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Classification des zones de rejet végétalisées

En complément, les ZRV peuvent répondre à un objec-tif de production de biomasse en lien avec les proprié-tés du sol et le climat, ou/et à un objectif d’aménagement paysager et devenir des écosystèmes particulièrement riches et diversifiés.

Dans certains cas, les ZRV reçoivent, outre les eaux usées traitées, les eaux du by-pass du déversoir de tête de la station d’épuration et/ou les eaux transitant par le réseau pluvial. A ce titre, elles peuvent constituer un

maillon protecteur majeur du milieu naturel en cas d’évè-nements exceptionnels (pluies, surcharges hydrauliques temporaires, etc.) entrainant éventuellement un dysfonc-tionnement temporaire de la station d’épuration.

Face à une telle diversité de situations, l’efficacité réelle des ZRV est extrêmement variable selon les sites. Par ailleurs, les mécanismes de réduction des polluants dans les trois compartiments « eau-sol-plante » sont encore peu connus.

C’est pourquoi des suivis complets sont indispensables.

photo: christine boutin – irstea A QUOI SERT L’INGÉNIERIE ÉCOLOGIQUE ? QUELQUES DOMAINES D’APPLICATION. ≤ CHAPITRE 2 >

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CONCEVOIR UNE ZRV SELON LES OBJECTIFS CHOISIS ?

La démarche de conception doit, selon le der-nier principe de l’ingéder-nierie écologique, être basée sur une approche scientifique et technique rigoureuse dans la conception, la réalisation et l’évaluation des projets, basée sur des règles de l’art partagées.

Jusqu’à présent, la conception des ZRV était basée sur une approche plus empirique que scientifique (comme c’était le cas des stations d’épuration dans le passé). La définition de règles de l’art relatives à la conception, au dimensionnement et à l’entretien des différents types de ZRV passe par la mise en place de programmes de re-cherche et de suivi de ces installations menés à diffé-rentes échelles.

La définition des travaux à conduire nécessite la bonne prise en compte des différents objectifs pouvant être as-signés aux ZRV :

• réduction des volumes rejetés ;

• rétention des matières en suspension ;

• rétention des nutriments ;

• réduction des germes témoins de contamination fécale ;

• réduction des micropolluants ;

• production de biomasse ;

• aménagements paysagers ;

• réduction des coûts d’investissement pour l’éva-cuation des eaux épurées.

6.1 Réduction des volumes rejetés

La réduction des volumes rejetés s’avère être le premier objectif assigné aux ZRV. Cette réduction s’effectue se-lon 3 mécanismes  : infiltration, évapotranspiration et évaporation.

• La lame d’eau perdue par percolation-infiltration est fortement liée aux caractéristiques des sols. Le tableau 2 établit le lien entre les propriétés d’un sol et sa perméabilité mesurée : les ordres de gran-deur varient entre plusieurs dizaines et des milliers de millimètres par jour.

• L’évapotranspiration est un phénomène saison-nier lié au développement végétatif des espèces en place. Pendant la période favorable, l’ordre de

ment estimé être de l’ordre du millimètre par jour 4. En hiver, l’évapotranspiration est négligeable, voire nulle. Ainsi les pertes potentielles par évapotrans-piration sont nettement plus faibles que celles par infiltration, sauf pour des sols très peu perméables, de type argileux.

• L’évaporation est un phénomène physique saison-nier qui dépend des conditions climatiques. L’ordre de grandeur se situe à l’échelle du millimètre par jour. On rencontre des pointes de l’ordre du centi-mètre en zones ventées et très ensoleillées. L’éva-poration conduit certes à une réduction des vo-lumes rejetés, mais elle n’a pas d’impact positif sur les flux de pollution car elle conduit simple-ment à concentrer les eaux. À l’inverse, les phéno-mènes d’infiltration, mais aussi d’évapotranspira-tion, conduisent non seulement à une réduction des volumes, mais aussi à une réduction concomitante des flux polluants rejetés dans le milieu superficiel.

Les ordres de grandeur des flux réduits par infiltration, évapotranspiration et évaporation permettent donc de relativiser l’impact de l’évaporation et de l’évapotrans-piration par rapport à l'infiltration dans les bilans hy-driques. La réduction des flux rejetés au milieu se fait en priorité par l’infiltration et le sol a donc le plus sou-vent un rôle majeur. Il est donc impératif d’inclure dans la démarche des études globales du sol et sous-sol d’un point de vue géologique, hydrologique et pédologique.

