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Types de réserves prises en compte Réserves dans l’environnement

développement et complémentarité avec les indicateurs de criticité

6.1 Limites des indicateurs ACV d’épuisement des ressources et pistes de développement

6.1.4 Types de réserves prises en compte Réserves dans l’environnement

Certaines méthodes telles que la méthode CML se basent sur la notion de réserves ultimes pour évaluer l’épuisement des ressources. Cependant, l’utilisation du concept de réserves ultimes pour évaluer la quantité potentiellement disponible d’une ressource fait débat au sein de la communauté scientifique. En effet, de nombreux auteurs ([Brentrup2002], [VanOers2002], [Schneider2011]) considèrent qu’un élément présent dans l’environnement sous une forme trop peu concentrée ou trop inaccessible ne sera jamais exploité, et qu’il ne peut donc être considéré comme une ressource.

Ces auteurs critiquent donc l’usage du concept de réserves ultimes et préconisent l’usage du concept de base de réserves ou encore l’usage du concept de réserves (économiques). Dans la publication [ILCD2011], le JRC recommande ainsi d’utiliser la méthode CML avec les facteurs de caractérisation relatifs aux bases de réserves. Le JRC indique que cette approche permet de se placer dans un horizon temporel lointain et de prendre en compte les futurs progrès technologiques en matière d’extraction.

Brentrup [Brentrup2002] estime quant à lui que le concept de réserves (économiques) est le plus approprié. En effet, selon lui, les ACV ne tiennent pas compte d’une manière générale des développements ou progrès technologiques futurs, tels que l’amélioration d’un traitement médical permettant de résoudre des problèmes de santé humaine ou, dans le cas des ressources, l’amélioration de techniques d’extractions permettant d’extraire des ressources moins concentrées. De ce fait, il n’est pas selon lui cohérent d’utiliser des données de type « réserves de base », qui sont justement basées sur des futures et hypothétiques progrès technologiques.

Par ailleurs, on peut également indiquer que les niveaux de réserves et/ou les scénarios de substitution entre ressources considérés par les indicateurs ACV sont basés sur l’état des connaissances actuelles. Or, on peut mentionner que les débats politiques actuels autour des gaz de schiste et les éventuels développements technologiques visant à extraire cette ressource sont susceptibles de modifier la situation. Cela pourrait notamment avoir pour conséquence de modifier les niveaux de réserves disponibles en ressources fossiles et les scénarios de substitution à considérer lors du passage de ressources fossiles conventionnelles à des ressources alternatives. Ces éléments étant pris dans le calcul des facteurs de caractérisation de différents indicateurs ACV, il conviendrait donc de mettre à jour ces facteurs si la situation concernant les ressources fossiles était amenée à changer considérablement.

Réserves dans la technosphère

Selon [Gerst2008], l’augmentation continue de l’utilisation des ressources au cours du siècle dernier a conduit à un déplacement des ressources depuis les réserves dans l’environnement vers les réserves dans la technosphère.

Or, le fait qu’une ressource soit présente dans l’environnement ou dans la technosphère ne change pas le fait qu’elle puisse être potentiellement disponible à l’avenir. En effet, la provenance n’a pas d’influence sur l’épuisement ou non de ses fonctions potentielles, le paramètre important étant qu’elle reste suffisamment disponible, c’est-à-dire suffisamment concentrée et accessible, pour permettre son utilisation.

Compte tenu de cela, les indicateurs basés sur une vision fonctionnelle des ressources et prenant en compte la notion de réserves dans leur méthodologie de calcul devraient intégrer les réserves présentes dans la technosphère au même titre que les réserves présentes dans l’environnement.

Cependant, ce n’est pas le cas actuellement et les méthodes analysées dans cette étude tiennent compte uniquement des réserves présentes dans l’environnement.

