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PARTIE II. Le son présenté comme « universellement » intelligible serait un

B. Du besoin d’établir une classification du sonore pour la marque

2) Un déchiffrage instantané

En optant pour des styles musicaux « en vogue » (La Redoute) voire des titres avant-gardistes (Lacoste), les marques souhaitent non seulement interpeller le grand public et faire mémoriser leur message mais surtout influer fortement sur sa perception sur elles sur le long terme. Quand Flunch avec sa création originale, revendique un ton populaire pour ancrer son positionnement, Campanile revient en TV avec une bande-son aux tonalités électro plutôt ciblée hipster, et donc en décalage avec la personnalité de la marque, même si elle soutient les notions de convivialité et de joie de vivre mises en avant dans le nouveau film publicitaire. Les ouvrages qui soulignent la qualité musicale des fabrications publicitaires ne sont pas nouveaux. Au milieu des années 1970, le magazine Stratégies proposait une tribune entière nommée « Sur quatre spots radio primés », qui était consacrée entièrement à la musique entrant dans la construction des messages publicitaires. Cette tribune signée par un enseignant-chercheur musicologue, Jean-Rémy Julien, présente les bases d’une classification des types d’emplois publicitaires de la musique et dans quelle mesure les illustrations musicales sont retenues ou perçues par le public.

Il propose donc un premier repérage en s’essayant à une catégorisation des utilisations du sonore et du musical dans la publicité radio. Dès lors, il distingue les créations d’objets sonores « analysables sémiologiquement » (composés d’ensembles de lignes musicales courtes et de sons réels) et les utilisations de musiques existantes à caractère « classique » ou « moderne ».85

Pour Julien Goris, Directeur Artistique de l’agence Sixième Son, certains sons sont caractéristiques d’ambiance et liés à la culture « populaire ». Le cinéma a fortement influencé la culture audiovisuelle, et il n’est pas rare de retrouver les mêmes effets dans le cinéma comme dans la publicité. Julien Goris nous explique :

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« Du bon son pour redorer une image de marque », article Influencia publié le 23/05/2016, Aurélien Sooukian

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MAGIS Christophe, « La musique et la publicité. Les logiques socio-économiques et musicales des

JG : La raison pour laquelle on rattrape presque l’image en termes d’efficacité c’est notamment parce que, je trouve, Hollywood a associé des sons à des images. Et le gros son de corne de brume avec du synthé de Hans Zimmer pour Inception, maintenant c’est le code la puissance et on l’a entendu dans vingt mille messages publicitaires depuis, et on l’entend encore alors que ça commence à faire longtemps. Bon il a inventé un code pour évoquer…je ne sais pas…un truc super impressionnant. Du coup ce son veut dire, attention, il va se passer un truc énorme et on le met sur une image débile où se passe rien, on est quand même pris ! Mais ça depuis beaucoup de choses, depuis Psychose avec Bernard Hermann, on a toutes ces choses-là, ces gens-là ont façonné à leur façon les codes du design sonore. […] Comme dans beaucoup de domaines d’expression c’est l’art qui vient influencer et donner de la matière aux communicants, les communicants derrière réutilisent le travail des artistes finalement, c’est comme ça que cela marche depuis toujours.

Au cours de notre entretien avec Julis Goris, le Directeur Artistique de Sixième Son, nous avons tenté de comprendre d’où venaient les signes présents dans le design sonore. Pour Julien Goris, selon sa conception, c’est le cinéma et l’art qui ont façonné le design sonore en termes de codes. C’est pour lui, l’art, la source de son inspiration.

Enfin, le « sound design » a fait son apparition dans l’univers de l’automobile dans les années 2000. Si parler des bruits de portières Mercedes pour symboliser le luxe, la bourgeoisie, le cocon et la sécurité que représentente la voiture est anecdotique, aujourd’hui au vu des progrès technologiques et de cet avantage concurrentiel saisit par tous les acteurs du marché de l’automobile, il est en revanche intéressant de se pencher sur le cas des voitures électriques, comme nous l’avons vu précédemment, et de montrer en quoi, pour ce cas-là, le design automobile est important. Toutefois, bien que le cas de Mercedes soit anecdotique, ce travail accompli sur le bruit de ses portières constituait un enjeu stratégique fondamental dans la perception qu’ont les consommateurs de la marque. Dans ce domaine, la marque a été pionnière en termes de design sonore.

L’enjeu majeur du marché automobile aujourd’hui réside dans la pertinence qu’ont les marques à doter leurs voitures électriques d’un « son-signature ». Sur les voitures, le travail consiste à remplir le son après s’être attelé pendant des années à réduire les nuisances sonores. L’enjeu peut également être d’améliorer un son déjà existant pour qu’il soit plus confortable à l’oreille. Pour exemple, le e-Sound d’Audi pour sa gamme e-Tron (image ci-contre) représente un développement de plus de trois

ans pour concevoir un « bruit-signature » reconnaissable parmi tous. L’originalité de ce son est que le système e-sound génère un son en temps réel qui combine non seulement la vitesse de rotation du moteur électrique et la vitesse du véhicule, mais aussi les charges et les bruits du vent ou des autres voitures. Ralf Funkel, Directeur de l’acoustique chez Audi, s’est d’ailleurs beaucoup inspiré des véhicules futuristes que l’on retrouve dans la science-fiction, comme dans I, Robot avec l’Audi 2035. Nous en revenons aux fondamentaux des objectifs recherchés en matière de design sonore : des objectifs d’identification, de différenciation et de valorisation.

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