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Notre approche conceptuelle et problématique des pratiques de valorisation de la recherche des enseignants-chercheurs de Sciences de l’éducation nous a permis de concevoir un système d’hypothèses exposé dans le chapitre précédent. Ce dernier met en exergue une hypothèse de recherche affirmant l’existence de trois modes différents de valorisation des travaux en Sciences de l’éducation. Ce système comporte en outre une hypothèse générale expliquant les variations de ces pratiques en fonction, d’une part de l’évaluation que font ces universitaires des modes de valorisation de la recherche, d’autre part, de leur figure de développement

professionnel de référence. Les relations entre ces trois composantes (valorisation-évaluation-développement professionnel) s’actualisent et s’opérationnalisent dans des configurations spécifiques que la démarche d’analyse des données empiriques permettra d’affiner.

Le processus de validation de ce modèle d’analyse comporte deux stratégies différentes, au regard des deux types d’hypothèse de recherche définie. La démarche de confirmation de l’hypothèse d’existence de trois modes de valorisation de la recherche nécessite d’établir empiriquement l’état du phénomène annoncé au moyen d’une description détaillée des principales propriétés et caractéristiques de ce dernier (Matalon, 1988). Pour ce faire, nous procéderons essentiellement à l’analyse des réponses obtenues à un questionnaire de recherche (cf. 5.3.1) en nous appuyant sur des traitements et des opérations de statistiques descriptives (mesures de fréquences et de tendances centrales) et leurs représentations graphiques (e.g. diagrammes en barres des distributions de fréquences). La description de cet ensemble de données visera donc essentiellement à rendre compte des régularités empiriques par des mesures descriptives. L’analyse et la description des tables de contingence s’appuieront également sur le test du Chi2 afin de caractériser plus encore les traits saillants des pratiques de valorisation sans toutefois nous inscrire dans une perspective inférentielle. Nous nous baserons aussi sur les résultats obtenus à une procédure de classification automatique des réponses au questionnaire afin d’analyser les entrecroisements existants entre les trois modes de valorisation (cf. 5.4.1). Dans une moindre mesure, le processus de validation de l’hypothèse d’existence comportera une opération plus qualitative à travers l’analyse thématique du contenu des réponses aux questions ouvertes du questionnaire d’enquête.

La stratégie de validation de l’hypothèse générale exige de mettre empiriquement en évidence et d’examiner en détail l’agencement des relations entre les pratiques déclarées de valorisation de travaux, l’évaluation de la valorisation et les conceptions du développement professionnel universitaire. Pour ce faire, nous nous appuierons principalement sur une démarche d’analyse thématique du contenu d’entretiens de recherche réalisés avec des enseignants-chercheurs (cf. 5.3.2). En effet, selon Bardin (2007), cette méthodologie de recherche peut avoir deux fonctions plus ou moins conjointes : une fonction dite heuristique qui permet d’enrichir la découverte et la compréhension d’un phénomène étudié et l’autre dite « pour prouver » qui permet de vérifier, au sens d’une infirmation ou d’une confirmation, l’affirmation provisoirement exprimée dans une hypothèse. Toutefois, en qui concerne notre recherche, nous ne pensons pas que cette méthodologie nous conduise à une mise à l’épreuve

stricte de notre hypothèse générale. Car, d’une part les conditions de production et d’exploitation des données en situation d’entretien (cf. 5.3.2) rendent difficile la reproductibilité des travaux, et d’autre part, un strict objectif de vérification imposerait plutôt une stratégie de recherche visant la réfutation de l’hypothèse (Popper, 1991) et la production d’un jugement de validité étayé par l’utilisation de tests statistiques inférentiels. Nous parlerons donc de dispositif de validation de l’hypothèse générale non pour désigner un processus d’administration de la preuve mais pour caractériser le travail d’identification empirique des configurations susmentionnées et leur mise en rapport avec l’affirmation contenue dans l’hypothèse. L’interprétation des résultats obtenus par l’analyse de contenu nous conduira donc, dans une visée explicative et compréhensive, à expliciter finement les configurations exprimées dans les discours entre les pratiques de valorisation, l’évaluation des modes de valorisation et la professionnalité déclarée (la méthode de traitement et d’analyse des entretiens est précisée infra).

