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une approche globale et systémique est toujours

indispensable

1. LE RÔLE DE L’HYDROLOGIE ET DE L’HYDRAULIQUE

Le débit dans une rivière varie en permanence.

Les variations peuvent être cycliques, le cycle le plus classique étant annuel. Le débit moyen varie alors selon le régime de la rivière qui dépend lui-même de la géo-graphie et du climat du bassin versant. Les variations peuvent être épisodiques, avec en particulier des épi-sodes de débit extrêmes, crues ou étiages. Le débit peut également être affecté par des actions anthropiques, par exemple par des prélèvements ou par des réservoirs destinés à le régulariser. Caractériser l’hydrologie d’une rivière est donc délicat car il faut impérativement dé-crire toutes ces évolutions temporelles. De plus, selon la pente, la rugosité ou la morphologie du lit, un même dé-bit peut se traduire par des conditions hydrauliques très diverses en termes de vitesse et de profondeur.

De la même façon que le débit, la qualité de l’eau est également variable en fonction du temps et des sources d’apports. Les cycles touchent tous les facteurs du bio-tope (température, quantité d’oxygène dissous, turbidi-té, concentration en nutriments ou en pesticides, etc.).

Ils peuvent être journalier et/ou saisonnier et/ou annuel.

Les épisodes de pollution, qu’ils soient d’origine acci-dentelle ou non, auront un impact direct à la fois sur les fonctions écologiques et sur les usages. Cet impact sera différent selon l’hydrologie du système et la saison.

Ces caractéristiques, hydrologiques, hydrauliques et physico-chimiques jouent un rôle considérable sur les espèces animales ou végétales.

2. LE RÔLE HYDRO-GÉOMORPHOLOGIQUE DU CONTINUUM LIT MINEUR-LIT MAJEUR

Excepté dans certains cas rares et explicables, une rivière coulant dans une plaine alluviale qu’elle a façon-née, inonde son lit majeur plus ou moins fréquemment (en général à partir du débit de crue de fréquence biennale pour une rivière non aménagée). Que le milieu soit amé-nagé ou non, ces submersions contribuent à l’écrêtement des crues à l’aval. Cette fonction écologique classique du lit majeur d’un cours d’eau peut revêtir une importance cru-ciale dans certains bassins, notamment les plus aménagés, comme par exemple celui du Rhin (Dister et al., 1990).

A QUOI SERT L’INGÉNIERIE ÉCOLOGIQUE ? QUELQUES DOMAINES D’APPLICATION. ≤ CHAPITRE 2 >

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Les crues jouent un rôle fondamental dans les processus morphogéniques car elles assurent l’essentiel du trans-port de la charge de fond et des matières en suspen-sion (MES). Les submersuspen-sions contribuent à fertiliser les lits majeurs, comme dans le cas bien connu du Nil (Saïd, 1993) et le bourrelet sédimentaire ainsi constitué peut aussi avoir son utilité en termes de protection. En outre, si le débit à pleins bords est considéré comme le plus efficace sur le plan du transport solide (concept de « dé-bit dominant »  ; Wolman et Miller, 1960), les déborde-ments, par la « détente hydrocinétique » qu’ils génèrent (Friedkin, 1945), peuvent contribuer à atténuer dans une certaine mesure l’érosion verticale et latérale de leurs berges (Maire, 1990).

Les crues, en tant que moteurs de la morpho-dyna-mique fluviale, peuvent aussi être considérées comme des atouts patrimoniaux. Leurs effets sont perceptibles à différentes échelles de temps, courtes, longues et très longues, ce qui contribue fortement à la diversité des hydrosystèmes, en partie du fait de la présence d’héri-tages géomorphologiques (formes, paysages, dyna-miques relictuelles…). Lorsqu’elles se produisent dans des milieux ruraux, elles peuvent être compatibles avec les modes d’occupation du sol et ne posent pas néces-sairement de problèmes importants. En revanche elles perturbent fortement les espaces aménagés.

