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Une difficile articulation entre les différents échelons

Les collectivités ont été remplies de doutes lorsque la dernière vague législative a fait entrer le nouveau schéma qu’est le SRADDET dans la planification climatique. En effet, les lois NOTRe et de transition énergétique accordent une place privilégiée à la région en matière de climat, ce qui ne va pas sans susciter de craintes chez de nombreux élus territoriaux qui lancés dans l’élaboration de plans climatiques et énergétiques, ont du mal à comprendre dorénavant l’articulation entre ces différents outils pour progresser avec efficacité. La loi prévoit en effet que « ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de

la région en matière (…) de lutte contre le changement climatique (…) »103

. Ce schéma, pour rappel, provient de la fusion opérée entre les schémas régionaux air et énergie, et de

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Article L241-1 du Code de l’énergie 103

cohérence écologique qui avaient été créés par la loi Grenelle II du 10 juillet 2010, ainsi que les schémas régionaux de l’intermodalité issus de la loi MAPTAM du 27 Janvier 2014.

En conséquence, de nombreuses interrogations sont soulevées au sujet de l’élaboration de ce nouveau schéma et de l’articulation qui en découlera, puisqu’il va falloir composer avec le nouveau cadre des régions fusionnant et des schémas préexistant donc. Une réintégration et une nouvelle réflexion semble dès lors nécessaire. Pour la nouvelle région, le changement d’échelle ne doit pas pour autant déprécier le niveau de ses ambitions climatiques.

Ce schéma s’inscrit dans une démarche de simplification qui se réalise au fur et mesure des réformes remodelant les compétences locales. Il se veut unique et intégrateur. Certes Pascal Dupuis104 avait tenu à rassurer lors du colloque organisé le 5 avril 2016 par le réseau d’élus et de professionnels « AMORCE » sur la nouvelle distribution en matière de planification énergétique : « Il apportera de la cohérence, sa vocation est bien simplificatrice ».105 Pourtant aujourd’hui il est permis d’en douter car car ce schéma relève encore de la conceptualisation, l’ordonnance qui précise les modalités de mise en œuvre n’a pas encore été adoptée. Ce qu’il convient d’ores et déjà de souligner, c’est qu’au-delà des textes, le SRADDET sera aux mains de la région et l’application qu’elle en fera sera déterminante quant à la pertinence et à l’intégration de celui-ci dans la planification territoriale. S’en suivront logiquement des répercussions positives ou négatives sur les niveaux infrarégionaux.

Quant aux autres interrogations, l’article L4251-1 du CGCT dispose que le SRADDET reprendra « les éléments essentiels » des schémas auxquels il se substitue. Cela pousse à penser que la région n’est pas dans l’obligation de reprendre le SRCAE préexistant. Il conviendrait donc de connaitre ce qui est entendu par « essentiel ». La logique tendrait à laisser aux collectivités le temps de finir l’intégration, l’acculturation des anciens schémas régionaux pour que l’action publique climatique reste pertinente et effective dans le temps. Ces mesures ne peuvent souffrir constamment d’ineffectivité, dans l’expectation d’ordonnances, de décrets d’application. Ce qui laisserait, par ailleurs, le temps à la région d'harmoniser le nouveau schéma avec ses nouvelles modalités et de l’articuler avec les autres documents. La région doit ainsi s’accorder sur les éléments que doivent intégrer les objectifs

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Chef du service climat au ministère de l'Environnement. 105

du SRADDET qui seront par la suite repris par les collectivités dans un rapport de « prise en compte », et ceux qui feront l’objet du fascicule doivent être « compatibles » avec les règles d’urbanisme.

