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Les évolutions du développement professionnel universitaire et de la professionnalité

Chapitre 3. La valorisation au cœur des dynamiques professionnelles des

3.3. Les évolutions du développement professionnel universitaire et de la professionnalité

L’institutionnalisation de la recherche en milieu universitaire au début du XIXe siècle s’est accompagnée d’une transformation du développement professionnel de référence des universitaires qui se définissaient jusque là comme des enseignants. D’après Gingras (1987), les compétences requises pour ces activités de formation des « honnêtes hommes » à la médecine, au droit ou à la théologie, étaient, outre la dévotion à leur institution d’appartenance, l’éloquence, l’érudition, la culture générale et la pédagogie, toutes constitutives de l’excellence en matière d’enseignement. A l’opposé, les chercheurs étaient formés en dehors des institutions d’enseignement supérieur et ils étaient experts sur des questions précises. Ils travaillaient dans un institut ou un laboratoire privé et ils se définissaient avant tout par rapport à leur discipline scientifique d’appartenance. Le modèle de compétences des chercheurs était fondé sur des critères disciplinaires d’excellence en matière de recherche évaluée par les pairs. Cependant, les travaux de recherche sur les universités et les universitaires contemporains que nous allons présenter dans les chapitres suivants montrent que ce champ professionnel a connu une forme de complexification de ces activités professionnelles de référence.

3.3.1. Vers une diversification des modalités générales de développement

professionnel des enseignants-chercheurs ?

Selon Berthelot (1992), la profession universitaire se définit par de grands critères de segmentation qui tendent à diversifier ses conditions de mise en œuvre : discipline, âge, statut, systèmes d’activités. Mais, en regard de ces facteurs de diversité, ce groupe professionnel se caractérise par de grands principes d’unité transdisciplinaire. D’une part, le champ universitaire procure un univers symbolique collectif au travers des métalangages scientifiques tels que l’épistémologie ou la méthodologie. D’autre part, il construit un cadre matériel commun particulièrement présent et un mode de gestion du temps qui tend à l’articulation des différentes tâches plus qu’à l’éclatement des pratiques. L’ensemble définirait d’ailleurs selon Berthelot (Ibid. : 134) un ethos collectif « c’est-à-dire un ensemble partagé de

schèmes de représentation et d’évaluation » (Ibid. : 134). Il n’y a donc pas selon cet auteur

(Ibid. : 132) d’autonomisation de professionnalités singulières : « ainsi, bien que le secteur

d’intervention constitue une possibilité réelle de construction d’une compétence et d’un profil professionnel spécifique, dans sa très grande majorité la population que nous avons enquêtée ne va pas au-delà de variations libres sur une structure fondamentale commune ». Les

investissements modaux observés dans des segments d’activités spécifiques (administration, recherche, enseignement…) ne sont pas pour l’auteur synonymes d’orientation vers un développement professionnel particulier et définitif mais ils traduisent plutôt des styles temporaires « d’activités » (Ibid. : 134) ou « d’intervention» (Ibid. : 149).

L’enquête réalisée plus récemment par Guyot et Bonami (2000) au sujet de l’organisation du temps de travail des universitaires par rapport à leurs six tâches principales (enseignement, recherche, encadrement, administration interne, services aux communautés externes, perfectionnement personnel) semble confirmer les conclusions de Berthelot selon lesquels les types de professionnalité et le développement professionnel des enseignants-chercheurs renvoient d’une manière générale, à un modèle majeur. Les données empiriques montrent que du point de vue de la structuration de leur temps de travail, la grande majorité des enseignants-chercheurs (75,7%) présentent un profil d’activités diversifié incluant les différentes dimensions de la fonction avec une centration sur l’enseignement, la recherche et l’encadrement des travaux étudiants. Au contraire, seule une minorité de professeurs (24,3%) présentent un profil spécialisé dans la mesure où ils investissent au moins la moitié de leur temps de travail dans l’une des six tâches (principalement issus des disciplines médicales).

L’analyse détaillée des temps de travail consacrés par les enseignants-chercheurs d’une université aux six tâches précitées conduit Guyot et Bonami (2000 : 11) à proposer une typologie qui caractérise six « profils de configuration de tâches » :

- Les « polyvalents » : ce profil d’organisation du travail est majoritaire (44% des répondants). Il souligne une absence de priorité marquée pour l’une ou l’autre activité : leur temps de travail est davantage réparti entre les différentes tâches que la moyenne observée sur l’ensemble des académiques de l’Université Catholique de Louvain.

