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Calcul du facteur de sécurité par la méthode des éléments finis

Généralités

La méthode des éléments finis développée depuis quelques dizaines d’années (Zienkiewicz, 1977) apporte une approche alternative aux méthodes à l’équilibre-limite présentées précédemment. Cette méthode, utilisée dans des domaines très différents, nécessite d’assimiler un massif de sol à un milieu continu. L’avantage premier est qu’elle permet de modéliser de façon plus réaliste le comportement complexe des géomatériaux. Différentes méthodes existent pour calculer le facteur de sécurité d’une pente grâce à la méthode des éléments finis (Xu et Low, 2006) :

• la méthode à l’équilibre limite améliorée, qui a déjà été évoquée au chapitre précédent, et qui consiste à calculer les contraintes au sein du remblai avant d’utiliser les méthodes des tranches ;

• l’approche dite d’augmentation de la gravité, qui consiste à augmenter artificiellement l’intensité de la gravité jusqu’à ce que le mécanisme de rupture se développe. Le facteur d’incrément de la gravité peut être assimilé au facteur de sécurité. Cependant, cette technique est relativement peu efficace pour les pentes constituées de matériaux purement granulaires car sa résistance est principalement frictionnelle et est peu influencée par le poids propre ;

• la méthode dite de réduction des paramètres dont le principe est d’affaiblir progressivement les paramètres du sol jusqu’à la rupture. Cette méthode est la plus employée dans la littérature, et est présentée plus en détails dans le paragraphe suivant.

Méthode de réduction des paramètres

La méthode de réduction des paramètres a été tout d’abord évoquée par Zienkiewicz et al. (1975). Elle consiste à réduire progressivement la résistance au cisaillement d’un sol ayant un comportement élasto-plastique (ou viscoplastique) jusqu’à l’apparition de la rupture. La réduction est faite sur les deux paramètres influençant la résistance au cisaillement : la tangente de l’angle de frottement effectif #′ et la cohésion effective !′ dans le modèle de Mohr-Coulomb. Les paramètres réduits #′Sy5 et!′Sy5

s’expriment par les relations :

!′Sy5= !′ † ; #′Sy5= AJYZ ’tan C#7D Eq. I. 14

A la rupture, le facteur de réduction † va être assimilé au facteur de sécurité de la pente étudiée. En effet, si on considère par exemple que la résistance au cisaillement est décrite par le critère de Mohr-Coulomb, on aura à la rupture (l’indice ” signifiant failure) :

H′96:=!7

? .V,96:tan C#7D

= !′? .V,96: tan C#′D Eq. I. 15 Cette définition du facteur de sécurité est identique à celle décrite précédemment pour les méthodes à l’équilibre-limite (Duncan, 1996; Xu et Low, 2006). De nombreuses études ont d’ailleurs montré que les facteurs de sécurité obtenus par les deux méthodes sont généralement très proches en ce qui concerne des cas considérant des géométries simples (Griffiths et Lane, 1999; Cala, 2004; Cheng, 2007). Cependant, pour des cas plus complexes géologiquement ou géométriquement, des

différences entre les facteurs de sécurité calculés par les deux méthodes peuvent être rencontrés (Cala, 2004).

Griffiths et Lane (1999) précisent que le modèle du sol dépend généralement de six paramètres : les deux paramètres de cisaillement #′ et !′, les paramètres d’élasticité /′ et =′, le poids volumique et l’angle de dilatance •. Cette dernière est prise égale à l’angle de frottement si on considère que la règle d’écoulement plastique est associée. Dans le cas contraire, sa valeur importe peu car le mécanisme de glissement n’est pas confiné et le changement de volume dans le matériau est secondaire. Finalement, les paramètres les plus importants dans une analyse de stabilité de pente par la méthode des éléments finis sont les mêmes que pour les méthodes classiques : #′, !′, et . Les trois autres paramètres permettent de modéliser le comportement du sol en termes de déformations mais n’ont que très peu d’influence sur la résistance au cisaillement et donc sur le facteur de sécurité (Griffiths et Lane, 1999).

