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414 . 1 = n k L p τ [1.11]

L’équation [1.11] n’est valable que pour les écoulements laminaires (Poiseuille). En pratique, cette équation évalue l’érodabilité interne d’un sol largement plus élevée que celle externe. Ceci est non seulement lié au régime laminaire de l’écoulement mais aussi dû au recolmatage des pores à cause de la déposition des particules érodées.

En conséquence, la résistance à l’érosion dépend fortement du type d’érosion autrement dit de l’influence du type de l’écoulement pour un sol et n’est pas une caractéristique intrinsèque de la texture de sol.

2 Typologie de l’érosion dans les ouvrages en terre

Afin de mieux définir le domaine d’application des méthodes expérimentales utilisées pour déterminer les différents caractéristiques d’un ouvrage hydraulique en terre face à l’érosion, une classification des phénomènes, tous dénommés « érosion », est effectuée. Les phénomènes couverts par ce terme sont variés et ont fait l’objet de plusieurs définitions terminologiques.

Les ouvrages hydrauliques dont l’érosion est la principale cause de rupture sont (Béguin 2012) :

- Les digues de protection contre les crues qui ne sont pas en charge en temps normal et qui ont pour but de protéger les parties avales contre les inondations. (La France en dispose de 9000 km).

- Les digues des canaux de navigation dont une bonne partie de la hauteur est en charge de façon permanente (8000 km en France).

- Les digues des canaux hydroélectriques pour acheminer l’eau d’un barrage pour la production de l’électricité (1000 km en France).

- Les barrages en terre et les ouvrages en terre de retenue d’eau qui ont des longueurs plus réduites que les trois derniers types. En revanche dans certains grands barrages la charge hydraulique est largement plus élevée.

Outre la différence de taille entre les barrages et les digues (section et longueur), une différence importante est l’existence de filtres dans les barrages ainsi que l’utilisation de matériaux pour le noyau et pour le reste de l’ouvrage. Les digues et les levées sont ainsi généralement constituées d’une structure uniforme et habituellement plus hétérogène.

Les remblais d’infrastructures de transport sont un autre type d’ouvrages soumis à l’érosion. En principe, des ouvrages de décharge hydraulique sont prévus afin d’éviter la mise en charge hydraulique de remblais. Cependant, de par leurs propriétés (linéarité notamment), il arrive souvent que ces ouvrages constituent un obstacle à l’écoulement des eaux suite à une faille de fonctionnement ou un sous-dimensionnement des ouvrages hydrauliques de décharge, à des talwegs peu marqués ou à sec ainsi qu’à des événements exceptionnels. En général, les remblais routiers n’ont pas été conçus pour supporter cette mise en charge hydraulique contre l’un de leurs versants. Pendant la montée des eaux à l’amont, des écoulements internes trouvent un chemin à travers les remblais, avec d’autant plus de facilité que les interfaces entre remblai routier, couche de forme et ensemble de la chaussée présentent une vulnérabilité potentielle à ces écoulements transversaux. Les dégradations résultantes peuvent ne pas conduire immédiatement à la ruine de l’infrastructure, mais à long terme, par exemple, sous les charges de circulation de la voirie. Par ailleurs, la structure d’un remblai routier offre aux mécanismes de dégradation sous charge hydraulique latérale une vulnérabilité de nature différente de celle offerte par une digue : outre les couches de perméabilité homogène qui présentent des interfaces horizontales propices au développement d’écoulements internes, la chaussée couvre la crête du talus, le ruissellement en tête de remblai conserve presque sans perte de charge son énergie hydraulique qui se transforme en énergie critique sous forme d’écoulement torrentiel sur le talus aval et peut accélérer la ruine par grand glissement à cause de son poids propre. La distribution des contraintes entre érosion interne et érosion de surface, ainsi que leur prépondérance relative, sont très différentes de celles concernant une digue (Bertaina 2009).

(2012), l’érosion interne est représentée comme la cause la plus fréquente des ruptures récentes des ouvrages en terre en France et dans le monde. Pendant les 26 mois de suivi depuis 2010, 46 ruptures ont été observées parmi lesquelles 43 ruptures étaient dues à l’érosion. Ceci présente plus des 97% de ruptures. Parmi les 43 cas de rupture par érosion 22 l’ont été par l’érosion interne et 20 par la surverse.

Figure I.9 – a) Rupture du barrage de Bom Conselho (Brésil) en juin 2010 par la surverse b) Rupture du barrage d’Ivanovo (Bulgarie) en février 2012 par l’érosion interne (droite) (source Fry et al. 2012).