3. LE RÔLE HYDROGÉOLOGIQUE DU CONTINUUM LIT MINEUR-LIT MAJEUR-PLAINE ALLUVIALE

Pendant une submersion, l’infiltration depuis la surface du lit majeur s’accompagne, en présence d’un couvert végétal continu de type prairie ou forêt alluviale (tout particulièrement quand cette dernière est parvenue au stade de forêt à bois dur), d’une épuration efficace de l’eau par absorption des phosphates et nitrates (Sanchez Perez et al., 1991). Lorsque les crues antérieures ont déposé dans le champ d’inondation des sédiments fins argilo-limoneux, ce phénomène est renforcé (Trémolières et al., 1994). Des processus de dénitrification par des bactéries peuvent aussi exister dans les sols des zones humides (en milieu hydromorphe), particulièrement dans ceux des lits majeurs, lorsqu’ils sont en condition anoxique (Ruffinoni et al., 2003). Du fait de ces processus d’épuration, les eaux infiltrées dans le lit majeur pendant les inondations rechargent

l’aquifère en eau de bonne qualité, avec des volumes dans certains cas de millions de m3/an pour un même cours d’eau, comme par exemple dans la basse vallée de l’Ill (Humbert, 1990). Rappelons que la recharge de la nappe est également assurée par les précipitations efficaces et l’infiltration à partir du lit mineur. Pendant les basses eaux, le drainage phréatique par les cours d’eau contribue à soutenir les étiages, avec des apports hydriques de bonne qualité, ce qui réduit la pollution des eaux superficielles par effet de dilution ; le caractère sténotherme froid de ces eaux contribue à la régulation thermique des milieux aquatiques.

Inversement la nappe alluviale peut « déborder » dans la plaine alluviale et venir renforcer le caractère humide de certains milieux. Ecologiquement ce phénomène peut être très intéressant du point de vue physicochimique mais également biologique (prairies d’hivernage pour les oiseaux, fossés en eau pour la faune amphibienne ou aquatique).

4. L’AUTOÉPURATION EN LIT MINEUR

Le lit mineur des rivières est aussi le siège d’une importante activité auto-épuratoire. Rappelons que l’autoépuration est définie comme « l’ensemble des processus biologiques intermédiaires ou finaux permettant d’aboutir à la minéralisation des polluants organiques dans les milieux aquatiques ». Elle fait intervenir divers micro-organismes qui nécessitent le plus souvent de l’oxygène dissous. « Le stade ultime de l’autoépuration est marqué par le développement d’organismes autotrophes utilisant les éléments minéraux fournis par la décomposition de la matière organique et libérant de l’oxygène, ce qui favorise la régénération du milieu » (Encyclopédie Larousse).

Un chenal peu artificialisé présentant une forte hétérogénéité d’habitats (séquences seuils-mouilles, alternance de bancs de convexité sur les deux rives, etc.), présente une capacité d’auto-épuration plus élevée (Carbiener, 1990 ; Breil et al., 2007), qu’un cours d’eau chenalisé (Wasson et al., 1995). Cela est notamment lié aux processus d’infiltration en amont des seuils et des bancs, et d’exfiltration à leur extrémité aval, lesquels conditionnent la présence d’une zone hyporhéique (ou hyporhéos), qui est le siège de l’essentiel des processus de filtration, physique, chimique et biologique (par exemple Breil et al., 2007).

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5. HABITATS ET ACTIVITÉ BIOLOGIQUE DANS L’HYDROSYSTÈME FLUVIAL

Les cours d’eau et leurs abords sont le support du développement d’une diversité d’habitats particuliè-rement riche (prairies humides, tourbeuses ou alluviales, connectées par la surface ou les nappes, bois alluviaux à bois durs ou tendres, grèves, vasières, roselières, méga-phorbiaies, milieux dunaires, mares, chenaux à débit et énergie plus ou moins élevés etc.). Variés et soumis à des conditions environnementales particulièrement chan-geantes, ces habitats sont le siège d’une production et d’une diversité biologiques particulièrement élevées.