- Les « enseignants-chercheurs » (32%) se consacrent plus que la moyenne aux enseignements et à la recherche. Dans une moindre mesure, ils s’investissent également davantage dans l'encadrement des travaux de recherche des étudiants des second et troisième cycles. Toutefois, à la différence du premier profil « polyvalent », les « enseignants-chercheurs » s’impliquent peu dans les services internes à l'université.

- Les « enseignants » (7%) ont pour activité principale l'enseignement. Contrairement aux deux profils précédents, cette configuration est unipolaire. En effet, le temps consacré par les « enseignants » à la seconde tâche de leur profil (l’encadrement des travaux de recherche des étudiants de 2ème et 3ème cycle) est faible.

- Les « chercheurs » (7%) ont un profil unipolaire principalement organisé autour du temps de travail consacré à la recherche bien que l’enseignement demeure, loin derrière, leur deuxième fonction.

fonction de gestion et d'expertise dans le pilotage et la coordination de l'université, des facultés, des départements et des unités de recherche. Ils se consacrent dans une moindre mesure aux tâches d'enseignement. La charge temporelle que nécessitent les activités de gestion est davantage prise sur la recherche et l’encadrement que sur l’enseignement.

- Les « experts » ne représentent qu’une toute petite minorité de professeurs (3%). Leur profil est centré sur les services externes à la société et il ne consacre qu’un tiers du temps aux tâches socles du professeur d’université (enseignement, recherche et encadrement).

A l’opposé de ces résultats, De Queiroz (2000) observe et analyse la diversification et la spécification des disciplines, des filières, des étudiants et des enseignants dans les lettres et les sciences humaines et sociales. Pour cet auteur, l’hétérogénéité croissante des pratiques universitaires s’explique notamment par la diversité des définitions du métier d’enseignant-chercheur et l’existence de différents modèles accomplis de l’universitaire contemporain. En ce sens De Queiroz (Ibid.) met en évidence l’existence conjointe de différentes modalités légitimes de développement professionnel pour les enseignants-chercheurs dans cet article intitulé « Universitaire : un statut, cent métiers ? ». Ceci conduit d’ailleurs l’auteur (Ibid. : 135) à s’interroger sur l’éventualité29 de « prendre acte d’une telle situation en distinguant

nettement et officiellement plusieurs fonctions et plusieurs profils de recrutement, liés à des obligations, à des carrières et à des salaires distincts ».

Dans cette perspective, Le Guyader (2006 : 269) souligne également que « sous l’effet des

changements morphologiques du corps enseignant et de l’évolution des pratiques pédagogiques et scientifiques, la profession académique se trouve éclatée en une constellation de métiers distincts qui coexistent au sein des structures universitaires ».

L’auteur analyse ainsi le passage de « la profession académique » aux « métiers

d'universitaires » (Ibid.) en fonction des ressources (la qualité de leur recherche, l'excellence

de leur parcours et leurs relations professionnelles), des stratégies individuelles ainsi que du contexte organisationnel d’action (la discipline et l'établissement). Si le modèle traditionnel du « professeur chercheur » existe toujours et continue d'être réalisé par certains enseignants-chercheurs, d’autres modèles de professionnalités légitimes et d’excellence se dégagent de l'analyse des observations directes et des entretiens réalisés :

29 Ce que semble confirmer d’une certaine manière la mise en place d’une rémunération complémentaire sous forme de primes attribuées selon l’investissement dans certaines tâches (prime de charges administratives ou d'administration, prime d'encadrement doctoral et de recherche, prime de responsabilités pédagogiques) et la possibilité de promotions gérées localement pour des enseignants-chercheurs occupant des fonctions administratives importantes.

- Le modèle du « manager scientifique » centré sur des actions de pilotage d’une équipe de recherche, de gestion et de financements de la recherche et de valorisation de la production scientifique.

- Le modèle du « manager administrateur » est caractérisé par un investissement marqué dans les responsabilités administratives d'un département, d'une université ou dans l'innovation et la gestion de nouveaux diplômes.