Il est possible de concevoir une tentative de mise en cohérence grâce à laquelle le SRADDET serait à la hauteur de ses ambitions. Il pourrait en effet faire l’objet d’une politique transversale. L’intégration des schémas préexistants sera déterminante pour réaliser une réelle remise en perspective au-delà d’un simple assemblage. D’autant plus que ce schéma gagne en contrainte juridique, en effet, « ce schéma (…) doit être pris en compte dans

les documents d’urbanisme ».106

Le SRADDET apportera en effet une plus grande prescriptivité que le SRCAE qui ne portait que de grandes orientations. En effet, le SRCAE se déclinait auparavant par un seul rapport de compatibilité avec les plans climats, lesquels devaient être pris en compte par les SCoT et les PLUi. Le SRCAE se voit renforcé puisque désormais, intégré dans le SRADDET, il sera directement pris en compte par les documents d’urbanisme. Pour les PCAET cela ne change rien, ils devront être compatibles avec lui. Ainsi donc, avec des documents d’urbanisme compatibles avec les règles générales du fascicule du SRADDET, cette partie du schéma régional verra sa prescriptivité avivée.

Ainsi le SRADDET vient renforcer le pouvoir de planification de la Région. Toutefois ces schémas étant à destination des territoires, il faudra nécessairement une part de négociation et d’arbitrage pour éviter un risque d’éloignement quant aux enjeux infrarégionaux. « L’enjeu fort réside dans la coordination des acteurs selon les étapes

d’accompagnement du projet local, et donc des liens qui sont fait entre les différentes ingénieries. La coordination des acteurs et des ressources permet alors de combiner différentes compétences autour d’un même projet, d’articuler opération et stratégie de territoire. »107 La participation à l’élaboration du SRADDET peut donc en partie concourir à une meilleure articulation et une maîtrise plus certaine et indispensable pour appuyer les collectivités dans la lutte contre le changement climatique. Malgré tout, une inquiétude perdure quant à la concertation. En effet, le SRCAE et le SRCE faisaient l’objet d’une concertation élargie comprenant l’ensemble des parties prenantes y compris les associations. La loi NOTRe ne prévoit pas l’association de la société civile à la gouvernance de la mise en

106 Article art L 4251-3 du CGCT

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« La coordination des acteurs, une nécessité pour répondre aux besoins d’ingénierie, ETD, le centre de ressources du développement territorial », Octobre 2014, étude mutualisée d’Annabelle BOUTET et Stéphanie LE BIHAN

place du SRADDET prescriptif. Elle prévoit que « soient associés de plein droit à

l’élaboration du SRADDET le représentant de l’Etat, les conseils départementaux, les métropoles, les EPCI compétents en matière de plan local d’urbanisme (PLU), les collectivités territoriales à statut particulier, les établissements publics de SCOT et, le cas échéant, les comités de massifs. Peuvent-être également associés les EPCI à fiscalité propre non couverts par un établissement public de SCOT et les CESER. »108 Or l’engagement de la société civile doit soutenir les ambitions d’un tel schéma en participant à sa co-construction. Il s’agit là d’un procédé de concertation qui sollicite les exigences de démocratie participative. Ce dernier se rattache inéluctablement à cette mutation du droit de l’environnement qui entend faire participer le public.109 En effet sur ce point l’article L 110-1 du Code de l’environnement qui procède de la loi Barnier du 2 février 1995 dispose que « 4°) Le principe

selon lequel toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques ; 5°) Le principe de participation en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente ». Il s’agit donc d’une part, du respect du

principe d’accès au droit à l’information, d’autre part, de l’ « association » du public « au

processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement », ce

qui peut comprendre l’aménagement du territoire. C’est pourquoi les orientations prescriptives du nouveau schéma doivent, au regard de l’importance qu’elles ont sur les projets infraterritoriaux, faire l’objet à nouveau d’une telle concertation avec la société civile et le milieu associatif comme dans les précédents schémas. On attendra donc le renouvellement des conseils régionaux pour que ce processus voie le jour et que soit adopté ce nouveau schéma.

Si la représentation institutionnelle apparait jusqu’à maintenant claire avec l’existence d’une planification nationale avec un plan climat national, une planification régionale avec le SRCAE et les dispositifs opérationnels locaux tel que le PCET, l’articulation n’est cependant pas toujours évidente manifeste. Les difficultés proviennent du manque d’harmonisation des méthodologies.110Les SRCAE manquent d’objectifs pleinement territorialisés sur les aspects