Un guide intitulé « Contenu des études préalables à la réalisation d’une ZRV » comprenant 5 fiches techniques a d’ores et déjà été élaboré par le groupe EPNAC (ate-lier ZRV du groupe de travail EPNAC, 2012).

6.2 Rétention des matières en suspension

La capacité de rétention des matières en suspension par les ZRV, lors de pertes de boues accidentelles ou lors des by-pass en épisodes pluvieux, a un impact très positif vis-à-vis du milieu superficiel et peut en faire des ouvrages de protection essentiels. Néanmoins, les dé-pôts de boues sont susceptibles de ralentir les vitesses d’infiltration de l’eau, voire de colmater les ZRV et la question de la gestion de l’évacuation des boues accu-mulées se pose, incluant la conception des voies d’accès.

4 Certaines plantes dans la famille des « bambous » auraient des facultés à évapotranspirer des pointes évaluées à une dizaine de centimètres par jour dans quelques cas très favorables.

Pour gagner 10 points de rendements en période es-tivale, une surface minimale de 2 m2/ habitant est re-quise pour l’exportation du phosphore et de 1 m2/ ha-bitant pour celle de l’azote. À défaut de disposer de surfaces importantes et de réaliser une exportation mé-canique des végétaux, il n’est pas possible de réduire de façon notable les nutriments. C’est pourquoi le terme de « phytoépuration » est totalement inapproprié.

6.4 Réduction des concentrations en germes témoins de contamination fécale

La réduction des germes témoins de contamination fé-cale, dans la tranche d’eau libre, est relativement bien connue et nécessite un temps de passage suffisant : s’il est inférieur à quelques jours, il ne semble pas raison-nable d’afficher un objectif d’ordre sanitaire. Dans le sol, la transposition des mécanismes connus dans les fi-lières par « cultures fixées » peut également s’envisager si la dégradation se poursuit effectivement en condi-tions insaturées. La réduction attendue dépendra alors principalement de la texture/granulométrie du sol et de sa hauteur  : on peut s’attendre à obtenir de meilleurs taux d’abattements pour des matériaux aux textures les plus fines ou pour des hauteurs de sols les plus impor-tantes. Le rôle du végétal vis-à-vis des germes témoins de contamination fécale reste à ce jour très faiblement documenté.

6.5 Réduction des micropolluants

La mise en place de ZRV est potentiellement intéres-sante pour réduire les micropolluants contenus dans les effluents de stations d’épuration. Les résultats du projet ARMISTIQ 6 démontrent qu’il pourrait être judicieux de réaliser deux types d’ouvrages :

• l’un à faible tranche d’eau, avec un temps de pas-sage suffisant et un courant d’eau permettant de limiter le couvert végétal en surface, en vue de maximiser la photo-dégradation de certaines subs-tances (par exemple diclofénac, carbamazépine) ;

• l’autre utilisant une filtration immergée sur des matériaux aux propriétés adsorbantes (par exemple charbon actif, argile expansée, zéolites) permettant de piéger certains micropolluants. On s’éloigne alors du cadre de l’ingénierie écologique, 6.3 Rétention des nutriments

L’expérience acquise sur des systèmes extensifs tels que le lagunage naturel ou les filtres plantés de roseaux est difficilement transposable aux ZRV. En effet, ces sys-tèmes de traitement fonctionnent à des charges orga-niques et hydrauliques très différentes de celles des ZRV.

Pour autant, il est légitime de s’attendre à une légère ré-duction des flux d’azote de l’eau ruisselant en surface des sols si les temps de passage ne sont pas trop courts.

Dans le cas de sols perméables ou très perméables, les transferts hydrauliques importants conduiront à un les-sivage en profondeur des nitrates formés, l’éventuelle dénitrification étant considérée comme négligeable.

Le piégeage partiel du phosphore dans le sol pourrait s’envisager, sous réserve de réunir les très nombreuses conditions physico-chimiques favorables à une telle réaction.