- Le modèle du « nouvel universitaire » est propre aux enseignants issus du second degré nommés dans le supérieur (notamment les agrégés) qui s’impliquent essentiellement dans des activités d'enseignement ;

- Le modèle de « l'enseignant pédagogue » : enseignant-chercheur ou enseignant de métier, il bénéficie d'une reconnaissance de type pédagogique dès lors qu'il se trouve en situation d'interaction avec ses étudiants (pendant et en dehors des cours).

Selon Le Guyader, ces formes de réalisation professionnelle constituent également des pôles d'attraction pour accomplir un développement professionnel universitaire reconnu. Il semble par conséquent que la controverse scientifique concernant l’existence conjointe de différents types-idéaux de développement professionnel universitaire ne soit pas tranchée. Nous pouvons tout de même souligner que les logiques « unificatrices » identifiées par Berthelot (1992) sont elles-mêmes soumises à des principes de diversification sous l’effet notamment des transformations des contextes professionnels et des politiques publiques. Par exemple, la « force » symbolique du cadre universitaire pourrait diminuer en regard de la création des antennes universitaires ou des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur. De même, l’ethos du métier d’enseignant-chercheur pourrait subir des transformations. Selon Faure, Soulié et Millet (2005 : 116), le renouvellement démographique du corps universitaire consécutif aux départs massifs à la retraite de la génération pré et post 1968 pourrait contribuer à modifier par exemple « la « table des valeurs » académiques » avec une disqualification des pratiques de recherche au profit notamment des activités administratives locales.

De plus, la corroboration de l’existence éventuelle d’un modèle majeur de développement professionnel qui tend à l’intégration et à l’articulation des différentes tâches (avec des investissements modaux temporaires) autour des deux activités centrales de recherche et d’enseignement chez les universitaires ne signifie pas qu’il n’existe pas de modalités de développement différentes quoique moins partagées. D’autant plus que nous nous intéressons à une catégorie spécifique de la pratique professionnelle (la valorisation) et non aux pratiques dans leur ensemble. Nous allons donc décrire plus finement dans la suite les savoirs et savoir-faire requis par l’exercice de la profession d’universitaire en particulier sur le plan de la

valorisation des travaux. Ceci nous conduira à examiner si la diversité des pratiques, des attitudes et des compétences attendues et jugées nécessaires à la valorisation définit différents types de professionnalité considérés dans une perspective de construction et de développement dynamiques.

3.3.2. Vers une pluralité de professionnalités en matière de valorisation des

travaux de recherche ?

Selon Bourdieu (2001), la professionnalité universitaire se définit principalement par l’appétence scientifique ou libido scientifica (croyance dans les enjeux du champ scientifique et dans le jeu lui même) et par des critères de compétences. Ces compétences30 vont pour l’auteur au-delà de l’acquisition et de la maîtrise des ressources théoriques et techniques, puisqu’elles désignent « le fait d’avoir incorporé, transformé en sens pratique du jeu,

converti en réflexes, l’ensemble des ressources théorico-expérimentales, c’est-à-dire cognitives et matérielles issues des recherches antérieures » (Ibid. : 102). Ces deux types

d’exigence constituent d’une manière générale « le droit d’entrée explicite ou implicite » pour les nouveaux entrants dans le champ universitaire (Ibid. : 101).

En effet, une enquête récente menée auprès d’une population d’enseignants-chercheurs et de chercheurs montre que les connaissances disciplinaires constituent le « socle de l’exercice

professionnel » quelles que soient la formation et le statut des répondants, (Bessières, 2006 :

6). Il faut cependant noter que d’après les travaux pré-cités, cette série d’enquêtes portait essentiellement sur les activités de recherche ce qui a pu entraîner une sous-représentation des compétences et des savoir-faire requis par exemple par les pratiques d’enseignement. Il n’en reste pas moins que de nombreux autres travaux sur le métier d’universitaire (Guyot et Bonami, 2000 ; Becher, 2001) mettent en exergue que les compétences31 nécessaires relèvent principalement de la maîtrise de savoirs spécialisés qui tendent à structurer l’ensemble de l’activité professionnelle (savoirs disciplinaires, compétences attenantes en matière d’élaboration de problématiques et de méthodologies).

