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L’appui nécessaire et la participation aux dynamiques internationales

La territorialisation de l’enjeu climatique est accompagnée par des dispositifs qui vont permettre d’asseoir cette gouvernance territoriale. Ces dispositifs pionniers proviennent principalement d’interactions internationales. Les réseaux de villes encouragent cette dynamique. Ce sont des politiques publiques qui progressivement échappent au seul niveau national et s’européanisent, qui font l’objet de croyances partagées, de normes communes (les directives communautaires qui chiffrent les réductions de GES). L’illustration qui confirme cette évolution c’est ce premier réseau « Energy cities » qui est une association européenne : par son réseau et son accompagnement, il soutient les collectivités locales dans la transition énergétique. Il participe aussi bien aux négociations climatiques internationales, il prend très souvent position sur les documents législatifs européens qui concernent les questions climatiques et énergétiques. Il a lancé l’initiative Convention des maires de l’Union européenne qui rassemble plusieurs milliers de collectivités locales dont la métropole grenobloise. Ceux-ci s’engagent volontairement dans la mise en œuvre des objectifs européens en termes de climat et d’énergie sur leur territoire. C’est en 2008 que la Commission européenne a élaboré ce projet afin d’encourager les autorités publiques locales à s’investir dans cette démarche de politiques climat et énergie durables. Cette convention a

permis d’étoffer voire d’entretenir ce nouveau rapport au territoire. Les initiateurs parlent même d’une démarche qui se veut « bottom up » où les actions locales fleurissent et permettent un réel investissement pour les responsables politiques locaux qui font de la lutte contre le changement climatique une priorité dans leur agenda local. Au demeurant, la nouvelle Convention des maires institue un nouveau cadre adoptant une vision commune pour 2050 afin d'accélérer la décarbonisation de leur territoire, de renforcer l’adaptation de leur territoire aux effets inévitables du changement climatique et de favoriser l’accès aux énergies renouvelables de façon abordable. Les signataires doivent s’engager à adresser « dans un

délai de deux ans suivant la date de la décision du conseil local, un Plan d’Action en faveur de l’Energie Durable et du Climat (PAEDC) exposant les actions clés qu’ils prévoient d’entreprendre ». Sous cet effet de stimulation relayée, ces démarches mettent en avant la

méthode et l’expérience nécessaires à la mise en œuvre locale de la question climatique. Ce sont ces élus de grandes collectivités qui en se regroupant à une échelle supranationale permettent d’influencer la sphère politique institutionnelle et de donner une impulsion nouvelle aboutissant à de nombreuses orientations. A la dernière COP, la société civile et les collectivités ont participé aux négociations et ont pesé considérablement sur les négociations qui ont abouti à un accord78. L’appréhension de la « globalisation

environnementale » 79 ne donne donc pas lieu à un affrontement du local et du global, il ne semble en effet pas y avoir d’opposition entre les différents niveaux d’intervention entre eux. Les changements climatiques auxquels la société est confrontée suscitent une dynamique transversale, le pluralisme est supposé par la conception de cette politique des changements climatiques80.

C’est cette perspective qui nourrit d’autres formes d’appropriation des politiques climatiques en mettant à jour les singularités, les divergences et les inégalités face à cette gouvernance globale. Cela passe indéniablement par l’opérationnalisation différenciée et c’est de ces intéressements que la gouvernance territoriale tire son sens. La métropole grenobloise se nourrit de ces interactions pour faire vivre son plan climat. Pour toutes ces raisons, la politique publique climatique exige une structuration nouvelle de l’action publique en termes de gouvernance. Au regard du plan climat et des outils plus ou moins normatifs qui gravitent autour, elle permet d’observer un changement dans les modalités organisationnelles. Les

78

Accord de Paris du 12 décembre 2015 et désormais ouvert à la ratification depuis le 22 avril 2016. 79

BERARD (Y), « Introduction, le global, nouvelle grandeur politique de la nature », in Natures Sciences Sociétés 2015/3 (vol 23) p.222.

80 Idem.

outils bénéficient à cet égard d’un cadre et d’un usage territorialisé. L’organisation d’un réseau est caractéristique de ce régime nouveau de gouvernance. Et dans ce contexte de décentralisation et de transfert de compétence vers la métropole, les décideurs ont recourt à ces nouvelles méthodes d’action et de nouveaux dispositifs, où le plan climat devient en soi un instrument de coordination, de mobilisation et de mise en cohérence.81