Ils remplissent de nombreuses fonctions biologiques pour les espèces qu’ils accueillent (nourriceries pour les jeunes et alimentation pour les adultes, repos face à des courants forts, refuge en cas de pollution, hivernage, fraie ou nidification, etc.) et participent à quasiment toutes les autres fonctions écologiques associées à la ri-vière : écrêtement des crues, infiltration et recharge des nappes, soutien d’étiage, épuration, protection contre l’érosion, sédimentation, régulation thermique, etc.).

Cette diversité d’habitats et de fonctions est également la source d’une biodiversité importante :

• Le lit mineur et les eaux stagnantes de la zone inondable abritent du phytoplanction et zooplanc-ton, des algues, des invertébrés aquatiques, des macrophytes aquatiques, des hélophytes, des pois-sons, des oiseaux d’eau, des mammifères aqua-tiques, etc. (Amoros et Petts, 1993) ;

• Sur les zones riveraines où l’effet d’écotone (de tran-sition entre l’écosystème aquatique et l’écosystème terrestre) est particulièrement fort, c’est tout un gra-dient biologique qui s’installe  : des ligneux tendres aux ligneux durs, des scirpes jusqu’aux roseaux, des insectes amphibies aux insectes terrestres, etc. ;

• Dans les annexes hydrauliques (anciens méandres partiellement ou temporairement connectés, bras morts, bras secondaires, criques, fossés…), où lit mi-neur et zones riveraines sont encore plus rapprochés, cette diversité est concentrée et particulièrement éle-vée (par exemple Schniztler et Carbiener, 2007).

6. LES ASPECTS PAYSAGERS, RÉCRÉATIFS ET ÉDUCATIFS

Donner un rôle paysager, récréatif ou éduca-tif aux écosystèmes devient de plus en plus un objecéduca-tif

important pour les maîtres d’ouvrage. Ces activités cor-respondent à la garantie d’une appropriation de l’hy-drosystème, voire à une certaine reconnaissance de ses divers atouts (et contraintes) par les citoyens. Après un désintérêt, voire un déni, de plusieurs dizaines d’années du rôle des cours d’eau dans la vie quotidienne (Lech-ner, 2006), l’aspect éducatif paraît aujourd’hui particu-lièrement prégnant dans les différents projets d’ingé-nierie écologique des milieux aquatiques. Il contribue à la prise de conscience, par les différents acteurs de la société, de l’importance des équilibres écologiques et contribue ainsi à un développement plus « durable ».

La qualité paysagère est souvent fortement associée à la diversité des habitats. La valeur paysagère accordée aux rivières à méandres, tresses, ou anastomoses est par exemple souvent plus élevée qu’ailleurs. Il pourrait être envisagé d’appliquer à ces styles fluviaux les mêmes principes de gestion patrimoniale qu’aux espèces végé-tales ou animales en voie de disparition, en utilisant par exemple le concept de géomorphosite (Reynard, 2005 ; Reynard et Panizza, 2005).

7. LES CONTRAINTES LIÉES AUX USAGES ET AUX USAGERS ET LE LIEN AVEC LA DCE

Les opérations d’ingénierie écologique s’inscri-vent en général dans la recherche d’un retour au bon état, tel qu’il est préconisé par la Directive Cadre sur l’Eau.

Cependant, ré-aménager un cours d’eau a souvent éga-lement des conséquences sur les usages qui y sont prati-qués : certains usages anciens peuvent être plus faciles ou au contraire plus difficiles à pratiquer, des usages nouveaux peuvent apparaître.

On oppose souvent le retour au bon état écologique aux usages anthropiques de la rivière en considérant les usages comme les principaux responsables de la dégra-dation. Cette opposition est bien sur une erreur. La ri-vière constitue un anthropo-hydro-système ; l’homme en fait partie intégrante et jouera nécessairement un rôle.

Si cette composante humaine n’est pas prise en compte dès les premières étapes de la réflexion, les interactions entre le milieu réaménagé et les usages qui y sont pra-tiqués peuvent compromettre la réussite de l’opération.

Il est donc nécessaire d’impliquer les représentants des différents usagers dès les premières phases du projet afin de connaître les contraintes que leurs usages im-pliquent et de comprendre celles qu’elles imposent au

Ce paragraphe introductif montre à l’évidence qu’un milieu aquatique constitue un écosystème com-plexe dans lequel toutes les fonctions sont liées entre-elles. Une approche globale et systémique est donc tou-jours nécessaire. Cet aspect devra impérativement être toujours présent dans l’esprit du lecteur.

