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Chapitre 3. La valorisation au cœur des dynamiques professionnelles des

3.1. Une approche du « développement professionnel »

Devant la diversité des situations professionnelles de mise en œuvre des savoirs et des compétences et devant « l’espace différentiel d’opportunité » (Berthelot et al., 2005 : 165) que constitue l’état du champ disciplinaire « Sciences de l’éducation » à un moment donné, nous étudions les pratiques de valorisation en regard du développement professionnel des enseignants-chercheurs. Plus exactement nous cherchons à savoir si la complexification des activités de valorisation observées dans cette discipline est liée à une diversification des processus de développement professionnel des enseignants-chercheurs. Par conséquent, nous allons préciser les différentes conceptualisations du « développement professionnel ».

3.1.1. Les principaux cadres théoriques du « développement professionnel »

Les conceptions et les théories mobilisées depuis plus d’une décennie dans les recherches consacrées au concept de développement professionnel sont d’une grande diversité (Brodeur, Deaudelin & Bru ; 2005). De même, le terme de « développement professionnel » renvoie à des objets de nature tout à fait différente. Dans un article de 1999, Boutin s’intéresse au développement professionnel sous l’angle de la construction des identités professionnelles

durant les carrières enseignantes tandis qu’un numéro de la revue « European Journal of

Teacher Éducation » (Killeavy, 2001) intitulé « Professional development in teacher

education » traite en fait des dispositifs de formation continue susceptibles de favoriser le « renouvellement » des savoirs professionnels des enseignants.

D’après Uwamariya et Mukamuera (2005), une partie de la littérature scientifique consacrée au concept de développement professionnel traite des processus dynamiques de transformation des pratiques, des comportements, des modes de pensée des professionnels qui tendent à structurer le déroulement des carrières1 par une succession de stades particuliers : cette perspective théorique est qualifiée de développementale (Ibid.).

3.1.1.1 Le « développement professionnel » dans une perspective

développementale

Dans une visée élargie à l’ensemble de la vie des individus, les travaux fondateurs de Super (1957) s’intéressent au développement de la trajectoire professionnelle incluse dans les parcours des acteurs. A partir d’une analyse des « tâches », des choix et des intérêts des individus et dans une moindre mesure de ceux de l’organisation, cet auteur (Ibid.) définit les grandes étapes développementales qui organiseraient la majorité des trajectoires depuis l’enfance jusqu’à la retraite (croissance de 0 à 14 ans, exploration de 15 à 25 ans, établissement de 26 à 45 ans, …). S’inspirant de cette approche, Huberman (1989) propose2 un modèle général de déroulement des carrières enseignantes à partir d’une revue de la littérature empirique. L’auteur (Ibid. : 8) n’avance néanmoins aucune séquence linéaire et monolithique mais parle plutôt de « tendances centrales » dans les caractéristiques des différentes étapes et dans l’agencement de ces dernières pour former les carrières (elles varient notamment selon le sexe) :

1) la phase d’entrée dans la carrière ou phase d’exploration qui combine l’aspect « survie» (confrontation au réel et à l’inattendu) et l’aspect « découverte » (enthousiasme des débuts, expérimentation),

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Plus généralement, l’étude des différentes phases de la vie humaine a suscité de nombreux travaux de recherche dès les années 1950 avec notamment l’ouvrage de White (1952 : cité par Huberman, 1989) intitulé « The study of lives ».

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Plus récemment, Nault s’intéresse aux différentes phases du processus de socialisation et d’insertion professionnelles (1999 : 140) qui « consiste à acquérir les attitudes les connaissances et les comportements conformes aux exigences requises pour pratiquer certains actes spécialisés d’une profession ». En effet, cette construction d’un « moi professionnel personnalisé» (Ibid. : 141) revêt pour ce chercheur une importance considérable dans le développement professionnel dans la mesure où les pratiques enseignantes reposent plus sur leurs ressources personnelles que sur des protocoles d’actions prédéfinis scientifiquement. Pour Barone et al. (1996), le développement concerne plutôt le niveau de compétences professionnelles et il commence lors de la prise de fonction (niveau d’enseignant novice) jusqu’au niveau de l’enseignant efficace.