Dans un modèle aux éléments finis, l’application de la méthode de réduction des paramètres se fait grâce à un processus itératif comportant les étapes suivantes (Figure I. 11) (Masekanya, 2008) :

1. Calcul d’un état initial de contraintes effectives par application des charges hydrauliques et mécaniques ;

2. Réduction d’un facteur † des paramètres de résistance au cisaillement et recherche d’un nouvel état d’équilibre en contraintes/déformations ;

3. Itération de la deuxième étape jusqu’à l’apparition de la rupture. Le facteur de sécurité est alors égal au coefficient de réduction.

L’utilisation de la méthode de réduction des paramètres dans une modélisation nécessite de définir numériquement la rupture, ce qui n’est pas toujours simple. Bien que d’autres définitions de la rupture existent, il est généralement considéré qu’elle s’est produite lorsque la convergence du calcul ne s’obtient plus dans un nombre d’itérations prédéfini (Griffiths et Lane, 1999).

Figure I. 11 Principe de l'algorithme de la méthode de réduction des paramètres

La non convergence, assimilée à la rupture par cisaillement de la pente, s’accompagne d’une accélération brutale des déplacements nodaux lorsque le facteur de réduction est proche de sa valeur critique (cf. Figure I. 12). Griffiths et Lane (1999) proposent de tracer le déplacement adimensionnel /′E96:⁄ ² pour identifier le facteur de sécurité, où E96:, /′ , et sont respectivement le déplacement nodal maximal au dernier pas convergé, le module d’Young, le poids volumique et la hauteur du barrage.

La méthode de réduction des paramètres est de plus en plus employée dans le milieu de la recherche ou de l’ingénierie (Matsui, 1992; Griffiths, 2000; Cala, 2004; Xu et Low, 2006; Diederichs, 2007) et est de plus en plus implémentée directement dans des logiciels commerciaux dédiés à la géotechnique (Cheng, 2007).

a) b)

Figure I. 12 Augmentation des déplacements (a) et du déplacement adimensionnel de Griffiths (b) à l'approche de la rupture, d'après (Griffiths et Lane, 1999)

L’inconvénient principal de la méthode est qu’elle nécessite un temps de calcul relativement plus important que les méthodes de calcul classiques du facteur de sécurité. Cependant, avec l’évolution des capacités de calcul des ordinateurs, cette technique devient abordable en terme de coût de calcul, et est présentée comme une alternative intéressante aux méthodes à l’équilibre-limite (Griffiths et Lane, 1999; Cheng, 2007).

Elle présente certains avantages par rapport aux méthodes classiques d’évaluation du facteur de sécurité des pentes (Griffiths et Lane, 1999; Xu et Low, 2006; Cheng, 2007) :

• la méthode ne nécessite pas de formuler d’hypothèses sur la forme ou la localisation de la surface de rupture : celle-ci découle du calcul et peut être visualisée grâce notamment aux déformations de cisaillement ;

• aucun découpage en tranches du massif glissant n’est à proposer ce qui permet de s’affranchir des hypothèses sur les efforts entre tranches qui causent des difficultés dans les méthodes à l’équilibre-limite ;

• la méthode des éléments finis permet de prendre en compte un comportement plus réaliste du géomatériau et permet de donner des informations sur les contraintes, les déplacements, et les pressions interstitielles ;

la méthode est applicable à des contextes simples comme complexes à la condition que l’on dispose des informations nécessaires sur la géométrie du site et sur les propriétés des sols. Le calcul du facteur de sécurité par la méthode des éléments finis, par l’intermédiaire notamment de la méthode de réduction de paramètres, est généralement réalisé en deux dimensions. Cela est généralement suffisant dans un contexte opérationnel et il est souvent admis qu’une analyse bidimensionnelle est conservative et donne un facteur de sécurité légèrement inférieur à celui d’une analyse en trois dimensions (Hungr, 1987), ce qui rend les praticiens réticents au développement de modèles 3D plus complexes et coûteux en calculs (Griffiths et Marquez, 2007). Pour d’autres auteurs, cette supposition ne serait valable uniquement que dans certains cas en fonction de la géométrie ou des propriétés des sols (Auvinet et Gonzalez, 2000; Griffiths et al., 2009; Wei et al., 2009).