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La première étape de la démarche proposée consiste à caractériser d’une part le comportement des matériaux constituant l’ouvrage dont on cherche à évaluer la stabilité en choisissant une loi élasto-plastique pour les représenter, et d’autre part à estimer de manière pertinente une valeur déterministe pour chacun des paramètres de la loi de comportement, qui associés à d’autres variables, vont constituer les données d’entrée du modèle EF déterministe.

III.2.1.1 Choix d’une loi de comportement élasto-plastique (étape 1a)

Dans une démarche telle que celle que nous proposons, le choix d’une loi de comportement est à faire en fonction du mécanisme à modéliser, des données disponibles sur l’ouvrage, mais surtout en fonction de la précision recherchée et de considérations numériques.

Ici, nous nous intéressons au mécanisme de glissement pouvant conduire à la rupture d’un barrage en remblai. Or, pour calculer le facteur de sécurité relatif au glissement par la méthode des éléments finis, l’évaluation des déformations élastiques importe peu car c’est la modélisation de l’apparition et de l’évolution des déformations plastiques non stabilisées qui est importante.

Parmi les lois à notre disposition et décrites dans (Mestat, 1993; Lee, 1994; Dolzhenko, 2002), nous présentons ici deux lois de comportement classiques de type élasto-plastiques : celles de Mohr-Coulomb et de Drucker-Prager.

En effet, le problème de stabilité des pentes qui intéresse ce travail ne demande pas une modélisation très précise du comportement mécanique des matériaux mais seulement une représentation de l’évolution de la plasticité, ce qui explique pourquoi ces lois, et plus particulièrement celle de Mohr-Coulomb, sont les plus couramment utilisées dans la littérature pour traiter cette problématique (Bergado et Anderson, 1985; Hnang, 1996; Griffiths et al., 2009; Jiang et al., 2014).

Par ailleurs, ces deux lois présentent l’avantage de dépendre de peu de paramètres qu’il va être possible de lier aux données disponibles sur les ouvrages en remblai. Elles permettent une certaine « économie » d’acquisition et de gestion des données qui sont, notamment celles concernant la caractérisation mécanique des matériaux, relativement peu nombreuses et peu variées sur les projets de barrages en remblai.

Critère de Mohr-Coulomb

Le critère de Mohr-Coulomb est le premier qui a été proposé pour les sols (Mestat, 1993). Il est utilisé pour les sols pulvérulents et pour les sols cohérents à long terme. Il est caractérisé par les relations :

†•.„…• = C. − .§D − C. ? .§D sin # − 2 ! cos # ≤ 0 Eq. III. 1 Ž•.„…• = C. − .§D − C. ? .§D sin • ? !tA* Eq. III. 2 où ! est la cohésion du matériau, # son angle de frottement interne, et • son angle de dilatance. . et .§ représentent les contraintes principales C. ≥ . ≥ .§D. Dans l’espace des contraintes principales, la surface définie par le critère de Mohr-Coulomb est une pyramide hexagonale d’axe C. = . = .§D (cf. Figure III. 2).

L’élasticité associée est l’élasticité linéaire isotrope de Hooke. Dans le cas particulier dans lequel # = 0, ce critère se ramène à celui de Tresca.

a) b)

Figure III. 2 Représentation du critère de Mohr-Coulomb : a) dans le plan déviatorique - b) dans l’espace de contraintes (Dolzhenko, 2002)

La loi avec critère de plasticité de Mohr-Coulomb est caractérisé par cinq paramètres : /, =, !, # et •, qui peuvent tous être définis à partir d’un essai triaxial axisymétrique de compression.

Bien qu’il existe de nombreux modèles plus complexes, ce critère de plasticité est largement utilisé en géotechnique grâce à sa simplicité et au fait qu’il permette de comparer les résultats obtenus par des analyses éléments finis avec des solutions classiquement utilisées en plasticité (Abbo et Sloan, 1995).