2) la phase de stabilisation (engagement de l’individu et de l’institution, consolidation pédagogique, ….),

3) la phase de diversification ou d’expérimentation qui peut se traduire par l’obtention de responsabilités administratives. Ces nouvelles activités sont parfois associées à une sous-étape de remise en question (sentiment de routine ou réelle crise existentielle face à la poursuite de sa carrière)

5) les phases précédentes déboucheraient alors soit sur une période de « sérénité et distance

affective » marquée par le détachement progressif vis à vis des problèmes de la classe (moins

énergique, moins investi, plus détendu) soit sur une phase de « conservatisme et plainte » à propos du niveau des élèves ou de la politique d’éducation,

6) enfin, la phase de « désengagement » verrait les enseignants se détacher progressivement de l’exercice professionnel, « positivement » pour la majorité d’entre eux et avec amertume pour certains.

A partir de ce modèle global, l’auteur a mené des investigations auprès d’une large population d’enseignants pour préciser la description des périodes et mettre au jour des itinéraires-types de carrières c’est-à-dire des parcours professionnels qui suivent les mêmes séquences. Toutefois, la construction empirique des stades de la vie professionnelle dans l’enseignement repose sur l’analyse des changements individuels qui surviennent sur un plan professionnel (nouvelles compétences, évolution de la perception des élèves,…) et sur un plan personnel (croyance, valeurs, vie familiale…). Or, différents auteurs tels que Boutin (1999) ont critiqué le fait que cette perspective développementale ne prend pas réellement en compte les effets des évolutions de l’environnement personnel et des conditions d’exercice professionnel des enseignants sur leurs croyances, leurs valeurs ou leurs motivations. Par exemple, on peut se demander si ces modèles de carrières en stades, conçus particulièrement dans les années 1960 et 1970, correspondent aux carrières effectives actuelles qui semblent marqués par des périodes de ruptures et de changements. Dans une visée moins globale et plus centrée sur l’activité professionnelle et ses constituants, une seconde perspective théorique qualifiée de « professionnalisante » (Uwamariya & Mukamuera, 2005 : 156) a donc émergé.

3.1.1.2 Le « développement professionnel » dans une perspective

professionnalisante

Ce courant de recherche étudie le mouvement de professionnalisation des pratiques défini notamment comme l’accroissement de la maîtrise et de l’efficacité individuelle et/ou collective conséquemment à un « processus d’amélioration des capacités et de rationalisation

ici de la professionnalisation au sens de la production (au niveau du corps professionnel) et de l’acquisition (par les professionnels) d’un système d’expertise considéré comme nécessaire pour exercer idéalement la profession (Wittorski, 2007). Le processus de développement est alors considéré comme développement de la professionnalité en vue de devenir un professionnel compétent et responsable (ajout de la dimension éthique au système d’expertise) capable de résoudre des problèmes complexes et variés de manière autonome (Perrenoud, 2001).

Selon Day (1999), ce processus de développement est le produit d’un processus d’apprentissage qui dépasse le cadre des expériences de formation et inclut tous les événements formels ou informels de la vie, dans le contexte professionnel et non professionnel. En effet, l’auteur (Ibid. : 4) insiste non seulement sur l’apport de la formation initiale et de la formation continue mais aussi sur la contribution des expériences naturelles et privées, seul ou en interaction pour le développement professionnel des acteurs :

« Le développement professionnel se compose de toutes les expériences naturelles

d’apprentissage ainsi que des activités conscientes et programmées destinées au bénéfice direct ou indirect de l’individu, du groupe ou de l’école, qui contribuent, par cet intermédiaire, à la qualité de l’éducation en classe. C’est le processus par lequel, seuls ou avec d’autres, les enseignants revoient, renouvellent et prolongent leur engagement en tant qu’agents de changement axés sur les fins morales de l’enseignement, et par lequel ils acquièrent et développent de façon critique les connaissances, les habiletés et l’intelligence émotionnelle essentielles pour une bonne réflexion, une bonne planification et une bonne pratique professionnelles (…) » (traduit par nous).

Dans cette logique, Day (Ibid.) propose alors un modèle présentant les facteurs qui favoriseraient un développement efficace en vue d’accroître la professionnalité des enseignants.