Le cadre de la planification climatique territoriale s’est établi dans les années 1990 suite à la conférence environnementale de Rio qui a mis en œuvre l’Agenda 21 de nature normative c’est-à-dire considéré comme un document de référence. Il impulse un programme d’action « du 21ème

siècle » orienté vers le développement durable. A cet égard, la lutte contre le changement climatique constitue l’une des finalités essentielles de l’Agenda 21. De référence nationale mais pensé au niveau international, ce cadre promeut les projets territoriaux sous forme d’éco-exemplarité. Les collectivités locales ont été de ce fait regardées comme « au niveau administratif, le plus proche de la population, [avec] un rôle essentiel

dans l’éducation, la mobilisation et la prise en compte des vues du public en faveur d’un développement durable »82. Cet agenda 21 local implique aussi cette approche transversale et participative pour soutenir les démarches allant dans ce sens. Le plan climat-air-énergie- territorial constitue désormais le volet climat de l’agenda 21. Cependant, il est à noter que l’Agenda 21 n’est pas une démarche investie par la métropole en tant que groupement de communes. En effet, ce sont les communes qui la composent qui sont dotées de tel processus. Cela conduit à poser davantage d’interrogations quant à l’harmonisation des engagements menés pour l’environnement et le climat. Ce dispositif de reconnaissance conduit par le ministère du développement durable encourage les collectivités « à faire reconnaître la réalité et la qualité de leur projet territorial de développement durable et agenda 21 local, dans une logique d’accompagnement. » Elle les soumet à une évaluation régulière dont le but est une démarche d’amélioration continue. Cette reconnaissance est considérée comme une démarche qualité. Elle permet d’avoir une expertise externe et d’être valorisée et encouragée dans la démarche que les collectivités et leurs services poursuivent. Il est cependant possible de penser que ce type de démarche demande une révision. À l’heure actuelle, dans un contexte où les compétences ont évolué, l’enjeu porte sur l’articulation des démarches. Les communes se retrouvent engagées dans le développement durable mais les évolutions

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BACQUE et autres, « Projets urbains en quartiers anciens » dans Y. Tsiomis (dir), in Echelles et temporalités des projets urbains, Paris, PUCA, 2007/ Jean-Michel Place p95-96.

juridiques, les laissent désarmées, en l’absence de synergie entre les différents lieux décisionnels.

La garantie de la transversalité du projet doit être repensée pour que la métropole et les communes soient complémentaires et cohérentes dans les politiques concourant au développement durable. Il est nécessaire de nommer un délégué spécial qui soit capable de rassembler collectivement. De façon habituelle, la conduite de l’agenda s’organise au sein d’une commune autour de différents comités qui permettent d’avoir une certaine assise démocratique en favorisant le dialogue : celui qui permet le pilotage et assure l’ensemble de la logistique, le comité d’animation qui permet la diffusion d’une culture commune sur ce que recouvre l’agenda 21 afin de rallier l’ensemble des services internes à des démarches concrètes et enfin un comité partenarial qui permet l’échange sous forme de réseau et donne lieu à une dynamique générale de développement durable. Ainsi, ce même procédé doit pouvoir être rétabli en cohérence avec les nouvelles dispositions et demande un pilotage intercommunal, puisque même le PLU devient à ce jour communautaire et que les projets territoriaux y sont intrinsèquement liés.

Malgré tout, la dynamique impulsée par le haut tend à diffuser par le bas les enjeux liés au développement durable et implique une mobilisation croissante en faisant de l’agenda 21 le lieu d’une concertation contribuant à une analyse pragmatique. L’importance de cet agenda relève donc de ce diagnostic partagé qui permet d’articuler au mieux la stratégie à adopter selon les différents enjeux de la collectivité. Ce dernier s’appuie sur les bilans carbone pour identifier les activités produisant le plus d’émissions de gaz à effet de serre. Le terme « partagé » indique quant à lui la nécessité de prendre en compte les différentes attentes et que soient également réalisés des temps d’échange, pour définir collectivement les objectifs stratégiques, compréhensibles de tous et finalement élaborer un programme d’action. Cet agenda 21 permet en outre, et c’est ce qui peut apparaitre essentiel, de mesurer les résultats, pour prendre du recul sur l’avancement du plan, l’adéquation des objectifs avec les résultats obtenus, et pouvoir ensuite corriger, réajuster et parfaire ce plan. Pour autant, malgré les ambitions positives de cette démarche, le CESE constate que seulement la moitié de la France est recouverte par un agenda 21, qu’il existe en outre une hétérogénéité de méthodes et de contenus et une faiblesse dans les indicateurs de résultats et dans les évaluations financières

des actions mises en œuvre.83

Ce qui n’étonne que trop peu, au regard du fossé entre l’inflation législative qui transpose les lieux décisionnels d’un niveau à l’autre, et le pilotage en pratique qui devient dès lors trop difficile. Dans certaines communes, cette disparité donne lieu à un arrêt complet du pilotage de projets de développement durable.84

L’articulation avec les autres documents d’objectifs reste elle-même complexe. Pourtant, un effort a été fait pour que l’agenda 21 et le PCET soient des outils complémentaires de l’action publique locale en faveur du développement durable contribuant à maintenir un œil vigilant sur le changement climatique.