30 Selon Bourdieu (Ibid. : 102), ces compétences faites corps sont acquises essentiellement au cours des processus de formation et constituent un « habitus scientifique comme maîtrise pratique de plusieurs siècles de recherches et d’acquis de la recherche – sous la forme par exemple, d’un sens des problèmes importants (…) ou d’un arsenal de schèmes théoriques et expérimentaux qui peuvent s’appliquer, par transfert à des domaines nouveaux. »

31 D’après Leclercq (2006), du point de vue des chercheurs, les compétences nécessaires pour exercer leur métier relèvent principalement de la maîtrise de savoirs disciplinaires, de la capacité à problématiser, à mettre en œuvre des méthodologies et des techniques, de la maîtrise de la langue et de la communication scientifique, et dans une moindre mesure de la gestion de projets de recherche, des capacités à gérer et à administrer des contrats de recherche, et à effectuer une veille scientifique.

Néanmoins, d’autres compétences et capacités semblent caractériser cette activité professionnelle. Près de 63% des chercheurs enquêtés considèrent que la maîtrise des savoir-faire rédactionnels et communicationnels constitue un pan très important de leur expertise (Bessières, 2006). Ces résultats montrent tout d’abord que la production de savoirs est difficilement dissociable d’une capacité discursive32. De plus, cette enquête tend à confirmer la pertinence de notre proposition théorique plaçant les compétences mobilisées par les activités de valorisation au centre du développement professionnel des enseignants-chercheurs33 (voir le chapitre 3.2.2). Dans cette logique, ces compétences touchent d’abord au travail d’écriture académique qui mobilise des capacités et des connaissances différentes selon le support utilisé (une thèse, un article, un ouvrage, un rapport, une habilitation, une recension, un résumé), et dans une moindre mesure l’oral scientifique (séminaire, colloque). La communication en direction d’un public non scientifique requiert des savoir-faire différents et tout aussi spécifiques mais qui semblent moins essentiels pour les chercheurs (Leclercq, 2006).

Cependant les conditions de déroulement des activités de recherche ont évolué de même que les compétences qu’elles exigent de la part des universitaires. Dans cette perspective, l’enquête de Leclercq et ses collaborateurs (2006) montre que la construction d’un réseau de relations arrive en première position des « savoir-être » cités par les chercheurs du secteur public. L’importance de réseau résiderait tout d’abord dans le fait de favoriser l’insertion professionnelle dans les professions scientifiques (connaissance des profils de poste et des axes de recherche), il permettrait ensuite de monter des projets de recherche en commun avec d’autres chercheurs et d’autres équipes mais aussi de créer les conditions pour pouvoir publier et communiquer, enfin il serait un moyen de trouver des sources de financement qu’elles soient publiques ou privées (Ibid.). Ces éléments renvoient aux travaux de nombreux auteurs pour qui la recherche est aujourd’hui de plus en plus liée à des « objets » multidisciplinaires qui nécessitent la création et la mobilisation de réseaux d’équipes scientifiques et non

32

La science est la connaissance publiée dans des revues scientifiques selon Price (1969).

33 Ainsi les résultats de l’enquête pré-citée vont dans le sens de ce travail conceptuel puisque la reconnaissance par les pairs est jugée fondamentale pour plus de 95 % des enseignants-chercheurs qui placent en tête des modes de valorisation de leurs travaux les publications et les communications scientifiques. Selon Bessières (Ibid.), ce fort pourcentage s’explique par un mode de promotion des enseignants-chercheurs directement lié au nombre et à la qualité des publications et des communications scientifiques. Au-delà de ces considérations de carrière, et comme nous l’avons montré précédemment, nous pensons que plus fondamentalement, les pratiques de communication scientifiques sont au cœur de la professionnalité des enseignants-chercheurs en-tant qu’elles sont articulées avec des dynamiques collectives de reconnaissances disciplinaires. En ce sens, les promotions sur critères scientifiques ne feraient que renforcer un processus d’ordre social qui touche à l’existence même des disciplines de recherche.

scientifiques (Callon, 1989 ; 1986). En ce sens les compétences requises par les activités de valorisation sociale des travaux d’une équipe pourraient devenir capitales.

