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Des types distincts d’auditeurs 85


Dans le document Les rationalisations du médium numérique (Page 85-89)

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 MySpace : exemple des pratiques musicales « réflexives »

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 Des types distincts d’auditeurs 85


Ainsi, un type d’utilisateur de services de radio Internet serait assez jeune, mais moins que les utilisateurs des services correspondant à l’idéaltype des pratiques réflexives41. Aussi, à l’image de son homologue auditeur de radiodiffusion traditionnelle, il cherche avant tout le divertissement, c’est-à-dire qu’il n’a pas beaucoup de temps à investir dans la recherche de musique correspondant à ses goûts et préfère donc se fier au programme offert par un groupe ou une station qui correspond à son type général de musique, ou son goût du moment, et la « philosophie de programmation » du service de diffusion (Ahlkvist, 2001: 345). Il est probable qu’il soit plus prudent quant à la divulgation de ses données personnelles sur les sites Internet; en effet, les radios Internet offrant la

41 Voir la Figure 7 en pages annexes (p.138).

Source : Edison Research Arbitron Research (2010). The Infinite Dial 2010: Digital Platform and the Future of Radio. Récupéré le 2010/08/01 de http://www.edisonresearch.com/infinite_dial_presentation_2010_revb.pdf Reproduction autorisée par Jason Hollins Edison Research / Arbitron.

Tableau 6

Composition de l’auditoire hebdomadaire des radios Internet en 2010 en pourcentage de l’échantillon de la population américaine

possibilité d’écouter la musique sans devoir créer un profil d’utilisateur sont un moyen rassurant de profiter des avantages de la diffusion de musique sur Internet avec le moins de risque. Les personnes qui correspondent au format plus traditionnel sont moins impliquées dans la sphère Internet, bien que cela ne soit pas un indicateur du niveau d’engagement dans leurs activités autres sur Internet : elles voient moins d’intérêt à mettre en lien l’ensemble de leurs activités par des liens autoréférentiels que les utilisateurs typiques des technologies « réflexives ». Cela explique aussi que 52% des répondants au sondage de Arbitron Inc. et Edison Research en général aient expérimenté le mode de diffusion en flux des radios Internet (2010)42.

42 Voir le tableau 8 en page 87.

Tableau 7

Évolution de 2008 à 2010 de la participation aux sites de réseau sociaux en pourcentage des répondants pour différents groupes d’âge

Source : Edison Research Arbitron Research (2010). The Infinite Dial 2010: Digital Platform and the Future of Radio. Récupéré le 2010/08/01 de http://www.edisonresearch.com/infinite_dial_presentation_2010_revb.pdf Reproduction autorisée par Jason Hollins Edison Research / Arbitron.

Dans les pratiques « réflexives » associées au médium numérique, la connaissance des principes de bases dans la programmation sur Internet est, sinon nécessaire, à tout le moins représentative du degré d’investissement personnel. Aussi, l’utilisateur type a-t-il tout intérêt à mettre en hyperlien ses différentes réalisations de sorte qu’un utilisateur puisse rapidement obtenir plus de renseignements, sans devoir faire une recherche approfondie ou sans devoir créer un répertoire fortement organisé à l’image d’un arbre hiérarchique dans un système informatique. Internet apparaît ainsi bien plus comme une « galaxie » (Castells, 2002) que comme un « classeur ». Et ce sont de telles possibilités qui attirent les jeunes créateurs de contenu musicaux à s’intéresser aux pratiques réflexives. Les nouveautés des services offrant un plus grand contenu interactif leur permettent d’atteindre rapidement un niveau d’activité artistique approchant celui des professionnels sans devoir investir autant de ressources financières — qu’ils ne possèdent peut-être pas — en compensant avec du temps et des compétences qu’ils ont pu, pour une grande part,

Tableau 8

Pourcentage des répondants américains ayant déjà écouté la radio en ligne, l’ont écouté dans le dernier mois et la semaine dernière

Source : Edison Research Arbitron Research (2010). The Infinite Dial 2010: Digital Platform and the Future of Radio. Récupéré le 2010/08/01 de http://www.edisonresearch.com/infinite_dial_presentation_2010_revb.pdf Reproduction autorisée par Jason Hollins Edison Research / Arbitron.