2.1 Érosion interne

La terminologie « érosion interne » regroupe généralement les phénomènes d’arrachement et de transport de particules par l’écoulement à l’intérieur du volume d’un ouvrage (Blais 2004). Elle est définie par ICOLD (1990) comme « le transport des particules de sol dans un barrage en remblai ou sa fondation par l'infiltration dans le sens de l’écoulement ». Il existe plusieurs classements pour ce phénomène. Fry et al. (2012) proposent quatre mécanismes principaux pour l’initiation de l’érosion interne : (1) l’érosion de conduit ou concentration de fuite (2) l’érosion régressive (3) l’érosion de contact et (4) la suffusion.

2.1.1 Érosion de conduit

Il est intéressant de constater que les causes de l’érosion mises en avant dans les travaux publiés par le Comité Français des Grands Barrages (CFGB) sont les tassements différentiels, les terriers de rongeurs, les conduites dans les corps de digue, les racines des arbres etc. (Blais 2004). Cela est également évoqué par ICOLD (1990). Ce phénomène est tout à fait analogue à l’érosion externe qui se produit à l’interface d’un écoulement généralement turbulent et la surface du sol excepté que l’écoulement est dans ce cas en charge et que l’érosion se situe à l’interface d’une conduite à l’intérieur de la masse du sol. De ce fait, l’état du sol et les conditions d’écoulement généralement turbulent sont différents par rapport à la surface de l’ouvrage. Le sol se trouve normalement en état de traction (Reddi et Bonala 1997;

Indraratna et al. 2009). Selon la base de données ERINOH ce mécanisme est la cause la plus fréquente des ruptures par l’érosion interne.

2.1.2 Érosion de contact

L’érosion de contact est induite par le détachement de particules à l’interface entre deux milieux poreux de granulométries très différentes (Béguin 2012). Par exemple, lorsqu’une couche de gravier est en contact avec une couche de sable fin, les grains de sable à l’interface des deux couches peuvent être détachés et transportés à travers les pores de la couche de gravier. L’érosion de contact est aussi parfois appelée érosion d’interface ou suffusion de contact. Ce mécanisme est fortement lié à la discontinuité entre les deux couches, en termes de granulométrie mais aussi de perméabilité. Cette discontinuité va permettre de remplir deux conditions nécessaires à l’érosion. D’abord, le matériau grossier possède une perméabilité importante et va être le siège de vitesses d’écoulement élevées, suffisantes pour détacher et entraîner les particules : c’est la condition hydraulique. Ensuite, les tailles des pores et des constrictions de ce matériau sont assez grandes par rapport à la taille des particules du sol fin transportées pour permettre le passage de ces particules sans piégeage : c’est la condition géométrique.

2.1.3 Suffusion

Le phénomène de suffusion se traduit par une redistribution interne des particules fines dans le sol (Bendahmane 2005). La granulométrie globale du sol ne change pas, en revanche la perméabilité diminue. Cette redistribution des particules provoque une surpression localisée en aval de l’écoulement et peut engendrer un glissement de sol. Généralement l’évolution du phénomène de suffusion est très lente, ce qui permet de la détecter et d’agir en conséquence.

Dans la littérature, plusieurs critères ont été proposés pour estimer l’initiation et le développement de l’érosion interne. Les approches sont multiples et reposent essentiellement sur l’étude granulométrique des matériaux ou sur l’évaluation du gradient hydraulique critique d’érosion.

2.2 Érosion externe

L'érosion externe est la déstructuration de surface par arrachement et déplacement des particules d'un sol ou d'une roche sous l'action d'un agent extérieur naturel (eau, air, froid, chaleur, hygrométrie, gel, dessiccation etc.). Trois types d'érosion externe dues à l’eau sont essentiellement identifiables : l'érosion pluviale, l'érosion fluviale, l'érosion maritime (Pham 2008).

L'érosion externe peut être engendrée par des circulations d'eau, même peu importantes, sur la crête des ouvrages. Ceci arrive, par exemple, lorsque les ouvrages de décharge sont insuffisants pour évacuer l'eau lors d’une crue ou une inondation, provoquant alors une surverse. Lors de la surverse au dessus de la couche de la crête de l’ouvrage l’eau coule jusqu’au talus aval où l’écoulement devient torrentiel et possède un grand pouvoir érosif. Lorsque les vitesses d’écoulement sont supérieures aux limites d’arrachement. Le mécanisme d'érosion s'amorce à partir du bord aval de la pente et progresse jusqu'à ce qu'une brèche soit ouverte. Le phénomène peut durer de quelques minutes à quelques heures selon la taille des matériaux, leur cohésion, le revêtement de la crête de l’ouvrage, la hauteur de l'eau qui s'écoule au-dessus de l’ouvrage. L’endommagement du pied de talus ou le raidissement de la pente du talus aval, conduit donc à la destruction partielle ou totale du remblai (formation d’une brèche).