Figure 1. Les facteurs contribuant à un développement professionnel de qualité (d’après Day, 1999 : 4)

Cependant, cette conceptualisation d’ordre « praxéologique » nous semble problématique dans la mesure où elle repose sur une vision « idéaliste » du développement. En effet, cette définition suggère que seules les activités qui contribuent positivement à l’amélioration des activités d’enseignement relèvent de ce processus. Or les travaux sur les pratiques enseignantes (Bru, 2002) ont montré combien était difficile la recherche de la « bonne pratique professionnelle » d’enseignement. Il n’en reste pas moins que les travaux de Day (Ibid.), dont nous nous autorisons à étendre la portée au-delà des seuls enseignants, soulignent la difficulté à distinguer les apports respectifs des expériences vécues dans les différentes sphères de la vie sociale sur le développement des professionnels. Selon l’auteur, en se centrant majoritairement sur les contenus à transmettre, les formations professionnelles ne prendraient pas en compte les apprentissages réalisés hors de ce contexte alors qu’ils sont déterminants dans la construction des identités professionnelles.

Les travaux qui s’intéressent particulièrement à l’intérêt et aux limites des formations formelles en termes de développement des acteurs constituent donc un second courant de recherche de la perspective professionnalisante que nous pouvons identifier. Dans cette catégorie de travaux, le développement professionnel est généralement analysé sous l’angle des moyens qui permettent de l’alimenter : formations initiales, formations continues, perfectionnement professionnel (Donnay & Charlier, 2006). Par conséquent, ces travaux3 portent globalement sur la construction, l’acquisition ou la transformation des savoirs4 et savoir-faire considérés comme nécessaires à l’exercice professionnel, en présumant ou en rendant compte empiriquement des effets de ces processus sur les pratiques (effets qualifiés alors de « professionnalisants »).

Dans un contexte professionnel de liberté et d’autonomie académiques, la question du développement professionnel des enseignants-chercheurs semble plus problématique (Beney & Pentecouteau, 2004 ; de Peretti, 1982). La formation initiale et l’insertion dans le métier restent essentiellement structurées par la formation doctorale à la recherche et la socialisation

3 Ainsi, Perrenoud et Gather Thurler (2004) montrent comment la formation des chefs d’établissements peut être pensée pour contribuer à professionnaliser ce métier : les auteurs (Ibid.) soulignent qu’au-delà d’un programme de formation basé sur une analyse du travail réel des chefs d’établissement, la formation devrait conduire ces derniers à réfléchir sur ce qu’ils devraient faire pour contribuer à rapprocher le système éducatif de ses missions globales (notamment favoriser l’innovation pédagogique).

4 La question des « savoirs » mobilisés par les enseignants dans et pour leurs activités professionnelles (et plus largement par tous les acteurs agissant) constitue un objet de débat dans le monde scientifique. De nombreux auteurs proposent des typologies qui diffèrent selon la nature des savoirs considérés (e.g. savoirs théoriques et savoirs d’action, (Barbier, 1996)), selon la source d’acquisition des savoirs ou selon leur mode d’élaboration (e.g. savoirs disciplinaires, savoirs curriculaires, savoirs de la formation professionnelle, savoirs d’expérience, (Tardif et al., 1991)) et selon leur fonction dans l’activité professionnelle. (e.g. savoirs savants, savoirs curriculaires, et savoirs sur l’éducation, (Deauvieau, 2004)).

disciplinaire et professionnelle interne aux équipes de recherche. Toutefois, la mise en œuvre des Écoles Doctorales en France depuis le début des années 1990 tend à diversifier les parcours de formation au-delà des seules spécialités disciplinaires : par exemple avec des séminaires interdisciplinaires, des séquences de formation sur le contexte universitaire, sur la conduite des projets de recherche ou sur les référentiels de compétences des doctorants (Ghys & Louis, 2003). Sur le plan de la formation pédagogique on notera le point d’interrogation prudent5 de Donnay et Romainville (1996) dans le titre de leur ouvrage « Enseigner à

l’Université : un métier qui s’apprend ? » ainsi que les difficultés rencontrées dans la mise en

