• Aucun résultat trouvé

Une évaluation rigoureuse et bienveillante

4 Les principales orientations

4.5 Une méthode de soutien et d’évaluation obsolète

4.5.4 Une évaluation rigoureuse et bienveillante

Le travail d’évaluation et d’analyse mené par l’État doit être consistant, partagé avec les fédérations et répondre à plusieurs objectifs.

Premièrement, l’éclairage de la décision politique et stratégique qui ne peut se prendre qu’en mesurant les impacts. Le rôle de l’évaluation et de l’analyse est alors de faciliter une prise de décisions éclairées qui donne des arguments et évite l’arbitraire.

Deuxièmement, le conseil bienveillant et permanent auprès des fédérations et des équipes d’encadrement pour avec du recul, de l’expérience, des échanges de bonnes pratiques et des arguments leur permettre de progresser plus vite.

Ce travail d’évaluation et d’analyse conduit par l’État doit s’effectuer, en trois étapes.

La première étape porte exclusivement sur l’évaluation, dans chaque épreuve d’une discipline, des résultats obtenus et du potentiel disponible. Le travail porte sur chacune des 441 épreuves des JO d’été et d’hiver et sur les 617 épreuves des JP d’été et d’hiver, soit 1 058 épreuves (annexe 10). En réalité cet inventaire est plus léger car la France n’est pas présente sur l’ensemble du programme, elle est absente dans 10 % environ des épreuves olympiques et présente dans seulement 25 % des épreuves paralympiques85.

- Les résultats obtenus s’apprécient en répondant à une question : Quel est le niveau avéré de la France dans chacune des épreuves olympiques et paralympiques (participation et résultats obtenus) sur la base des classements mondiaux et des résultats lors des compétitions internationales de référence ? Le tableau réalisé par la MOP sur les résultats des français aux JO d’été depuis Sydney 2000 constitue un outil précieux, il est simple, objectif et démonstratif (annexe 11). Il doit être complété par un petit nombre d’indicateurs stables qui obligent à la lucidité : rang de la discipline au plan mondial, indice PO à l’exception des sports collectifs, ratio médailles obtenues/médailles possibles…

- Le potentiel de résultats d’une discipline pour les trois prochains JOP s’apprécie en répondant à la question : Dans quelles épreuves la discipline est-elle capable de réussir et avec quels sportifs ? Cette évaluation se réalise en référence à trois échéances.

o Pour les prochains JOP à 4 ans, sur la base des résultats dans les compétions du plus haut niveau (JO, championnats du monde, coupe du monde…).

85 132 épreuves sur 528 aux JP de Rio 2016

o Pour les JO à 8 ans, sur la base des résultats des équipes jeunes, après détermination de la liste des épreuves qui ont un caractère prédictif et l’utilisation d’outils comme par exemple les couloirs de la performance.

o Pour les JO à 12 ans sur la base des actions de formation et de détection engagées auprès des très jeunes sportifs, en liaison avec les clubs formateurs.

L’évaluation du potentiel doit largement prendre en compte le niveau de la concurrence internationale pour chacune des épreuves olympiques. Cette démarche doit aussi permettre de déterminer des niches de résultats.

Cette première étape nécessite la mise en place d’une petite équipe composée de compétences sportives et de compétences nouvelles en matière de gestion de banques de données (data scientist). L’évaluation est alors quasi permanente, au fil des échéances sportives.

C’est sur cette base que l’essentiel des moyens doit être alloué. Il s’agit de définir épreuve par épreuve les sportifs en capacité de gagner, puis de déterminer ce qui est nécessaire pour leur réussite et enfin d’affecter les moyens en conséquence. Les différents acteurs s’associant pour apporter chacun leur contribution à ce sportif. C’est un changement de concept : le soutien s’organise autour de la réalisation du projet du sportif ou d’une équipe, l’Etat investit dans ce projet si les garanties de réussite sont apportées.

La deuxième étape porte sur l’ensemble des 103 disciplines du programme des JOP avec un regard à 360° sur la performance. Elle est à la fois un moment d’évaluation et d’analyse mais également d’accompagnement des équipes d’encadrement. Elle permet, en début d’olympiade de compléter l’actuel PPF par une approche plus fine des paramètres qui construisent la performance collective et pérenne. Elle permet d’assurer un suivi tout au long de l’olympiade par des rendez-vous réguliers dont la fréquence, au-delà de deux points annuels, dépend des besoins de l’État et de chacune des fédérations.

Cette étape tente de répondre à l’éternelle question : que faut-il faire pour gagner ?

