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Une adhésion sélective aux normes internationales

3.1 Une faible réception du droit international dans le droit chinois applicable au

3.1.1 L’état législatif de la Chine

3.1.1.1 Une adhésion sélective aux normes internationales

Depuis le lancement des réformes économiques et l’ouverture à l’international impulsées au début des années 1980, le gouvernement chinois a progressivement signé diverses normes internationales visant de manière directe ou transversale la protection des droits des femmes et d’égalité entre les genres.

Pour la première fois en 1980, la Chine s’est engagée internationalement et spécifiquement en faveur du droit des femmes via son adhésion à la Convention sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle

292 Jamie Burnett, « Women’s Employment Rights in China: Creating Harmony for Women in the

reconnaît ainsi la discrimination envers les femmes et s’engage à la condamner293.

Toutefois, la Convention n’est pas directement applicable dans les tribunaux du pays294.

La Chine a choisi de convertir le droit international dans son droit national, au lieu de le rendre directement applicable. Par conséquent, les femmes chinoises doivent invoquer le droit national en cas de violation d’une disposition de la CEDEF. L’absence de transcription d’une norme de la CEDEF dans le droit national empêchera un grief émanant de la Convention.

La Chine n’a pas pleinement accepté toutes les dispositions de la CEDEF. Elle a émis une déclaration au paragraphe 1 de l’article 29295 concernant les dispositifs d’arbitrage

en cas de différends entre deux ou plusieurs États parties : elle déclare qu’elle n’est pas liée à ladite disposition. Par la mise en place de cette réserve, les États parties qui se trouveraient en désaccord avec l’interprétation ou l’application de la CEDEF faite par la Chine sur son territoire, ne peuvent soumettre de demande d’arbitrage. En d’autres termes, la Chine s’immunise de toute possibilité de sanction si elle viole l’application. ou l’interprétation de la CEDEF. La réserve s’adresse précisément à tout le territoire de la Chine ainsi qu’aux Nouveaux territoires de la région administrative spéciale (RAS) de Hong-Kong qui est depuis le 1er janvier 1999 sous la souveraineté de la Chine.

293 CEDEF, supra note 10, arts 10-14.

294 CEDAW, Observations finales 2014, supra note 6 au para 10.

295 CEDEF, supra note 10. L’article 29.1 dispose : « Tout différend entre deux ou plusieurs États parties

concernant l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. […] ».

La RAS de Hong Kong a également posé une réserve quant au paragraphe 1 de l’article 4 de la CEDEF296.Elle énonce que ces nouveaux territoires continueront, malgré

l’application de la Convention, de réserver le droit de propriété aux individus masculins. :

Les lois applicables dans les Nouveaux territoires de la Région administrative spéciale de Hong-Kong, qui autorisent les autochtones de sexe masculin à exercer certains droits en matière de propriété et octroient une rente aux autochtones qui possèdent des terres ou des biens ou à leurs successeurs légitimes de la ligne paternelle, continueront à être appliquées.297

Par cette déclaration, la région de Hong Kong ne pourra faire l’objet de quelconque sanction de la part d’autres États parties en cas de violation de l’égalité hommes et femmes en matière de droit de propriété298.

D’autre part, la Chine n’a ni signé, ni ratifié le Protocole facultatif à la CEDEF299. Ce protocole reconnaît la compétence juridique du CEDAW et permet aux femmes victimes de discriminations de déposer plainte de façon individuelle ou collective

296 CEDEF, Ibid à la p 4.1. « L'adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à

accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d'égalité de chances et de traitement ont été atteints. »

297 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Déclarations et Réserves, 18 décembre 1979, 1249 RTNU 13 à la p 62, en ligne : <https://treaties.un.org/> (consulté le 12 mars 2020).

