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Le maintien dans l’emploi consiste à permettre au salarié devenu handicapé de se maintenir à son poste ou dans l’entreprise.

Dans le cas d’un maintien au poste, le salarié souffre d’un handicap qui ne touche pas sa capacité à conserver sa fonction, mais qui nécessite un aménagement de son poste de travail. L’entreprise peut alors faire appel à différents acteurs, médecin du travail, ergonomes etc., pour adapter le poste de travail au handicap de la personne.

Mais le maintien au poste n’est pas systématique. Il est possible qu’une visite médicale rende compte de l’inaptitude du salarié à exercer son métier.

« L’inaptitude apparaît comme une incompatibilité avérée entre l’état de santé d’un salarié et la charge physique ou mentale inhérente à son emploi, de telle sorte que la relation de travail ne peut plus s’exprimer normalement. »41. Deux types d’inaptitude peuvent être prononcés, l’inaptitude totale ou partielle. Dans le cas d’une inaptitude totale, le médecin reconnaît que l’individu salarié ne peut plus exercer aucune activité dans l’entreprise, contrairement à l’inaptitude partielle où un reclassement professionnel peut et doit être envisagé. L’enjeu du reclassement est le maintien du salarié en emploi.

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Toute personne, quel que soit l’importance de son handicap, compte désormais pour une seule unité, d’où une diminution mathématique du nombre des unités bénéficiaires enregistrées par les entreprises pour un nombre constant de personnes handicapées.

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Les entreprises rencontrées ont souvent fait état d’inaptitudes au poste essentiellement liées à des inaptitudes physiques, pouvant aller de lombalgies, Troubles musculo-squelettiques (TMS), à des pathologies beaucoup plus graves et invalidantes. Egalement, mais dans une moindre mesure, il nous a été rapporté à six reprises le cas des personnes devenues inaptes suite à un traumatisme crânien qui a entraîné une diminution des facultés nécessaires à l’exécution des tâches visées.

De nombreuses personnes deviennent donc handicapées suite à une usure physique liée à des conditions de travail très dures. Or, les personnes concernées ont dans la plupart des cas un faible niveau de qualification qui rend d’autant plus compliqué leur reclassement rapide. La mise en place d’une formation leur permettant d’accéder aux postes sans contraintes physiques est relativement longue comparée au délai d’un mois octroyé42. D’autre part, les postes ne nécessitant pas de qualifications tels que les services généraux (traitement du courrier, accueil), semblent fréquemment sous-traités.

« Si on prend la maintenance, c’est sous-traité ». Entreprise 14, Responsable de Ressources

Humaines.

Sauf lorsque l’inaptitude totale est consécutive à un accident de travail ou à une maladie professionnelle, auquel cas l’entreprise doit tout mettre en œuvre pour reclasser l’individu, l’avis d’inaptitude totale entraîne son licenciement. C’est pourquoi certaines entreprises parmi celles rencontrées regrettent que ce type d’avis soit rendu par des médecins interentreprises insuffisamment sensibilisés aux différents métiers de l’entreprise et aux dispositions requises pour chaque type de poste43.

« Surtout que quand on a des inaptitudes, c’est toujours la même chose, le médecin du travail met inapte à tout emploi dans l’entreprise, qu’est ce qu’on veut faire avec ça, on ne peut rien faire, donc voilà, je pense que je vais, de toute façon la première chose que je vais faire c’est de bien sur chaque poste limiter toutes les contraintes, énumérer toutes les contraintes du poste, et à chaque fois qu’il y aura effectivement un volet, enfin une inaptitude totale à tout emploi qui est délivré par la médecine du travail, je leur ferai spécifier en leur demandant, en leur faisant parvenir des descriptions de poste bien précises avec des contraintes de poste que je leur demanderai avec des questions fermées de se prononcer pour éviter effectivement en cas de, parce que dans certains cas, on ne pourra pas limiter les licenciements pour inaptitudes c’est évident […] quand la personne ne sait ni lire ni écrire, qu’elle ne peut plus porter de charges, qu’elle ne peut pas rester debout, où voulez-vous qu’on la mette ? » Entreprise 26, chargée de mission Travailleurs

handicapés.