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Article L 4251-2 CGCT

109 Faisant ainsi référence à un texte fondateur international : la Convention d’Aarhus 110

Bilan-évaluation des SRCAE réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable en Mars 2013 http://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/008371-01_rapport.pdf

qui devraient être spécifiquement adaptés. Ces schémas ont en effet, eu égard aux premiers retours d’expériences111, montré qu’il y avait des incohérences qui ne pouvaient donner lieu à

une pleine satisfaction pour un échelon qui se veut coordinateur. Le SRCAE ne fait pas l’objet d’un bilan de connaissances assez étoffé, qui irait au-delà d’un simple état des lieux des territoires pour avoir cette vision optimale de ce qui est réalisable en termes de gains et d’orientations. Même s’il doit être relayé par le PCET et le SCoT, il ne cible a priori pas directement le grand public, or les actions de communication et de sensibilisation restent indispensables pour réaliser un travail constructif, et que soit réalisé le « porter à connaissance » permettant une réelle appropriation des différentes données de la région. C’est d’ailleurs l’objectif de ce schéma qui doit consister en un véritable « diagnostic partagé par

tous »112. A cet égard, le bilan du CGEDD précise qu’il serait nécessaire qu’il y ait une

meilleure association et participation des industriels en amont et pas simplement lors de la consultation. La mise en perspective semble également se limiter à la région seule, sans aller au-delà de son périmètre, ce qui freine la cohérence. La région peut, vraisemblablement aller au-delà des problématiques globales et accentuer sa démarche sur des compétences qui lui sont propres (en termes de réflexion sur les parcs régionaux et les stations de ski notamment) et qui relèveront davantage des mesures d’adaptation ; à cet égard, il est constaté que ces dernières ne sont pas le point fort des SRCAE.

La déclinaison du plan climat national doit donc être plus étroitement adaptée à chaque territoire. Les lois Grenelle montrent en effet une carence manifeste quant à la mise en œuvre d’une pédagogie appliquée pour réaliser ces déclinaisons. L’idée est donc d’aller vers une meilleure articulation des efforts et au-delà, d’une cohérence d’ensemble. Celle-ci semble demander une réflexion plus poussée sur le sens de chaque échelle institutionnelle. Si dans les textes, la région est promue comme échelon moteur, il convient en considération de ce qui précède, de relativiser son implication dans la pratique. Elle doit en réalité continuer de s’affirmer dans son rôle d’impulsion en mobilisant de manière collective.

Par ailleurs, le rapport du CESE démontre que les plans climat énergie territoriaux témoignent d’une hétérogénéité tant au niveau de la répartition, que des actions déjà mises en

111 Idem. 112

œuvre.113

Ceci révèle, une fois de plus, la mise en articulation difficile entre les plans nationaux, régionaux et locaux. En effet, la participation quantitative au niveau de chaque échelon n’est pas précisément déterminée. Dans cette première génération de plan, il manque un dispositif de suivi efficace qui permette de mesurer la contribution de chaque schéma et plan pour atteindre des objectifs déterminés au niveau national. Cela permettrait par la suite, d’élucider l’articulation entre les politiques nationales et les politiques territoriales de lutte contre le changement climatique et de pouvoir ainsi mettre en lumière plus précisément le rôle et la place des politiques territoriales climatiques dans la réalisation des objectifs de réduction de GES. La loi Transition énergétique affiche non sans difficultés un lot d’innovations. Elle vient renforcer les PCAET par l’instauration d’un nouveau rapport juridique entre les documents de planification. Le PLU doit désormais prendre en compte le PCAET. Elle inverse également le rapport pour les SCoT qui doivent être pris en compte par les PCAET.114 L’évolution en cours pousse de plus, à repenser l’action publique conduite à travers le PCAET, puisque ceux-ci sont désormais réalisés par un EPCI et se voient enrichis d’un volet « qualité de l’air », périmètre déjà étendu par la métropole grenobloise, qui en 2012 adopte son plan air climat dans le but de réduire l’exposition de la population grenobloise à la pollution atmosphérique. La loi Transition énergétique reste encore imprécise sur les objectifs déterminés dans les dispositifs : « objectifs stratégiques et opérationnels de cette collectivité

publique afin d’atténuer le changement climatique, de le combattre efficacement et de s’y adapter, en cohérence avec les engagements internationaux de la France ». Pour chaque territoire la marge de manœuvre est assez grande.