298 CEDEF, supra note 10, art 16.h.

299 Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard

des femmes, 6 octobre 1999, 2131 RTNU 83 (entrée en vigueur : 22 décembre 2000) [Protocole facultatif CEDEF].

auprès de ce Comité en dernier recours300. Par conséquent, les chinoises victimes de

violations de leurs droits ne peuvent pas, en dernier recours, déposer de requête auprès du CEDAW.

La Chine s’est aussi engagée internationalement en faveur des droits des femmes de façon indirecte par la signature du Pacte international relatif aux droits civils et

politiques (PIDCP) en octobre 1998, prévoyant une égalité entre les femmes et les

hommes en matière de droits civils et politiques301.

De façon plus aboutie, la Chine a adopté le Pacte international relatif aux droits

économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en 2001302. Même s’il ne s’agit que d’une

mesure transversale en faveur des droits des femmes, elle reconnaît que les femmes détiennent les mêmes « droits économiques, sociaux et culturels énumérés dans le […] Pacte »303 que les hommes. Ainsi, le PIDESC reconnaît que les femmes doivent

disposer de conditions de travail et de rémunération égales à celles des hommes304. De

plus, il condamne toute discrimination directe ou indirecte envers les femmes305, et

300 CEDAW, 30 ans au service des droits de la femme, 2012 aux pp 27‑32.

301 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 RTNU 171 art. 3

(entrée en vigueur : 23 mars 1976) [PIDCP]. La Chine a signé le PIDCP le 5 octobre 1998, mais ne l’a pas ratifié.

302 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993

RTNU 3 (entrée en vigueur : 3 janvier 1976, accession de la Chine 27 mars 2001) [PIDESC].

303 Ibid, art 3.

304 Ibid, art 7.a.1.

305 Ibid, art 3. La discrimination indirecte se produit lorsqu’un acte juridique entraîne des effets

même au sein des entreprises306. Les gouvernements ont aussi l’obligation de prendre

« des mesures pour combattre la discrimination et promouvoir l’égalité d’accès et des chances »307. Par ailleurs, le comité d’experts indépendants a déclaré que les

gouvernements doivent prévoir des mécanismes de recours adéquats et rapides devant une autorité indépendante. Ils doivent aussi se prévaloir d’un devoir d’information des droits des individus ou groupes d’individus308.

La Chine a tenté aussi de protéger les droits des femmes au travail. Elle a ainsi adopté plusieurs conventions de l’OIT, dont certaines sont des conventions fondamentales. Depuis novembre 1990, la Chine a adopté la Convention (n°100) sur l’égalité de

rémunération309 qui consacre aux femmes l’obligation d’avoir le même revenu que les

hommes. Elle a ratifié en 2006 la Convention (n° 111) concernant la discrimination

(emploi et profession)310.

306 ECOSOC, Observation générale n°24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte

international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises, Doc off ECOSOC, Doc NU E/C12/GC/24 (2017) au para 7 [ECOSOC, Observation générale n°24].

307 ECOSOC, Observation générale n°18 sur l’article 6 du Pacte international relatif aux droits

économiques, sociaux et culturels, Doc off ECOSOC, 35e sess, Doc NU E/C12/GC/18 (2006) au para 23 [ECOSOC, Observation générale n°18].

308 ECOSOC, Observation générale n°24, supra note 306 au para 41.

309 OIT, Convention (n°100) sur l’égalité de rémunération, 29 juin 1951, 165 RTNU 303 (entrée en

vigueur : 23 mai 1953, accession de la Chine 2 novembre 1990) [OIT, Convention n°100].

310 OIT, Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 25 juin 1958, 362

RTNU 31 (entrée en vigueur : 15 juin 1960, accession de la Chine 12 janvier 2006) [OIT, Convention n°111].

Ces ratifications par la Chine, bien que très sélectives, ont été saluées par le Conseil des droits de l’homme311. La ratification de ces traités fondamentaux a progressivement

été retranscrite dans le droit national. C’est ce que nous examinerons maintenant.