œuvre des Centres d’Initiation à l’Enseignement Supérieur (Bireaud, 1996). Cependant, nous avons analysé dans le second chapitre de la thèse les évolutions que connaît l’activité enseignante universitaire en regard notamment des facteurs externes liés aux politiques de la « société du savoir » et à la professionnalisation des cursus (Romainville, 2006). Dans cette perspective, de plus en plus de recherches portent sur les moyens à mettre en œuvre pour soutenir, conseiller et valoriser les enseignants-chercheurs dans leur processus de développement professionnel en enseignement (Rege-Colet, 2006 ; Parmentier, 2006). Il convient néanmoins de souligner à la suite de Perréard-Vité (2006) que peu de travaux empiriques portent sur les effets concrets6 de ces dispositifs sur les pratiques universitaires et

in fine, sur la réussite étudiante. Enfin, la question de la formation continue universitaire

semble aujourd’hui abordée sous l’angle de la professionnalisation des activités administratives et managériales que les enseignants-chercheurs peuvent être amenés à exercer : présidence d’Université, direction de composantes de recherche, de services communs, de départements, responsabilité des formations (Maamer, 2006). Dans le but affiché d’améliorer la qualité de la gestion et du pilotage des universités, ces travaux soulignent ainsi la nécessité de permettre aux universitaires concernés de développer des connaissances et des savoir-faire de plus en plus complexes en termes de législation, de gestion comptable et de gestion des ressources humaines ou de conduite et d’évaluation de projets. Selon Jones (2006 : 320), la spécialisation requise par ces activités de service à la

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En revanche, de nombreux travaux relevant de l’approche théorique professionnalisante de l’enseignement primaire et secondaire (e.g. Day, 1999) sont moins mesurés et il comportent une dimension prescriptive (les bonnes compétences à acquérir, les bonnes formations à mettre en oeuvre…) qui renvoie à une conception normative sous-jacente de la pratique professionnelle optimale ou du professionnel compétent.

6 Dans cette perspective, on signalera par exemple un article de Garet et ses collaborateurs (2001) intitulé « What makes Professional Developpement effective ? ». Cette recherche vise à analyser empiriquement l’effet de la formation continue des enseignants sur leurs pratiques professionnelles et les apprentissages des élèves (données rares d'après ces auteurs). Selon ces chercheurs (Ibid.), les activités de développement professionnel doivent posséder trois caractéristiques essentielles pour produire des effets positifs et significatifs sur l’accroissement des compétences et des savoirs autorapportés des enseignants, de même que sur leur changement de pratiques. Les formations devraient être centrées sur des savoirs explicitement liés à un contenu disciplinaire ou académique précis, elles devraient être organisées autour d’une pédagogie active permettant d’apprendre en faisant et elles devraient être cohérentes avec les réalités du travail effectif en contexte professionnel.

communauté universitaire qui était jusqu’alors vues comme des composantes du métier dessine d’ailleurs progressivement des espaces d’un développement professionnel particulier d’« academic managers » dans les établissements anglo-saxons. Il convient cependant de souligner qu’en regard de la place de la formation continue des enseignants-chercheurs, cette définition du développement opérationnalisé au travers des dispositifs de formation nous semble peu adaptée à notre recherche sur les transformations de la professionnalité universitaire (gestes, compétences et savoirs professionnels) en matière de valorisation.

En rupture avec le modèle précédent qui considère que le développement professionnel est le produit d’une application des corpus de savoirs acquis sur les pratiques, un troisième type de travaux relevant d’une perspective professionnalisante s’intéressent aux effets formatifs de la démarche réflexive ou de recherche de la part des praticiens. Cette approche renvoie principalement à la « nouvelle épistémologie de la pratique » de Schön (1996 : 201) selon laquelle les savoirs des praticiens s’élaborent au moyen de la réflexion « en cours d’action et

sur l’action » (Ibid., 1994 : 170). Selon cette théorie du « praticien réflexif » (Ibid.) les

savoirs produits par la réflexion en cours d’action (et qui sont en jeu dans l’action) restent en grande partie implicites (Schön parle du « savoir caché dans l’agir professionnel »). Toutefois, les activités de réflexion et de mise en mots des expériences antérieures (qui relèvent alors de l’explicite) permettent aux professionnels d’analyser voire d’objectiver leurs pratiques en vue de construire de nouvelles habiletés cognitives (Champy-Remoussenard, 2007). Perrenoud (2001 : 45) souligne que dans le cas des enseignants, réfléchir sur sa pratique renvoie à une « posture et une pratique réflexives fondant une analyse méthodique,

régulière, instrumentée, sereine et porteuse d’effets, disposition et compétences qui ne s’acquièrent en général, qu’au gré d’un entraînement intensif et délibéré ». Ce modèle du