Au-delà du projet de décrets soumis à consultation publique115 modifiant la gouvernance et le contenu des plans climat énergie territoriaux qui devraient venir expliciter la signification, les modalités d’élaboration et l’intégration du volet sur la qualité de l’air aux articles R229-51 à R229-56116, les compétences territoriales désormais renforcées dans ce domaine devraient pouvoir se coordonner tant sur le plan des réalités locales géographiques, historiques, économiques et sociales et sur la réalité des émissions de GES. A cet égard, il manque une réalité juridique qui viendrait sécuriser ces ambitions. Tel serait le cas d’un engagement formel dans la poursuite d’objectifs précis de réduction de GES pour la

113L’avis du Conseil économique, social et environnemental, « Vingt ans de lutte contre le changement climatique en

France : bilan et perspectives des politiques publiques », Gaël Virlouvet, Editions Journal officiel, Avril 2015

114 Voir Annexe 4

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collectivité en question. Il en existe dans d’autres démarches de contractualisation. Tel est l’esprit du contrat d’objectifs et de moyens qui n’implique toutefois pas le même cadre contractuel puisqu’il résulte d’une relation établie entre un opérateur extérieur comme l’ADEME et l’Etat qui organise la prise en charge d’une telle mission. C’est plus particulièrement l’esprit qui nous intéresse ici, au-delà de l’instrument en tant que tel, qui n’est en réalité qu’un faux contrat puisque c’est l’opérateur qui se soumet à la volonté unilatérale de l’Etat. Mais en considération de la structure, il est possible d’imaginer une schématisation qui soit plus ciblée en termes d’objectifs chiffrés pour la réduction des émissions de GES, avec les moyens qu’il est possible de mettre en œuvre. S’il est admis que l’Etat impose un tel cadre d’action, se pose désormais la question de sa place dans la lutte contre le changement climatique qui s’ancre dans une logique décentralisatrice. Cette partie de questionnement, souligné ici, fera l’objet d’un approfondissement dans le second Chapitre, puisque cette réflexion contribue à obscurcir la mise en œuvre des rôles de chacun. L’agenda 21 avait pu être regardé comme un schéma de contractualisation avec l’Etat et un outil complémentaire de l’action publique locale. Selon ce qui précède,117 l’agenda 21 vient en effet apporter cette structure articulée autour d’orientations prioritaires et d’un plan territorial pluriannuel. Mais la réalité pratique reste difficile. En regardant l’exemple de Grenoble, il est possible de constater que les évolutions législatives en termes de transferts de compétence ne suivent pas la réalité des enjeux environnementaux, ce qui provoque des situations de blocage et pose inévitablement des difficultés quant à la mise en œuvre de projets territoriaux efficaces. Dans cette hypothèse, la Commune de Fontaine en possession d’un Agenda 21 depuis 2007, a modifié son contenu en 2013, puis plus rien n’a été piloté depuis. La prise en charge par la métropole de nombreuses compétences dans le développement durable118 laisse dans le flou ce qu’est désormais à même de faire une commune.

C’est pourquoi l’évaluation et le suivi de ces politiques publiques menées ont leur importance, l’articulation des outils s’améliore à partir du moment où chacun a conscience de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. L’enjeu climatique doit être nécessairement porté, le volontarisme politique et la démonstration des résultats font partie intégrante du processus décisionnel, de sorte à identifier les obstacles et favoriser la recherche de synergies. L’articulation entre les différents échelons peut en réalité se heurter à des problèmes d’ordre politique, de mise en œuvre et l’absence de dialogue entre chaque niveau institutionnel. Le défi climatique doit faire l’objet d’une constante mobilisation, ce qui passe par l’affirmation

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Cf. Partie I, Chap II, Section II. 118

d’un cap politique bien défini de combat contre le changement climatique. S’y ajoute la nécessité de diffuser, de partager et de permettre ainsi la compréhension par le plus grand nombre des enjeux climatiques, et l’on en revient donc au travail de conscientisation et à ce rôle dévolu à la métropole pour mobiliser et asseoir une dynamique forte. La planification territoriale doit être cet outil de communication et de concertation qui vient harmoniser les temporalités de chacun des acteurs territoriaux et leurs intérêts.119

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