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PARTIE II. Le son présenté comme « universellement » intelligible serait un

C. Le langage sonore opère dans la continuité de la marque

1) Un discours reflétant les valeurs de la marque

Comme nous l’avons expliqué pour les trois cas traités lors de ce travail, Peugeot, Marc Dorcel et Interfel, nous avons démontré que l’identité sonore est un discours qui reflète les valeurs de la marque qu’elle sert. L’identité sonore constitue, nous pouvons l’affirmer, un outil de communication de marque. L’identité sonore des marques va chercher dans de nombreuses références culturelles des signes, des codes, pour évoquer, faire entendre et faire correspondre le discours de la marque à des signes esthétiques. Cependant, tout ce propos est à nuancer. Nous avons vu à quel point la musique était importante pour les consommateurs comme pour les marques, que parfois il y avait une classification des effets sonores pour les faire correspondre à des effets visuels, que la musique est malgré tout indissociable de l’image en raison de son caractère si évident que l’image donne à voir en première lecture. La musique, l’identité sonore, les sons sont malgré tout destinées à être compris, à être interprétés dans leurs contextes intrinsèques et par une personne humaine.

Ainsi, il n’est pas correct de dire qu’une identité sonore est un discours reflétant les valeurs de la marque. Définissons d’abord ce qu’est une valeur de marque. Est-ce sa valeur au sens économique du terme ? Est-ce sa valeur immatérielle ? Sont-ce les croyances associées à son secteur d’activité ? D’autre part, nous voyons cela dans son contexte et selon la culture dans lequel est émis cette identité sonore.

Marie-Claude Sicard, Professeure au CELSA, experte en stratégie de marques et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet de la valeur explique :

« Y a-t-il aujourd’hui un mot plus répandu que celui de ‘valeurs’ dans l’univers des marques ? Par comparaison avec les 80 valeurs dénombrées dans le monde de l’entreprise, il y en a 185 pour les marques, et encore, à partir d’un premier recensement qui en comptait jusqu’à … 700 ! ».

Le terme de valeurs reste donc un terme abstrait pour les marques tant il est difficile de le définir.

Marketing brand value index, Wellcom

Nous l’avons notamment vu avec le cas de Peugeot, qui en Russie devait baliser le tag sonore de la marque en intégrant le mot « Peugeot » :

SL : On s’était rendus compte que, par exemple, je sais pas, un pays comme la Russie où on n’a pas la même notoriété et connaissance qu’en Europe ou en France, la Russie nous a dit : « Moi j’ai besoin de mettre dans mon tag sonore Peugeot. Je veux entendre Peugeot ».

Pour Stéphane Lévy, l’identité sonore de Peugeot, dû au contexte international dans lequel la marque évolue, doit pouvoir être intelligible selon n’importe quel pays. Selon lui, il faut que la marque soit clairement identifiable n’importe où.

Du fait d’un manque de connaissance de l’univers de la marque Peugeot en Russie, des autres marques présentes sur le marché et de ce qu’évoque la marque et son univers dans la culture russe, la filiale locale a donc intégré dans le tag sonore le mot Peugeot. Mais parler du contexte local ou du marché n’est pas suffisant. L’esprit de chaque personne, du consommateur, permet de comprendre ce que convoque la marque. Peugeot peut certes évoquer la montée en gamme, l’émotion, la qualité de

fabrication de ses véhicules en France ou dans d’autres pays par les effets sonores ou publicitaires qu’elle met en place. Mais pour d’autres personnes, pour d’autres cultures, les signes envoyés ne reflètent pas forcément les messages, les valeurs, que la marque souhaite renvoyer. Pour la signature sonore de BMW, par exemple, qui retentie par deux sortes de gongs résonants, les interprétations ne sont pas les mêmes :

Julien Goris : […] On est quand même toujours autour de la matière de la voiture, cela traduit quand même la solidité l’assise, le caractère un petit peu trempé, enfin la force tranquille un petit peu, moi j’entends ça parce que c’est deux symboles qui en radio prennent le temps. Pour moi non c’est un bloc d’acier dans lequel on tape, ou qu’on pose pour venir y intégrer le moteur, c’est dense, imposant, c’est un monolithe très lourd. Bref, c’est allemand, c’est l’idée de la solidité.

Stéphane Lévy : […] Si vous écoutez le tag sonore de l’époque c’était, vous le connaissez forcément, c’était très bruitiste, très claquement de porte stylisé, une portière métallique.

Grégoire Bonnin : […] Moi j’entends quelque chose en bois comme un xylophone ou un marimba […]

Ce qui transparait de ces retours sur le cas du tag sonore de Peugeot, est que tout est une question d’interprétation en fonction de ses propres références. Si l’on demande à un expert de l’automobile et de la marque Peugeot comme Stéphane Lévy, il entendra un bruit de portière, quelque chose de très figuratif. Si l’on demande à un expert du design sonore de marque, Julien Goris, on note quelque chose de beaucoup plus abstrait et conceptuel, comme un bloc d’acier, un monolithe très lourd et imposant. Enfin, si l’on demande à une personne centrée davantage sur la musique et sur la manière de produire des sons, Grégoire Bonnin, nous constatons que l’approche est encore différente sur la manière de percevoir ce son-là et de l’interpréter. L’approche de ce dernier acteur sera une approche plus pragmatique sur le comment techniquement on a créé le son.

Cette analyse nous amène donc à interpréter le design sonore et les valeurs de marque de façon subjective selon nos propres convictions, nos propres référents et notre réflexion personnelle quant à ce que la marque veut signifier. Ainsi, le terme de valeur est considéré comme des messages et la marque transmet des valeurs qui sont

fortement liées à son histoire, à son contexte et au rapport personnel qu’entretiennent les gens à la marque.

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