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4 Les principales orientations

4.3 Un sportif professionnalisé et responsabilisé

4.3.2 Un sportif professionnalisé

La situation sociale et professionnelle des SHN installée, par touches successives, depuis plus de 50 ans masque une réalité inquiétante et une très grande diversité des situations.

Il y a les sportifs qui apparaissent dans le palmarès des français les mieux payés, et ceux qui vivent correctement de leur pratique sportive. Puis, il y a la majorité des sportifs de haut niveau parfois médaillés au plus haut niveau mondial qui cumulent leurs préparations sportives et leurs études ou un travail à temps partiel pour des volumes qui dépassent

soixante heures par semaine, 48 semaines par an pendant plusieurs années ; le tout avec une couverture sociale très incomplète et des revenus modestes et précaires.

Ces sportifs sont des professionnels au vu de leur compétence et du temps consacré à leur activité. Mais ce sont des travailleurs sans revenus, des sportifs aidés qui ne portent aucune revendication structurée quant à leur statut. Le sportif dit professionnel et le sportif dit de haut niveau exercent des métiers quasiment similaires (entraînement, déplacement, compétition, soin). Leur statut et leur revenu ne dépendent que de la place de leur sport sur le marché du spectacle sportif.

Il y a donc un décalage étonnant entre l’ambition politique fixée « le rayonnement de la Nation et la promotion des valeurs du sport » et la situation sociale de nombreux sportifs en charge de porter cette généreuse ambition. La loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les SHN et professionnels constitue une avancée importante pour la couverture sociale du sportif en cas d’accident du travail ou de maladies professionnelles56; dans la lignée de la loi de financement de la sécurité sociale pour 201257 qui accorde sous conditions de revenus un droit dérogatoire aux sportifs de haut niveau en matière d’assurance vieillesse. Ces évolutions législatives et leurs mises en application par les fédérations délégataires rapprochent le sportif de haut niveau du statut de salarié et pourraient ouvrir des contentieux en requalification de leur situation en contrat de travail.

La France a conçu, parfois de longue date, pour ses artistes des systèmes de couverture sociale58 et de rémunération adaptés à la spécificité de leurs pratiques professionnelles. Ce n’est pas le cas pour les sportifs de haut niveau (annexe 9).

Au Royaume-Uni, le nombre réduit de sportifs en préparation olympique et paralympique, environ 1 300, et un effort financier conséquent de l’État permettent d’assurer à tous ces sportifs une rémunération et une couverture sociale décentes.

Depuis 1960, le modèle français du sport de haut niveau, refusant les « sportifs d’État » par opposition avec les pratiques en cours au sein du bloc des pays de l’Est et refusant également les « sportifs rémunérés » en référence au principe de l’amateurisme, n’a pas choisi sauf rares exceptions (sports collectifs, tennis, golf) de s’engager dans la voie de la professionnalisation.

En conséquence, il a fallu aménager et rendre possible cette troisième voie, le double projet, c’est-à-dire la conciliation simultanée des charges du sportif (entraînement, compétition, déplacement) avec celles d’étudiant, puis celles de travailleur59. Dans cette perspective, de

56 Cette loi complète la couverture sociale des sportifs de haut niveau par l’institution d’un dispositif d’assurance « accident du travail - maladies professionnelles » qui couvre le risque d’accident sportif. Il concerne tous les sportifs de haut niveau qui ne sont pas salariés ou travailleurs indépendants.

57Loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012. Décret n° 2012-1202 du 29 octobre 2012 relatif à la prise en compte, en vue de l’ouverture du droit à pension de retraite, des périodes d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau.

58 Le régime spécial de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris est un régime ancien, dont l’origine remonte à 1698.

Il est géré par la Caisse de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris, dont le statut est fixé par un décret n° 68-382 datant du 5 avril 1968.

59 Le concept de double projet est déjà exposé dans l’Essai de doctrine du sport du 23 décembre 1964 (pp. 67-97). Cet essai regroupe les propositions issues de la première grande consultation sur l’avenir du sport. Il propose la création d’une nouvelle catégorie de sportifs, les « Non amateurs » qui pourraient gagner de l’argent à deux conditions impératives : « Avoir terminé la scolarité légalement obligatoire et apprendre ou exercer un métier ». Pour aider le sportif à mener de pair son projet sportif et son projet de formation, l’essai envisage la création au sein de l’Éducation nationale de centres de formation professionnelle et

nombreux dispositifs ont alors été créés au fil des années qui rapprochent de plus en plus le sportif de haut niveau du sportif professionnel salarié :

- l’aménagement des formations ; - les aides personnalisées (AP) ;

- les conventions d’insertions professionnelles (CIP) ; - les pôles du sport de haut niveau ;

- l’ouverture dérogatoire des droits à la retraite ;

- la couverture accident du travail et maladie professionnelle.

