leur choix n’exprime toujours une réelle volonté ; certaines trouvent qu’elle a un effet stigmatisant, d’autres estiment au contraire que c’est une situation à mi-chemin entre un fait, un statut et un droit.

« Parce que j’y avais droit » PH 13

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Lorsqu’une entreprise souhaite diminuer le montant de la contribution volontaire, les personnes souffrant de handicaps invisibles sont les premières concernées par les campagnes de communication déployées.

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La difficulté pour ces personnes embauchées en ayant présenté leur RQTH se pose lors de son renouvellement (échéance au terme d’un délai de deux, cinq ou dix ans selon le type de handicap).

Certaines personnes se sentent redevables auprès de l’entreprise qui les emploie et pour la remercier apportent

consciencieusement leur RQTH aux responsables concernés.

D’autres considèrent qu’une telle démarche revient à une stigmatisation ou à jouer le rôle de l’entreprise. Le non renouvellement leur permet également de rompre avec leur image de personne handicapée, diminuée.

« J’ai eu un cas d’une personne qui m’a dit “Ecoutez, moi je ne vois pas l’intérêt d’être

reconnu travailleur handicapé. Moi, ça va très bien dans mon travail. J’ai eu ce document, mais finalement ça ne m’a absolument rien apporté. Je ne vois pas ce que ça va m’apporter de plus”. » Entreprise 28, Responsable Mission Handicap

Face à cette situation, certaines entreprises rencontrées dénoncent une forme d’injustice quand elles sont contraintes à l’obligation d’emploi des personnes handicapées alors que les salariés ne sont pas eux-mêmes tenus à demander ou présenter leur RQTH.

« Et puis, c’est un peu la difficulté de la loi. C’est à dire que la loi nous donne une obligation de comptage, parce qu’en fait c’est ça, avoir un quota, c’est compter, et on ne nous donne pas les moyens de compter les gens parce que si eux ne le disent pas, on ne peut pas les compter. Donc c’est amusant quoi. Je ne ferai pas d’autres commentaires, mais quand même, ça pose question. » Entreprise 16, chargée de mission Travailleurs

handicapés.

Les entreprises doivent donc faire face à ces refus de se faire reconnaître handicapé, justifiés par les personnes handicapées par des raisons telles que la peur de la stigmatisation, la crainte d’un ralentissement, voire d’une rupture dans leur évolution de carrière, de salaire. Elles mettent alors en place une communication dont l’enjeu est de rassurer les personnes concernées quant à la confidentialité d’une telle démarche et l’absence d’impact de cette information sur leur carrière professionnelle.

Les entreprises rencontrées et désireuses de mettre en place une politique de sensibilisation à la RQTH sont généralement amenées à travailler en deux temps.

Dans un premier temps, elles communiquent sur le handicap afin de le démystifier, présentent leur plan d’actions etc. Cette communication peut prendre différentes formes, journal interne ou manifestations plus importantes telles qu’une participation à des défis sportifs. Ces actions ont pour objectif de montrer à l’ensemble des salariés l’investissement de leur entreprise dans le domaine du handicap.

« On a ce qu’on appelle un flash info, c’est tous les sites qui ont petit encadré sur lequel ils peuvent mettre les informations qu’on leur envoie. On l’a fait deux fois sur des évènements ponctuels parce qu’on a participé au Vivathlon, plusieurs sites XXX ont participé au Vivathlon de handicap international. Donc on a communiqué dessus en disant “Bravo aux

sites qui ont participé, on a récolté tant d’argent”. Voilà, des choses comme ça. » Entreprise 1, chargée de mission Travailleurs handicapés.

Dans un second temps et après cette communication très large, certaines entreprises mettent en avant l’intérêt de la RQTH pour le salarié handicapé, tel que la protection apportée lors d’un plan social (priorité de reclassement, pas de licenciement), ou l’anticipation, et le financement, des aménagements nécessaires lors d’une évolution du handicap.

« D’autant plus que dans les accords que nous avons signés depuis 1992, il est indiqué qu’une personne handicapée ne peut pas être sur un plan de licenciement. Quand son poste est supprimé, parce que ça arrive, on ne la met dans un placard mais on lui trouve, on met en œuvre tout ce qu’il faut pour lui retrouver un emploi. » Entreprise 20, Directeur Mission

Insertion

« Ben moi j’ai bâti un argumentaire auprès des managers pour qu’ils puissent en fait les inciter à faire le processus de reconnaissance de travailleurs handicapés[…] Et puis deuxième argument, si ces personnes à un moment donné, je ne sais pas je prends un exemple si elles utilisent des transports en commun, une fois leur problème de santé aggravé elles sont obligées d’utiliser leur véhicule personnel, si elles n’en ont pas, et bien on peut faire appel à l’Agefiph pour faire financer l’achat d’un véhicule, pour faire financer l’aménagement de ce véhicule, si elles n’ont pas la reconnaissance de travailleur handicapé, je ne pourrai pas solliciter l’Agefiph ; donc rien que pour ça, ça fait aussi un argument pour qu’elles se reconnaissent. » Entreprise 26, chargée de mission Travailleurs

handicapés.

Les avis sur l’efficacité d’une telle démarche sont partagés. Certaines entreprises estiment que le nombre de reconnaissance a augmenté grâce à cette démarche31. D’autres au contraire estiment que le principal intérêt de cette action résidant dans la communication, les effets ne seront visibles qu’à moyen terme.

« Donc, ils se disent “Tiens, ça, ça vient de chez nous, c’est pas mal, c’est un service”; c’est très important. On distribue ces petites plaquettes, on explique ce qu’est l’accord groupe, les différentes phases que je vous ai expliquées, où on en est, quelle politique on mène etc. » Entreprise 20, Directeur Mission Insertion