Elle s’appuie sur des échanges et sur des éléments observables simples (documents, fichiers, moyens humains affectés, organigrammes…) pour apprécier les domaines suivants :

- la connaissance des paramètres de la performance propres à chaque épreuve ou discipline et en corollaire la stratégie d’identification et de formation des sportifs à potentiel ;

- la conception des programmes et des contenus d’entrainement ;

- l’aptitude de l’encadrement (technique, médical, scientifique) à accompagner les sportifs ;

- la cohésion de l’équipe d’encadrement et sa capacité à mener des stratégies d’alliance ;

- l’adéquation entre les lieux de vie des sportifs et l’architecture des structures d’entrainement (clubs, Pôles, cellule individuelle) ;

- l’existence d’un lien pérenne entre les clubs formateurs et l’équipe d’encadrement nationale ;

- la réalisation des programmes de formation de l’encadrement et d’un plan de carrière pour chaque cadre ;

- la réalisation des équipements pour le haut niveau ;

- la définition et la réalisation des projets de recherche, d’étude et d’innovation technologique ;

- la relation avec des disciplines proches mais dépendantes d’autres fédérations (par exemple le plongeon et la gymnastique) ;

- l’adéquation du système de compétition nationale et de sélection avec les exigences de la performance internationale ;

- le dispositif de veille sur l’organisation et les méthodes de préparation des meilleures nations ;

- la collaboration et la confrontation avec les meilleures nations ;

- l’entrisme au sein des instances internationales, notamment les commissions techniques et d’arbitrage ;

- le suivi du projet socio-professionnel de chacun des sportifs pendant et après sa carrière ;

- les stratégies d’alliance développées avec les collectivités locales, les ligues du sport professionnel, les universités, les entreprises, les structures de recherche ; - l’implication de l’environnement proche (anciens champions, clubs formateurs,

dirigeants) pour soutenir le projet ;

- l’analyse des forces et des faiblesses propres à la discipline.

La troisième étape s’attache à évaluer la capacité de la fédération à soutenir les projets dans chaque discipline au travers des éléments suivants :

- la capacité financière, administrative et de gouvernance de la fédération ; - la mise en œuvre de procédures de décision partagées et formalisées ; - l’intégration du projet dans l’ensemble de la stratégie fédérale ; - une certaine stabilité des équipes dirigeantes.

L’ensemble de cette procédure en trois étapes permet de choisir les disciplines qui méritent d’être soutenues par l’État puis de procéder de manière argumentée aux investissements adaptés.

Cet investissement étant proportionné au classement des disciplines en trois catégories : - très fort potentiel de médailles d’or ;

- potentiel de finales et susceptible d’obtenir des médailles ; - potentiel de résultats à huit ans.

Cette méthode d’évaluation se mettra en place progressivement et s’améliorera par itération.

Elle présente quelques risques ou difficultés :

- elle met en lumière de manière violente les carences ou les forces des fédérations épreuve par épreuve ;

- elle enlève la possibilité pour une fédération de masquer des faiblesses récurrentes dans une discipline ou un groupe d’épreuves par de belles réussites dans une autre ;

- elle impose d’élever les compétences de l’ensemble des acteurs pour construire une méthode d’évaluation et d’analyse exigeante ;

- elle s’attache aux résultats et au potentiel des sportifs avant de se préoccuper des modèles d’organisation (cellule individuelle, pôles, clubs) et peut donc mettre en cause des organisations inopérantes.

En résumé, il s’agit d’une évolution importante, d’un changement de concept et d’état d’esprit pour passer :

- d’une démarche à tendance administrative et normative à une démarche de performance (paramètres considérés et interlocuteurs) ;

- d’une évaluation globale des fédérations à une évaluation de chaque discipline au scanner ;

- d’une démarche ponctuelle (début d’olympiade pour le PPF et convention annuelle d’objectifs) à une démarche permanente d’évaluation et de suivi ;

- d’une démarche qui repose sur un déséquilibre (fédération sachante et État enregistrant) à une démarche équilibrée ;

- d’une démarche tardive à une démarche anticipée ;

- d’une attribution des moyens fondés sur l’histoire à l’attribution au mérite et à l’engagement.

Cette nouvelle démarche doit faire appel pour certaines phases d’évaluation à des experts sollicités ponctuellement pour leur expérience et leur résultat.

C’est le passage pour l’État d’un système très tolérant et parfois tatillon à une méthode ferme et bienveillante.

Orientation 7 : Doter l’État d’une capacité d’analyse des résultats et des projets de chaque discipline inscrite aux Jeux Olympiques et Paralympiques. Passer du financement à l’investissement fondé sur une évaluation robuste.

Dans le cadre de cette réforme l’usage du terme de performance serait adapté, il est évocateur et correspond à l’enjeu. Nous pourrions alors nommer l’ensemble rénové le sport de performance et concevoir que la partie la plus aboutie devienne la haute performance.

Cette nouvelle appellation n’est pas un nouveau concept juridique mais la manifestation par le vocabulaire d’une nouvelle organisation et d’un nouvel état d’esprit.