développer dans le cadre d’activités pédagogiques à l’école, ou ailleurs, et souvent dans le cadre directement d’activités « artistiques » (Enders, 2002). Par ailleurs, en raison de la structure même d’Internet et de ses protocoles d’échanges ainsi que de ses développements, ils sont les descendants directs de ceux que Castells appelle les « hackers », ces passionnés d’informatiques qui ont façonné l’Internet de leurs valeurs et de leurs idéaux (2002: 55-69). Le mode d’activité dans cette culture et en tant que communauté peut se résumer ainsi : « La culture hacker est animée par un sentiment collectif fondé sur la participation active à une communauté qui se structure autour de coutumes et de principes informels d’organisation sociale. » (Castells, 2002: 64) Bien qu’il soit hasardeux — et bien qu’étant inversement dans l’incapacité de démontrer que ce soit faux — de considérer que les jeunes utilisateurs des sites de réseaux sociaux ou participatifs partagent les mêmes valeurs que les « hackers » des débuts d’Internet, il va sans dire que leurs réticences à payer des frais pour un produit que l’on retrouve gratuitement — légalement ou non — sur Internet (Lenhart & Madden, 2005: 13-5) est le résultat direct des idéaux de mise en commun des ressources à la base de l’éthique des hackers. Toutefois, selon l’approche de certains auteurs, cette filiation n’est pas nécessaire pour expliquer le refus de certains utilisateurs de payer pour de la musique sur Internet, dans la mesure où la pression par les pairs est beaucoup plus forte chez les jeunes et pourrait être suffisante pour expliquer cette tendance :

« The penetration of these new possibilities has been immense, especially in younger people. As happens with the adoption of all new successful technologies, downloading music for free has expanded so much that someone who does not do it (or, even worse, does not know how to) might as well be considered as ‘primitive’ by others who keep up with the digital advances. » (Patokos, 2008: 235)

Les comportements de téléchargement sont différents des comportements d’écoute en ligne (streaming) même s’ils sont souvent complémentaires. En effet, un utilisateur se fera bien souvent une petite idée du fichier ligne en le faisant jouer complètement ou partiellement avant de le télécharger ou pendant son téléchargement. De plus, après avoir trouvé la pièce sur un des sites de réseaux sociaux, le désir peut se faire sentir de posséder le fichier afin de le transférer sur une plateforme différente comme un lecteur MP3 ou un lecteur de CD qui ne nécessite pas une connexion Internet mobile.

Si les deux types d’utilisateurs sont donc susceptibles de télécharger de la musique, la musique qu’ils recherchent est en revanche bien différente. Il serait ainsi intéressant de mesurer si les utilisateurs de radios Internet sont plus susceptibles de télécharger des fichiers illégaux, puisque le type de musique auquel ils ont accès est plus souvent soumis aux droits d’auteur, dans la mesure où les artistes sont signés avec des compagnies de disques qui distribuent leur musique aux stations ou aux groupes de diffusion responsables de la programmation. Sur les sites avec un niveau d’interactivité plus élevé, les utilisateurs qui pratiquent aussi la musique de façon amateur sont non seulement autorisés, mais incités à téléverser leurs fichiers de musique. Ceux-ci ne pourront toutefois pas facilement faire respecter leurs prérogatives de créateur en fonction des droits d’auteurs en vigueur, ces derniers étant avant tout établis à l’échelle nationale alors que ces sites — à quelques exceptions près — opèrent à l’échelle planétaire (Ardito, 2007). Cela rend aussi possible de découvrir des artistes qui ne sont pas encore intégrés dans les circuits officiels de « l’industrie de la musique » en parcourant les artistes qui partagent des goûts semblables ou ayant participé à des événements communs. Souvent, selon notre propre expérience, des groupes ou des artistes de la scène locale servent de premier acte aux artistes de plus grandes envergures lors d’une tournée. En ce qui concerne les plus petits groupes, ils ne sont pas nécessairement sous contrat avec la même compagnie de disques et ils peuvent même avoir le statut d’indépendants.

Dans le document Les rationalisations du médium numérique (Page 85-89)