L’éventuelle contribution du végétal à l’assimilation des nutriments est estimée à partir de la bibliographie inter-nationale : un couvert de végétaux aquatiques exporte-rait en moyenne, à l’année, de 3 à 15 g/m2 de phosphore et de 100 à 250 g/m2 d’azote 5 (Vymazal et al., 1998).

Les fourchettes restent donc très larges même si les va-leurs extrêmes ont été volontairement écartées afin de fixer des ordres de grandeur. Pour bénéficier de cette exportation de nutriments, quelle que soit la filière, il convient d’extraire le végétal du système, soit par fau-cardage de la partie aérienne des végétaux avant qu’ils ne versent, soit par la récolte régulière des végétaux flottants. En absence d‘extraction des végétaux, la ma-jorité des nutriments retourne dans l’eau suite aux pro-cessus de décomposition.

À titre d’exemple, et à partir de ces quelques éléments théoriques, on peut évaluer la surface nécessaire pour compléter le rendement d’une station d’épuration.

5 L’Unité de référence est bien l’azote élémentaire N et non pas les nitrates NO3

-6http://armistiq.irstea.fr/

Les ordres de grandeur des flux réduits par infil-tration, évapotranspiration et évaporation per-mettent donc de relativiser l’impact de l’évapo-ration et de l’évapotranspil’évapo-ration par rapport à l'infiltration dans les bilans hydriques. La réduc-tion des flux rejetés au milieu se fait en priorité par l’infiltration et le sol a donc le plus souvent un rôle majeur.

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et on retrouve ici l’ambiguïté du positionnement de l’épuration dans les principes de l’ingénierie écolo-gique : bien que répondant bien à ces principes, les procédés de traitement des eaux usées de ce type relèvent également du génie des procédés.

Seraient visées les substances bien éliminées en stations d’épuration domestiques mais dont les concentrations restent élevées dans les eaux traitées du fait de leurs concentrations dans les eaux usées brutes (anti-inflam-matoires) et les substances réfractaires aux traitements d’épuration biologiques (certains pesticides, antibio-tiques, antidépresseurs, produits de contraste, certains bétabloquants). Si le temps de passage est inférieur à quelques jours, il ne semble pas raisonnable d’afficher un objectif de réduction des micropolluants sauf pour la rétention sur charbon actif.

Par ailleurs, certaines substances dont la concentra-tion diminue dans les rejets à l’aval de la ZRV, ne sont pas réellement éliminées. Elles sont simplement piégées dans les sédiments, le sol ou les plantes de la ZRV. Il est donc nécessaire de réfléchir d’une part aux risques de relargage et d’autre part aux implications en termes d’entretien des ouvrages.

6.6 Production de biomasse

La ZRV est une culture à part entière, au sens agrono-mique, et les analyses pédologiques préalables s’avèrent donc essentielles pour identifier les sols appropriés à une production végétale donnée. Le dimensionnement, en lien avec le climat, repose sur des lames d’eau ap-portées et les nutriments disponibles, tout en évitant les risques de salinisation du sol. Des systèmes de taillis de saules à très courte rotation (TTCR) ont fait l’objet d’un suivi dans le cadre d’un projet européen LIFE Environne-ment (2004-2007). Les principales conclusions tirées de cette étude sont les suivantes :

• les surfaces requises sont importantes, de l’ordre de 50 m2/habitant ;

• le rendement moyen annuel de production, mesuré lors de la première année est de 8,8 t MS/ ha

(ma-tières sèches par hectare), et la mesure de l’expor-tation annuelle d’azote et de phosphore par le bois s’établit respectivement à 5,4 g7 de N/m2 et 0,8 g de P/m2. L’énergie combustible fournie par un tel ton-nage de MS-bois correspondrait à environ 2 500 L de fuel. Cette valeur faible tendra à s’accroitre si les taillis sont stockés et séchés avant combus-tion. En absence de stockage intermédiaire contri-buant à sécher les taillis, la production de biomasse reste modérée : la couverture des besoins énergé-tiques d’un foyer vivant dans une maison d’isola-tion classique nécessiterait de l’ordre d’un hectare de « taillis » ;

• les mécanismes d’épuration supplémentaires dans le sol n’ont pu être évalués.