La démarche de recherche mise en œuvre mobilise par conséquent des méthodologies quantitatives (questionnaires d’enquête et analyse statistique) et qualitatives (entretiens de recherche et analyse thématique). À la suite des travaux de Miles et Huberman (2003) et de Crahay (2006), nous pensons en effet que dans un processus de construction de connaissances, ces deux types d’approche scientifique peuvent être complémentaires. L’approche quantitative mobilisée essentiellement pour la validation de l’hypothèse d’existence va ainsi nous permettre d’identifier les grandes caractéristiques des pratiques de valorisation de la recherche au moyen d’une réduction des données quantitatives collectées. L’objectif poursuivi sera donc de définir les tendances principales du phénomène étudié en évacuant « la particularité des cas individuels » (Van Der Maren, 1996 : 98). Cependant, si ce processus de condensation de l’information fait de la quantification une procédure de recherche puissante, il n’en comporte pas moins des limites1 (Ibid.). La réduction de la complexité des données opérée pour étudier les relations entre les variables pose ainsi la question de la validité de cette opération au niveau des individus : « à une même relation

entre valeurs agrégées peuvent correspondre des relations très différentes chez les individus »

(Matalon, 1988 : 66).

1 Parmi les différentes limites épistémologiques à la quantification définies par Van Der Maren (1996 : 93), nous citerons également le fait que la richesse des situations d’éducation et les variations des indices étudiés fait « qu’on peut souvent, en même temps, en trouver un qui confirme et un autre qui infirme l’hypothèse : ce qui rend les mises à l’épreuve indécidables ».

Or, la méthodologie qualitative répond notamment et en partie à cet enjeu épistémologique de la validation individuelle des travaux de recherche. En effet, la mise en œuvre d’une enquête par entretien auprès d’enseignants-chercheurs pour valider l’hypothèse générale nous conduira à mieux comprendre et expliquer les pratiques professionnelles des acteurs à partir du sens qu’ils donnent à leurs activités dans leur contexte de réalisation (Miles & Huberman, 2003). Comme nous le verrons ci-après, la démarche qualitative mobilisée2 permet aux professionnels d’analyser eux-mêmes les caractéristiques et l’intentionnalité de leurs pratiques et d’expliciter les facteurs d’évolution et de transformation de ces dernières. Toutefois, cette méthodologie de recherche est également soumise à d’importantes limites épistémologiques telles que les possibilités plus ou moins larges de conscientisation et de verbalisation des individus vis-à-vis de leurs activités, le travail de reconstruction du vécu et des pratiques auquel donnent lieu les entretiens de recherche, le risque d’hypervalorisation du cas particulier et enfin le renforcement de la subjectivité du chercheur dans le recueil et l’interprétation des données (Van Der Maren, 1996).

Le tableau 1 ci-dessous expose la synthèse de notre démarche de recherche en détaillant les stratégies qualitatives et quantitatives de validation des hypothèses de recherche. Dans ce tableau, les signes « + » et « - » indiquent le corpus de données et la méthode de traitement sur lesquels repose principalement la validation de chacune des hypothèses.

Tableau 1. Les orientations méthodologiques de la démarche de recherche

Approche quantitative Approche qualitative

Investigations empiriques relatives à l’hypothèse d’existence

++

Corpus de données : réponses au questionnaire

Traitement des données : statistiques descriptives (+Chi2) classification hiérarchique descendantes

--

Corpus de données : réponses aux questions ouvertes du questionnaire

Traitement des données : analyse de contenu thématique

Investigations empiriques relatives à l’hypothèse générale

--

Corpus de données : réponses au questionnaire

Traitement des données : statistiques descriptives

++

Corpus de données : entretiens de recherche

Traitement des données : analyse de contenu thématique

2 La dimension qualitative de notre méthodologie est toutefois relative : en effet au-delà d’un mode de recueil qualitatif de données discursives par entretien et d’une analyse qualitative de ces données portant sur l’identification des thèmes des discours, notre méthode comporte également un traitement plus quantitatif de catégorisation et de dénombrement de ces thèmes.

En ce sens, la démarche mise en œuvre dans cette recherche se caractérise par une visée de « triangulation » des méthodologies de recueil et de traitement des données car « rendre

compte de la richesse et de la diversité de l’homme impose de multiplier, de conjuguer, voire d’opposer les modalités de la recherche » (Pourtois et al., 2006 : 140). Outre le fait de

produire une plus grande intelligibilité de l’objet et de sa complexité, la triangulation contribue également à accroître le degré de validité interne de la recherche. En effet, ce croisement méthodologique permet d’accroître le degré de compatibilité des conclusions proposées dans les travaux au regard des données recueillies (Miles & Huberman, 2003). Dans la partie suivante, nous expliciterons la méthode de construction de l’échantillon de recherche que nous avons mise en œuvre et les choix que nous avons opérés en la matière.