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Typologie des textes juridiques et de leur traduction

II.2. La sécurité sociale : un domaine à la croisée de plusieurs champs

II.2.5. Les textes à caractère juridique au BIT

II.2.5.2 Typologie des textes juridiques et de leur traduction

Le droit constitue un domaine auquel le concept de rigueur est couramment associé.

Toutefois, il existe une telle diversité de textes juridiques que la notion de droit peut paraître assez floue.

« Le discours juridique, c'est le discours dans lequel on formule le droit, ou dans lequel on parle du droit : notion plutôt vague [...] »194

L'auteur de cette citation, Jerzy Wroblewski, estime que :

« la notion de droit est […] problématique, compte tenu de la diversité des théories ou des philosophies du droit existantes »195.

Il précise que :

« [p]ar « droit », on entend […] l'ensemble des prescriptions qui satisfont les conditions précisées par une théorie du droit déterminée, visant en l'occurrence les

192 CORNU, Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige, 8e édition, 2007, pp.869-870.

193 CORNU, Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige, 8e édition, 2007, p.334.

194 WROBLEWSKI, Jerzy, « Les langages juridiques : une typologie », in « Droit et Société », n°8, 1988, p.15.

195 Ibid.

systèmes de droit écrits. Ceci est important pour la distinction entre le langage juridique comme production d'actes normatifs et le langage de l'application du droit […]. [P]ar droit, nous « entendons » l'ensemble des prescriptions édictées par le législateur et leurs conséquences formulées dans le même langage que celui du législateur […]. [E]n parlant du droit, on vise les lois ».196

Pour Jerzy Wroblewski, le « discours juridique, […] c'est le discours dans lequel on formule les lois ou celui à l'aide duquel on parle des lois »197. Dans le langage légal (celui dans lequel les lois sont formulées), Jerzy Wroblewski distingue trois types de langages juridiques : le langage jurisprudentiel, le langage scientifique et le langage commun. Ces trois types de langages juridiques entretiennent des relations avec la langue naturelle « qui elle-même apparaît comme le fond commun des langages juridiques »198; la langue naturelle étant définie comme « la langue de la communication dans une société linguistique », à l'opposé du langage légal qui « présente des « éléments artificiels », surtout dans son vocabulaire »199. Pendant notre stage, parmi les textes que nous avons eu à traduire, aucun ne relevait du langage légal au sens strict, entendu comme « résultat de l'activité du législateur, qui formule les textes des actes normatifs »200.

Le BIT n'étant ni un tribunal, ni une université, les textes qu'il produit ne relèvent ni du langage juridique jurisprudentiel, ni du langage juridique scientifique. En revanche, les textes produits nous semblent relever du langage juridique commun, à savoir « le langage utilisé dans les discours concernant le droit […], catégorie résiduelle […] complexe car on parle du droit dans des contextes très diversifiés »201. Les textes juridiques du BIT, et spécialement ceux relatifs à la sécurité sociale, ne visent ni à formuler des règles juridiques, ni à les appliquer, ni à élaborer un système philosophique du droit, ils se limitent en général à traiter

196 WROBLEWSKI, Jerzy, « Les langages juridiques : une typologie », in « Droit et Société », n°8, 1988, p.16.

197 Ibid.

198 Ibid., p.17.

199 Ibid.

200 Ibid., p.18.

201 Ibid., p.24.

du droit202. Leur valeur normative est davantage liée à leur intentionnalité : aucun moyen concret, aucune sanction émanant du BIT ne sauraient être mis en œuvre en cas de non-application des recommandations préconisées.

Un autre auteur, Valérie Dullion, observe que l'étude des pratiques dans leur contexte social constitue une orientation de plus en plus marquée dans les recherches relatives à la traduction juridique. Si elle rappelle que le degré de liberté du traducteur de textes juridiques est plus restreint que dans d'autres domaines, Valérie Dullion pense qu'une typologie des textes juridiques permet de préciser les exigences à respecter dans l'opération traduisante. Selon elle, il s'agit aussi de « mettre l'accent sur la façon dont les textes traduits sont utilisés pour les besoins multiples de la communication juridique, communication en partie codifiée et institutionnalisée selon des règles propres à chaque système »203. Les textes juridiques que nous avons eu à traduire lors de notre stage n'avait pas force de loi, mais ils étaient susceptibles d'entraîner, pour tel ou tel pays, des conséquences juridiques. Selon les effets envisagés, « la traduction est susceptible de remplir deux catégories de fonctions : informer sur le droit ; produire un texte qui aura une valeur en droit »204.

Valérie Dullion s'appuie sur une « typologie des traductions fondée sur les fonctions du transfert […] par Ch. Nord dans le cadre de la théorie du skopos »205. Cette typologie distingue la « traduction document » de la « traduction instrument ». Cette distinction entre traduction document et traduction instrument s'inspire elle-même de la typologie des textes établie en son temps par Katharina Reiss. Cette typologie, dérivée de trois des six fonctions du langage formulées par Jakobson dans sa théorie linguistique, distingue les textes informatifs, expressifs et incitatifs.

Les textes qui nous ont été confiés pour être traduits avaient essentiellement une visée informative, en direction soit du grand public, soit de spécialistes de la sécurité sociale ; ils n'avaient pas en eux-mêmes une valeur juridique stricto sensu. Il était important pour nous,

202 Ibid., p.25.

203 DULLION, Valérie, « Du document à l'instrument : les fonctions de la traduction des lois », in « La traduction juridique : histoire, théorie(s) et pratique », Berne/Genève, 2000, p.1.

204 Ibid.

205 Ibid., p.4.

tout en restant aussi fidèle que possible au texte de départ, d'avoir présents à l'esprit les objectifs du texte cible : la traduction en tant qu'acte de communication internationale devait s'adresser à un public potentiel extrêmement diversifié, à savoir tout lecteur, de quelque pays que ce soit, intéressé par le sujet de la sécurité sociale. À ces traductions documents (textes du site GESS, etc.) s'ajoutaient au BIT des traductions instruments : celles qui émanent notamment de la CIT. Les textes relevant de cette seconde catégorie possèdent une dimension politique puisqu'ils s'adressent aux dirigeants des pays membres de l'OIT. L'enjeu consiste à changer les mentalités et les pratiques pour assurer des niveaux suffisants de protection sociale aux populations.

Les textes juridiques émanant de la CIT ont une intentionnalité précise : promouvoir le droit social dans l'ensemble des Etats membres. Cette dimension incitative, aux connotations politiques et diplomatiques évidentes, relève du service de traduction du BIT. Nous n'avons donc pas eu à traduire ce type de document.

II.2.3.3 Un exemple de traduction juridique dans un ouvrage de