L’implantation de toute végétation de grande taille (bambous, peupliers, etc.) relève de la logique d’une pro-duction végétale et les études pédologiques préalables sont nécessaires. Les surfaces requises semblent être va-riables selon les espèces, le minimum étant évalué à une dizaine de m2 pour éliminer l’eau rejetée par un habitant.

6.7 Biodiversité et paysage

Les ZRV peuvent devenir des exemples d’avancée écolo-gique et constituer un îlot de vie pour certaines espèces animales et/ou végétales, en devenant des écosystèmes particulièrement riches et diversifiés, agréables visuelle-ment grâce à leur intégration paysagère réussie 8. On retrouve cependant les difficultés à concilier dans un même espace des fonctions techniques, des fonctions écologiques et des fonctions d’usage diversifiées. Il faut noter qu’un espace clos peut jouer un rôle paysagé et que l’absence de fréquentation humaine est générale-ment favorable à la biodiversité.

6.8 Réduction des coûts d’investissement pour l’évacuation des eaux traitées

La réalisation d’une ZRV peut permettre, si la nature du sol et du sous-sol l’autorise, de ne pas réaliser de tra-vaux pour rejoindre un exutoire éloigné.

7 Cette valeur correspond effectivement à la fourchette basse des exportations de nutriments.

8 Certains membres du groupe de travail ont cependant soulevé un point de vigilance : certains ouvrages peuvent devenir des zones pièges pour la faune. Un ouvrage de traitement « naturel » (lagunage, zone humide artificielle, zone de rejet végétalisée, etc.) peut se présenter comme un refuge pour certaines espèces qui viendront alors s’y installer. Si la concentration en polluants, et en particulier en micropolluants, est trop forte, alors ce refuge peut se transformer en un piège mortel pour les espèces qui le colonisent. De plus, du fait des transferts dans la chaine alimentaires et des potentielles accumulations associées, les perturbations peuvent se propager dans l’écosystème et contaminer des espèces qui n’ont qu’une relation épisodique avec le milieu. Sans être exagérés, ces risques doivent cependant être analysés

9Voir http://epnac.irstea.fr

10 Voir http://epnac.irstea.fr

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Perspectives et freins

L’ingénierie des procédés d’épuration des eaux répond globalement bien aux principes de l’ingénierie écologique de par :

• sa finalité, qui vise à améliorer/restaurer/préser-ver la qualité de l’écosystème que constituent les eaux superficielles recevant les rejets ponctuels d’eau traitée ;

• la mise en œuvre maitrisée d’outils basés sur les processus naturels des écosystèmes ;

• la mise en place d’une démarche fondée sur une approche scientifique et technique rigoureuse dans la conception, la réalisation et l’évaluation des pro-jets, et s’appuyant sur des règles de l’art partagées.

Ingénierie écologique et ingénierie des procédés d’épuration sont d’autant plus proches que les pro-cédés sont extensifs, donc éloignés d’opérations unitaires relevant du génie des procédés.

Les zones de rejet végétalisées (ZRV), ouvrages exten-sifs d’un type nouveau placés entre le rejet de la sta-tion d’épurasta-tion et le milieu récepteur, visent à préser-ver la qualité de l’écosystème aval et fonctionnent selon des processus naturels tandis qu’une démarche basée sur une approche scientifique et technique rigoureuse dans la conception, la réalisation et l’évaluation des pro-jets est en cours de mise en place.

Pour avancer dans la conception, le dimensionnement et la gestion technique de ces ouvrages, il convient au-jourd’hui (i) de poursuivre le recueil des données rela-tives au fonctionnement des ZRV et à leurs contraintes d’exploitation selon un protocole défini et partagé par les acteurs du domaine9 et (ii) de progresser dans la connaissance du rôle respectif des trois compartiments

« eau-sol-plantes » et de son évolution dans le temps vis-à-vis de la réduction des volumes rejetés, de la réten-tion/dégradation des polluants et de la réduction des germes témoin de contamination fécale pour chaque type de ZRV considéré. Il s’agira notamment :

• d’identifier les processus majoritaires de dégrada-tion (d’éliminadégrada-tion ?) des polluants majeurs et des micropolluants, et d’évaluer l’importance des mé-canismes de sorption et de désorption ;

• d’évaluer l’importance des processus de photo-dégradation vis-à-vis de certains micropolluants ;

Les zones de rejet végétalisées