Critère de Drucker-Prager

Le critère de Drucker-Prager est la généralisation de celui de Von Mises aux matériaux pulvérulents. Il dépend du premier invariant du tenseur des contraintes et du second invariant du tenseur des contraintes déviatoriques ½ :

†•.„…• = ý C.„…D ? U •.„…• − ] ≤ 0 Eq. III. 3 Ž•.„…• = ý C.„…D ? ´ •.„…Eq. III. 4 où ], U et ´ sont des paramètres de la loi de comportement.

Dans l’espace des contraintes principales, la surface définie par la loi avec critère de Drucker-Prager est un cône d’axe . = . = .§ (Figure III. 3).

L’élasticité associée est également l’élasticité linéaire isotrope de Hooke. Le critère de Drucker-Prager possède cinq paramètres : /, =, ], U et ´.

Si la règle d’écoulement est associée, les paramètres U et ´ sont égaux : la dilatance n’est pas prise en compte. Si ces deux paramètres sont nuls, le critère se réduit à celui de Von Mises.

CISAILLEMENT ET COUPLAGE MECANO-FIABILISTE

a) b)

Figure III. 3 Représentation du critère de Drucker-Prager : a) dans le plan déviatorique - b) dans l’espace de contraintes (Lee, 1994; Dolzhenko, 2002)

Des analogies sont possibles entre les critères de Mohr-Coulomb et de Drucker-Prager. Des relations peuvent être établies entre les paramètres CU, ´, ]D et C#, •, !D dans certaines situations (axisymétrie, déformations planes) (Mestat, 1993) ; elles sont présentées dans le Tableau III. 1.

Tableau III. 1 Relations entre les paramètres de Mohr-Coulomb et ceux de Drucker-Prager (Mestat, 1993)

AXISYMETRIE U = 2 sin # √3C3 − sin#D ´ = 2 sin• √3C3 − sin •D ] = 6 ! cos # √3C3 − sin #D DEFORMATIONS PLANES U = tan #

9 ? 12 AJY # ´ =

tan•

9 ? 12 AJY • ] = 3 ! 9 ? 12 AJY #

Par ailleurs, le choix d’un critère doit aussi être guidé par les éventuelles difficultés numériques de mise en œuvre du critère. Certaines lois de comportement, comme celle de Mohr-Coulomb par exemple, ont un critère de rupture comportant des arêtes singulières, ce qui peut numériquement se traduire par des difficultés de convergence (Abbo et Sloan, 1995).

Les deux lois présentées ici possèdent cinq paramètres et dépendent directement ou indirectement des paramètres de résistance au cisaillement (cohésion et angle de frottement) qui sont les paramètres d’intérêt de notre travail et qui sont à prendre en compte pour la modélisation du mécanisme de glissement (e.g. méthode de réduction des paramètres, cf. I.3.5.3). L’emploi des deux lois est donc équivalent. Nous retenons la loi de Drucker-Prager dont la surface de rupture conique permet de s’affranchir de difficultés numériques pouvant devenir incompatibles avec une approche fiabiliste.

III.2.1.2 Estimation déterministe des paramètres d’entrée du modèle EF (étape

1b)

En considérant les deux lois de comportement décrites dans le paragraphe précédent et les relations liant CU, ´, ]D à C#, •, !D , les paramètres nécessaires au comportement du sol sont donc ceux nécessaires à la description de l’élasticité / et = et ceux propres à la plasticité C#, •, !D. A ceux-là s’ajoute le paramètre représentant le poids volumique du matériau. Ces six variables constituent les paramètres d’entrée du modèle mécanique pour le glissement.

Poids volumique

Le poids volumique des matériaux constituant un barrage en remblai est mesuré à de nombreuses reprises lors des mesures de contrôle de compactage. Une valeur déterministe peut être adoptée aisément à partir de ces données.