C’est donc en toute logique que la capacité à travailler en équipe autour de projets de recherche constitue une facette essentielle du métier d’universitaire (Ibid.). Dans ce contexte d’activités de recherche collaborative, les compétences managériales (animation et pilotage de partenariats d’envergure locale ou internationale) et évaluatives des enseignants-chercheurs (Bedin, 2007b) prennent toute leur importance. De même qu’un ensemble de savoir-faire qui sont plutôt associés au management de projet et à la gestion des contrats de recherche (montage des dossiers de réponse aux appels d’offre, négociation et gestion de budgets, suivi administratif, bilan comptable, …). Potocki-Malicet et ses collaborateurs (2003 ; cités par Leclercq, 2006) ont d’ailleurs montré que certains chercheurs se spécialisent dans ce type de tâche et se définissent comme des « gestionnaires » tant sur le plan financier que sur le plan des ressources humaines. La professionnalité mis en exergue est alors proche de celui du manager telle qu’il est véhiculé dans le monde de l’entreprise.

Toutefois, les enseignants-chercheurs se caractérisent également par leur mission d’enseignement dont il faut noter qu’elle est la seule à être formellement définie sur le plan de la durée. Nous avons montré dans le premier chapitre de la thèse que cette tâche d’enseignement a été initialement conçue comme un mode de valorisation des travaux de recherche et des savoirs produits par les universitaires. Au-delà du magistrocentrisme en cours à l’université où les activités d’enseignement consistent souvent à dire et à transmettre des contenus disciplinaires, il convient de souligner que cette activité nécessite des compétences particulières telles que la connaissance de la littérature scientifique du domaine concerné sans avoir nécessairement participé à sa production ou la capacité à la communiquer. De plus, les enseignants du supérieur doivent mobiliser des capacités de synthèse et de mise en forme d’un domaine de savoirs constitué tout en suscitant l’engagement intellectuel des étudiants. Pour un certain nombre d’auteurs (Parmentier, 2006), des transformations récentes du contexte universitaire et de son public appellent pourtant des évolutions dans la professionnalité en matière d’enseignement supérieur. Sans chercher à être exhaustif, on citera l’hétérogénéité croissante des premiers cycles, l’universitarisation des cursus de formation professionnelle, les partenariats avec l’environnement territorial administratif et professionnel comme facteurs de changement. L’évolution des formes du travail enseignant ferait notamment appel à de nouvelles compétences pédagogiques, relationnelles et d’ingénierie éducative permettant de dépasser des pratiques centrées sur le

paradigme de la transmission34 d’un savoir (Langevin & Bruneau, 2000).

Le développement professionnel des enseignants-chercheurs est donc majoritairement fondé sur des savoirs disciplinaires et des compétences permettant leur valorisation scientifique notamment pour ce qui concerne le déroulement formel des parcours professionnels (qualification, recrutement, promotion…). Mais la professionnalité des universitaires en matière de valorisation ne peut être réduite aux seules composantes touchant à la communication scientifique et aux connaissances disciplinaires. Les autres modes de valorisation (social et pédagogique) font également appel à des compétences et des savoir-faire tout aussi spécifiques quoique moins reconnus. Il faut également noter que peu données concernent la composante affective de la professionnalité (Jorro, 2002). Pourtant différents auteurs ont évoqué les notions de plaisir, de créativité ou de souffrance qui sont attachées à toutes les situations de travail (Champy-Remoussenard, & Rothan, 1999) et aux pratiques des enseignants-chercheurs (Leclercq, 2006 ; Viry, 2006).

Cependant les évolutions du contexte professionnel universitaire et les nouvelles opportunités de reconnaissances qu’il offre (voir le second chapitre de la thèse) pourraient conduire certains enseignants-chercheurs à mettre en œuvre et à développer un ensemble de compétences et de savoir-faire spécifiques à la valorisation sociale (e.g. construction de réseaux hybrides, élaboration de brochures destinées à des publics cibles, veille sur des problématiques sociales…). Ainsi, Musselin (2005 : 162) montre que dans les départements universitaires dépendant de financements externes, les compétences d’« entrepreneur scientifique35 » sont fortement exigées pour les candidats à un poste d’enseignant-chercheur.

Cette revue de travaux souligne par conséquent la complexité potentielle inter et intra disciplinaire de la définition des compétences légitimes en termes de valorisation. Toutefois, nous avons vu qu’à l’instar de la valorisation scientifique, les modes de valorisation social et