Pourtant, les motivations des maîtres d’ouvrage sont-elles souvent plus concrètes  : réhabiliter une zone hu-mide, remettre en valeur une rivière dans la traversée d’une ville, valoriser les eaux de pluies, protéger une res-source en eau, etc.

Nous avons donc choisi d’organiser ce chapitre du point de vue du décideur politique en essayant d’iden-tifier les raisons principales qui peuvent le conduire à mettre en œuvre une action d’aménagement sur un mi-lieu aquatique.

Nous avons ainsi identifié sept points d’entrée qui nous pa-raissent représentatifs des motivations principales pos-sibles des maîtres d’ouvrage. Ces points d’entrée ne sont pas hiérarchisés, ni par leur importance économique, ni par leurs enjeux écologiques ou sociaux et l’ordre dans lequel ils sont traités ne résulte d’aucune volonté particulière :

• Protéger la qualité physico-chimique de la res-source en eau en luttant en particulier contre les pollutions diffuses ;

• Améliorer le traitement des rejets ponctuels et diminuer leurs impacts sur les milieux aquatiques récepteurs ;

• Gérer les crues et les inondations ;

• Maîtriser les évolutions du lit des cours d’eau (in-cision, atterrissement, ...) et mieux gérer les formes fluviales ;

• Mieux gérer les eaux pluviales urbaines en dimi-nuant leurs effets négatifs et en les valorisant ;

• Valoriser des paysages et/ou des usages ou des aménités liés à l’eau ;

• Restaurer les milieux aquatiques et développer la biodiversité.

Notre objectif est double :

• d’une part montrer que pour chacun des objectifs il est possible d’utiliser efficacement des méthodes et outils issus de l’ingénierie écologique ;

• d’autre part expliciter dans chacun des cas la fa-çon de s’appuyer sur les grands principes présen-tés dans le chapitre 1.

Le plan de présentation sera identique pour chacun des points d’entrée :

• Description du contexte et des enjeux de façon à montrer comment une approche d’ingénierie écolo-gique peut s’avérer efficace ;

• Analyse détaillée des grands principes d’ingénie-rie écologique à mettre en œuvre pour assurer la réussite de l’opération ;

• Présentation des méthodes et des outils utili-sables, qu’ils soient structurels (dispositifs, aména-gements) ou non structurels (maîtrise foncière, ac-tion de gesac-tion ou d’entretien, etc.) ;

• Identification des limites et des freins actuels, mais aussi des perspectives d’évolution dans les années à venir.

A QUOI SERT L’INGÉNIERIE ÉCOLOGIQUE ? QUELQUES DOMAINES D’APPLICATION. ≤ CHAPITRE 2 >

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milieu. A titre d’exemple, la pratique des sports nau-tiques peut être rendue dangereuse du fait de certains aménagements, notamment des seuils ou des barrages à pertuis mal conçus. Consulter la fédération ou les clubs locaux pratiquant cette activité permet de ficier de leur expertise et de trouver des solutions béné-fiques à la fois pour l’usage et pour le milieu.

Identifier les usages existants est en général facile ; trou-ver des organismes représentant les usagers peut être un peu plus compliqué ; imaginer les usages nouveaux est extrêmement difficile. A cette nécessaire consulta-tion initiale doit donc être associé un suivi des usages ef-fectivement pratiqués.

L’un des concepts fondamentaux de l’ingénierie écolo-gique est finalement que l’on peut aménager un milieu aquatique pour répondre à des demandes sociales, tout en favorisant un fonctionnement plus naturel de ce mi-lieu. Ce concept repose sur deux constats. Le premier est qu’un milieu aquatique en bon état est susceptible de rendre plus de services à la société qu’un milieu dé-gradé. Le second est que l’homme fait partie de l’éco-système et en conséquence toute opération qui ne pren-drait pas en compte la dimension sociale a de bonnes chances d’être condamnée à l’échec.

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Les motivations des maîtres