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les règles essentielles de la Directive

Chapitre 2 : La lutte contre le dumping social au travers du salarié détaché

I. les règles essentielles de la Directive

La directive 96/71/CE va tout d’abord définir le salarié détaché. Est donc considéré comme salarié détaché « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le

territoire d’un Etat membre autre que l’Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement »79. N’est donc pas un salarié détaché le salarié qui se trouve mis à disposition sans limitation de durée. Cependant la directive ne mentionne pas de limite précise. Si le salarié entre dans le champ d'application de la directive alors il se voit appliquer les dispositions législatives ou conventionnelles du pays de destination.

Elle va ensuite donner une définition de la prestation de services à laquelle le salarié détaché est indubitablement attaché. « La prestation de services peut consister soit dans l'exécution de

travaux par une entreprise , pour son compte et sous sa direction, dans le cadre d' un contrat conclu entre cette entre prise et le destinataire de la prestation de services, soit dans la mise à

disposition de travailleurs en vue de leur utilisation par une entreprise, dans le cadre d'un marché public ou d' un marché privé »80. Le directive poursuite en précisant « qu'une telle

promotion de la prestation de services dans un cadre transnational nécessite une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs ».

Le champ d’application de la directive est très large et des opérations très diverses sont couvertes dès lors que la prestation de services fait l’objet d’une interprétation extensive en dépit de son caractère résiduel. La directive s’applique donc dans le cas d’un « détachement dans un Etat

membre d’un travailleur, opéré par l’employeur pour son compte et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat le liant avec le destinataire de la prestation de services ; d’un détachement dans un établissement ou une entreprise appartenant au même groupe que l’employeur ; d’une mise à disposition de travailleurs par une entreprise de travail intérimaire (ou une autre entreprise qui exerce cette activité) à une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité sur le territoire d’un Etat membre ».

S’agissant de la situation particulière du travailleur intérimaire, la CJUE, dans une décision du 10 février 2011 a considéré que « le déplacement du travailleur dans l’Etat membre d’accueil

constitue l’objet même de la prestation de services effectuée par l’entreprise prestataire et que ce travailleur accomplit ses tâches sous le contrôle et la direction de l’entreprise utilisatrice ». Le

détachement dans le cadre d’une prestation de services pour le compte de l’employeur s’effectue quant à lui « sous la direction de » ce dernier.

Concernant l’occupation habituelle du travailleur privilégiée par le Règlement Rome I, la directive va poser une exception et considérer qu’il n’existe pas d’obligation que le travailleur soit habituellement occupé dans l’Etat membre sur le territoire duquel est établi son employeur, l’entreprise d’envoi. Il n’existe pas d’obligation non plus que le travailleur soit habituellement au service de l’entreprise d’envoi. Par conséquent, la directive s’applique à l’embauche d’un salarié intérimaire aux seules fins de la détacher dans un autre Etat membre, dès lors qu’il exerçait jusque-là son activité professionnelle dans l’Etat membre d’envoi. En revanche, la directive ne

s’applique pas dans le cadre d’un recrutement d’un salarié habituellement occupé dans un Etat membre, par une entreprise établie dans un autre Etat membre au moyen d’un contrat de travail régi par la loi de ce second, en vue de l’affecter dans le premier Etat membre.

Plus largement, la directive ne vise pas à interdire l’une ou l’autre de ces opérations, mais à garantir l’application des règles juridiques pertinentes. Si l’opération n’entre pas dans le champ d’application de la directive alors elle entre dans un champ plus protecteur du travailleur qu’est celui du champ de la libre circulation des travailleurs en l’absence de mesure transnationale c’est à dire l’application intégrale du droit du travail de l’Etat membre dans lequel est fournie la prestation.

La directive détachement dans un souci de coordination des législations des Etats membres prévoit la mise en œuvre d’un noyau dur de normes sociales minimales. Les employeurs sont dans l’obligation de respecter ce noyau dur pour les salariés détachés. La mise en place d'un noyau dur constitue la prolongation de la technique des lois de police prévue par la Convention de Rome.

Ce noyau dur prévoit des périodes maximales de travail et des périodes minimales de repos, une durée manimale des congés payés, un taux de salaire minimal y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires, les conditions de mise à disposition des travailleurs notamment par des entreprises de travail intérimaire, la sécurité la santé et l'hygiène au travail, les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d'emploi des femmes enceintes et des femmes venant d'accoucher des enfants et des jeunes, l'égalité de traitement entre hommes et femmes et autres discriminations.

Il faut tout de même préciser qu’il ne s'agit pas d'une harmonisation du contenu des règlementations mais de déterminer les règles impératives à respecter pour le pays de destination.

Alors que l’UE n’avait jusque là aucune compétence quant à la détermination du salaire dans les Etats membres, on constate que la rémunération du salarié détaché fait l’objet du socle obligatoire. La directive détachement a en effet pour objectif d’assurer la protection des travailleurs qui passe notamment par la rémunération. L’introduction d’un salaire minimal obligatoire dans le noyau dur de la directive avait pour but d’éviter la concurrence déloyale en

matière de coûts salariaux entre les différents Etats membres qui prévoient des taux de salaires bien différents. Selon la directive, qui fait exception au principe de la loi du pays d’origine, les taux de salaire minimal de l’Etat d’exécution de la prestation s’appliquent au salarié détaché. C’est donc la consécration du principe de l’application de la loi de l’Etat d’accueil. Il faut toutefois apporter une certaine mesure car la consécration se limite au salaire minimum plancher en deçà duquel il est interdit de rémunérer un salarié81. La Cour de justice retient effectivement que « l’article 3 §7 de la directive 96/71 ne saurait être interprété en ce sens qu’il permet à l’Etat

membre d’accueil de subordonner la réalisation d’une prestation de services sur son territoire à l’observation de conditions de travail et d’emploi allant au-delà des règles impératives de protection minimale. En effet, pour ce qui est des matières visées à son article 3 §1, premier alinéa, sous a) à g), la directive 96/71 prévoit expressément le degré de protection dont l’Etat membre d’accueil est en droit d’imposer le respect aux entreprises établies dans d’autres Etats membres en faveur de leurs travailleurs détachés sur son territoire »82.

Il est par ailleurs envisageable de déroger à l’application du taux de salaire minimum si la durée du détachement n'excède pas un mois.

Les dispositions de la directive doivent être fixées par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou sentences arbitrales. La mise en œuvre du noyau dur permet la prévisibilité des obligations qui pèseront sur l'employeur et l'identification du droit applicable. Il représente en cela une sécurité juridique. Malgré tout, la liste du noyau dur laisse une fenêtre ouverte. La directive permet en effet aux Etats d’imposer certaines dispositions d'ordre public de l'Etat de détachement. La directive « ne

fait donc pas obstacle à ce que les États membres, dans le respect du traité, imposent aux entreprises nationales et aux entreprises d'autres États, d'une façon égale : des conditions de travail et d'emploi concernant des matières autres que celles visées au paragraphe 1 premier alinéa, dans la mesure où il s'agit de dispositions d'ordre public »83. On revient alors sur une

81 AUZERO G., DOCKES E. et PELISSIER J., Droit du travail, Précis Dalloz, édition 2013, p. 916 82 CJCE, 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C-341/05

certaine insécurité juridique.