praticien réflexif qui s’est diffusé hors du champ de la formation à l’enseignement (e.g. la formation des infirmiers) semble plus rarement mobilisé dans les travaux sur la formation des universitaires (Ramsden, 1992 ; Rege Colet, 2006). Cette diffusion limitée par rapport aux niveaux d’enseignement primaire et secondaire pourrait s’expliquer par la prégnance de la figure professionnelle universitaire du magister dont les savoirs disciplinaires légitiment la position plus que les compétences pédagogiques. Pour autant, l’activité pédagogique dans l’enseignement supérieur entraîne, à l’instar des autres pratiques professionnelles, une pratique réflexive en cours d’action et sur l’action. Plus encore, la réflexion pourrait s’avérer primordiale pour le développement professionnel académique dans la mesure où les tâches qui incombent aux universitaires ne sont pas toujours l’objet de formation formalisée (Saroyan et al., 2006). L’introduction des pratiques innovantes en matière de valorisation

que nous avons décrite dans le premier chapitre de notre thèse pourrait de ce point de vue-là s’avérer déterminante concernant le déploiement d’activités inédites et la transformation conséquente de la professionnalité universitaire.

Toutefois, c’est une quatrième catégorie de travaux analysant les processus de développement qui a conduit à mettre en évidence le fait que les connaissances professionnelles sont d’abord liées à la dimension cognitive des activités de travail et que les effets cognitifs d’une confrontation à de nouvelles familles de situation de travail ne peuvent être identifiés en dehors d’un examen de ces situations de travail (Pastré, Mayen & Vergnaud, 2006). Les travaux de la psychologie ergonomique7 de Leplat (1997) ont ainsi mis en évidence la richesse du travail réel par rapport à la tâche prescrite : l’activité professionnelle contient une part irréductible de création et d’invention de pratiques, de routines et de connaissances adaptées aux problèmes à résoudre en situation et qui débordent les règles formelles d’organisation et de planification du travail. Pour ce courant de recherche, l’analyse de l’écart entre travail réel et travail prescrit met en évidence la structure cognitive de l’activité ainsi que la signification que revêt l’activité pour l’acteur. Plus encore, l’approche psychologique du travail élaborée par Clot (1999) montre que le réel de l’activité est également irréductible à l’activité réalisée mais qu’il comporte aussi les activités empêchées, suspendues ou contrariées. Dans cette perspective, l’activité est une « épreuve subjective où

l’on se mesure à soi-même et aux autres, tout en se mesurant au réel, pour avoir une chance de parvenir à réaliser ce qui est à faire » (Clot et al., 2001 : 18). Toutefois, cette

« mobilisation psychologique » s’inscrit dans un ensemble de ressources pour l’activité de travail que constitue le genre professionnel, forme de répertoire des actes légitimes ou non, élaboré et partagé par un groupe professionnel donné pour conduire efficacement l’action (Clot, 1999). Or, ce sont ces règles communes qui vont être l’objet de processus d’ajustement de la part des acteurs pour en faire de véritables instruments pour l’action réelle à travers la production de style personnel de l’action. En ce sens, le développement des professionnels est ici défini sous l’angle de la construction d’un style comme double processus d’affranchissement vis-à-vis du genre et de leurs schèmes personnels (Clot et al., 2001).

Mais il nous semble que parmi ce quatrième courant de recherches mettant en exergue le rôle de l’activité dans le développement, ce sont les travaux de la didactique professionnelle

7 Les travaux de psychologie ergonomique consacrés par Hoc (1989) à la conduite des situations dynamiques de travail montrent également l’importance des raisonnements et des diagnostics réalisés par les opérateurs en continu afin d’anticiper les évolutions futures du système. Ces recherches mettent en exergue la mise en œuvre des connaissances des opérateurs pour organiser et mettre à jour ces anticipations en vérifiant les paramètres dynamiques que ces hypothèses impliquent (Ibid.).

qui ont montré quels étaient les « objets » précis de ces processus transformatifs. Ces travaux soulignent que l’action des professionnels est en effet organisée et que cette organisation repose sur un certain nombre de composants invariants (concepts pragmatiques, Pastré, 2002), schèmes opératoires (Vergnaud, 1996) qui permettent l’adaptation à la diversité des situations (Pastré, Mayen & Vergnaud, 2006). En ce sens, l’explicitation du développement professionnel renvoie à l’analyse de la formation et de la transformation de ces invariants et de ces compétences incorporées (Leplat, 1997) à travers le processus de conceptualisation opéré par les acteurs au travail notamment lorsqu’ils sont confrontés à des situations