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UNE DÉFINITION LAISSÉE À L’APPRÉCIATION DES ETATS

Section 1 : La définition du salaire en question

B. UNE DÉFINITION LAISSÉE À L’APPRÉCIATION DES ETATS

Le noyau dur de la Directive intègre une obligation de respect du salaire minimal. Pour autant la terminologie de la Directive est inadaptée car elle fait référence parfois au taux de salaire minimal110 parfois au salaire minimal111. Les législateurs nationaux ont tendance à confondre ces deux notions. Il faut également préciser que le taux112 de salaire minimal est un concept communautaire tandis que le salaire minimal est un concept national.

Pour définir le taux de salaire minimal, il est permis aux Etats d’utiliser différents modes : dispositions législatives, réglementaires ou administratives, conventions collectives ou sentences

109 Idem note 107

110 Directive 96/71, Article 3 Paragraphe 1 c) : les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures

supplémentaires ; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels

111 Directive 96/71, Article 7 : les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du

salaire minimal…

112 Vocabulaire juridique Cornu : montant fixé à l’avance à une somme d’argent, en général comme limite inférieure,

pour la détermination du prix d’une prestation ou de la base de calcul d’un salaire ou d’une contribution, ou même d’une compétence.

arbitrales déclarées d’application générale.

La détermination du taux minimal se fait alors différemment pour chaque pays, le calcul peut donc varier d'un pays à l'autre (taux horaire, taux mensuel, variabilité en fonction de l'ancienneté, rémunération des heures supplémentaires). On peut identifier deux mécanismes permettant la détermination du salaire minimal. D’un côté113 « les salaires minima couvrent l’ensemble de la

population salariée et sont fixés par les autorités publiques dans le cadre d’une consultation/négociation bipartite/tripartite ou par une combinaison des deux »114. De l’autre115, « les salaires minima sont intégralement négociés par accord collectif au niveau sectoriel ». Cela répercuté sur la rémunération du salarié détaché, il faut considérer que « le taux de salaire

minimal peut être déterminé soit par des techniques couvrant l’ensemble de la population soit par des accords au niveau sectoriel ».

Il faut également préciser que les systèmes sectoriels peuvent engendrer des différences de salaire plus conséquent. Ces systèmes intègrent bien souvent d’autres éléments dans la rémunération (primes de pénibilité ou classification selon la qualification). Certains salariés détachés seront par conséquent mieux rémunérés que d’autres salariés détachés en fonction du secteur d’activité dans lequel ils travaillent.

La CJUE reconnait le droit souverain des Etats dans la détermination du taux de salaire minimal elle pose malgré tout une limite : « pour autant que cette définition, telle qu’elle résulte de la

législation ou des conventions collectives nationales pertinentes ou de l’interprétation qu’en donnent les juridictions nationales, n’a pas pour effet d’entraver la libre prestation des services entre les Etats membres »116.

Selon une étude de 2016117 les termes utilisés par la directive font apparaître une distinction entre

113 C’est le cas en Belgique, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Pologne et en Roumanie.

114 Study on wage-setting mechanisms and minimum rates of pay applicable to posted workers in accordance with Dir. 96/71/CE in a selected number of Member States and sectors

115 Au Danemark, en Italie et en Suède

116 Par exemple : CJUE 7 novembre 2013 aff. C-522/12, Isbir, pt 37

117 Study on wage-setting mechanisms and minimum rates of pay applicable to posted workers in accordance with Dir. 96/71/CE in a selected number of Member States and sectors

deux questions « la définition des éléments constitutifs du taux de salaire minimal du pays

d’accueil et les sommes versées par l’employeur procédant au détachement pouvant être considérées comme entrant dans le calcul du salaire minimal de l’Etat d’accueil ». Cette

distinction n’apparaît bien souvent pas dans la législation des Etats membres. Concernant les sommes versées, la directive se place du point de vue de l’employeur qui rémunère le salarié. Lorsque la directive s’attache à indiquer que le taux de salaire minimal comprend le taux majoré pour les heures supplémentaires alors elle fait référence aux éléments constitutifs du taux de salaire minimal de l’Etat d’accueil.

Jean-Philippe Lhernould118 indique que la Cour de justice entretient l’ambiguïté. Cette dernière considère en effet que le versement de certaines primes doivent être prise en considération dans le calcul du taux de salaire minimal119 contrairement à la prise en charge du logement et de bons d’alimentation120.

La CJUE entretient la confusion des termes. Paradoxalement, c’est elle qui va déterminer les éléments entrant dans la rémunération minimale due au salarié détaché étant entendu que la directive ne prend pas la peine de déterminer ce qui est inclus dans le salaire ou pas.

II. L’intervention évolutive de la CJUE dans la définition du salaire minimal

La Directive 96/71 prévoit que doit être respecté le taux salarial minimal fixé par les pouvoirs publics et/ou par convention collective déclarée d’application générale de l’État de détachement121. Elle entend ainsi apporter au travailleur la garantie que son salaire atteindra le niveau salarial minimal du pays d’accueil. Elle recherche en cela une protection salariale

118 LHERNOULD J.-P., « La rémunération du salarié détaché dans un Etat membre de l’Union », Etude comparative dans neuf pays et quatre secteurs d’activité à la lumière de la proposition de révision de la directive n°96/71/CE, Droit social 2016, p. 460

119 CJCE, 14 avril 2005, aff. C-341/02, Commission c/ Allemagne 120 CJUE, 12 février 2015, aff. C-396/13, Sähköalojen

minimale. Or la protection minimale peut être renforcée et c’est ainsi que le prévoit la directive 96/71/CE lorsqu’elle précise qu’elle ne fait pas obstacle à l’application de conditions, notamment salariales, plus favorables pour les travailleurs122. Une loi ou une convention peuvent donc permettre au travailleur détaché de percevoir une rémunération supérieure au minimum en vigueur dans l’État d’accueil.

La directive ouvre toutefois aux États membres qui ne connaissent pas la déclaration d’application générale des conventions collectives, la possibilité d’imposer l’application de celles-ci, sous la double condition que « l’État membre en décide ainsi » et que soit assurée une égalité de traitement avec les entreprises nationales du secteur d’activité concerné se trouvant dans une situation similaire123. « La directive permet ainsi une sorte de déclaration d’application

générale ad hoc, concernant à la fois les prestataires de services établis dans un autre État et les entreprises locales »124.

A. UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE LA COUR

S’agissant de l’application des salaires conventionnels de l’État d’accueil, deux affaires ont mis en lumière les réticences de la Cour de justice à l’imposer. La Cour demeure réticente quant à l’application des conventions collectives de l’État d’accueil aux salariés détachés.

Il faut tout d’abord revenir sur l’arrêt Laval125. En l’espèce, un prestataire de services letton réalise des travaux de construction sur des chantiers situés en Suède et y détache du personnel. L’État d’accueil ne prévoit pas de salaire minimum légal et ne connaît pas la procédure de déclaration d’application générale des conventions collectives. Par ailleurs, l’Etat d’accueil n’a

122 Directive 96/71/CE art. 3 &7 123 Directive 96/71, art. 3 § 8

124 RODIERE P., « Le détachement de travailleurs dans l’UE : une zone d’affrontements », 2e partie, Semaine

Sociale Lamy, n°1629, 5 mai 2014