Aujourd’hui, ce modèle du sportif-étudiant, puis du sportif-travailleur ne répond plus aux besoins des meilleurs sportifs confrontés à une concurrence internationale qui se préoccupe assez peu du double projet et à des contraintes croissantes :

- la multiplication, pour les sportifs, par deux ou trois depuis les années 1960 des charges d’entraînement et de participation aux compétitions ;

- l’obligation du sportif, au regard des deux évolutions précédentes, de consacrer plus de temps à la récupération ;

- l’internationalisation de la préparation. Les sportifs, pour les compétitions, mais également pour leur préparation (conditions météo, installations ou équipements spécifiques, concurrence …) se déplacent à travers le monde entier pendant plusieurs mois (tennis, athlétisme, golf, voile, judo, lutte …) ;

- les attentes, particulièrement pour les meilleurs sportifs, des médias et des partenaires financiers.

La systématisation au début des années 1980 du double projet, conçu pour concilier simultanément la pratique de haut niveau et la préparation à l’insertion professionnelle, a permis de répondre aux exigences du moment. Mais ce modèle du double projet simultané et des palliatifs dus au refus culturel du salariat, et aux manques de moyens financiers, est aujourd’hui suranné pour les meilleurs sportifs. Les sportifs sélectionnés aux JO sont rarement inscrits dans le double projet, au moins pour les deux ou trois années préolympiques. Le discours officiel fédéral rappelle l’obligation du double projet mais sa mise en œuvre par les équipes d’encadrement est parfois négligée voire impossible.

Le concept du double projet doit être conservé pour les plus jeunes sportifs de haut niveau, pour donner à chaque sportif les moyens de conduire sa deuxième carrière.

Mais il convient de changer résolument de modèle, sans abandonner les objectifs de formation et d’insertion professionnelle, et d’évoluer vers le statut de professionnel du sport.

De tout cela, il ressort deux orientations principales :

- faire basculer de manière pleine et entière les sportifs de haut niveau dans la catégorie des salariés ou des travailleurs indépendants. Le recours à ces deux statuts doit devenir l’usage commun afin que les sportifs bénéficient d’une couverture sociale complète pendant leur carrière sportive. Cela nécessite une

sportive. Il s’agit de trouver une voie entre le professionnalisme qui n’est pas éthiquement acceptable et l’amateurisme intégral dont les limites apparaissent face aux « Athlètes d’État, d’université ou de société commerciale » et d’éviter la dérive vers

« l’amateurisme marron » considéré comme « la tare du sport et la négation de sa valeur morale ».

transparence totale sur les aides et les revenus qu’ils perçoivent afin de construire des plans de financement réalistes ;

- faire évoluer quand cela est justifié, le double projet d’une réalisation simultanée à une réalisation alternative. Dans cet objectif, le sportif de haut niveau doit pouvoir bénéficier à l’issue de sa carrière d’un temps d’ouverture de droit (rémunération, formation) proportionnelle à son temps d’inscription sur les listes de haut niveau.

Toutes les ressources financières doivent être mobilisées pour le développement du salariat des sportifs de haut niveau :

- les aides personnalisées de l’État, les aides personnelles attribuées par les partenaires ou les collectivités locales doivent être plus largement sollicitées ; - les aides familiales qui sont rarement prises en compte même si elles représentent

souvent l’aide la plus importante en début de carrière ;

- les aides indirectes en matériel, déplacement, frais de pension… ;

- les aides des entreprises qui vont pouvoir, en liaison avec la dynamique Paris 2024, s’engager plus en matière de formation et d’emploi des sportifs ;

- les ressources du mécénat, en mobilisant les fondations d’entreprises et en s’appuyant sur la fondation du sport français, fondation Henri Sérandour.

L’utilisation de l’ensemble de ces ressources doit permettre la construction de plans de financement des salaires des sportifs et en conséquence la réduction, ou pour le moins la stabilisation, pour l’État du cout de la prise en charge des cotisations retraites et du risque accident du travail et maladie professionnelle.

L’initiative de la création de la Fondation pour le pacte de performance au sein de la Fondation abritante du sport français « Henri Sérandour » est à encourager. Cette nouvelle fondation créée, le 30 mars 2017, à l’initiative du ministère chargé des sports et du CNOSF a pour objet : « de promouvoir et de financer sur l’ensemble du territoire français, la formation, l’insertion socio-professionnelle et la reconversion des sportifs de haut niveau ainsi que d’encourager le soutien des entreprises ». Elle peut apporter, notamment aux fédérations les plus modestes des financements privés et une ingénierie pour faciliter l’emploi de sportifs de haut niveau.

Orientation 5 : Additionner tous les moyens existants pour salarier les sportifs dans leur club, leur fédération, dans une entreprise ou pour qu’ils s’installent en travailleur indépendant afin de leur assurer une couverture sociale complète et une sérénité pour atteindre leurs objectifs.

La réussite de ce passage d’une forme d’assistanat du sportif (bourses, aides personnalisées) au salariat impose que l’Etat se dote d’un service d’assistance aux sportifs et à l’encadrement, celui-ci pourrait prendre la forme d’un centre d’appel. Ce service prenant également en charge la formation de relais au sein des fédérations, dans les services territoriaux et les établissements.

Préconisation 18 : Faire évoluer le concept de double projet pour les sportifs de haut niveau élite et senior d’une réalisation simultanée à une réalisation alternée.