Ce manque a été identifié par Schneider [Schneider2011] qui propose un indicateur incluant les réserves présentes dans la technosphère. Pour cela, l’auteur propose d’ajouter au stock « lithosphérique » (réserves présentes dans l’environnement) le stock « anthropogénique » (réserves dans la technosphère), tel qu’indiqué sur la figure ci- dessous.

Figure 29 : Types de réserves à prende en compte dans l’évaluation de la disponibilité des ressources pour les générations futures selon [Schneider2011]35

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Par rapport aux différents niveaux de réserves dans l’environnement définis au paragraphe 2.2.1, on notera que Schneider intègre un niveau de segmentation supplémentaire. Ainsi, aux notions de réserves, bases de réserves et réserves ultimes, l’auteur ajoute le niveau « ressource », qui se situe entre les bases de réserves et les réserves ultimes. La définition de ce niveau de réserve est comparable à celle des bases de réserves mais considère un horizon temporel plus lointain pour évaluer les gisements dont les caractéristiques sont suffisantes pour permettre leur exploitation à l’avenir. Néanmoins, ce niveau de réserve intitulé « ressource » n’étant pas couramment décrit en tant que tel dans les publications, il n’a pas été défini en introduction de ce document par soucis de simplification et pour éviter toute confusion avec la définition plus générale de ressource. Réserves (économiques) Base de réserves Ressources Réserves ultimes

Stock lithosphérique Stock anthropogénique

Déposé En hibernation En usage Diffusé Employé Étendu

En pratique, l’indicateur AADP (Anthropogenic stock extended abiotic depletion potential) proposé par Schneider est basé sur l’indicateur ADP de CML et est modifié sur deux points : D’une part, les réserves dans l’environnement considérées ne sont pas les réserves ultimes (comme cela est préconisé par CML) mais les « ressources »36, D’autre part, les réserves considérées prennent en compte les ressources dans la technosphère en plus des ressources dans l’environnement.

La formule pour calculer les facteurs de caractérisation s’écrit de la manière suivante :

Dans la publication [Schneider2011], l’auteur propose des facteurs de caractérisation pour 10 ressources minérales (Al, Cd, Co, Cu, Fe, Hg, Ni, Pb, Sb et Zn).

Les données utilisées pour évaluer les stocks anthropogéniques de ces ressources peuvent en théorie provenir de données de type MFA (Material flow analysis). Toutefois, compte tenu du fait que ce type de données est difficile à exploiter, Schneider estime le stock anthropogénique en comptabilisant les taux d’extraction annuelle de chaque ressource depuis 1900 (époque des premières données disponibles). De plus, Schneider fait l’hypothèse que le stock anthropogénique diffusé, c’est-à-dire dont la fonction est perdue car dissipée dans l’environnement, est négligeable. Cette hypothèse est basée sur le fait qu’une étude de données MFA a montré que le stock diffusé du cuivre représentait moins de 1% du stock anthropogénique du cuivre.

Sur la base de ces premiers travaux, il ressort que la prise en compte du stock anthropogénique (non diffus) permet d’évaluer la disponibilité des ressources pour les générations futures de façon plus juste et que ceci sera d’autant plus vrai à mesure que ce stock va s’accroître.

Néanmoins, l’utilisation d’une telle méthode nécessite de déterminer les facteurs de caractérisation pour de nombreuses ressources. Or, très peu de données sont disponibles ou facilement exploitables pour estimer les stocks anthropogéniques non diffus. De plus, en parallèle de ce problème de données, il existe également des problématiques méthodologiques à résoudre pour définir la manière de comptabiliser le stock anthropogénique pour certaines ressources telles que les ressources fossiles. Ces considérations font qu’une telle approche ne pourra pas être implémentée à court terme dans les pratiques ACV.

Outre la méthode de l’AADP développée par L. Schneider, on peut également noter que la méthode Impact World+, actuellement en développement, intègre les réserves

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anthropogéniques en plus des réserves économiques (cf l’interview de C. Bulle, auteur de la méthode, p147).

6.1.5 Prise en compte de la disponibilité géographique des