Les collectivités ont donc ce besoin permanent d’être rassurées dans la mise en œuvre de leurs programmes, elles conçoivent comme déterminant un processus pragmatique qui permettrait des ajustements mutuels pour orchestrer de façon optimale la politique climatique. C’est le souhait d’un audit extérieur exprimé par de nombreuses communes et intercommunalités. C’est notamment le cas pour la métropole grenobloise. En effet, elle a porté son plan climat à travers la démarche de labellisation Cit’ergie. Ce dernier est basé sur la labellisation européenne « European energy award » qui présente plusieurs niveaux de performances et qui permet de bénéficier de cet audit extérieur. S’ajoute à ce label une certaine émulation via une mise en compétition. 85 Somme toute, celle-ci leur permet d’offrir une méthodologie d’organisation du programme d’actions de la métropole avec son suivi. Cela implique la coordination avec une équipe composée d’élus, de personnels techniques, alors accompagnée d’un expert externe. Le programme d’action du plan climat devra dès lors se fonder sur une approche transversale. De cette manière, il sera élaboré en identifiant les actions les plus efficaces pour la métropole parmi les mesures que Cit’ergie saura capable d’évaluer. Six principaux domaines sont directement visés : le développement territorial, le patrimoine de la collectivité, l’approvisionnement énergétique, la mobilité, l’organisation interne ainsi que la coopération et la communication. L’exemplarité qui est mise en avant dans chaque démarche et dont ont conscience les élus et les fonctionnaires, va se concrétiser par cette démarche. Cit’ergie permet à la métropole engagée de mettre en perspective les actions mises en place, de se faire suivre et auditer par l’extérieur tous les 4 ans. Dans ces conditions, il est possible de vérifier l’évolution des actions engagées dans la politique climat-

83

CESE, « Vingt ans de lutte contre le changement climatique en France : bilan et perspectives des politiques publiques », Gaël Virlouvet, Editions Journal officiel, Avril 2015.

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Ville de Fontaine. Entretien avec M. Dutroncy, élu municipal. 85

ROCHER (F), « Action locale et planification climatique, Pratiques des collectivités et nouvelles responsabilités », in JCP, la semaine juridique-édition administration et collectivités territoriales, n°50, 12 décembre 2011 p1.

air-énergie, et cet examen se présente comme structurant. La labellisation permet de plus d’avoir une dimension européenne et apporter des éléments de comparaison avec d’autres collectivités de même taille.

Le Vice- Président de la métropole en charge du climat considère qu’il s’agit « d’Un

outil [sous-entendu parmi d’autres] qui permet de travailler sur les résultats […] La démarche Cit’ergie, en prenant en compte les compétences qui sont les nôtres, va alors se baser sur ce qu’on est en capacité de faire, et de faire faire aux autres, et celles où il n’y a pas de leviers, sur le réglementaire notamment, que Cit’ergie prend en compte. […]L’efficacité des actions est prise en compte dans la notation des actions. » Le résultat importe donc beaucoup et permet de structurer davantage l’action publique et de réinvestir chaque acteur dans son rôle tant au niveau politique avec les élus qu’au niveau opérationnel avec les services. C’est pourquoi le répertoire de ces questions climatiques doit pouvoir être capable de mobiliser les acteurs. En vue d’une acceptation technique et sociale, l’enjeu de communication, d’échange, de partage local en interne et en externe devient primordial pour faire progresser la perception des difficultés rencontrées. Le label va donc concrètement récompenser la métropole lorsqu’elle réalise au moins 50% des mesures possibles au regard de ses compétences et de sa sphère d’influence. La certification sera ensuite délivrée sur la base d’un rapport établi par un auditeur indépendant.

L’associatif porte aussi cette dynamique locale. A Grenoble l’association « Alternatiba » en est l’illustration : elle est portée par « la dynamique citoyenne de

mobilisation sur le changement climatique et de promotion des alternatives concrètes ». A

plusieurs reprises, les personnes que j’ai interrogées ont évoqué cette association, qui tient un rôle relativement influent. Outre leur fonction de sensibilisation et de formation aux questions climatiques qu’elles portent autrement que les canaux traditionnels de l’éducation et des médias, elle intervient dans le processus décisionnel de l’action publique en pointant du doigt les dysfonctionnements, en proposant des alternatives, des actions à conduire, en participant à la concertation au niveau local comme au niveau national, en étant attentive à l’ensemble des mesures prises par le gouvernement, en dénonçant et participant à l’expertise des programmes. Alternatiba a en effet participé à la mobilisation lors de la COP 21. Son répertoire d’intervention diversifié lui permet d’être un acteur majeur dans les initiatives locales qui tendent à émerger et renforce l’épanouissement de cette nouvelle gouvernance territoriale avec l’idée démocratique « du faire participer ». Certes ces mobilisations

participent au débat démocratique local et national. Toutefois l’implication citoyenne demeure faible alors même que la proximité géographique devrait constituer un gage inéluctable de la gouvernance. Les temps de participation - dans les différents comités, les conseils de quartier- ne sont qu’ « accordés ». La logique d’un tel mouvement horizontal porté aujourd’hui par la métropole grenobloise avec son plan climat, ne semble pas pleinement accomplie, dans la mesure où elle requerrait une mobilisation entière mettant en œuvre une véritable démocratie participative.

A la lumière de ce qui précède, la frénésie législative de ces dernières années, place l’échelon métropolitain au-devant de la scène comme un espace territorialisé en capacité d’agir face au dérèglement climatique. Pour autant, l’enjeu climatique certes partagé fait l’objet de controverses quant à un traitement territorial adéquat.