Paramètres de déformabilité (module d’Young et coefficient de Poisson)

Les paramètres de la loi de déformation élastique de Hooke (module d’Young et le coefficient de Poisson) peuvent être obtenus grâce aux courbes tracées durant des essais triaxiaux CU ou CD (cf. Figure I.5). De tels essais sont disponibles dans le cas de barrages en remblai et une analyse statistique de tous les essais de même type disponibles sur un ouvrage peut donner un ordre de grandeur du module d’Young / . Il est cependant nécessaire d’être prudent sur le module de déformation à considérer en mécanique des sols car différentes définitions de modules existent (cf. I.3.2.3).

Des essais in situ sont parfois réalisés dans le cas des barrages, comme par exemple des essais à la plaque, et peuvent donner des informations concernant le module d’élasticité (Monnet, 2016).

La détermination du coefficient de Poisson nécessite de connaître la courbe liant les déformations suivant l’axe horizontal et l’axe vertical, qui n’est pas toujours tracée sur les essais. Il peut également être obtenu à partir des résultats d’essais œdométriques en supposant le module d’Young en conditions drainées connu à partir de la relation (Griffiths et Lane, 1999) :

/7=C1 ? =X 7DC1 − 2=7D

ÊC1 − =7D Eq. III. 5

où XÊ est le coefficient de compressibilité volumique issu de l’essai œdométrique.

Paramètres de résistance au cisaillement (cohésion et angle de frottement)

Les valeurs de cohésion et d’angle de frottement peuvent également être obtenues à partir d’essais triaxiaux, soit CU ou CD pour les paramètres effectifs à long terme, soit UU pour les paramètres non drainés (court terme). Ils peuvent également être obtenus par des essais de cisaillement direct. Ces deux types d’essais de laboratoire sont courants et sont réalisés dans le cadre d’un projet de barrage, même si on dispose généralement de peu de mesures.

L’analyse des essais triaxiaux disponibles peut fournir l’ordre de grandeur des paramètres permettant de réaliser la modélisation déterministe. Chaque éprouvette testée fournit un point correspondant au sommet du cercle de Mohr associé à l’essai et, en supposant que toutes les éprouvettes sont formées et traitées de façon homogène, il est possible de reporter tous les essais de même type sur le même graphique, comme illustré sur la Figure III. 4 (CFBR, 2015).

En traçant une droite de régression ajustée sur les points des essais (s’apparentant ainsi à la droite 2

dans le plan de Lambe), il est possible d’obtenir les paramètres de résistance au cisaillement moyen en se rapportant à la droite de Coulomb dans le plan de Mohr par les relations :

sin #7= tan U′ Eq. III. 6

CISAILLEMENT ET COUPLAGE MECANO-FIABILISTE L’angle U′ et le coefficient J′ sont définis sur la Figure III. 4.

Figure III. 4 Interprétation d’une série d’essais triaxiaux, d’après (CFBR, 2015)

Dilatance

L’angle de dilatance • d’un sol se mesure en laboratoire notamment par des essais de cisaillement direct, qui ne sont pas systématiquement réalisés dans le cas des études faites sur les échantillons prélevés sur les zones d’emprunt pour le dimensionnement des barrages en remblai. (Monnet, 2016) recense trois relations permettant d’estimer l’angle de dilatance en fonction de l’angle de frottement effectif #7, l’angle de frottement critique #

et l’angle de frottement intergranulaire # :

Bolton (1986) 0,8 • = #7− #

Eq. III. 8

Monnet (2012) sin• = 3 √2 ž2 tgY#3 − tgY#7 √27 − AJY# £ 4? √2 ž2 tgY#3 − tgY#7 √27 − AJY# £

Eq. III. 9

Rowe (1962) sin• = 1 ? tgY#

1 − tgY# 1 ? tgY#1 − tgY#− 1 1 ? tgY#

1 − tgY# 1 ? tgY#1 − tgY#? 1

Eq. III. 10

(Monnet, 2016) indique que, vu la faible différence entre les angles #

et # , l’angle de dilatance peut être estimé à partir des trois formules en prenant #

= # . L’auteur donne également les valeurs de #