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www.cmti06.com/pbinapte.html

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Une fois l’avis d’inaptitude prononcé, quelle qu’elle soit, l’entreprise dispose d’un délai d’un mois pour trouver une solution de reclassement au salarié. Passé ce délai, le salarié est licencié pour inaptitude. Ce laps de temps ne permet pas toujours aux entreprises de réaliser un bilan pour déterminer les nouvelles capacités du salarié, ses désirs en termes d’orientation, de trouver le poste adéquat, et libre. Ce qui peut finalement conduire à l’impossibilité d’aboutir à un reclassement de l’individu.

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Lorsqu’un médecin est rattaché à une seule entreprise, celle-ci peut l’informer de ses métiers, des dispositions requises, et surtout monter avec lui une politique de sensibilisation, ce qui semble plus difficile lorsque le médecin n’est pas à plein temps dans l’entreprise.

Près du quart des entreprises rencontrées se mobilisent pour garder en emploi leurs salariés handicapés, malgré l’avis d’inaptitude. Cette mobilisation peut être due aux causes du handicap, notamment dans le cas où le handicap est lié à un accident du travail. Egalement, la taille de l’entreprise peut favoriser le maintien dans l’emploi du salarié handicapé.

Dans le cas où le handicap d’une personne est lié à son emploi (accident du travail, maladie professionnelle), les entreprises sont dans l’obligation légale de reclasser le salarié handicapé44. Dans le cas où un handicap n’est pas dû à des raisons professionnelles, d’autres facteurs tels que la taille de l’entreprise et son implication en faveur de l’emploi des personnes handicapées peuvent inciter une entreprise à étudier l’ensemble des possibilités de reclassement d’un individu avant de conclure à son licenciement. En effet, dans de grandes entreprises, il semble relativement facile de reclasser un salarié devenu inapte à son poste au vu des nombreux types de postes différents, à condition que ceux-ci soient disponibles et cohérents avec les nouvelles aptitudes du salarié.

« Avec tous les postes qu’on a chez nous, ce serait un échec d’en arriver là. » Entreprise

19, Chef de Projet Emploi-Handicap

Mais toutes les entreprises ne se donnent pas les moyens de reclasser leurs salariés devenus handicapés lorsque l’exercice de la profession n’est pas responsable du handicap et licencient la personne concernée. Cette solution est légalement possible mais doit, normalement, être particulièrement motivée. Le licenciement d’une personne devenue handicapée n’est en effet possible qu’à la condition qu’un aménagement de poste soit impossible, ou qu’une inaptitude totale empêchant son reclassement au sein de l’entreprise ait été reconnue.

Une personne nous a rapporté avoir été licenciée après être devenue handicapée suite à une opération chirurgicale. Elle considère que ses relations avec son employeur étaient jusqu’alors très cordiales, mais ce dernier a refusé un aménagement de poste et l’a licenciée lorsqu’il a appris qu’elle percevrait une rente.

« Mon employeur parisien m’avait laissé entendre que je pourrais travailler, pas dans les mêmes conditions bien sûr, mais par ordinateur. Puis, lorsque je suis rentré chez moi en janvier 1994, il n’en a plus été question. […] Bien sûr, sur le plan financier, je n’ai rien perdu puisque j’avais une assurance individuelle contre les accidents. Alors mon patron direct m’a dit “Tu n’as pas à te plaindre, il y en a qui n’ont rien”. » PH 12

Il ne nous a malheureusement pas été possible de rencontrer cet employeur afin de connaître les raisons de ce licenciement. Une hypothèse avancée par le salarié est que son employeur ait craint qu’il soit moins productif à cause de son handicap.

Lorsqu’un reclassement est rendu impossible, notamment en raison d’une absence de poste compatible avec le handicap de la personne, plus du quart des grandes entreprises rencontrées accompagnent leurs salariés dans leur recherche professionnelle ou les orientent vers les structures compétentes telles que les Cap Emploi.

« Quelqu’un effectivement qui serait non reclassable ou dans l’incapacité même tant médicale ou au niveau des compétences, ne pourrait donc pas être maintenue dans l’emploi, bien sur notre rôle au niveau de la mission handicap, c’est d’accompagner vers les organismes extérieurs qui vont prendre le relais à l’issue de la sortie du salarié de l’entreprise. Donc on veille bien à tous ces mouvements là. On a un rôle de conseils. »

Toutes les entreprises rencontrées ne considèrent pas l’emploi direct comme la solution la plus aisée à mettre en œuvre pour répondre à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Afin de limiter le montant de la contribution volontaire, les entreprises développent donc les autres modalités de réponse à l’obligation d’emploi, notamment le recours à la sous-traitance.