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I.4 LES METHODES DE FIABILITE ET LEUR APPLICATION AUX BARRAGES EN REMBLAI

I.4.1 LES METHODES POUR MODELISER LA VARIABILITE DES GEOMATERIAUX

I.4.1.1 Types de variabilité des sols et incertitudes associées

Les milieux comme les sols et les roches sont des milieux naturels, donc intrinsèquement non homogènes. Ce sont des systèmes désordonnés dans l’espace et/ou le temps dont l’hétérogénéité est liée à l’histoire de la formation du massif, et à la nature du matériau (Favre, 2004). Le degré d’hétérogénéité d’un sol peut être très variable selon le type de terrain rencontré. Néanmoins, même un terrain formé par l’homme, comme dans notre cas pour les barrages en remblai, ne peut être parfaitement mis en place et possède une part d’incertitude quant à sa réalisation.

Trois types d’incertitudes relatives à l’étude des propriétés des sols peuvent être relevés (cf. Figure I. 13) (Phoon et Kulhawy, 1999a; Favre, 2004) :

incertitude de mesure : c’est celle provenant de la connaissance des propriétés des sols, qui

est liée aux erreurs de mesure et à l’instant où elle est faite. Elle dépend notamment de l’équipement et des manipulations par l’opérateur ;

incertitude de transformation : il s’agit de celle liée à la modélisation des propriétés des

sols. Elle est introduite lorsque des mesures faites in situ ou en laboratoire sont transformées en paramètres d’intérêt par le biais de corrélations ou de relations empiriques ;

variabilité intrinsèque : elle provient de la variabilité naturelle du matériau, qui est causée

par des processus géologiques naturels qui modifient continuellement les massifs de sol, ou bien par les processus anthropiques de construction des remblais.

Figure I. 13 Sources d'incertitudes dans l'estimation d'un paramètre géotechnique, d’après (Phoon et Kulhawy, 1999a)

On distingue ici deux types de variabilité naturelle : la variabilité spatiale et la variabilité temporelle du matériau.

Variabilité spatiale

La variabilité spatiale représente la part principale de la variabilité naturelle d’un massif de sol. Les sols sont des milieux complexes formés à l’état naturel par la combinaison de plusieurs procédés géologiques, environnementaux et physico-chimiques (Phoon et Kulhawy, 1999a). Ce mode de formation est à l’origine d’hétérogénéités spatiales horizontales et verticales. Il s’agit d’un problème intrinsèquement tridimensionnel mais qui peut être considéré suivant une, deux ou trois dimensions en fonction du phénomène étudié.

Si on néglige les modifications dans le temps, la propriété in situ d’un sol ˜9CdD peut être exprimée par la somme de différentes composantes (cf. Figure I. 14) : une moyenne déterministe variant selon une loi donnée ACdD, une fluctuation aléatoire par rapport à la moyenne CdD, et une erreur de mesure *CdD :

˜9CdD = ACdD ? CdD ? *CdD Eq. I. 16

L’échelle de fluctuation est un terme décrivant la variation spatiale de la propriété par rapport à la tendance moyenne (Jones et al., 2002). Un paramètre avec une petite échelle de fluctuation a une variation très locale et change de valeur très rapidement, alors qu’une échelle de fluctuation longue caractérise une variation selon de grandes distances.

La non homogénéité des massifs de sol est évidemment présente à l’état naturel, mais elle se retrouve également dans les ouvrages en remblai construits par l’homme. Bien que les matériaux constituant un remblai soient remaniés et que des contrôles soient effectués durant les travaux, la méthode de construction par couches ne permet pas d’éviter qu’une variabilité existe au sein du remblai. Les mesures de contrôles permettent d’obtenir des informations sur les caractéristiques des matériaux, et la statistique et la géostatistique offrent des méthodes d’analyse intéressantes pour évaluer l’homogénéité des matériaux des emprunts et du corps du barrage (Favre et Bekkouche, 1990).

Variabilité temporelle

La variabilité temporelle d’un sol est l’évolution de ses caractéristiques intrinsèques au cours du temps. Celles-ci peuvent varier à cause de différents phénomènes (consolidation, fissuration, séisme,…).

En ce qui concerne les ouvrages en remblai, cette évolution peut également se rencontrer durant le cycle de vie de l’ouvrage. Les propriétés des matériaux constituant le remblai et sa fondation sont essentiellement étudiées à l’état initial avant construction et lors de la phase de construction de l’ouvrage.

Même si ce type particulier d’ouvrages possède généralement un suivi grâce à un système d’auscultation, celui-ci renseigne sur le comportement global de l’ouvrage et non sur l’évolution directe des propriétés des matériaux (Carvajal, 2009). D’un point de vue mécanique, seules des mesures de déplacements sont possibles une fois l’ouvrage en service, ne permettant pas d’obtenir des valeurs de résistances au cisaillement. De la même manière, les débits mesurés en pied aval et l’observation de la piézométrie sont des données importantes dans l’évaluation de la sécurité et du bon comportement d’un ouvrage hydraulique, mais elles ne donnent qu’une information qualitative et indirecte sur l’évolution de la perméabilité au sein de l’ouvrage.

On constate de plus dans la littérature que l’étude de la variabilité temporelle des propriétés géotechniques est négligée par la plupart des auteurs, probablement à cause du manque de données. Les seuls cas d’études de stabilité de barrage en remblai incluant une considération de l’évolution temporelle sont relatifs aux écoulements à travers le remblai, mais sur une durée limitée associée à une phase spécifique de la vie de l’ouvrage comme la mise en eau ou la vidange rapide (Huang et Jia, 2009). Toutefois, même ce genre d’étude ne concerne pas directement l’évolution des propriétés des sols, mais plutôt celle d’un champ (comme les pressions interstitielles) lié indirectement à ces propriétés.

Dans l’évaluation de la stabilité d’un ouvrage en remblai, l’évolution temporelle des propriétés des matériaux peut difficilement être prise en compte à cause du manque de données mesurables sur une longue période. Cette variabilité temporelle des propriétés géotechniques ne sera pas considérée par la suite. Ainsi, nous focaliserons notre travail de recherche sur l’étude de la variabilité spatiale des matériaux.